leral.net | S'informer en temps réel

La presse à la confluence des 3 menaces: Liberté de la presse, indépendance de la presse et intégrité physique des journalistes

Dans le sillage des circonvolutions politico-sociales, la Presse n'a pas été épargnée par les affres de la violence, jusqu'à remettre en cause son existence. Trois niveaux de menaces ont été décelés: les menaces sur l'intégrité et la sécurité des journalistes, sur l'indépendance de la presse et enfin, sur la liberté de la presse.


Rédigé par leral.net le Lundi 22 Mars 2021 à 16:51 | | 0 commentaire(s)|

La presse à la confluence des 3 menaces: Liberté de la presse, indépendance de la presse et intégrité physique des journalistes
Si des mesures de protection urgentes doivent être pensées, il me semble nécessaire d'en avoir une perspective holistique; autrement, l'effusion d'émotions pourraient déplacer le curseur sur les menaces les plus pernicieuses et les plus dangereuses.

De prime abord, il est nécessaire de comprendre pourquoi, tant au niveau mondial qu'au Sénégal, il y a une telle défiance de la presse par une opinion publique de plus en plus adepte des nouvelles sources d'information, à savoir les réseaux sociaux et leur lot de manipulations et de fake news.

Les médias n'ont plus bonne presse et ce n'est pas un calembour.

Un diagnostic de la situation générale du paysage médiatique sénégalais permet de hiérarchiser les 3 menaces qui pèsent sur la presse sénégalaise, sans que cela implique pour autant, une quelconque minoration de la vénénosité de telle menace par rapport à une autre.

1) Menace sur l'indépendance de la presse

Cette menace est la plus dangereuse car elle est le fait de l'État et des pouvoirs publics.

Cette menace s'exprime par un droit de vie et de mort sur les médias à travers les sentences guillotinaires du CNRA, l'organe non indépendant de Regulation des médias qui obéit aveuglément aux ordres de coupure de signal, de fermeture, de suspension de tirage et de diffusion des programmes d'un média, sans préavis et sans possibilité de recours en référé pour en contester l'arbitraire.

Avec l'ignominie avec laquelle le Cnra s'est transformée en sicaire du régime de Macky et de l'Apr pour trucider Walf tv et Sentv, les syndicats de journalistes auraient dû engager une forte mobilisation et les médias suspendre tous leurs programmes, en signe de contestation et de solidarité.

Mais que nenni! Beaucoup de médias ne se sont même pas offusqués de cet arbitraire contre Walf tv et Sentv et ont diffusé de la musique en boucle pour ne pas couvrir les manifestations.

Après le Cnra, l'autre levier de pression de l'État est relatif à l'allocation discriminatoire de la publicité des activités des pouvoirs publics à quelques médias seulement.

En effet, les ministères, les Agences et les Institutions choisissent arbitrairement, de confier la publicité de leurs activités prioritairement aux médias d'État (Rts et Soleil), qui bénéficient déjà d'une subvention publique couvrant l'essentielle de leurs charges.

Ensuite, ne bénéficient de la publicité que certains médias que le régime juge compatible avec sa politique. Walf tv est le plus grand perdant de cet embargo.

2) Menaces sur la Liberté de la presse

Cette menace est singulière, en ce sens que c'est quasiment les médias qui organisent leur propre asservissement.

Aujourd'hui, le plus grand danger qui guette les médias après le Régime de Macky, c'est leur contrôle par les puissances d'argent qui ont compris la théorie de Bernard Tapie, qui disait "pourquoi acheter des journalistes quand on peut acheter le journal".

Les médias sont les champions de l'opacité financière. Personne ne connaît l'identité de leurs actionnaires et propriétaires.

Pourtant, il est de notoriété publique que beaucoup de médias sont la propriété d'hommes politiques, qui en font des instruments de propagande et de dénigrement de leurs adversaires, ou des puissances d'argent et des lobbies qui les transforment en outils de discrédit de leurs concurrents.

Serigne Mboup PDG de CCBM avait clairement étalé ses mésaventures avec certains médias payés par ses concurrents et menacé de créer ses propres organes de presse pour riposter.

Il y a ensuite des situations ubuesques qui ne peuvent exister qu'au Sénégal, où des ministres en fonction sont en même temps les propriétaires de groupes médiatiques (le cas de Youssou Ndour et le groupe GFM), et le DG du Quotidien national Le Soleil et la Rts, systématiquement membres du parti au pouvoir.

Il est urgent de régler cette Berlusconisation de la presse sénégalaise pour limiter l'influence des puissances d'argent et des hommes politiques. D'où la nécessité de publier dans le fronton de chaque journal, l'identité des propriétaires et actionnaires, pour alerter le citoyen sur le ligne éditoriale et ses orientations politiques et idéologiques.

L'indépendance financière des médias doit être constitutionnalisée, pour imposer à l'État de financer le service public de l'information, seule garantie de l'indépendance réelle des médias et des journalistes.

Il y a lieu aussi, au niveau africain, d'exiger des Gafam une participation financière pour subventionner les médias africains, car ils diffusent leur contenu sans aucune contrepartie financière.

3) Menaces contre l'intégrité physique des journalistes et la sécurité des locaux

Il est constaté des menaces de mort explicites et de plus en plus violentes, adressées nominativement à certains journalistes jugés corrompus et pro Macky sur les réseaux sociaux.

Pis, des locaux de médias ont été saccagés et incendiés durant les manifestations et cela risque d'empirer si rien n'est fait.

Il y a lieu d'aggraver les peines et les sanctions pénales et de doter de moyens conséquents les services de police chargés de la cyber criminalité.
Les internautes doivent être avertis via des campagnes de sensibilisation, notamment dans les lycées, collèges et universités, que l'anonymat du virtuel peut générer de la prison réelle en cas de menaces de mort ou d'insultes.

Les leaders politiques doivent impérativement sensibiliser sur la nécessité de sauvegarder l'intégrité des locaux de presse et l'inviolabilité de la personne des journalistes en toutes circonstances et en tous lieux, nonobstant leurs supposées accointances avec le Gouvernement ou tel parti politique.

Les médias sont en sursis dans le monde entier. La défiance des citoyens est exacerbée par les réseaux sociaux et la diffusion incontrôlée de fake news et de désinformations.

Il est nécessaire que ceux-ci préservent eux-mêmes leur intégrité et leur indépendance, pour continuer à bénéficier de la confiance des citoyens.






Amadou Bâ, Juriste.
Opinion personnelle qui n'engage pas Pastef