Sur un discours de 39 minutes, Mitt Romney en a consacré 3 à la politique étrangère, jeudi soir à la convention de Tampa. «Deux cent vingt-deux mots exactement», se gausse l'analyste Michael Cohen dans un article de Foreign Policy intitulé «Sacrément vide!». Cette quasi-absence de l'international en dit long sur la place que tient aujourd'hui la politique extérieure dans le débat présidentiel de la première puissance du monde, obnubilée par son affaissement économique interne. Mais cette discrétion révèle aussi la gêne qui traverse un Parti républicain profondément divisé entre interventionnistes, réalistes et isolationnistes.
Face à une Administration Obama qui a renoncé à fermer Guantanamo, a éliminé Ben Laden et s'est paradoxalement coulée dans les pas de son prédécesseur George W Bush en matière de sécurité nationale, menant sans ciller une politique d'assassinats ciblés de responsables terroristes d'al-Qaida par drones interposés, la droite peine à trouver le bon angle d'attaque. Une hésitation qui ouvre un boulevard à Obama à Charlotte (Caroline du Nord), où s'ouvre la convention démocrate mardi.
Bien sûr, Mitt Romney ne s'est pas privé d'attaquer son adversaire, l'accusant d'avoir commencé sa présidence par un tour du monde d'«excuses». Lui a, en leitmotiv, vanté «le caractère d'exception» de la nation américaine et son rôle de leader du monde libre, qu'Obama aurait prétendument dévoyé. Jeudi soir, le candidat républicain a promis d'être «plus loyal» avec «les amis», mentionnant notamment la Pologne et Israël. «Sous mon Administration, M. Poutine verra un peu moins de flexibilité et un peu plus de colonne vertébrale», a promis Romney, en critiquant aussi le dialogue d'Obama avec l'Iran: «Nous sommes toujours en train de parler et les centrifugeuses iraniennes tournent toujours.» Mais cela signifie-t-il qu'un président Romney donnerait son aval à Israël pour aller frapper l'Iran, voire l'encouragerait?
Romney tempête contre la réduction des dépenses militaires
La vérité est que Mitt Romney s'est bien gardé d'être précis sur ce dossier explosif comme sur l'ensemble des dossiers internationaux. Jeudi soir, il a même omis d'évoquer l'Afghanistan, et les 80.000 soldats américains qui s'y trouvent. Ce n'est pas un hasard. Dominés depuis 1945 par une tradition interventionniste flamboyante, les républicains sont aujourd'hui traversés, comme toute la nation, par un courant isolationniste qu'ils ne peuvent ignorer. Celui-ci s'est incarné dans le phénomène Ron Paul, candidat libertarien qui a rallié à sa bannière étudiants et ex-militaires, persuadés que la puissance américaine a été grignotée par son embourbement dans des guerres lointaines.
Si Romney tempête, en accord avec les interventionnistes, contre la réduction des dépenses militaires engagées par Obama et promet d'augmenter le budget défense, ses troupes Tea Party, obsédées par la réduction des dépenses, font la grimace.
La froideur des militants était d'ailleurs palpable à Tampa, mercredi soir, quand l'ex-candidat républicain à la présidentielle John McCain a appelé à défendre les peuples opprimés, en Syrie et ailleurs. Quant à Condoleezza Rice, membre éminent du camp réaliste, c'est surtout quand elle a parlé de l'abnégation de ses parents se battant pour lui donner les clés du rêve américain en pleine ségrégation raciale qu'elle a enflammé la salle.
«L'ennemi géopolitique numéro un de l'Amérique»
Dans son livre Pas d'excuses, Mitt Romney parle de ressusciter la fermeté de Reagan, et d'assurer la paix, en conservant la force. Il évoque les trois projets - chinois, russe et islamiste - qui menacent selon lui le projet démocratique occidental. Mais il ne paraît pas avoir tranché entre les différents courants républicains qui s'affrontent. Entouré de faucons néoconservateurs comme Robert Kagan, John Bolton ou Dan Senor, il a fait des sorties très agressives sur la Chine et la Russie, évoquant Moscou comme «l'ennemi géopolitique numéro un de l'Amérique», et promettant de désigner la Chine comme un «manipulateur de devises».
Mais Mitt Romney, esprit analytique et prudent par penchant naturel, a aussi récemment nommé l'ex-directeur de la Banque mondiale Robert Zoellick à la tête de son «équipe de transition» pour les questions de sécurité nationale. La mise en orbite de ce pragmatique avéré, partisan d'un dialogue avec Pékin, a provoqué une tempête à l'intérieur de l'état-major Romney, selon le journal Foreign Policy. Elle indique que les «réalistes», inscrits dans la tradition de Henry Kissinger, James Baker ou Colin Powell, restent dans le jeu.
Ces contradictions seront exploitées par l'équipe Obama à Charlotte. Dès samedi, le président a ouvert le feu, s'étonnant de l'absence de toute référence afghane dans le discours de Romney. Le fait qu'il ait, lui, rempli ses promesses en Irak et qu'il s'apprête à retirer les boys d'Afghanistan devrait figurer en bonne place dans son propre discours. De même que la fermeté de ses positions sur l'Iran, qu'il a isolé grâce à une batterie de sanctions soutenues par la communauté internationale. Bref, même s'il a pu pécher par naïveté au Moyen-Orient ou par indifférence en Europe, Barack Obama, prix Nobel de la paix et tombeur de Ben Laden, a un vrai bilan à défendre en politique étrangère. Son bilan économique est mitigé, mais il n'est pas Carter.
Barack Obama reprend la tête dans les sondages
Le léger gain de popularité enregistré par Mitt Romney au sortir de la convention républicaine n'aura pas duré bien longtemps: d'après le dernier sondage quotidien Reuters/Ipsos, Barack Obama est repassé en tête des intentions de vote avec 44 % contre 43 % pour son rival républicain qui a décidé de profiter des quatre jours de la convention démocrate pour préparer les débats télévisés de cet automne et ses confrontations avec le président sortant. Hier, lors d'une réunion publique dans l'Ohio, Romney a une nouvelle fois moqué le bilan de la présidence actuelle, particulièrement en termes d'emplois et promis de «remettre l'Amérique au travail». Barack Obama, qui était, lui, dans l'Iowa, a ironisé sur la convention républicaine: «Ils ont beaucoup parlé de moi. Ils ont beaucoup parlé de lui [Mitt Romney], mais ils n'ont pas dit grand-chose sur vous.»
Par Laure Mandeville
Face à une Administration Obama qui a renoncé à fermer Guantanamo, a éliminé Ben Laden et s'est paradoxalement coulée dans les pas de son prédécesseur George W Bush en matière de sécurité nationale, menant sans ciller une politique d'assassinats ciblés de responsables terroristes d'al-Qaida par drones interposés, la droite peine à trouver le bon angle d'attaque. Une hésitation qui ouvre un boulevard à Obama à Charlotte (Caroline du Nord), où s'ouvre la convention démocrate mardi.
Bien sûr, Mitt Romney ne s'est pas privé d'attaquer son adversaire, l'accusant d'avoir commencé sa présidence par un tour du monde d'«excuses». Lui a, en leitmotiv, vanté «le caractère d'exception» de la nation américaine et son rôle de leader du monde libre, qu'Obama aurait prétendument dévoyé. Jeudi soir, le candidat républicain a promis d'être «plus loyal» avec «les amis», mentionnant notamment la Pologne et Israël. «Sous mon Administration, M. Poutine verra un peu moins de flexibilité et un peu plus de colonne vertébrale», a promis Romney, en critiquant aussi le dialogue d'Obama avec l'Iran: «Nous sommes toujours en train de parler et les centrifugeuses iraniennes tournent toujours.» Mais cela signifie-t-il qu'un président Romney donnerait son aval à Israël pour aller frapper l'Iran, voire l'encouragerait?
Romney tempête contre la réduction des dépenses militaires
La vérité est que Mitt Romney s'est bien gardé d'être précis sur ce dossier explosif comme sur l'ensemble des dossiers internationaux. Jeudi soir, il a même omis d'évoquer l'Afghanistan, et les 80.000 soldats américains qui s'y trouvent. Ce n'est pas un hasard. Dominés depuis 1945 par une tradition interventionniste flamboyante, les républicains sont aujourd'hui traversés, comme toute la nation, par un courant isolationniste qu'ils ne peuvent ignorer. Celui-ci s'est incarné dans le phénomène Ron Paul, candidat libertarien qui a rallié à sa bannière étudiants et ex-militaires, persuadés que la puissance américaine a été grignotée par son embourbement dans des guerres lointaines.
Si Romney tempête, en accord avec les interventionnistes, contre la réduction des dépenses militaires engagées par Obama et promet d'augmenter le budget défense, ses troupes Tea Party, obsédées par la réduction des dépenses, font la grimace.
La froideur des militants était d'ailleurs palpable à Tampa, mercredi soir, quand l'ex-candidat républicain à la présidentielle John McCain a appelé à défendre les peuples opprimés, en Syrie et ailleurs. Quant à Condoleezza Rice, membre éminent du camp réaliste, c'est surtout quand elle a parlé de l'abnégation de ses parents se battant pour lui donner les clés du rêve américain en pleine ségrégation raciale qu'elle a enflammé la salle.
«L'ennemi géopolitique numéro un de l'Amérique»
Dans son livre Pas d'excuses, Mitt Romney parle de ressusciter la fermeté de Reagan, et d'assurer la paix, en conservant la force. Il évoque les trois projets - chinois, russe et islamiste - qui menacent selon lui le projet démocratique occidental. Mais il ne paraît pas avoir tranché entre les différents courants républicains qui s'affrontent. Entouré de faucons néoconservateurs comme Robert Kagan, John Bolton ou Dan Senor, il a fait des sorties très agressives sur la Chine et la Russie, évoquant Moscou comme «l'ennemi géopolitique numéro un de l'Amérique», et promettant de désigner la Chine comme un «manipulateur de devises».
Mais Mitt Romney, esprit analytique et prudent par penchant naturel, a aussi récemment nommé l'ex-directeur de la Banque mondiale Robert Zoellick à la tête de son «équipe de transition» pour les questions de sécurité nationale. La mise en orbite de ce pragmatique avéré, partisan d'un dialogue avec Pékin, a provoqué une tempête à l'intérieur de l'état-major Romney, selon le journal Foreign Policy. Elle indique que les «réalistes», inscrits dans la tradition de Henry Kissinger, James Baker ou Colin Powell, restent dans le jeu.
Ces contradictions seront exploitées par l'équipe Obama à Charlotte. Dès samedi, le président a ouvert le feu, s'étonnant de l'absence de toute référence afghane dans le discours de Romney. Le fait qu'il ait, lui, rempli ses promesses en Irak et qu'il s'apprête à retirer les boys d'Afghanistan devrait figurer en bonne place dans son propre discours. De même que la fermeté de ses positions sur l'Iran, qu'il a isolé grâce à une batterie de sanctions soutenues par la communauté internationale. Bref, même s'il a pu pécher par naïveté au Moyen-Orient ou par indifférence en Europe, Barack Obama, prix Nobel de la paix et tombeur de Ben Laden, a un vrai bilan à défendre en politique étrangère. Son bilan économique est mitigé, mais il n'est pas Carter.
Barack Obama reprend la tête dans les sondages
Le léger gain de popularité enregistré par Mitt Romney au sortir de la convention républicaine n'aura pas duré bien longtemps: d'après le dernier sondage quotidien Reuters/Ipsos, Barack Obama est repassé en tête des intentions de vote avec 44 % contre 43 % pour son rival républicain qui a décidé de profiter des quatre jours de la convention démocrate pour préparer les débats télévisés de cet automne et ses confrontations avec le président sortant. Hier, lors d'une réunion publique dans l'Ohio, Romney a une nouvelle fois moqué le bilan de la présidence actuelle, particulièrement en termes d'emplois et promis de «remettre l'Amérique au travail». Barack Obama, qui était, lui, dans l'Iowa, a ironisé sur la convention républicaine: «Ils ont beaucoup parlé de moi. Ils ont beaucoup parlé de lui [Mitt Romney], mais ils n'ont pas dit grand-chose sur vous.»
Par Laure Mandeville