Cela fait exactement dix mois et demi que le président Macky Sall gouverne le pays. Personne ne peut raisonnablement se permettre de faire le bilan d’une gouvernance de moins d’un an. Cependant, on peut bien se prononcer sur les premiers jalons posés, les premiers sillons creusés. Dans cette perspective, il convient de rappeler les premières mesures prises lors du Conseil des Ministres du 12 avril 2012. Parmi ces mesures, qui s’inscrivent dans le cadre de la réduction du train de vie de l’Etat, on peut retenir notamment:
- la suppression des voyages en première classe pour toutes les autorités publiques ;
- la limitation stricte des missions à l’extérieur,
- l’inventaire exhaustif des locaux conventionnés par l’Etat et la résiliation des contrats pour ceux occupés irrégulièrement,
- le recensement des immeubles appartenant à l’Etat et l’établissement de la situation de leur occupation, en vue de leur attribution dans des conditions régulières et transparentes,
- l’inventaire des immeubles de l’Etat cédés dans des conditions irrégulières ou de non transparence,
- la résiliation de toutes les lignes téléphoniques utilisées par des non ayants-droits,
- la rationalisation de la gestion des lignes téléphoniques dans l’Administration, avec la mise en place de restrictions pour les bénéficiaires et la définition de plafonds pour les abonnements,
- la rationalisation des contrats spéciaux,
- l’état des lieux sur les conditions d’octroi des terres à des privés, etc.
A ces mesures, on peut ajouter : la baisse de certains gros salaires, la suppression de quelques ambassades, la réduction des directions et agences nationales, la réactivation de la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite, la traque des biens mal acquis, la suppression du Sénat, le vote d’un Code de transparence et de l’Office national anti-corruption, la baisse de l’impôt sur les salaires, etc.
Lors du conseil des Ministres du 23 janvier 2013, le président de la République est revenu sur la gouvernance vertueuse et a rappelé les instructions qu’il a données au Gouvernement pour la réduction significative du train de vie de l’Etat. Dans la même perspective, il a demandé au Premier ministre de faire procéder à l’inventaire exhaustif du patrimoine bâti de l’Etat et l’a invité à faire la lumière sur les opérations de cessions immobilières ainsi que sur les conditions de déclassement de certains actifs immobiliers. Il a également relevé, pour les regretter, les manquements notés dans la gestion des parcs automobiles de l’Etat, avec la persistance de la violation de la réglementation sur l’utilisation des véhicules administratifs, les négligences dans l’entretien des engins ainsi que leur usage à des fins autres qu’administratives.
Il a alors fermement exprimé sa volonté de mettre fin aux mauvaises pratiques qui grèvent considérablement le budget de l’Etat et a, pour ce faire, invité le Premier ministre à s’assurer de l’application stricte de la règlementation sur les véhicules administratifs et à mettre en place un dispositif de rationalisation des dotations de carburant.
De son installation officielle à nos jours, le président de la République prend donc des mesures qu’on peut considérer comme globalement encourageantes et allant dans le sens de ses engagements. Je les ai personnellement encouragées et même soutenues, en attendant leur application. Car, ce n’est pas tout de prendre des mesures, fussent-elles les plus audacieuses. Encore faut-il les appliquer. Or, de ce point de vue, on peut se poser beaucoup de questions.
Les autorités publiques voyagent moins que leurs prédécesseurs, et certainement pas en première classe. La résiliation de toutes les lignes téléphoniques utilisées par des non ayants-droits et la rationalisation de la gestion de celles maintenues dans l’Administration auraient permis à l’Etat de faire baisser de façon significative la facture téléphonique. Pourvu que le naturel chassé ne revienne pas au galop !
La traque des biens mal acquis fait, elle aussi, son petit bonhomme de chemin, mais à pas de tortue. Il est vrai que le temps de la Justice n’est pas celui des citoyens. Ces derniers sont non seulement impatients, mais inquiets et indignés, quand des chefs religieux demandent la clémence pour les présumés délinquants. Une telle démarche est absolument indécente et n’honorent pas ceux qui l’entreprennent.
Mais, pour ce qui concerne les autres mesures prises lors du Conseil des Ministres du 12 avril 2012, nous ne savons pratiquement rien de leur état d’exécution. Or, que d’abus à ce niveau-là ! En particulier, les immeubles et villas somptueuses appartenant à l’Etat et cédés de façon nébuleuse aux dignitaires de l’ancien régime devraient faire l’objet d’un audit profond. Il en est de même des villas privées, pour la plupart propriétaires des dignitaires ou proches de l’ancien régime, qui étaient conventionnées à prix d’or pour abriter des directions et / ou des agences nationales, ou pour loger des ayants-droits comme des gens venus de nulle part. En particulier, nous avons le droit de connaître les conditions de cession des grosses villas du centre-ville qui s’étendent sur 1000 à 1500 m2. Dans cette zone, rien que le m2 nu coûterait un million de francs Cfa, sans compter le bâtiment imposant. Le Sénégal étant un petit village où tout le monde ou presque se connaît, avec quels moyens certains proches de l’ancien vieux prédateur, qui vivaient pour certains d’entre dans deux pièces avec femme et enfants avant le 19 mars 2000, ont-ils pu acquérir ces grosses villas ?
Les contrats spéciaux devraient aussi retenir l’attention. De 50 du temps des Socialistes, ils sont passés déjà à 900 en 2002, selon l’étude du Programme intégré de Réforme du Secteur public (Pirsp) menée en novembre de la même année (Cf « Grands maux de l’Administration sénégalaise », « Sud quotidien » du jeudi 30 mars 2002). Combien devraient-ils être à infester l’administration, au départ des anciens Libéraux ? Deux, trois, quatre mille ou plus ? Qui sait ?
Seul un audit profond devrait nous donner des réponses à toutes ces questions légitimes que nous nous posons. Or, les audits annoncés semblent marquer le pas. Peut-être, sont-ils en train de se mener sans tambour ni trompette. Tant mieux, si c’était le cas ! Quel que soit le cas de figure, nous avons le droit (constitutionnel) de savoir. Nous devrions déjà être édifiés sur le nombre de structures à auditer et l’état d’exécution de cet important travail.
Nous attendons donc beaucoup des audits, en particulier qu’ils nous éclairent sur la gestion foncière catastrophique du vieux prédateur, notamment sur ce monstrueux montage financier du Monument dit de la Renaissance africaine et sur le rôle de l’Ipres dans cette affaire. Nous attendons le même éclairage sur ce terrain de 10 hectares, 16 ares 30 centiares (soit 101630 m2) situé dans l’enceinte de la zone de réserve aéroportuaire et offert gracieusement à un monsieur Papa Cheikh Amadou Amar. Ce terrain aurait été proposé à la vente à la Caisse des Dépôts et Consignations (Cdc) qui aurait commandité un rapport d’expertise de la zone par un cabinet bien connu. L’expert a estimé la valeur vénale globale à 16 790 375 000 francs Cfa. A l’époque des faits, le Directeur général était un Serigne Mbacké Falilou Diagne, qui serait aujourd’hui en service à l’Inspection générale d’Etat. En se lançant dans cette affaire juteuse, la Cdc serait-elle dans sa mission ? Nous avons besoin d’être éclairés sur tout cela, comme sur les centaines de milliards de francs Cfa « injectés » dans l’agriculture sans résultats prouvés.
Les audits sont donc aussi importants que la Traque des biens mal acquis. Ils doivent être menés et couvrir toute la période qui va du 2 avril 2000 au 3 avril 2012.
Nous nous rappelons aussi que le candidat Macky Sall s’engageait, une fois élu, à réduire de façon drastique les directions et agences nationales de l’administration. Cet engagement n’a été que partiellement respecté et nombre de directions et d’agences nationales que le vieux président politicien n’avait créées que pour recaser une clientèle politique, sont maintenues par les nouvelles autorités qui s’en accommodent bien. Le candidat Sall s’engageait aussi à mettre en avant les critères de compétence et de bonne moralité dans la nomination de ses ministres et autres hauts fonctionnaires. C’est loin d’être le cas aujourd’hui : nombre de ses nominations posent problèmes et je n’ai pas besoin de m’y appesantir. Dans une gouvernance qu’on veut efficace, on ne bombarde pas directeurs généraux des gens dont c’est le premier emploi ou des étudiants qui poursuivent encore leurs études.
Le souci de massifier le parti (Apr) bouscule le slogan « La Patrie avant le parti ». La presse a fait état, ces temps derniers, d’une réunion au palais de la République, où étaient conviés les directeurs nationaux (membres de l’Apr, je suppose). Le président les aurait enjoints de descendre sur le terrain et mis en garde contre un éventuel échec aux prochaines élections locales, qui signifierait la perte de leurs maroquins. Si cette information est avérée, nous sommes exactement au cœur du wadisme. Inciter les directeurs nationaux à descendre sur le terrain et à gagner coûte que coûte les élections le moment venu, c’est les inciter à abandonner le travail dès le vendredi et à utiliser les véhicules et le carburant de l’administration. Ce qui est exactement le contraire de l’instruction sur l’utilisation des véhicules administratifs donnée lors du conseil des Ministres du 23 janvier 2013. Les directeurs politiciens utiliseront non seulement les véhicules et le carburant de l’administration, mais seront tentés de descendre sur le terrain les poches pleines, comme nombre de leurs prédécesseurs qui ont aujourd’hui maille à partir avec la Justice.
Le même souci de massification du parti explique que la détestable transhumance, dont nous espérions nous être débarrassés définitivement, se porte au contraire comme un charme. Les responsables de l’Apr rivalisent d’ardeur à débaucher les militants d’autres partis, y compris ceux des partis de la Coalition Bennoo Bokk yaakaar. Et les meetings de ralliements vont bon train. Ces scènes odieuses de débauchages et de meetings de ralliements n’existent pas ailleurs dans la sous-région, en tout cas pas à ma connaissance. Il existe pourtant une méthode beaucoup plus efficace que cette course effrénée vers la massification artificielle du parti, plus efficace que la meilleure des communications : c’est le travail, le travail dans toute sa noblesse et pour le seul développement du pays. Pour donner un exemple, celui du Département de Louga (le mien), si le gouvernement respecte son engagement à bitumer les routes Louga-Linguère, Dahra-Touba et y ajoute Ndoyène-Ouarack qui n’a pas été pris compte ; s’il construit en grand nombre des forages et des centres de santé dont ce Département a tant besoin, les populations, qui sont dotées de bons sens, apprécieront positivement et prendront leurs responsabilités le moment venu. Ces réalisations, pour ne citer qu’elles, seront plus pertinentes, plus utiles à leurs yeux qu’une hypothétique massification du parti. Elles seront plus convaincantes que la communication la plus éloquente et la plus structurée.
Macky Sall a passé huit ans au cœur de la gouvernance libérale. Banni en novembre 2008, il remporté haut la main l’élection présidentielle du 25 mars 2012. Je pensais qu’il était désormais convaincu des limites des partis politiques, de l’argent et du ndigël dans la conquête du palais de l’avenue Léopold-Sédar-Senghor. Les militants des partis politiques, en particulier, ne constituent qu’une minorité par rapport aux douze millions de Sénégalais.
Le président Macky Sall n’ignore certainement pas tout cela. Il est malheureusement le produit du système que son prédécesseur et ancien Mentor a mis douze ans à incruster dans le pays. Malgré sa bonne volonté et peut être sa bonne foi dont je ne doute point, il s’en affranchira difficilement. Sa gouvernance en portera forcément les marques, qui constitueront un obstacle majeur face aux ruptures qu’il s’était engagé à imprimer au pays, une foi élu président de la République. Pour y arriver, il lui faudra mener un combat herculéen contre son entourage et contre lui-même, en privilégiant l’intérêt supérieur de la Nation sur toutes les autres considérations, notamment sur les prétendus lobbies et conflits d’intérêt au niveau le plus élevé de l’Etat, dont certains milieux font état. A tort ou à raison.
Dakar, le 13 février 2013
Mody Niang, e-mail : modyniang@arc.sn
- la suppression des voyages en première classe pour toutes les autorités publiques ;
- la limitation stricte des missions à l’extérieur,
- l’inventaire exhaustif des locaux conventionnés par l’Etat et la résiliation des contrats pour ceux occupés irrégulièrement,
- le recensement des immeubles appartenant à l’Etat et l’établissement de la situation de leur occupation, en vue de leur attribution dans des conditions régulières et transparentes,
- l’inventaire des immeubles de l’Etat cédés dans des conditions irrégulières ou de non transparence,
- la résiliation de toutes les lignes téléphoniques utilisées par des non ayants-droits,
- la rationalisation de la gestion des lignes téléphoniques dans l’Administration, avec la mise en place de restrictions pour les bénéficiaires et la définition de plafonds pour les abonnements,
- la rationalisation des contrats spéciaux,
- l’état des lieux sur les conditions d’octroi des terres à des privés, etc.
A ces mesures, on peut ajouter : la baisse de certains gros salaires, la suppression de quelques ambassades, la réduction des directions et agences nationales, la réactivation de la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite, la traque des biens mal acquis, la suppression du Sénat, le vote d’un Code de transparence et de l’Office national anti-corruption, la baisse de l’impôt sur les salaires, etc.
Lors du conseil des Ministres du 23 janvier 2013, le président de la République est revenu sur la gouvernance vertueuse et a rappelé les instructions qu’il a données au Gouvernement pour la réduction significative du train de vie de l’Etat. Dans la même perspective, il a demandé au Premier ministre de faire procéder à l’inventaire exhaustif du patrimoine bâti de l’Etat et l’a invité à faire la lumière sur les opérations de cessions immobilières ainsi que sur les conditions de déclassement de certains actifs immobiliers. Il a également relevé, pour les regretter, les manquements notés dans la gestion des parcs automobiles de l’Etat, avec la persistance de la violation de la réglementation sur l’utilisation des véhicules administratifs, les négligences dans l’entretien des engins ainsi que leur usage à des fins autres qu’administratives.
Il a alors fermement exprimé sa volonté de mettre fin aux mauvaises pratiques qui grèvent considérablement le budget de l’Etat et a, pour ce faire, invité le Premier ministre à s’assurer de l’application stricte de la règlementation sur les véhicules administratifs et à mettre en place un dispositif de rationalisation des dotations de carburant.
De son installation officielle à nos jours, le président de la République prend donc des mesures qu’on peut considérer comme globalement encourageantes et allant dans le sens de ses engagements. Je les ai personnellement encouragées et même soutenues, en attendant leur application. Car, ce n’est pas tout de prendre des mesures, fussent-elles les plus audacieuses. Encore faut-il les appliquer. Or, de ce point de vue, on peut se poser beaucoup de questions.
Les autorités publiques voyagent moins que leurs prédécesseurs, et certainement pas en première classe. La résiliation de toutes les lignes téléphoniques utilisées par des non ayants-droits et la rationalisation de la gestion de celles maintenues dans l’Administration auraient permis à l’Etat de faire baisser de façon significative la facture téléphonique. Pourvu que le naturel chassé ne revienne pas au galop !
La traque des biens mal acquis fait, elle aussi, son petit bonhomme de chemin, mais à pas de tortue. Il est vrai que le temps de la Justice n’est pas celui des citoyens. Ces derniers sont non seulement impatients, mais inquiets et indignés, quand des chefs religieux demandent la clémence pour les présumés délinquants. Une telle démarche est absolument indécente et n’honorent pas ceux qui l’entreprennent.
Mais, pour ce qui concerne les autres mesures prises lors du Conseil des Ministres du 12 avril 2012, nous ne savons pratiquement rien de leur état d’exécution. Or, que d’abus à ce niveau-là ! En particulier, les immeubles et villas somptueuses appartenant à l’Etat et cédés de façon nébuleuse aux dignitaires de l’ancien régime devraient faire l’objet d’un audit profond. Il en est de même des villas privées, pour la plupart propriétaires des dignitaires ou proches de l’ancien régime, qui étaient conventionnées à prix d’or pour abriter des directions et / ou des agences nationales, ou pour loger des ayants-droits comme des gens venus de nulle part. En particulier, nous avons le droit de connaître les conditions de cession des grosses villas du centre-ville qui s’étendent sur 1000 à 1500 m2. Dans cette zone, rien que le m2 nu coûterait un million de francs Cfa, sans compter le bâtiment imposant. Le Sénégal étant un petit village où tout le monde ou presque se connaît, avec quels moyens certains proches de l’ancien vieux prédateur, qui vivaient pour certains d’entre dans deux pièces avec femme et enfants avant le 19 mars 2000, ont-ils pu acquérir ces grosses villas ?
Les contrats spéciaux devraient aussi retenir l’attention. De 50 du temps des Socialistes, ils sont passés déjà à 900 en 2002, selon l’étude du Programme intégré de Réforme du Secteur public (Pirsp) menée en novembre de la même année (Cf « Grands maux de l’Administration sénégalaise », « Sud quotidien » du jeudi 30 mars 2002). Combien devraient-ils être à infester l’administration, au départ des anciens Libéraux ? Deux, trois, quatre mille ou plus ? Qui sait ?
Seul un audit profond devrait nous donner des réponses à toutes ces questions légitimes que nous nous posons. Or, les audits annoncés semblent marquer le pas. Peut-être, sont-ils en train de se mener sans tambour ni trompette. Tant mieux, si c’était le cas ! Quel que soit le cas de figure, nous avons le droit (constitutionnel) de savoir. Nous devrions déjà être édifiés sur le nombre de structures à auditer et l’état d’exécution de cet important travail.
Nous attendons donc beaucoup des audits, en particulier qu’ils nous éclairent sur la gestion foncière catastrophique du vieux prédateur, notamment sur ce monstrueux montage financier du Monument dit de la Renaissance africaine et sur le rôle de l’Ipres dans cette affaire. Nous attendons le même éclairage sur ce terrain de 10 hectares, 16 ares 30 centiares (soit 101630 m2) situé dans l’enceinte de la zone de réserve aéroportuaire et offert gracieusement à un monsieur Papa Cheikh Amadou Amar. Ce terrain aurait été proposé à la vente à la Caisse des Dépôts et Consignations (Cdc) qui aurait commandité un rapport d’expertise de la zone par un cabinet bien connu. L’expert a estimé la valeur vénale globale à 16 790 375 000 francs Cfa. A l’époque des faits, le Directeur général était un Serigne Mbacké Falilou Diagne, qui serait aujourd’hui en service à l’Inspection générale d’Etat. En se lançant dans cette affaire juteuse, la Cdc serait-elle dans sa mission ? Nous avons besoin d’être éclairés sur tout cela, comme sur les centaines de milliards de francs Cfa « injectés » dans l’agriculture sans résultats prouvés.
Les audits sont donc aussi importants que la Traque des biens mal acquis. Ils doivent être menés et couvrir toute la période qui va du 2 avril 2000 au 3 avril 2012.
Nous nous rappelons aussi que le candidat Macky Sall s’engageait, une fois élu, à réduire de façon drastique les directions et agences nationales de l’administration. Cet engagement n’a été que partiellement respecté et nombre de directions et d’agences nationales que le vieux président politicien n’avait créées que pour recaser une clientèle politique, sont maintenues par les nouvelles autorités qui s’en accommodent bien. Le candidat Sall s’engageait aussi à mettre en avant les critères de compétence et de bonne moralité dans la nomination de ses ministres et autres hauts fonctionnaires. C’est loin d’être le cas aujourd’hui : nombre de ses nominations posent problèmes et je n’ai pas besoin de m’y appesantir. Dans une gouvernance qu’on veut efficace, on ne bombarde pas directeurs généraux des gens dont c’est le premier emploi ou des étudiants qui poursuivent encore leurs études.
Le souci de massifier le parti (Apr) bouscule le slogan « La Patrie avant le parti ». La presse a fait état, ces temps derniers, d’une réunion au palais de la République, où étaient conviés les directeurs nationaux (membres de l’Apr, je suppose). Le président les aurait enjoints de descendre sur le terrain et mis en garde contre un éventuel échec aux prochaines élections locales, qui signifierait la perte de leurs maroquins. Si cette information est avérée, nous sommes exactement au cœur du wadisme. Inciter les directeurs nationaux à descendre sur le terrain et à gagner coûte que coûte les élections le moment venu, c’est les inciter à abandonner le travail dès le vendredi et à utiliser les véhicules et le carburant de l’administration. Ce qui est exactement le contraire de l’instruction sur l’utilisation des véhicules administratifs donnée lors du conseil des Ministres du 23 janvier 2013. Les directeurs politiciens utiliseront non seulement les véhicules et le carburant de l’administration, mais seront tentés de descendre sur le terrain les poches pleines, comme nombre de leurs prédécesseurs qui ont aujourd’hui maille à partir avec la Justice.
Le même souci de massification du parti explique que la détestable transhumance, dont nous espérions nous être débarrassés définitivement, se porte au contraire comme un charme. Les responsables de l’Apr rivalisent d’ardeur à débaucher les militants d’autres partis, y compris ceux des partis de la Coalition Bennoo Bokk yaakaar. Et les meetings de ralliements vont bon train. Ces scènes odieuses de débauchages et de meetings de ralliements n’existent pas ailleurs dans la sous-région, en tout cas pas à ma connaissance. Il existe pourtant une méthode beaucoup plus efficace que cette course effrénée vers la massification artificielle du parti, plus efficace que la meilleure des communications : c’est le travail, le travail dans toute sa noblesse et pour le seul développement du pays. Pour donner un exemple, celui du Département de Louga (le mien), si le gouvernement respecte son engagement à bitumer les routes Louga-Linguère, Dahra-Touba et y ajoute Ndoyène-Ouarack qui n’a pas été pris compte ; s’il construit en grand nombre des forages et des centres de santé dont ce Département a tant besoin, les populations, qui sont dotées de bons sens, apprécieront positivement et prendront leurs responsabilités le moment venu. Ces réalisations, pour ne citer qu’elles, seront plus pertinentes, plus utiles à leurs yeux qu’une hypothétique massification du parti. Elles seront plus convaincantes que la communication la plus éloquente et la plus structurée.
Macky Sall a passé huit ans au cœur de la gouvernance libérale. Banni en novembre 2008, il remporté haut la main l’élection présidentielle du 25 mars 2012. Je pensais qu’il était désormais convaincu des limites des partis politiques, de l’argent et du ndigël dans la conquête du palais de l’avenue Léopold-Sédar-Senghor. Les militants des partis politiques, en particulier, ne constituent qu’une minorité par rapport aux douze millions de Sénégalais.
Le président Macky Sall n’ignore certainement pas tout cela. Il est malheureusement le produit du système que son prédécesseur et ancien Mentor a mis douze ans à incruster dans le pays. Malgré sa bonne volonté et peut être sa bonne foi dont je ne doute point, il s’en affranchira difficilement. Sa gouvernance en portera forcément les marques, qui constitueront un obstacle majeur face aux ruptures qu’il s’était engagé à imprimer au pays, une foi élu président de la République. Pour y arriver, il lui faudra mener un combat herculéen contre son entourage et contre lui-même, en privilégiant l’intérêt supérieur de la Nation sur toutes les autres considérations, notamment sur les prétendus lobbies et conflits d’intérêt au niveau le plus élevé de l’Etat, dont certains milieux font état. A tort ou à raison.
Dakar, le 13 février 2013
Mody Niang, e-mail : modyniang@arc.sn