Petit retour historique :
Le Sénégal a obtenu son indépendance en 1960, auparavant deux députés sénégalais représentaient cette colonie au parlement, Mamadou Dia et Léopold Sedar Senghor, depuis 1956, représentants du même parti, les Indépendants d’Outre-mer. En 1960 ces deux mêmes personnages deviennent respectivement 1er ministre et Président de la toute jeune République du Sénégal. Leur nouveau parti, le PDS, va rester au pouvoir jusqu’en 2000, date à laquelle Abdoulaye Wade, ancien membre lui-aussi de ce parti, gagne devant Abdou Diouf.
Durant cette période 1960-2000 le Sénégal aura connu deux présidents :
-Senghor de 1960 à sa démission en 1980 après 5 mandats (respectivement 3 ans, puis 3 fois 5 ans et le dernier de 5 ans stoppé au bout de 2 ans) ;
-Abdou Diouf, remplaçant directement Senghor sans aucune élection jusqu’à la fin du mandat normal qu’aurait dû assurer Senghor, puis obtenant trois mandats de 5 ans dont le dernier durera en réalité 7 ans.
Durant cette même période, Mamadou Dia et Senghor vont progressivement s’écarter l’un de l’autre, notamment du fait que Mamadou Dia reste proche du parti communiste quand Senghor se rapproche de la droite française et des religieux sénégalais tout puissants, les marabouts, dont 2 confréries, les Tijanes et les Mourides, tiennent nombre de traditions archaïques (y compris avec les jeunes Talibés, mendiants de l'école coranique) mais aussi font d’énormes affaires dans le domaine de l’agriculture, en liens avec la France. Certains de ces marabouts continuent de nos jours à se déplacer dans des limousines américaines sans plaques d’immatriculation. En 1961 une prise de position de Mamadou Dia contre l’abandon de l’agriculture planifiée au profit de la monoculture de l’arachide heurte à la fois les intérêts des marabouts et ceux de la France. Voir lien http://www.rfi.fr/actufr/articles/109/article_77746.asp . En 1962 une tentative de renversement du cabinet Dia entraîne une crispation puis Dia est arrêté puis condamné à la perpétuité pour haute trahison. Incarcéré à Kédougou, en pays Bassari, et dans des conditions difficiles il sera gracié par Senghor en 1974 puis amnistié en 1976. Il aura ainsi été définitivement écarté de la politique, et les marabouts ainsi que la France auront pu continuer à bousiller l’économie du pays en toute tranquillité, jusqu’à maintenant. Quand on sait qu’en 1960 le Sénégal exportait des tonnes de fraises et que, suite à cette monoculture, le Sénégal ne peut plus produire que de l’arachide, un produit qui appauvrit le sol, on peut se demander a quoi a servi l’indépendance sinon aux intérêts privés et religieux. .…
L’entrée de Wade :
En 1983, lors de la réélection d’Abdou Diouf qui s’avère difficile face à Abdoulaye Wade, j’étais observateur dans un bureau de vote, à Nianing. Au soir du dépouillement la majorité était pour Abdoulaye Wade, le lendemain dans le journal c’était Diouf qui avait la majorité, pour le même bureau de vote. Officiellement Diouf est déclaré vainqueur. Des émeutes ont lieu dans les grandes villes et notamment en banlieue de Dakar. Ensuite Wade est incarcéré sous l’accusation de meurtre de Babacar Sèye, vice-président du conseil constitutionnel qui avait validé ces résultats truqués. Dès lors Wade va devenir de plus en plus populaire, surnommé dans les banlieues « Fantomas » et prendre comme slogan « Sopi », ce qui signifie changement en Wolof (langue majoritaire du Sénégal).
En 2000 Wade bat Abdou Diouf et prend le pouvoir. Tout le monde dans le pays s’attend à des réformes et à la fin de la puissance du PDS, mais les politiques rallient Wade pour garder leurs privilèges, et la corruption au lieu de diminuer va se maintenir puis s’amplifier. Elle va s’assortir d’une grave dérive népotique avec la nomination par Wade de son fils Karim, en qui il voit son successeur. Il va d’abord le nommer son propre Conseiller puis lui assurer pas moins de 4 ministères simultanés (Ministre d’Etat, Ministre de la Coopération Internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Energie). Voir lien http://www.gouv.sn/spip.php?rubrique24 .
En parallèle, en 2001 une réforme constitutionnelle fait qu’un président ne peut plus assurer qu’un maximum de deux mandats successifs.
Jusqu’en 2011 les chantiers vont succéder aux chantiers, de grands travaux en grands travaux, pour le bonheur des groupes français notamment Bolloré, Bouygues, France Télécom, Société Générale, BNP Paribas… De scandale en scandale, d’attribution de marchés sans appel d’offres (spécialité de Karim Wade) à des ventes à titre privé par des membres du gouvernement de terrains appartenant à l’Etat, Dakar ressemble de plus en plus a une gigantesque poubelle traversée par deux bandes de béton, la route de la corniche et l’autoroute Dakar-Ndiass qui doit relier le nouvel aéroport international, déplacé plus près de la petite côte et des centres touristiques. Les riches sont de plus en plus riches et 50% de la population de ce pays, à vocation essentiellement agricole (60% des actifs), vit en banlieue dans des conditions d’hygiène souvent déplorables. 55% de la population a moins de 25 ans, le chômage est de 50%, une croissance autour de 2,5% quand celle des pays voisins n’ayant pas maintenu le Franc CFA est de plus de 7%, bref une poudrière.
Rien n’est fait pour explorer les gisements de phosphate (estimés à 1 milliard de tonnes), pour autonomiser ce pays en développant l’énergie solaire et donc en mettant enfin ce pays en autonomie dans ce domaine (sur Dakar des coupures quotidiennes de plusieurs heures affectent tous les quartiers populaires), pour mettre en place un dispositif de gestion des ressources halieutiques (surexploitées par l’UE). Et la Casamance (à majorité animiste et chrétienne), qui pourrait être le grenier à blé du pays, est en proie à une guerre civile larvée depuis que le gouvernement central a tenté d’y imposer la monoculture de l’arachide. Même le tourisme reste une très faible source de revenus pour le pays, alors qu’il compte 700 km de plages et deux réserves naturelles importantes (Niokolo Koba et Djoudj - Embouchure du Sénégal -Lac de Guiers).
Les derniers événements :
En 2011 Wade tente de faire modifier la Constitution pour créer un poste de vice-président et lui permettre, en cas de décès ou de démission, de ne pas être obligé de procéder à des élections. Il essaye aussi de faire passer une modification législative permettant que, au 1er tour, le candidat arrivé en tête soit directement élu s’il obtient au moins 25% des suffrages ! Ce poste de vice-président est ouvertement annoncé pour son fils Karim (surnommé par l’ambassadrice américaine monsieur 15%. Voir lien http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9v%C3%A9lations_de_t%C3%A9l%C3%A9grammes_de_la_diplomatie_am%C3%A9ricaine_par_WikiLeaks .
En mai 2011 la rue s’embrase une première fois, la grève des éboueurs et les coupures quotidiennes de courant entraînent des émeutes. Parallèlement naissent des mouvements de protestation plus construits à l’initiative de journalistes (Fadel Barro initiateur de Y’en a marre) et plus récemment Youssou N’Dour (internationalement connu, qui donnent une puissance au mouvement dans les réseaux sociaux (Facebook notamment) mais la candidature de Youssou N’Dour à la présidence est rejetée par le Conseil Constitutionnel.
En même temps cet organisme valide une nouvelle candidature pour Wade, considérant que la réforme limitant à 2 mandats est postérieure au début du 1er, donc que ce premier mandat ne peut être pris en considération. Il y a un précédent récent en Europe, en Roumanie lorsqu’il a été décidé de limiter à 2 mandats la fonction présidentielle, Ion Iliescu a pu se présenter une 3ème fois (et être réélu en 2000-2004) car son mandat commencé après le coup d’Etat de 1989 n’entrait pas en considération, étant antérieur à cette modification. Pour la petite histoire ce dernier mandat de Ion Iliescu avait donné lieu à un second tour rocambolesque puisqu’il avait opposé celui-ci à Corneliu Vadim Tudor, le Jean-Marie Le Pen roumain …
Cette double décision, aussitôt communiquée est totalement incomprise, elle enflamme de nouveau la rue, et cette fois Dakar risque de devenir une poudrière pour une jeunesse a bout et sans espoir, notamment si Wade, soupçonné d’avoir déjà « techniquement » organisé sa réélection, est déclaré vainqueur.
D’ores et déjà l’ambassade de France à Dakar a mis en alerte tous les expatriés, les points de ralliement et d’évacuation sont transmis, chacun attend les ordres, l’armée française est en alerte.
Le Sénégal a obtenu son indépendance en 1960, auparavant deux députés sénégalais représentaient cette colonie au parlement, Mamadou Dia et Léopold Sedar Senghor, depuis 1956, représentants du même parti, les Indépendants d’Outre-mer. En 1960 ces deux mêmes personnages deviennent respectivement 1er ministre et Président de la toute jeune République du Sénégal. Leur nouveau parti, le PDS, va rester au pouvoir jusqu’en 2000, date à laquelle Abdoulaye Wade, ancien membre lui-aussi de ce parti, gagne devant Abdou Diouf.
Durant cette période 1960-2000 le Sénégal aura connu deux présidents :
-Senghor de 1960 à sa démission en 1980 après 5 mandats (respectivement 3 ans, puis 3 fois 5 ans et le dernier de 5 ans stoppé au bout de 2 ans) ;
-Abdou Diouf, remplaçant directement Senghor sans aucune élection jusqu’à la fin du mandat normal qu’aurait dû assurer Senghor, puis obtenant trois mandats de 5 ans dont le dernier durera en réalité 7 ans.
Durant cette même période, Mamadou Dia et Senghor vont progressivement s’écarter l’un de l’autre, notamment du fait que Mamadou Dia reste proche du parti communiste quand Senghor se rapproche de la droite française et des religieux sénégalais tout puissants, les marabouts, dont 2 confréries, les Tijanes et les Mourides, tiennent nombre de traditions archaïques (y compris avec les jeunes Talibés, mendiants de l'école coranique) mais aussi font d’énormes affaires dans le domaine de l’agriculture, en liens avec la France. Certains de ces marabouts continuent de nos jours à se déplacer dans des limousines américaines sans plaques d’immatriculation. En 1961 une prise de position de Mamadou Dia contre l’abandon de l’agriculture planifiée au profit de la monoculture de l’arachide heurte à la fois les intérêts des marabouts et ceux de la France. Voir lien http://www.rfi.fr/actufr/articles/109/article_77746.asp . En 1962 une tentative de renversement du cabinet Dia entraîne une crispation puis Dia est arrêté puis condamné à la perpétuité pour haute trahison. Incarcéré à Kédougou, en pays Bassari, et dans des conditions difficiles il sera gracié par Senghor en 1974 puis amnistié en 1976. Il aura ainsi été définitivement écarté de la politique, et les marabouts ainsi que la France auront pu continuer à bousiller l’économie du pays en toute tranquillité, jusqu’à maintenant. Quand on sait qu’en 1960 le Sénégal exportait des tonnes de fraises et que, suite à cette monoculture, le Sénégal ne peut plus produire que de l’arachide, un produit qui appauvrit le sol, on peut se demander a quoi a servi l’indépendance sinon aux intérêts privés et religieux. .…
L’entrée de Wade :
En 1983, lors de la réélection d’Abdou Diouf qui s’avère difficile face à Abdoulaye Wade, j’étais observateur dans un bureau de vote, à Nianing. Au soir du dépouillement la majorité était pour Abdoulaye Wade, le lendemain dans le journal c’était Diouf qui avait la majorité, pour le même bureau de vote. Officiellement Diouf est déclaré vainqueur. Des émeutes ont lieu dans les grandes villes et notamment en banlieue de Dakar. Ensuite Wade est incarcéré sous l’accusation de meurtre de Babacar Sèye, vice-président du conseil constitutionnel qui avait validé ces résultats truqués. Dès lors Wade va devenir de plus en plus populaire, surnommé dans les banlieues « Fantomas » et prendre comme slogan « Sopi », ce qui signifie changement en Wolof (langue majoritaire du Sénégal).
En 2000 Wade bat Abdou Diouf et prend le pouvoir. Tout le monde dans le pays s’attend à des réformes et à la fin de la puissance du PDS, mais les politiques rallient Wade pour garder leurs privilèges, et la corruption au lieu de diminuer va se maintenir puis s’amplifier. Elle va s’assortir d’une grave dérive népotique avec la nomination par Wade de son fils Karim, en qui il voit son successeur. Il va d’abord le nommer son propre Conseiller puis lui assurer pas moins de 4 ministères simultanés (Ministre d’Etat, Ministre de la Coopération Internationale, des Transports aériens, des Infrastructures et de l’Energie). Voir lien http://www.gouv.sn/spip.php?rubrique24 .
En parallèle, en 2001 une réforme constitutionnelle fait qu’un président ne peut plus assurer qu’un maximum de deux mandats successifs.
Jusqu’en 2011 les chantiers vont succéder aux chantiers, de grands travaux en grands travaux, pour le bonheur des groupes français notamment Bolloré, Bouygues, France Télécom, Société Générale, BNP Paribas… De scandale en scandale, d’attribution de marchés sans appel d’offres (spécialité de Karim Wade) à des ventes à titre privé par des membres du gouvernement de terrains appartenant à l’Etat, Dakar ressemble de plus en plus a une gigantesque poubelle traversée par deux bandes de béton, la route de la corniche et l’autoroute Dakar-Ndiass qui doit relier le nouvel aéroport international, déplacé plus près de la petite côte et des centres touristiques. Les riches sont de plus en plus riches et 50% de la population de ce pays, à vocation essentiellement agricole (60% des actifs), vit en banlieue dans des conditions d’hygiène souvent déplorables. 55% de la population a moins de 25 ans, le chômage est de 50%, une croissance autour de 2,5% quand celle des pays voisins n’ayant pas maintenu le Franc CFA est de plus de 7%, bref une poudrière.
Rien n’est fait pour explorer les gisements de phosphate (estimés à 1 milliard de tonnes), pour autonomiser ce pays en développant l’énergie solaire et donc en mettant enfin ce pays en autonomie dans ce domaine (sur Dakar des coupures quotidiennes de plusieurs heures affectent tous les quartiers populaires), pour mettre en place un dispositif de gestion des ressources halieutiques (surexploitées par l’UE). Et la Casamance (à majorité animiste et chrétienne), qui pourrait être le grenier à blé du pays, est en proie à une guerre civile larvée depuis que le gouvernement central a tenté d’y imposer la monoculture de l’arachide. Même le tourisme reste une très faible source de revenus pour le pays, alors qu’il compte 700 km de plages et deux réserves naturelles importantes (Niokolo Koba et Djoudj - Embouchure du Sénégal -Lac de Guiers).
Les derniers événements :
En 2011 Wade tente de faire modifier la Constitution pour créer un poste de vice-président et lui permettre, en cas de décès ou de démission, de ne pas être obligé de procéder à des élections. Il essaye aussi de faire passer une modification législative permettant que, au 1er tour, le candidat arrivé en tête soit directement élu s’il obtient au moins 25% des suffrages ! Ce poste de vice-président est ouvertement annoncé pour son fils Karim (surnommé par l’ambassadrice américaine monsieur 15%. Voir lien http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9v%C3%A9lations_de_t%C3%A9l%C3%A9grammes_de_la_diplomatie_am%C3%A9ricaine_par_WikiLeaks .
En mai 2011 la rue s’embrase une première fois, la grève des éboueurs et les coupures quotidiennes de courant entraînent des émeutes. Parallèlement naissent des mouvements de protestation plus construits à l’initiative de journalistes (Fadel Barro initiateur de Y’en a marre) et plus récemment Youssou N’Dour (internationalement connu, qui donnent une puissance au mouvement dans les réseaux sociaux (Facebook notamment) mais la candidature de Youssou N’Dour à la présidence est rejetée par le Conseil Constitutionnel.
En même temps cet organisme valide une nouvelle candidature pour Wade, considérant que la réforme limitant à 2 mandats est postérieure au début du 1er, donc que ce premier mandat ne peut être pris en considération. Il y a un précédent récent en Europe, en Roumanie lorsqu’il a été décidé de limiter à 2 mandats la fonction présidentielle, Ion Iliescu a pu se présenter une 3ème fois (et être réélu en 2000-2004) car son mandat commencé après le coup d’Etat de 1989 n’entrait pas en considération, étant antérieur à cette modification. Pour la petite histoire ce dernier mandat de Ion Iliescu avait donné lieu à un second tour rocambolesque puisqu’il avait opposé celui-ci à Corneliu Vadim Tudor, le Jean-Marie Le Pen roumain …
Cette double décision, aussitôt communiquée est totalement incomprise, elle enflamme de nouveau la rue, et cette fois Dakar risque de devenir une poudrière pour une jeunesse a bout et sans espoir, notamment si Wade, soupçonné d’avoir déjà « techniquement » organisé sa réélection, est déclaré vainqueur.
D’ores et déjà l’ambassade de France à Dakar a mis en alerte tous les expatriés, les points de ralliement et d’évacuation sont transmis, chacun attend les ordres, l’armée française est en alerte.