Tapha Guèye domine Mame Ndiambane
Le monde de la lutte va être bouleversé. Surtout du côté de l’«université» de Fass. Un jeune lutin, du nom de Moustapha Guèye, allait changer les donnes et redorer le blason de cette écurie qui subissait le poids des âges avec la retraite de Mbaye Guèye. Les ténors d’alors comme Toubabou Dior, Birahim Ndiaye, entre autres, savaient que leur talent de lutteurs n’était pas mis en cause, mais Fass avait besoin de certitudes.
C’est en se rendant chez son marabout habituel, dans la région de Kolda, que Mbaye Guèye le «Tigre de Fass» découvre qu’il n’est pas éternel et qu’il aura un successeur au trône. Ce dernier n’est autre que son frère cadet Moustapha Guèye qui n’avait d’autres activités que l’école et le football. Le témoin de cette scène cocasse, où Mbaye Guèye insulte même le marabout quand il lui dira le nom de son successeur, est Moussa Gningue.
Le gourou de Fass revient pour la première fois sur ces faits en 2007. «Son marabout, au cours d’un échange, lui a dit que son petit frère sera son successeur. Mbaye Guèye l’a mal pris d’autant que celui dont on parle, Moustapha Guèye, avait 15-16 ans. Il ne pratiquait pas la lutte en ce moment, mais passait le plus clair de son temps aux terrains de football, après l’école. Mbaye Guèye était en colère et j’étais obligé de le sortir pour le raisonner. Mais rien n’y fit, le marabout confirme ses prédictions et affirme que Moustapha Guèye se révélera lors d’un «mbapatt» où il prendra la revanche de tous ses aînés qui seront battus par leurs adversaires. Ce jour-là, Moustapha Guèye était revenu d’un match de football.
Il était en short et a juste demandé un «ngeemb» que je me suis précipité de lui donner. Il remportera haut la main le «mbapatt». Mbaye Guèye n’en croyait pas ses yeux», annonce l’homme à l’emblématique maillot de l’Olympique de Marseille, celui de l’ex-international sénégalais Abdoulaye Diallo.
Malgré une première défaite devant Balla Bèye n°1, Moustapha Guèye va écrire une page inoubliable, au même titre que ses prédécesseurs, à Fass et dans l’histoire de la lutte au Sénégal. Ses victoires contre Mame Ndiambane, Alioune Diouf, Lac de Guiers n°1, Balla Bèye n°2, Khadim Ndiaye, pour ne citer que celles-là, resteront à jamais dans la mémoire des férus de lutte. Il a réussi à faire déjouer Yékini, le contraignant à l’unique match nul de sa carrière.
Longtemps recordman du nombre de victoires (25) il sera détrôné par Boy Kaïré d’une unité. Ce dernier, retraité, laisse la porte ouverte à un autre Fassois, Papa Sow, qui en est à vingt quatre (24) succès après son combat contre Baye Mandione.
Qui l’eut cru ? Le champion de lutte olympique et bourreau des lutteurs, Alioune Diouf, terrassé par Moustapha Guèye ! Personne ne croyait à pareil verdict à Fass, qui, à commencer par Mbaye Guèye a refusé de prendre l’avance du promoteur Maky Faye. Moustapha Guèye ne pouvait comprendre un tel refus, lui qui était un jeune en quête de gloire ! Pourquoi refuser une telle confrontation devant le champion ? Le fougueux jeunot y croyait dur comme fer et se rend chez son «grand» de l’époque, Madiagne Ndiaye et lui expose le problème.
Il revient sur cet épisode : «Je me suis rendu chez Madiagne pour lui dire que Mbaye Guèye a rendu l’avance pour mon combat contre Alioune Diouf. Il m’a demandé si je voulais réellement de ce combat et j’ai répondu par l’affirmative, en lui rétorquant que je pouvais le battre. De son propre chef, on se rend chez Maky Faye et il nous remet l’avance du combat», se remémore Moustapha Guèye. Il estime que c’est la plus belle victoire de sa carrière et l’une des plus faciles. Il refait le combat : «J’ai mimé une frappe du droit et Alioune Diouf a tenté une entrée en jambes. Malheureusement pour lui, je ne me suis pas jeté et je le regardais venir ; Quand il était à portée, je pèse de tout mon poids sur lui et il s’affale», se souvient-il.
Après avoir battu Alioune Diouf et Mame Ndiambane, Moustapha Guèye révèle quelques secrets des lutteurs sérères lors d’un voyage avec l’équipe nationale au Japon. En compagnie de ses deux victimes, en sus de Bounama Diome Rasta et d’Ibou Diop, le deuxième Tigre de Fass divulgue la phobie des lutteurs sérères pour les pastèques. «Alioune Diouf, en premier me dit qu’il avait eu peur de moi lors de notre combat. Surtout quand il m’a vu frapper dans l’air dans tous les sens à l’échauffement. Il pensait en ce moment que j’étais venu uniquement pour la bagarre. C’est pourquoi il a attaqué dès le coup d’envoi. On était au Japon avec l’équipe nationale et au moment de prendre le dessert, pastèques au menu, Alioune Diouf, Mame Ndiambane, Rasta et Ibou Diop repoussèrent leurs plats respectifs.
A ma grande surprise, je leur demande ce qui se passe, alors que les pastèques sont connues pour leur importance dans l’organisme. Rasta, d’un ton apeuré me dit que les pastèques sont maudites pour les lutteurs. Celui qui en consomme tombe toujours et la preuve est que les pastèques poussent à même le sol. Je n’en croyais pas mes oreilles et lui rétorque pourquoi les lutteurs qui n’en consomment pas tombent alors ? C’est aberrant cette croyance ! Un de nos accompagnateurs leur dira qu’il en sera toujours ainsi, qu’on aura toujours une avance sur les lutteurs sérères par rapport à leur mentalité», raconte le frère cadet de Mbaye Guèye. Cependant, l’histoire ne dira pas si Yékini, l’ex-roi des arènes qui n’a connu qu’une défaite mangeait des pastèques ou non.
Moustapha Guèye et Mame Ndiambane s’étaient rencontrés à Ouagou-Niayes, lors d’un «mbapatt», mais la confrontation n’aura pas lieu.
En 1992, chacun des deux lutteurs est au sommet de son art. Si Mame Ndiambane a fini d’être la bête noire des poids lourds comme Toubabou Dior, Mohamed Ali et Mor Fadam, de son côté, Moustapha Guèye est l’auteur d’une razzia sans précédent dans les rangs de l’écurie Sérère. Il a battu tous les champions de la structure. Le choc était inévitable entre le «Tigre de Fass» et le natif de Mbaame, une localité de Kaolack. Les forces étaient inégales, car Mame Ndiambane rendait allégrement près de 30 kg à son adversaire, qui était mi-lourd, mi-léger.
Pour les préparatifs mystiques de cette confrontation, les prédictions n’étaient pas reluisantes du côté de Fass où le marabout attitré de l’écurie avait confié à un proche du lutteur : «Votre adversaire est fort physiquement, techniquement bon et mystiquement armé. Il faudra aller dans un cimetière et essayer d’avoir les mensurations d’un mort qui aurait à peu près la même taille que lui. Et cela dans sa localité ou ses environs», recommande –t-il.
Les recherches s’avèrent infructueuses. La pression monte d’un cran à Fass, à quelques jours du combat tant attendu. Alors on tente un dernier coup de poker…
Le chargé de la question mystique était catégorique : «Le combat est perdu d’avance, mais si vous apercevez une femme sur le point d’accoucher, soyez sûrs que vous gagnerez ce combat», prévient le gourou.
Des femmes enceintes et qui accouchent, c’est quasiment tous les jours, mais dans la situation de Fass, le pied de grue devant les hôpitaux, à deux jours du combat, n’y fera rien. C’est avec un moral dans les chaussettes que Fass se rend au stade Demba Diop, croyant néanmoins en ses grands jours pour négocier le combat. Très méfiant, Fass pénètre dans le stade en escaladant le mur à l’aide d’une échelle et se retrouve dans le périmètre du gardien des lieux. La scène qui se passe alors sous les yeux des Fassois se passe de commentaire : La femme du gardien, enceinte, était sur le point d’accoucher !
Les gens s’affairaient autour d’elle pour l’acheminer à l’hôpital. La victoire était acquise ! Moustapha Guèye n’avait qu’à signer quelques heures plus tard l’une de ses plus éclatantes victoires. Un crochet décalé d’une rare adresse sur la tempe de Mame Ndiambane, fait vaciller la montagne de muscles (135 kg), le mettant Ko debout. Moustapha Guèye ne lui laisse pas le temps de souffler, il enchaîne par un hancher du côté droit qui finit par déraciner le baobab de Saloum. Du grand art !
Pour l’histoire, Mame Ndiambane ne se remettra jamais de ce revers et c’est la descente aux enfers. Des adversaires comme Lac de Guiers, Zale Lô et Commando le terrasseront tour à tour sans coup férir.
Ces extraits sont tirés du livre sur la lutte sénégalaise "Au-delà des millions et des passions", du journaliste Omar Sharif Ndao. *
C’est en se rendant chez son marabout habituel, dans la région de Kolda, que Mbaye Guèye le «Tigre de Fass» découvre qu’il n’est pas éternel et qu’il aura un successeur au trône. Ce dernier n’est autre que son frère cadet Moustapha Guèye qui n’avait d’autres activités que l’école et le football. Le témoin de cette scène cocasse, où Mbaye Guèye insulte même le marabout quand il lui dira le nom de son successeur, est Moussa Gningue.
Le gourou de Fass revient pour la première fois sur ces faits en 2007. «Son marabout, au cours d’un échange, lui a dit que son petit frère sera son successeur. Mbaye Guèye l’a mal pris d’autant que celui dont on parle, Moustapha Guèye, avait 15-16 ans. Il ne pratiquait pas la lutte en ce moment, mais passait le plus clair de son temps aux terrains de football, après l’école. Mbaye Guèye était en colère et j’étais obligé de le sortir pour le raisonner. Mais rien n’y fit, le marabout confirme ses prédictions et affirme que Moustapha Guèye se révélera lors d’un «mbapatt» où il prendra la revanche de tous ses aînés qui seront battus par leurs adversaires. Ce jour-là, Moustapha Guèye était revenu d’un match de football.
Il était en short et a juste demandé un «ngeemb» que je me suis précipité de lui donner. Il remportera haut la main le «mbapatt». Mbaye Guèye n’en croyait pas ses yeux», annonce l’homme à l’emblématique maillot de l’Olympique de Marseille, celui de l’ex-international sénégalais Abdoulaye Diallo.
Malgré une première défaite devant Balla Bèye n°1, Moustapha Guèye va écrire une page inoubliable, au même titre que ses prédécesseurs, à Fass et dans l’histoire de la lutte au Sénégal. Ses victoires contre Mame Ndiambane, Alioune Diouf, Lac de Guiers n°1, Balla Bèye n°2, Khadim Ndiaye, pour ne citer que celles-là, resteront à jamais dans la mémoire des férus de lutte. Il a réussi à faire déjouer Yékini, le contraignant à l’unique match nul de sa carrière.
Longtemps recordman du nombre de victoires (25) il sera détrôné par Boy Kaïré d’une unité. Ce dernier, retraité, laisse la porte ouverte à un autre Fassois, Papa Sow, qui en est à vingt quatre (24) succès après son combat contre Baye Mandione.
Qui l’eut cru ? Le champion de lutte olympique et bourreau des lutteurs, Alioune Diouf, terrassé par Moustapha Guèye ! Personne ne croyait à pareil verdict à Fass, qui, à commencer par Mbaye Guèye a refusé de prendre l’avance du promoteur Maky Faye. Moustapha Guèye ne pouvait comprendre un tel refus, lui qui était un jeune en quête de gloire ! Pourquoi refuser une telle confrontation devant le champion ? Le fougueux jeunot y croyait dur comme fer et se rend chez son «grand» de l’époque, Madiagne Ndiaye et lui expose le problème.
Il revient sur cet épisode : «Je me suis rendu chez Madiagne pour lui dire que Mbaye Guèye a rendu l’avance pour mon combat contre Alioune Diouf. Il m’a demandé si je voulais réellement de ce combat et j’ai répondu par l’affirmative, en lui rétorquant que je pouvais le battre. De son propre chef, on se rend chez Maky Faye et il nous remet l’avance du combat», se remémore Moustapha Guèye. Il estime que c’est la plus belle victoire de sa carrière et l’une des plus faciles. Il refait le combat : «J’ai mimé une frappe du droit et Alioune Diouf a tenté une entrée en jambes. Malheureusement pour lui, je ne me suis pas jeté et je le regardais venir ; Quand il était à portée, je pèse de tout mon poids sur lui et il s’affale», se souvient-il.
Après avoir battu Alioune Diouf et Mame Ndiambane, Moustapha Guèye révèle quelques secrets des lutteurs sérères lors d’un voyage avec l’équipe nationale au Japon. En compagnie de ses deux victimes, en sus de Bounama Diome Rasta et d’Ibou Diop, le deuxième Tigre de Fass divulgue la phobie des lutteurs sérères pour les pastèques. «Alioune Diouf, en premier me dit qu’il avait eu peur de moi lors de notre combat. Surtout quand il m’a vu frapper dans l’air dans tous les sens à l’échauffement. Il pensait en ce moment que j’étais venu uniquement pour la bagarre. C’est pourquoi il a attaqué dès le coup d’envoi. On était au Japon avec l’équipe nationale et au moment de prendre le dessert, pastèques au menu, Alioune Diouf, Mame Ndiambane, Rasta et Ibou Diop repoussèrent leurs plats respectifs.
A ma grande surprise, je leur demande ce qui se passe, alors que les pastèques sont connues pour leur importance dans l’organisme. Rasta, d’un ton apeuré me dit que les pastèques sont maudites pour les lutteurs. Celui qui en consomme tombe toujours et la preuve est que les pastèques poussent à même le sol. Je n’en croyais pas mes oreilles et lui rétorque pourquoi les lutteurs qui n’en consomment pas tombent alors ? C’est aberrant cette croyance ! Un de nos accompagnateurs leur dira qu’il en sera toujours ainsi, qu’on aura toujours une avance sur les lutteurs sérères par rapport à leur mentalité», raconte le frère cadet de Mbaye Guèye. Cependant, l’histoire ne dira pas si Yékini, l’ex-roi des arènes qui n’a connu qu’une défaite mangeait des pastèques ou non.
Moustapha Guèye et Mame Ndiambane s’étaient rencontrés à Ouagou-Niayes, lors d’un «mbapatt», mais la confrontation n’aura pas lieu.
En 1992, chacun des deux lutteurs est au sommet de son art. Si Mame Ndiambane a fini d’être la bête noire des poids lourds comme Toubabou Dior, Mohamed Ali et Mor Fadam, de son côté, Moustapha Guèye est l’auteur d’une razzia sans précédent dans les rangs de l’écurie Sérère. Il a battu tous les champions de la structure. Le choc était inévitable entre le «Tigre de Fass» et le natif de Mbaame, une localité de Kaolack. Les forces étaient inégales, car Mame Ndiambane rendait allégrement près de 30 kg à son adversaire, qui était mi-lourd, mi-léger.
Pour les préparatifs mystiques de cette confrontation, les prédictions n’étaient pas reluisantes du côté de Fass où le marabout attitré de l’écurie avait confié à un proche du lutteur : «Votre adversaire est fort physiquement, techniquement bon et mystiquement armé. Il faudra aller dans un cimetière et essayer d’avoir les mensurations d’un mort qui aurait à peu près la même taille que lui. Et cela dans sa localité ou ses environs», recommande –t-il.
Les recherches s’avèrent infructueuses. La pression monte d’un cran à Fass, à quelques jours du combat tant attendu. Alors on tente un dernier coup de poker…
Le chargé de la question mystique était catégorique : «Le combat est perdu d’avance, mais si vous apercevez une femme sur le point d’accoucher, soyez sûrs que vous gagnerez ce combat», prévient le gourou.
Des femmes enceintes et qui accouchent, c’est quasiment tous les jours, mais dans la situation de Fass, le pied de grue devant les hôpitaux, à deux jours du combat, n’y fera rien. C’est avec un moral dans les chaussettes que Fass se rend au stade Demba Diop, croyant néanmoins en ses grands jours pour négocier le combat. Très méfiant, Fass pénètre dans le stade en escaladant le mur à l’aide d’une échelle et se retrouve dans le périmètre du gardien des lieux. La scène qui se passe alors sous les yeux des Fassois se passe de commentaire : La femme du gardien, enceinte, était sur le point d’accoucher !
Les gens s’affairaient autour d’elle pour l’acheminer à l’hôpital. La victoire était acquise ! Moustapha Guèye n’avait qu’à signer quelques heures plus tard l’une de ses plus éclatantes victoires. Un crochet décalé d’une rare adresse sur la tempe de Mame Ndiambane, fait vaciller la montagne de muscles (135 kg), le mettant Ko debout. Moustapha Guèye ne lui laisse pas le temps de souffler, il enchaîne par un hancher du côté droit qui finit par déraciner le baobab de Saloum. Du grand art !
Pour l’histoire, Mame Ndiambane ne se remettra jamais de ce revers et c’est la descente aux enfers. Des adversaires comme Lac de Guiers, Zale Lô et Commando le terrasseront tour à tour sans coup férir.
Ces extraits sont tirés du livre sur la lutte sénégalaise "Au-delà des millions et des passions", du journaliste Omar Sharif Ndao. *