Sa principale mission consiste ainsi à intégrer les daara dans le système éducatif dit formel.
Á travers la création de l’Inspection des daara, le président Abdoulaye Wade a magnifié une réelle volonté de son administration de solutionner l’épineuse problématique du statut et de la situation des daara au Sénégal. L’Inspection des daara devait mettre en pratique cette volonté politique qui, malheureusement, tarde à se réaliser.
Nous avons répertorié les propositions de réformes des daara et constaté qu’elles tournent, entre autres, autour des différents points suivants :
la création d’écoles coraniques modernes, sous formes d’écoles-arabes ou Madarasa ;
la création de centres de formation professionnelle au sein de la daara ;
la réglementation des daara par les autorités politico-administratives ;
la subvention des seriñ-daara par les autorités politico-administratives ;
la prise en charge des daara par les parents des taalibe et les communautés musulmanes, avec l’aide du gouvernement.
Parmi ces différentes propositions, il n’y en a qu’une qui semble faire l’unanimité, c’est la réglementation des daara. L’école arabe est une institution scolaire ; la daara en est une autre. La première chose qu’on devait faire est, comme le souligne Emile Durkheim, de définir le concept daara, et de cerner ses caractéristiques, afin de comprendre ce qu’on est censé solutionner. Ainsi, la daara peut être définie comme étant tout lieu d’enseignement qui n’est pas structuré sous forme de classe, c'est-à-dire tout lieu d’enseignement dans lequel les apprenants ne sont pas répartis par niveaux d’études et par classes d’âge, et où est livrée une éducation islamique basée sur la mémorisation du Coran.
L’enseignement dans une daara est foncièrement islamique ; il s’articule autour de l’enseignement du Coran qui en est la matière centrale et la plus importante.
Dans une Madarasa ou une école-arabe, l’enseignement est laïc et l’accent est mis sur la maîtrise de la langue et des matières académiques capables d’insérer l’élève dans la vie professionnelle ou de lui donner la possibilité de suivre un enseignement supérieur. Les écoles arabes sont incapables de substituer aux daara parce qu’elles ne garantissent pas la mémorisation du Coran à leurs élèves. Or, la force des daara réside dans le fait qu’elles peuvent assurer la mémorisation du Coran à leurs taalibe, conformément à la volonté des parents des taalibe.
Concernant la création de centres de formation professionnelle au sein de la daara, nous trouvons utopique la matérialisation de cette proposition car, d’une part, ceux qui ont fait cette proposition devraient au préalable définir de quel type de formation professionnelle dont il s’agit. Qui va financier le fonctionnement de ces centres ? Sous l’autorité de qui seront mis ces centres ? D’autre part, l’introduction d’une qualification professionnelle pose problème à deux niveaux : nous pensons que les baydo qui constituent le plus grand nombre de taalibe ne peuvent pas être concernés par cette professionnalisation puisqu’ils sont jeunes ; la preuve en est que beaucoup d’entre eux sont âgés de moins de 12 ans. Aussi, l’apprentissage de métiers risque d’impacter négativement sur les études des taalibe qui peuvent apprendre le Coran en un temps réduit, parfois 4 ans, et rentrer chez eux pour s’occuper d’autres choses. Nous pensons même qu’il existe d’autres lieux, d’autres centres plus adaptés pour la formation professionnelle, car la daara est un lieu de socialisation religieuse et non pas un centre de formation professionnelle.
D’après les discours des seriñ-daara, des autorités politico-administratives, des parents des taalibe, des leaders d’Ong, des marabouts-confrériques, nous avons retenu la nécessité de réglementer les daara. Cette réglementation nous semble être une condition sine qua none pour la réforme de ces centres d’apprentissage. Sans ces mesures, les autorités politico-administratives ne pourront pas savoir qui est habilité à ouvrir et à diriger une daara et qui ne l’est pas.
Aussi, les seriñ-daara et les marabouts-confrériques parlent de la nécessité et de l’obligation pour les autorités politico-administratives de subventionner les daara, mais sans une réglementation des daara, elles ne pourront pas savoir qui est habilité à bénéficier des subventions et sur quelle base les distribuer. Elles risqueraient de subventionner des maîtres-coraniques et des arabisants qui ne sont propriétaires d’aucune daara. Elles peuvent aussi servir de ces fonds pour assoir une clientèle politique dans la communauté des arabisants et des maîtres-coraniques sénégalais.
Par contre, pour réformer les daara ou améliorer les conditions de vie et études dans les daara, il y a différents points sur lesquels les acteurs des daara doivent s’entendre :
1. Il faut que l’on sache que les daara sont des centres d’enseignement différents des Madarasa et des instituts islamiques, dans leurs méthodes d’enseignement, leurs programmes, leurs modes de fonctionnement, etc.
2. Il faut que l’on sache qu’il est difficile voire impossible d’harmoniser tous les programmes et matières enseignés dans les daara. Cette harmonisation est possible dans les matières profanes telles que la grammaire, la conjugaison, la littérature, etc., mais elle est quasi-impossible dans les matières purement religieuses telles que la jurisprudence islamique, le soufisme, la théologie, etc.
3. Il est nécessaire de savoir que le système d’internat gratuit, qui a engendré la mendicité urbaine, n’est pas adapté à Dakar et en ville.
4. Il est nécessaire d’avoir la collaboration des marabouts confrériques pour pouvoir assainir les daara et les réglementer.
5. Il faut que L’État du Sénégal subventionne les daara. Cette subvention nous semble être beaucoup plus pertinente et beaucoup plus réaliste que la construction des cantines scolaires dont parlent très souvent les autorités administratives puisque l’État du Sénégal n’a ni les moyens, ni la volonté politique de le faire. Cet État qui peine à résoudre les problèmes des écoles publiques laïques, qui n’a pas les moyens d’installer des cantines scolaires au niveau des établissements publics laïcs, ne peut pas avoir des moyens de construire des cantines scolaires dans les daara.
6. Il est nécessaire de réglementer les daara, mais, on devrait savoir que toutes les daara ne peuvent pas être réglementées.
Nous avons consulté l’accord-cadre qui a été signé entre l’Inspection des daara et Collectif Nationale des Maîtres Coraniques du Sénégal et qui attend d’être voté par l’assemblée nationale du Sénégal. Nous l’avons bien analysé et en déduit que ses signataires veulent mettre toutes les daara sous le contrôle de l’État. Or, celui qui comprend l’influence des marabouts confrériques au Sénégal saura qu’une certaine catégorie des daara ne peut pas échapper à leur contrôle. Egalement, ses signataires veulent uniformiser toutes les daara sous la forme d’écoles-arabes, avec un début et une fin d’année scolaire. Or, les daara sont différentes des écoles arabes.
Par conséquent, la solution consiste à avoir une approche pluridimensionnelle et multiforme de la daara : religieuse, sociologique, juridique, humaine, économique, environnementale, etc. Et cette approche n’est possible que par l’organisation des assises des daara d’où prendront part les marabouts confrériques, l’État, des maîtres coraniques, des leaders d’associations islamiques, des sociologues, des économistes, des historiens, des leaders d’Ong, des bailleurs de fonds des pays musulmans, la société civile, etc.
Cette approche nous semble plus salutaire que la méthode actuellement appliquée qui consiste à se fier aux recommandations des arabisants chasseurs de prébendes qui assistent aux séminaires organisés sur les daara et donnent des propositions qui ne seront pas applicables sur le terrain. La plupart de ces arabisants ne peuvent fournir ni des données théoriques sur les daara parce que n’étant pas théoriciens, ni des données empiriques parce que n’étant pas des hommes de terrain.
Enfin, l’État a intérêt à éviter de confier le dossier des daara aux hommes politiques, comme il est entrain de le faire. Et avant de tenir le conseil présidentiel sur les daara, il devait au préalable organiser les assises des daara d’où prendront part des spécialistes (théoriciens et praticiens) qui vont donner des solutions concrètes au problèmes daara, comme cela a été récemment le cas pour la crise de l’enseignement supérieur au Sénégal.
Mouhamadou Mansour Dia
Docteur en Sociologie, chercheur à l’Ucad, spécialisé en sociologie des religions
Email : almansourdia@hotmail.com
Á travers la création de l’Inspection des daara, le président Abdoulaye Wade a magnifié une réelle volonté de son administration de solutionner l’épineuse problématique du statut et de la situation des daara au Sénégal. L’Inspection des daara devait mettre en pratique cette volonté politique qui, malheureusement, tarde à se réaliser.
Nous avons répertorié les propositions de réformes des daara et constaté qu’elles tournent, entre autres, autour des différents points suivants :
la création d’écoles coraniques modernes, sous formes d’écoles-arabes ou Madarasa ;
la création de centres de formation professionnelle au sein de la daara ;
la réglementation des daara par les autorités politico-administratives ;
la subvention des seriñ-daara par les autorités politico-administratives ;
la prise en charge des daara par les parents des taalibe et les communautés musulmanes, avec l’aide du gouvernement.
Parmi ces différentes propositions, il n’y en a qu’une qui semble faire l’unanimité, c’est la réglementation des daara. L’école arabe est une institution scolaire ; la daara en est une autre. La première chose qu’on devait faire est, comme le souligne Emile Durkheim, de définir le concept daara, et de cerner ses caractéristiques, afin de comprendre ce qu’on est censé solutionner. Ainsi, la daara peut être définie comme étant tout lieu d’enseignement qui n’est pas structuré sous forme de classe, c'est-à-dire tout lieu d’enseignement dans lequel les apprenants ne sont pas répartis par niveaux d’études et par classes d’âge, et où est livrée une éducation islamique basée sur la mémorisation du Coran.
L’enseignement dans une daara est foncièrement islamique ; il s’articule autour de l’enseignement du Coran qui en est la matière centrale et la plus importante.
Dans une Madarasa ou une école-arabe, l’enseignement est laïc et l’accent est mis sur la maîtrise de la langue et des matières académiques capables d’insérer l’élève dans la vie professionnelle ou de lui donner la possibilité de suivre un enseignement supérieur. Les écoles arabes sont incapables de substituer aux daara parce qu’elles ne garantissent pas la mémorisation du Coran à leurs élèves. Or, la force des daara réside dans le fait qu’elles peuvent assurer la mémorisation du Coran à leurs taalibe, conformément à la volonté des parents des taalibe.
Concernant la création de centres de formation professionnelle au sein de la daara, nous trouvons utopique la matérialisation de cette proposition car, d’une part, ceux qui ont fait cette proposition devraient au préalable définir de quel type de formation professionnelle dont il s’agit. Qui va financier le fonctionnement de ces centres ? Sous l’autorité de qui seront mis ces centres ? D’autre part, l’introduction d’une qualification professionnelle pose problème à deux niveaux : nous pensons que les baydo qui constituent le plus grand nombre de taalibe ne peuvent pas être concernés par cette professionnalisation puisqu’ils sont jeunes ; la preuve en est que beaucoup d’entre eux sont âgés de moins de 12 ans. Aussi, l’apprentissage de métiers risque d’impacter négativement sur les études des taalibe qui peuvent apprendre le Coran en un temps réduit, parfois 4 ans, et rentrer chez eux pour s’occuper d’autres choses. Nous pensons même qu’il existe d’autres lieux, d’autres centres plus adaptés pour la formation professionnelle, car la daara est un lieu de socialisation religieuse et non pas un centre de formation professionnelle.
D’après les discours des seriñ-daara, des autorités politico-administratives, des parents des taalibe, des leaders d’Ong, des marabouts-confrériques, nous avons retenu la nécessité de réglementer les daara. Cette réglementation nous semble être une condition sine qua none pour la réforme de ces centres d’apprentissage. Sans ces mesures, les autorités politico-administratives ne pourront pas savoir qui est habilité à ouvrir et à diriger une daara et qui ne l’est pas.
Aussi, les seriñ-daara et les marabouts-confrériques parlent de la nécessité et de l’obligation pour les autorités politico-administratives de subventionner les daara, mais sans une réglementation des daara, elles ne pourront pas savoir qui est habilité à bénéficier des subventions et sur quelle base les distribuer. Elles risqueraient de subventionner des maîtres-coraniques et des arabisants qui ne sont propriétaires d’aucune daara. Elles peuvent aussi servir de ces fonds pour assoir une clientèle politique dans la communauté des arabisants et des maîtres-coraniques sénégalais.
Par contre, pour réformer les daara ou améliorer les conditions de vie et études dans les daara, il y a différents points sur lesquels les acteurs des daara doivent s’entendre :
1. Il faut que l’on sache que les daara sont des centres d’enseignement différents des Madarasa et des instituts islamiques, dans leurs méthodes d’enseignement, leurs programmes, leurs modes de fonctionnement, etc.
2. Il faut que l’on sache qu’il est difficile voire impossible d’harmoniser tous les programmes et matières enseignés dans les daara. Cette harmonisation est possible dans les matières profanes telles que la grammaire, la conjugaison, la littérature, etc., mais elle est quasi-impossible dans les matières purement religieuses telles que la jurisprudence islamique, le soufisme, la théologie, etc.
3. Il est nécessaire de savoir que le système d’internat gratuit, qui a engendré la mendicité urbaine, n’est pas adapté à Dakar et en ville.
4. Il est nécessaire d’avoir la collaboration des marabouts confrériques pour pouvoir assainir les daara et les réglementer.
5. Il faut que L’État du Sénégal subventionne les daara. Cette subvention nous semble être beaucoup plus pertinente et beaucoup plus réaliste que la construction des cantines scolaires dont parlent très souvent les autorités administratives puisque l’État du Sénégal n’a ni les moyens, ni la volonté politique de le faire. Cet État qui peine à résoudre les problèmes des écoles publiques laïques, qui n’a pas les moyens d’installer des cantines scolaires au niveau des établissements publics laïcs, ne peut pas avoir des moyens de construire des cantines scolaires dans les daara.
6. Il est nécessaire de réglementer les daara, mais, on devrait savoir que toutes les daara ne peuvent pas être réglementées.
Nous avons consulté l’accord-cadre qui a été signé entre l’Inspection des daara et Collectif Nationale des Maîtres Coraniques du Sénégal et qui attend d’être voté par l’assemblée nationale du Sénégal. Nous l’avons bien analysé et en déduit que ses signataires veulent mettre toutes les daara sous le contrôle de l’État. Or, celui qui comprend l’influence des marabouts confrériques au Sénégal saura qu’une certaine catégorie des daara ne peut pas échapper à leur contrôle. Egalement, ses signataires veulent uniformiser toutes les daara sous la forme d’écoles-arabes, avec un début et une fin d’année scolaire. Or, les daara sont différentes des écoles arabes.
Par conséquent, la solution consiste à avoir une approche pluridimensionnelle et multiforme de la daara : religieuse, sociologique, juridique, humaine, économique, environnementale, etc. Et cette approche n’est possible que par l’organisation des assises des daara d’où prendront part les marabouts confrériques, l’État, des maîtres coraniques, des leaders d’associations islamiques, des sociologues, des économistes, des historiens, des leaders d’Ong, des bailleurs de fonds des pays musulmans, la société civile, etc.
Cette approche nous semble plus salutaire que la méthode actuellement appliquée qui consiste à se fier aux recommandations des arabisants chasseurs de prébendes qui assistent aux séminaires organisés sur les daara et donnent des propositions qui ne seront pas applicables sur le terrain. La plupart de ces arabisants ne peuvent fournir ni des données théoriques sur les daara parce que n’étant pas théoriciens, ni des données empiriques parce que n’étant pas des hommes de terrain.
Enfin, l’État a intérêt à éviter de confier le dossier des daara aux hommes politiques, comme il est entrain de le faire. Et avant de tenir le conseil présidentiel sur les daara, il devait au préalable organiser les assises des daara d’où prendront part des spécialistes (théoriciens et praticiens) qui vont donner des solutions concrètes au problèmes daara, comme cela a été récemment le cas pour la crise de l’enseignement supérieur au Sénégal.
Mouhamadou Mansour Dia
Docteur en Sociologie, chercheur à l’Ucad, spécialisé en sociologie des religions
Email : almansourdia@hotmail.com