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La portabilité des droits des migrants en Europe au cœur de la question sociale

Rédigé par leral.net le Jeudi 25 Octobre 2012 à 02:12 | | 3 commentaire(s)|

Aujourd’hui que le concept de développement et les différentes approches sont l’objet de débats au niveau des institutions, des organismes et de la société civile, force est reconnaître que «développement» rime avec accumulation de bien et services. Dans cette logique d’accumulation, les indicateurs macroéconomiques servent de base d’analyse alors que le quotidien du commun des mortels dans les pays dits «pauvres» est caractérisé par un manque de couverture des besoins basiques.


La portabilité des droits des migrants en Europe au cœur de la question sociale
Cette perception culturelle du développement (pourtant un concept dynamique et flexible) fait que l’Europe est devenue une attraction pour les jeunes africains victimes du «mal-développement» de leurs pays. Evidemment, les décideurs européens et les entreprises européennes bien qu’ils ne le disent pas ouvertement continuent de vouloir cette «force de travail» tout en jouant dans le registre de l’hypocrisie.
Cette force de travail n’est hélas pas robotisée, mais elle est générée par des humains dont les apports socio-culturels et à la bulle économique risquent à la longue d’être phagocytés ou ignorés. Ils donnent sens à la vie aux générateurs de cette force travail dont pourtant souvent l’Europe a tant besoin. Ces «acteurs de développement» identifiés à tort ou à raison comme «force de travail» ne jouissent pas de droits les plus élémentaires comme la libre circulation dans l’espace européen.
Un débat sérieux sur le droit à la libre circulation des personnes dans le contexte de la globalisation et des biens et services s’impose. Les produits africains ont du mal à entrer et à conquérir les marchés européens à cause des politiques protectionnistes qui compliquent leur compétitivité et sans compter les exigences de certification dont le contrôle se trouve être dans les mains des grandes multinationales.
Mais, il faut dire que le problème de la libre circulation se pose en général, entre pays développés et pays appauvris sans méconnaître que la problématique est aussi notée au niveau des pays dits du Sud. En ce qui concerne l’Afrique, la situation est plus compliquée malgré les espaces d’intégrations régionales comme la CEDEAO, la CEAC la libre circulation n’est pas tout à faite effective.
Les destinations des pays européens posent aujourd’hui des barrières administratives et des «murs frontaliers» se sont malgré tout développés au détriment des pays dits pauvres. De ce fait, les origines de cette raison économique comme cause de départ entre autres ne doivent pas être tues, sinon dénoncées et pourquoi ne pas réclamer une réparation de la fameuse «dette écologique». C’est à dire que l’expoliation des ressources naturelles africaines et mêmes humaines s’est faite sans que cela ait des retombées pour les propres pays africains. Sinon que justifie pour une grande partie le-mal-développement africain qui à son tour a créé les conditions d’expulsion (manque de travail, d’opportunité, de bien être ; etc.) qui a conduit à l’émigration des jeunes à la recherche de lendemains meilleurs.
Les pays industrialisés confrontés à une population vieillissante font recours à la jeunesse africaine comme facteur de régulation de leur économie et en même temps, de la pérennisation de leur système de sécurité sociale. Dans ce jeu de pouvoir, les gros perdants restent et demeurent les Africains. Des bras vigoureux sont tirés de l’Afrique comme au temps de l’esclavage, mais sans ristourne réelle à part les ressources accumulées et qui généralement sont difficilement acheminées dans les pays d’origine.
Comme acteurs de développement dans ces dits pays, et par temps de crise, les migrants africains sont indexés et sont les cibles de partis politiques de droite et de l’extrême droite, parfois à travers de leur caisses de résonnance qui arrivent à faire passer leurs discours au sein des clases sociales les plus appauvries. Celles-ci généralement «ouvrières» finissent par croire que les migrants sont à l’origine de leur situation qui se dégrade à cause du manque d’emploi qui est en train de devenir chronique partout en Europe.
C’est dans ce contexte de tensions, qu’en Espagne l’option de faire supporter la crise économique et sociale aux plus faibles est claire. Le gouvernement de Mariano Rajoy depuis son avènement à la magistrature suprême essaie de travailler ainsi dans un système de «décrets» dont l’objectif est de faire table rase des acquis en matière de politique d’immigration. Comme dans une certaine logique «Sarkozyenne» d’il y a quelques années en France, la droite espagnole a botté le pied dans la fournaise et a mise sens dessus-dessous tout ce qui avait été jadis considéré comme un droit universel pour les migrants. L’une des contre mesures les plus virulentes a été sans ambages la nouvelle interdiction de l’accès des migrants «sans papiers» au système de santé. Bien présents dans le pays (130.000 personnes selon les autorités espagnoles !), cette catégorie de migrants peuvent donc rester sans couverture sanitaire, donc payer les pots cassés d’une situation dont ils sont loin d’être responsables.
Dans cette polémique de violation à outrance des droits de l’homme, même les gouvernements régionaux (comme celui catalan, lui aussi de droite) ont emboité le pas à Madrid. Les migrants «sans-papiers» ont ainsi un avenir sombre en Espagne parce qu’aussi on va exiger d’eux de nouveaux documents qu’ils ne pourront jamais fournir pour accéder aux soins de santé primaire. Les Etrangers de tous bords, et particulièrement les Sénégalais, sont en train via des manifestations de dénoncer ce double langage car ils considèrent que c’est grand recul démocratique et interculturel. Ils se sentent comme citoyens et contribuables d’ores et déjà exclus et classifiés en des migrants de seconde catégorie. Et puisque ce n’est pas de la charité, ils doivent, comme le reste des autres citoyens, bénéficier de la solidarité de tous et de toutes car à l’heure de payer les impôts par devoir, ils ne sont pas exemptés. Immigrés comme «autochtones» payent de la même façon. Les prestations sociales dont jouissent certains retraités «autochtones» continuent d’être garanties par les travailleurs immigrés dont ; il faut le rappeler, constituent une population jeune qui utilise très peu les services sociaux européens même si les discours stéréotypés les font croire le contraire.

Dans ce système, à priori établi, de violation à outrance de droits en l’Espagne rien ne garantit pourtant aux migrants dits «réguliers» de continuer de jouir leurs droits à l’éducation de leurs enfants d’autant plus que par des méthodes et réglementations subtiles les politiciens, avec des prouesses de prestidigitateurs, prétendent éliminer les «aides» et systèmes d’accès au scolaire et universitaire.
Il y a une volonté manifeste tout bonnement d’éliminer tout les différents droits afférents à la santé des migrants dits «sans papiers ». Il faut reconnaître que cette mesure n’est pas partagée par toute la classe politique, mais fait la joie des Mairies de droite et de gauche, qui avaient essayé de refuser cet accès vital aux migrants en leur niant d’abord d’être recensés dans les archives des Mairies. Pourtant cet acte est la condition préalable à l’accès aux soins de santé publique. Si le problème de la jouissance des droits sur place se pose, force est de reconnaitre, que la portabilité des ces droits comme les prestations sociales reste un défi majeur dans des pays comme l’Espagne qui du reste n’avait pas l’Afrique comme zone prioritaire de coopération bien qu’étant géographiquement un pays «voisin». Le Maroc adossé au bassin méditerranéen ne sépare-t-il pas l’Espagne de l’Afrique ?
Si les dirigeants africains avaient le «courage politique», au lieu d’accepter des politiques d’accompagnement à la frontière (pour reprendre ici la logique «sarkozyenne»), ils auraient négocié d’abord, les conditions de vie et de séjour dignes dans les pays de destination des migrants, quelque soit leur statut ! Monnayer les pitances des politiques d’accompagnement ne résoudra rien. L’aide au développement aux retombées douteuses pour les migrants et leurs familles ne fera pas des émules. La coopération française a lamentablement échoué sur ce registre là qui pourtant avait longtemps été était le chouchou du codéveloppement «politique» dans les années 1980. Les accords négociés dans un contexte sournois de crise vont être peu favorables aux pays d’origines d’autant plus que la migration demeure un casse-tête pour les Etats européens surtout l’Espagne et l’Italie considérés comme pays d’entrée, de transit et de résidence.
Devant ce qui est communément appelée «pression migratoire», la Commission européenne a adopté une “directive de la honte” qui va désormais obliger l’Espagne à modifier sa loi sur les migrants pour adapter le temps de détention dans les CIE (Centre d’Internement Etrangers) entre autres à la normative communautaire. C’est dans ce contexte, que le gouvernement espagnol a déclenché sa «machine diplomatique» pour arriver à des accords de réadmission ou d’accompagnement à la frontière. Des séries de protocoles d’accord sont en train d’être signés en catimini avec des gouvernements africains avec bien sûr un avantage du côté européen. Ces «négociations» ou plutôt ces diktats ne tiennent pas en compte hélas l’avis des migrants et leurs familles. Tout est passé sous le sceau du secret d’Etat. Pourtant, les migrants, chacun selon son profil, aurait eut le choix entre le retour définitif et le “dem dikk” (aller-retour). L’idée des migrations circulaires qui répondent aux besoins des uns et des autres n’a même pas été explorée. Bien exploitées, les migrations circulaires et les «dem dikk» pourraient permettre de développer une transnationalisation intense, souple pour le législateur européen et efficace comme instrument de transfert de ressources économiques et des compétences ; donc de savoirs et de savoir-faire. Ainsi, les migrants armés du désir et de la volonté d’améliorer leurs conditions d’existence et de changer celles de leurs familles restées au pays, pourraient s’identifier à une de ces options en fonction de l’étape de leur cycle migratoire. Une question qui devrait être prise en compte dans les plus grandes instances politique de l’Europe, mais jusque là négligée.
Mais dans ce contexte de «nécessité réciproque», les uns dictent les règles de jeu à leur convenance ; donc les bénéfices tirés de ces relations ne profitent pas à tous de forme égale. Il faut dire que les droits des migrants dans les pays de destination européens sont établis parfois en ignorant volontairement les valeurs socio culturelles des migrants ou simplement en faisant table rase des leurs droits les plus élémentaires en matière de protections sociales. La logique libérale récuse d’ailleurs toute idée de protection sociale et c’est ce qui explique l’acharnement des différents gouvernements de droite sur de telles questions sociales qui en fin de compte les gênent gravement.
La grande hypocrisie c’est que ces pays en bafouant ces droits sont signataires des accords ou des conventions internationales qui garantissent l’existence de ces mêmes droits. En signant par la main droite le matin, ces mêmes politiciens européens et leurs pairs africains, contresignent par la main gauche le soir et se retrouvent dans des confusions juridiques qu’ils ont du mal à gérer à la longue. De ce fait, ils tympanisent le monde et les médias en donnant des leçons de démocratie et de respect de droits de l’homme qu’eux même ne croient plus.
Pour ce qui concerne l’Espagne, la loi sur les étrangers appelée Ley de extranjeria date de 1985. Elle a connu plusieurs réformes. Mais c’est surtout avec la Droite que certains droits comme celui de s’associer, de manifester ont été carrément remis en cause. Pourtant il a fallu une lutte acharnée aux migrants pour acquérir des parcelles de protection sociale, parce que la loi ne reconnaissait, par ailleurs, les «sans papiers» que par la force de leurs mobilisations et de leurs actions citoyennes.
Quant à la «détention et l’internement» des «sans papiers» se trouvant en situation irrégulière, ils ont été critiqués et décriés par par les organisations de défenses des droits de l’homme. Le gouvernement espagnol est en train de procéder à une légère modification de la loi alors que la revendication était la suppression totale de ces fameux CIE (Centre d’Internement des Etrangers).
Récemment, à cause de la crise, le gouvernement espagnol n’a trouvé autre chose que supprimer le droit à la protection sanitaire des migrants «sans papiers». Pour cela, il a procédé d’abord à une réforme de la même loi des étrangers pour pouvoir appliquer le fameux décret sur l’accès à la santé. Le décret est entré en vigueur au mois d’aout 2012 et plus de 130.000 personnes seront touchées automatiquement !
Comme tous les autres migrants soucieux de leur avenir et avec un capital d’expérience migratoire de plus de 20 ans, nos inquiétudes sont grandes pour la préservation des acquis en matière de droits vue la montée de gouvernements de droites et d’extrêmes droites en Europe. Heureusement que l’expérience de la société civile combattante et consciente est aussi là ! A côté des levées de boucliers aux objectifs les plus sombres, la lutte pour la préservation de droits ne va pas se sentir orpheline. Quant à la portabilité des droits comme protection sociale, si l’on connait les relations historiques entre l’Espagne et le Sénégal par exemple, la nouvelle donne interpelle et exige nos nouvelles autorités à réactiver la fameuse Commission Mixte sénégalo-espagnole. Impliquer pleinement les migrants dans sa réactivation est un impératif. En les impliquant comme acteurs de développement ici et là, il est probable qu’un certain nombre de problèmes (homologation de diplômes, assurance rapatriement, gestion des flux, etc.) pourraient être solutionnés et un débat ouvert et flexible pourrait être noué. Nous terminons cette contribution en disant ceci : les droits des humains ne sont pas des cadeaux, ils sont généralement des conquêtes citoyennes gagnées après d’intenses luttes. Ceci dit : la lutte continue.

Amadou Bocar Sam Daff
Président de la CASC
Membre fondateur de la FES (Fondation des Emigrés Sénégalais)










1.Posté par HG4 le 25/10/2012 08:04 | Alerter
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2.Posté par FocusActu le 25/10/2012 08:42 | Alerter
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Bonjour à tous! Votre nouveau site d'information est désormais en ligne: focusactu.com. Bienvenue à tous!

3.Posté par Ibou le 25/10/2012 11:36 | Alerter
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Tres bonne contribution Sam, je salue votre implication et bon courage.

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