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La vérité sur l'affaire Mittal

Il n’y a pas eu de deal entre Mittal et les autorités sénégalaises. Selon le ministre de l’Economie et des Finances Amadou Bâ, c’est le géant minier qui a sollicité un règlement à l’amiable de ce contentieux. Désireuses d’exploiter au plus vite le fer de la Falémé, les autorités se sont empressées d’accepter l’offre. Elles demandent à Mittal de publier les délibérations de son conseil d’administration.


Rédigé par leral.net le Samedi 21 Juin 2014 à 23:20 | | 0 commentaire(s)|

La vérité sur l'affaire Mittal
Il n’y a eu aucun deal entre le Sénégal et Arcelor Mittal. Selon le ministre de l’Economie et des Finances, c’est même le géant minier qui a sollicité un règlement à l’amiable du bras de fer qui l’oppose au gouvernement. Amadou Bâ qui faisait face hier aux députés de l’Assemblée nationale, dans le cadre des débats d’orientations budgétaires, a précisé la position de son gouvernement.

Après la levée de bouclier d’opposants et de personnalités de la société civile qui s’interrogent sur les tenants et aboutissants de ce dossier, ces dernières semaines, le ministre entendait rétablir la vérité.

«Nous demandons à Mittal de publier les délibérations de son conseil d’administration et lorsque son Assemblée générale va se tenir, que Mittal publie les délibérations de l’Assemblée générale» demande un Amadou Bâ visiblement ulcéré par ces accusations.

Pour édifier de façon définitive l’opinion sur cette affaire, Amadou Bâ a informé les députés que les 75 milliards reçus pour solder ce contentieux sont un dénouement acceptable.

«On s’est mis à la table et Mittal a proposé 150 millions de dollars soit 75 milliards de francs cfa et plus important, des études d’une valeur de 50 millions de dollars soit 25 milliards de francs Cfa. Des études qui deviendront la propriété de l’Etat du Sénégal de sorte que si un repreneur se présente, il pourra commencer l’exploitation dans les plus brefs délais».

Avec des pays riverains producteurs de fer comme le Mali et la Guinée, le ministre a exprimé la crainte de se voir damner le pion. «Quel mal y a-t-il à cela ?» demande Amadou Bâ qui confirme que la décision d’accepter cette offre est celle du gouvernement qui n’a fait qu’informer le Président. Très virulent à l’endroit de ses accusateurs, Amadou Bâ a même par moment, brandi la menace. «Quand on attaque il faut pouvoir donner les preuves de ce que l’on dit».

Revenant sur l’historique de ce contentieux qui a fait couler beaucoup d’encre depuis de nombreuses années, Amadou Bâ explique que tout a commencé en 2006 quand l’Etat a signé un protocole avec la société sud-africaine Kumba Ressources, pour 6,5 millions d’euros.

Quand le gouvernement rompt unilatéralement le contrat pour le donner à Mittal, Kumba assigne l’Etat du Sénégal devant les juridictions internationales. Le Sénégal est condamné à payer 75 millions de dollars, soit 37 milliards de francs Cfa.

Avec l’arrivée de Mittal, les choses ne progressent guère. «On a engagé une procédure contre Mittal parce qu’il n’avait pas exploité la mine. Au Tribunal, le 3 Septembre 2013, on nous a donné raison pour rupture abusive de contrat et on a été envoyé devant un autre Tribunal pour obtenir des dommages et intérêts».

Après avoir payé un ticket d’entrée de 14,1 milliards, Mittal accepte aujourd’hui de payer 75 milliards Cfa et de céder ses études pour se dépêtrer définitivement du bourbier sénégalais.

Wade et l’ombre de l’argent de Mittal

Les autorités actuelles ont tenu à rappeler que si la situation en est arrivée aujourd’hui à ce point, c’est parce que l’ancien régime de Abdoulaye Wade avait manqué de discernement.

«Ce sont eux qui ont rompu unilatéralement le contrat de Kumba Resources, à cause de ce que Mittal leur a fait miroiter», souligne un haut-fonctionnaire des mines. Il n’écarte d’ailleurs pas que, en plus de son ticket d’entrée, Mittal ait pu «sucrer» certaines autorités, pour qu’elles traitent par-dessus la jambe les protestations de Kumba. C’est M. Ousmane Ngom, quand il était ministre de l’Industrie et des Mines, qui avait fait partir Kumba et permis l’arrivée de Mittal, en 2006. Malheureusement, le sidérurgiste indien, qui avait promis d’investir dans un projet structurant fer, rail et port en eau profonde, pour une valeur de 2000 milliards de francs Cfa à l’époque, a été rattrapé par la crise de 2008, qui a fortement ralenti son activité de par le monde. Et en conséquence, il a gelé le projet du Sénégal, au grand dam des rêves des dirigeants, qui ne se sont jamais concrétisés.

Aujourd’hui, ce haut-fonctionnaire et certains de ses collègues, estiment que s’en prendre au gouvernement parce qu’il a accepté la médiation de Mittal Arcelor, est faire preuve de méconnaissance des procédures internationales. «Ce dossier pourrait durer encore une dizaine d’années, alors que nous avons besoin d’exploiter notre fer maintenant. Si nous rejetons l’offre de Mittal, pour un gain hypothétique, qu’est-ce qui nous garantit que nous aurons plus que ce qui nous est proposé ? Le Tribunal arbitral n’a encore fait aucune proposition, car il attend les propositions des parties. Et même dans ce cas, si nous obtenions plus, d’aventure, après plusieurs années de procédure, est-ce que ce montant aura la même valeur ?»

Les fonctionnaires rappellent que le montant de la transaction aura permis d’éponger l’amende due à Kumba et de conserver la moitié, en plus des études que Mittal accepte de céder, et que le Sénégal pourra monnayer au prix fort auprès d’éventuels nouveaux repreneurs.

«C’est autant de gagné. En plus, nous économisons encore sur les frais d’avocats». Ce Monsieur souligne que depuis le début de la procédure contre Mittal, l’Etat du Sénégal aura payé, en frais d’avocats, plus de 7 milliards de francs Cfa.

«Pour les avocats, plus les choses durent, plus ils gagnent», commentera-t-il.

Le Quotidien