Cette partie du livre consacre une ouverture à ces phénomènes de l’arène qui constituent l’arsenal mystique du lutteur. L’on ne peut évoquer la lutte sénégalaise sans parler de ces «gourous» qui gèrent les affaires mystiques des lutteurs. Moussa Gningue est sans aucun doute celui qui a marqué de son empreinte pendant au moins trois décennies le monde de la lutte.
Plus particulièrement, Fass dévoué corps et âme, à cette écurie où il a vécu toutes les situations. Mama Sow de Walo, disparu en 2009 était aussi très influent dans son camp. L’autre phénomène qui a envahi la lutte est la voyance, à travers Selbé Ndom qui a défrayé la chronique et apeuré certains lutteurs, donnant les verdicts avant les combats.
Gourous et « gisaane » :
S’il est un «sorcier» qui a marqué son temps, c’est bien Moussa Gningue de Fass. Avec une présence «mystique» de près de quarante ans dans l’arène, Moussa Gningue a été des grands soirs de Fass, surtout avec Moustapha Guèye.
«Avec lui, c’est autre chose. C’est le seul lutteur de Fass sur qui je mettais mon argent pour certaines dépenses sur le volet mystique. Moustapha Guèye était plus qu’un lutteur pour moi car, avant qu’il ne soit lutteur, je savais qu’il allait être un grand champion, sur des révélations d’un marabout de Kolda», avait-il expliqué.
Moussa Gningue ne passait pas inaperçu dans les stades du Sénégal avec sa crinière au vent et son maillot fétiche de l’Olympique de Marseille, offert par l’ancien international sénégalais, Abdoulaye Diallo. Tout le travail mystique, du début à la fin, était l’affaire de ce métis. «J’ai été même arrêté par les rebelles alors que je préparais un combat de Moustapha Guèye. Heureusement pour moi, ils m’ont ensuite reconnu comme gourou de Fass et m’ont libéré. Je suis passé dans des situations compliquées, dormant à la belle étoile, uniquement pour avoir des victoires», se rappelait-il
Même si les pratiques mystiques ne sont pas assez déterminantes pour certains, Fass en a pâti quand ce dernier avait décidé de raccrocher, après la fin de carrière de Moustapha Guèye en 2010. Pour ne rien arranger, sa brouille avec Gris Bordeaux a coïncidé avec les revers successifs de ce dernier qui sombrait dans le doute. Officiellement réconciliés, un ressort est cassé entre les deux parties. S’il travaille dans l’ombre pour certains sportifs et quelques lutteurs de Fass, Moussa Gningue se détache de plus en plus de la lutte. Un autre gourou qui restera dans les mémoires des amateurs pour toujours.
Feu Mama Sow de l’écurie Walo, décédé accidentellement sur la route de Saint-Louis en 2009, avec l’ex-champion Alioune Sèye. Comme le malheur ne vient jamais seul, Lac de Guiers N°2 est resté près de six ans avant sans victoire depuis la disparition tragique de son talisman. Mama Sow était lui aussi l’homme à tout faire de Walo. Il ne s’arrêtait pas sur la gestion mystique, le volet éducationnel étant son affaire. En débarquant aux entraînements de Walo, tout lutteur n’ayant pas sacrifié aux ablutions et prié est privé d’exercice.
L’ancien boxeur ne badinait pas sur ce plan et il incitait Lac de Guiers N°2 à sacrifier aux deux rakkas après chacun de ses combats. La relève est assurée par un de ses fils qui est son parfait sosie, mais ce dernier n’a ni la dimension ni le charisme du disparu. D’autres gourous comme Thierno Guèye, ancien de Fass a arrêté sa carrière sur la pression familiale depuis sa blessure par corne lors du combat Balla Gaye N°2/Moustapha Guèye.
Un autre du même nom est incontournable dans le camp de Balla Gaye N°2. Celui qui a défrayé la chronique est Mansour Sakho, le préposé du Cumikaay de Yekini. Ce dernier a été accusé d’avoir trahi son ami lors de son combat perdu contre Balla Gaye N°2, le 22 avril 2012. Artisan des grands succès de Yekini, Mansour Sakho sort de l’entourage de l’enfant de Bassoul, la seule tâche noire de toute sa carrière de «mystic man».
Anonyme en 2010-2011 dans le milieu de la lutte, Selbé Ndom a fait irruption sans crier gare. Piquée dans un jeu rendu possible par la presse, la voyante sérère en a profité pour lâcher la queue du diable pour des espèces sonnantes et trébuchantes. Ses premiers pronostics sur les affiches phares comme Bombardier/Tapha Tine ou Balla Gaye N°2/Yekini amusent plus qu’ils n’attirent l’attention.
Le milieu de la lutte, très complexe et conservateur, est partagé entre chasser l’«intruse» et la laisser s’adonner à ses prédictions. Certains lutteurs proclamés défaits avant les combats, leurs supporters, des promoteurs montent au créneau pour dénoncer les «dérapages» de Selbé. Une ambiance électrique règne et coup de théâtre ! La voyante fausse quelques pronostics comme les combats Jordan/Forza et Gouy-Gui/Ness.
Les déclarés vaincus d’avance ont gagné avec la manière et Jordan n’a pas manqué de souligner que les déclarations de Selbé lui ont donné du courage et une motivation supplémentaire. Sereine, Selbé Ndom ne se laisse pas abattre et affirme de bonne foi : «Je vois en songe des événements qui n’ont pas encore lieu par la grâce de Dieu. Je ne suis qu’une fidèle parmi tant d’autres et mes prédictions peuvent s’avérer fausses car tout est Dieu. Barké lahilahahilalah», jurait-elle quand elle a été mise devant le fait accompli.
Le phénomène s’est un peu estompé, n’empêche qu’elle a tenu en haleine pendant une ou deux saisons le milieu de la lutte.
Ces extraits sont tirés du livre sur la lutte sénégalaise "Au-delà des millions et des passions", du journaliste Omar Sharif Ndao.
Plus particulièrement, Fass dévoué corps et âme, à cette écurie où il a vécu toutes les situations. Mama Sow de Walo, disparu en 2009 était aussi très influent dans son camp. L’autre phénomène qui a envahi la lutte est la voyance, à travers Selbé Ndom qui a défrayé la chronique et apeuré certains lutteurs, donnant les verdicts avant les combats.
Gourous et « gisaane » :
S’il est un «sorcier» qui a marqué son temps, c’est bien Moussa Gningue de Fass. Avec une présence «mystique» de près de quarante ans dans l’arène, Moussa Gningue a été des grands soirs de Fass, surtout avec Moustapha Guèye.
«Avec lui, c’est autre chose. C’est le seul lutteur de Fass sur qui je mettais mon argent pour certaines dépenses sur le volet mystique. Moustapha Guèye était plus qu’un lutteur pour moi car, avant qu’il ne soit lutteur, je savais qu’il allait être un grand champion, sur des révélations d’un marabout de Kolda», avait-il expliqué.
Moussa Gningue ne passait pas inaperçu dans les stades du Sénégal avec sa crinière au vent et son maillot fétiche de l’Olympique de Marseille, offert par l’ancien international sénégalais, Abdoulaye Diallo. Tout le travail mystique, du début à la fin, était l’affaire de ce métis. «J’ai été même arrêté par les rebelles alors que je préparais un combat de Moustapha Guèye. Heureusement pour moi, ils m’ont ensuite reconnu comme gourou de Fass et m’ont libéré. Je suis passé dans des situations compliquées, dormant à la belle étoile, uniquement pour avoir des victoires», se rappelait-il
Même si les pratiques mystiques ne sont pas assez déterminantes pour certains, Fass en a pâti quand ce dernier avait décidé de raccrocher, après la fin de carrière de Moustapha Guèye en 2010. Pour ne rien arranger, sa brouille avec Gris Bordeaux a coïncidé avec les revers successifs de ce dernier qui sombrait dans le doute. Officiellement réconciliés, un ressort est cassé entre les deux parties. S’il travaille dans l’ombre pour certains sportifs et quelques lutteurs de Fass, Moussa Gningue se détache de plus en plus de la lutte. Un autre gourou qui restera dans les mémoires des amateurs pour toujours.
Feu Mama Sow de l’écurie Walo, décédé accidentellement sur la route de Saint-Louis en 2009, avec l’ex-champion Alioune Sèye. Comme le malheur ne vient jamais seul, Lac de Guiers N°2 est resté près de six ans avant sans victoire depuis la disparition tragique de son talisman. Mama Sow était lui aussi l’homme à tout faire de Walo. Il ne s’arrêtait pas sur la gestion mystique, le volet éducationnel étant son affaire. En débarquant aux entraînements de Walo, tout lutteur n’ayant pas sacrifié aux ablutions et prié est privé d’exercice.
L’ancien boxeur ne badinait pas sur ce plan et il incitait Lac de Guiers N°2 à sacrifier aux deux rakkas après chacun de ses combats. La relève est assurée par un de ses fils qui est son parfait sosie, mais ce dernier n’a ni la dimension ni le charisme du disparu. D’autres gourous comme Thierno Guèye, ancien de Fass a arrêté sa carrière sur la pression familiale depuis sa blessure par corne lors du combat Balla Gaye N°2/Moustapha Guèye.
Un autre du même nom est incontournable dans le camp de Balla Gaye N°2. Celui qui a défrayé la chronique est Mansour Sakho, le préposé du Cumikaay de Yekini. Ce dernier a été accusé d’avoir trahi son ami lors de son combat perdu contre Balla Gaye N°2, le 22 avril 2012. Artisan des grands succès de Yekini, Mansour Sakho sort de l’entourage de l’enfant de Bassoul, la seule tâche noire de toute sa carrière de «mystic man».
Anonyme en 2010-2011 dans le milieu de la lutte, Selbé Ndom a fait irruption sans crier gare. Piquée dans un jeu rendu possible par la presse, la voyante sérère en a profité pour lâcher la queue du diable pour des espèces sonnantes et trébuchantes. Ses premiers pronostics sur les affiches phares comme Bombardier/Tapha Tine ou Balla Gaye N°2/Yekini amusent plus qu’ils n’attirent l’attention.
Le milieu de la lutte, très complexe et conservateur, est partagé entre chasser l’«intruse» et la laisser s’adonner à ses prédictions. Certains lutteurs proclamés défaits avant les combats, leurs supporters, des promoteurs montent au créneau pour dénoncer les «dérapages» de Selbé. Une ambiance électrique règne et coup de théâtre ! La voyante fausse quelques pronostics comme les combats Jordan/Forza et Gouy-Gui/Ness.
Les déclarés vaincus d’avance ont gagné avec la manière et Jordan n’a pas manqué de souligner que les déclarations de Selbé lui ont donné du courage et une motivation supplémentaire. Sereine, Selbé Ndom ne se laisse pas abattre et affirme de bonne foi : «Je vois en songe des événements qui n’ont pas encore lieu par la grâce de Dieu. Je ne suis qu’une fidèle parmi tant d’autres et mes prédictions peuvent s’avérer fausses car tout est Dieu. Barké lahilahahilalah», jurait-elle quand elle a été mise devant le fait accompli.
Le phénomène s’est un peu estompé, n’empêche qu’elle a tenu en haleine pendant une ou deux saisons le milieu de la lutte.
Ces extraits sont tirés du livre sur la lutte sénégalaise "Au-delà des millions et des passions", du journaliste Omar Sharif Ndao.