Et à vrai dire, après les bombardements intensifs effectués par l’aviation française, qui ont détruit l’essentiel des armes, des munitions et de la logistique de ces groupes terroristes — sans compter les très lourdes pertes en vies humaines qu’ils ont subies —, les Talibans du Sahel, ou ce qu’il en reste, n’ont pas attendu longtemps pour plier armes, bagages et véhicules pick-up avant de filer sans demander leur reste. L’adversaire étant trop puissant, et ses avions Rafale (dont, à ce jour, aucun exemplaire n’a été vendu dans le monde mais après cette brillante démonstration, sûr que les commandes vont affluer !), ses avions Rafale, donc, mais aussi ses hélicoptères Apache étant terriblement meurtriers et précis dans leurs bombardements, Moctar Bel Moctar, Iyad Ag Ghali et autres chefs de guerre ont préféré prudemment évacuer les villes qu’ils avaient occupées. Et d’où ils constituent des cibles idéales pour l’aviation française. Surpris une première fois à Konna et environs, ils ont compris qu’ils avaient intérêt à évacuer les villes du Nord-Mali qu’ils occupaient depuis mars dernier.
C’est ce qui explique qu’en réalité, les troupes françaises déployées au sol — près de 2500 hommes à ce jour et les renforts en hommes et en matériels continuent d’arriver — n’ont guère eu à se battre pour « libérer » les autres villes dont ils annoncent triomphalement, et à intervalles réguliers, la reconquête. Une reconquête d’autant plus facile que lesdites villes n’étaient plus occupées par les groupes terroristes ou les rebelles touaregs du MNLA (Mouvement national pour la Libération de l’Azawad) ou les islamistes touaregs d’Ansar Dine. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, c’est bien connu et c’est presque la fleur au fusil ou l’arme sur l’épaule que les troupes françaises ont fait leur entrée, « sous les acclamations des populations », dans les villes de Konna, Gao et, surtout, Tombouctou. En attendant la « libération » de Kidal dans les environs de laquelle les islamistes auraient regroupé leurs dernières forces. Oh, officiellement, bien sûr, et selon la rhétorique hexagonale reprise avec application par les médias tricolores, c’est l’armée malienne — dont on sait qu’elle n’existe plus car s’étant débandée dès les premières escarmouches au Nord en mars-avril dernier —, c’est l’armée malienne, donc, qui aurait « libéré » ces villes avec le soutien de l’armée française. Défense de rire ! Comme nous l’explique un confrère qui se trouve en ce moment sur le terrain, « ce sont les forces françaises qui mènent l’offensive mais, dès qu’elles arrivent à l’entrée des villes anciennement conquises par les islamistes, elles s’effacent pour laisser entrer en libératrices le peu de troupes maliennes qu’elles ont pu rassembler. De ce fait, les populations ont l’illusion que c’est leur armée qui les a libérées ou que, du moins, elle a pris une part décisive à cette libération ! ».Question d’orgueil… Un peu comme lorsque,après avoir bombardé son palais des jours durant et l’avoir encerclé avec leurs chars, les soldats de l’opération française Licorne en Côte d’Ivoire avaient laissé entrer dans ledit palais les combattants des Forces nouvelles de M. Guillaume Soro pour dire que c’est eux qui avaient arrêté l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo après avoir conquis de haute lutte sa résidence !
Car, bien évidemment, cette guerre de libération du Mali, c’est d’abord et avant tout une guerre française pour la récupération du territoire d’une ancienne colonie française. Une guerre de reconquête économique par des moyens militaires d’un pays conquis économiquement par la Chine. Une guerre qui n’a rien à voir avec celle qu’envisageait de mener l’Onu et à propos de laquelle M. Romano Prodi, l’envoyé spécial du secrétaire général de cette organisation mondiale, M. Ban-Ki Moon, avait dit qu’elle ne pourrait pas commencer avant le mois d’août prochain. Pendant donc que les armées africaines préparaient avec beaucoup d’indolence leur montée en puissance tout en recherchant les moyens financiers pour s’équiper, pendant que l’Union européenne elle-même s’apprêtait à envoyer ses experts former l’armée malienne et la remettre en ordre de combat, la France a pris les devants pour régler leur compte aux islamistes qui avaient déjà fini de transformer les villes du Nord-Mali en Waziristan sahélien ! Et ce n’est qu’après les premières frappes qui ont vitrifié les terroristes islamistes et leurs équipements, qu’elle est allée solliciter le feu vert a posteriori du Conseil de sécurité de cette organisation qualifiée de « machin » par le général De Gaulle. Un conseil de sécurité dont la France est un membre permanent. Après la séance tenue par ledit Conseil, des officiels français se sont félicités de l’ « approbation » qu’il a donnée à leurs actions guerrières au Mali. Une « approbation » a posteriori en lieu et place d’une autorisation, on admirera la subtilité ! Et la différence…
Mais bon, l’essentiel c’est, pour le président François Hollande, dont la cote de popularité était au plus bas dans tous les sondages au moment où il décidait d’envoyer ses Rafale et ses Apache, d’avoir sa propre guerre africaine à lui aussi, après les expéditions de son prédécesseur sur le continent, dont l’une au moins a été régicide — l’opération de l’Otan en Libye qui s’est achevée par la mort du Colonel Kadhafi, « Guide » de la Jamahiriya. L’autre expédition c’est, bien sûr, l’opération Licorne en Côte d’Ivoire qui s’est soldée par l’arrestation d’un président africain qui contestait la victoire électorale de son adversaire et… son emprisonnement à La Haye, aux Pays-Bas !
Cela dit, force est de convenir que la France est allée vite, trop vite dans cette guerre au Mali, au risque de danser plus vite que la musique… militaire. Car, enfin, pour sa com, elle avait besoin de dire que son armée est venue prêter main-forte à une force africaine, à défaut de soutenir des troupes maliennes qui n’existent pas. Or, voilà qu’elle se retrouve seule à guerroyer face aux islamistes et sans aucun soldat africain dans les environs ! Plutôt fâcheux… On comprend donc les efforts désespérés des responsables français pour dégoter à la hâte des soldats africains à convoyer d’urgence au Mali pour les photos, les caméras et la com de la France. Hélas, malgré ces efforts, les pays du continent font plus que traîner les pieds pour concrétiser leur promesse d’envoyer des troupes au Mali. Ils invoquent des problèmes financiers et de logistique pour expliquer le retard enregistré dans leur déploiement. Néanmoins, à grand’peine, et à force de chercher, la France a fini par trouver quelques dizaines de soldats togolais qui ont débarqué avec leurs… marmites sur le tarmac de l’aéroport de Bamako-Sénou. Le reste des troupes africaines a suivi dans un grand désordre, preuve d’une impréparation manifeste. Mais bon, faut pas exagérer non plus, on ne leur demande pas de combattre à ces Africains, juste d’être là pour « couvrir » la France et gommer l’impression de guerre coloniale — ce qu’elle est en vérité — de son expédition au Nord-Mali. Car pour les choses sérieuses, c’est-à-dire les combats, la France avec ses chars, ses avions, ses hélicoptères, ses forces spéciales et tout le tintouin, s’en charge. Accessoirement, les Tchadiens, qui sont de redoutables guerriers du désert, les appuieront. Les autres forces africaines seront chargées de sécuriser les villes reconquises par la France. Autrement dit, elles seront là pour le décor…
Pauvres pays africains qui sont incapables de se défendre tout seuls cinquante ans après leurs indépendances ! Et pauvres pays africains qui en sont à quémander honteusement une somme de 460 millions de dollars (en nature ou en espèces) soit 22 milliards de francs cfa pour financer le déploiement de leurs troupes au Mali ! Des troupes qui vont passer en définitive de 3300 hommes, estimation première des chefs d’état-major de la Cedeao, à 5700 hommes. Du moins, c’est l’effectif que va fournir l’organisation sous-régionale car le Tchad, lui, va déployer à lui tout seul un contingent de 2000 hommes. Et dire que la puissance ouest-africaine qu’est le Nigeria ne fournira que 1200 hommes, lesquels arrivent au compte-gouttes à Bamako. La France, elle, toute seule comme une grande, a déjà projeté 2500 hommes sur un théâtre d’opérations situé à des milliers de kilomètres de ses frontières. Quoi qu’il en soit, ce retard à l’allumage des troupes africaines est du plus mauvais effet pour les troupes françaises qui se retrouvent toutes seules, ou presque, sur le terrain à combattre les groupes islamiques armés. Et les politiques français ont beau jeu de dire que leur armée vient en soutien aux troupes africaines, ou encore à l’armée malienne, l’ennui c’est que, pour le moment du moins, ni les premières, ni la seconde ne se trouvent encore sur le terrain aux côtés des soldats braves blancs de la France !
Mamadou Oumar NDIAYE
« Le Témoin » N° 1112 –Hebdomadaire Sénégalais ( FEVRIER 2013)
C’est ce qui explique qu’en réalité, les troupes françaises déployées au sol — près de 2500 hommes à ce jour et les renforts en hommes et en matériels continuent d’arriver — n’ont guère eu à se battre pour « libérer » les autres villes dont ils annoncent triomphalement, et à intervalles réguliers, la reconquête. Une reconquête d’autant plus facile que lesdites villes n’étaient plus occupées par les groupes terroristes ou les rebelles touaregs du MNLA (Mouvement national pour la Libération de l’Azawad) ou les islamistes touaregs d’Ansar Dine. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, c’est bien connu et c’est presque la fleur au fusil ou l’arme sur l’épaule que les troupes françaises ont fait leur entrée, « sous les acclamations des populations », dans les villes de Konna, Gao et, surtout, Tombouctou. En attendant la « libération » de Kidal dans les environs de laquelle les islamistes auraient regroupé leurs dernières forces. Oh, officiellement, bien sûr, et selon la rhétorique hexagonale reprise avec application par les médias tricolores, c’est l’armée malienne — dont on sait qu’elle n’existe plus car s’étant débandée dès les premières escarmouches au Nord en mars-avril dernier —, c’est l’armée malienne, donc, qui aurait « libéré » ces villes avec le soutien de l’armée française. Défense de rire ! Comme nous l’explique un confrère qui se trouve en ce moment sur le terrain, « ce sont les forces françaises qui mènent l’offensive mais, dès qu’elles arrivent à l’entrée des villes anciennement conquises par les islamistes, elles s’effacent pour laisser entrer en libératrices le peu de troupes maliennes qu’elles ont pu rassembler. De ce fait, les populations ont l’illusion que c’est leur armée qui les a libérées ou que, du moins, elle a pris une part décisive à cette libération ! ».Question d’orgueil… Un peu comme lorsque,après avoir bombardé son palais des jours durant et l’avoir encerclé avec leurs chars, les soldats de l’opération française Licorne en Côte d’Ivoire avaient laissé entrer dans ledit palais les combattants des Forces nouvelles de M. Guillaume Soro pour dire que c’est eux qui avaient arrêté l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo après avoir conquis de haute lutte sa résidence !
Car, bien évidemment, cette guerre de libération du Mali, c’est d’abord et avant tout une guerre française pour la récupération du territoire d’une ancienne colonie française. Une guerre de reconquête économique par des moyens militaires d’un pays conquis économiquement par la Chine. Une guerre qui n’a rien à voir avec celle qu’envisageait de mener l’Onu et à propos de laquelle M. Romano Prodi, l’envoyé spécial du secrétaire général de cette organisation mondiale, M. Ban-Ki Moon, avait dit qu’elle ne pourrait pas commencer avant le mois d’août prochain. Pendant donc que les armées africaines préparaient avec beaucoup d’indolence leur montée en puissance tout en recherchant les moyens financiers pour s’équiper, pendant que l’Union européenne elle-même s’apprêtait à envoyer ses experts former l’armée malienne et la remettre en ordre de combat, la France a pris les devants pour régler leur compte aux islamistes qui avaient déjà fini de transformer les villes du Nord-Mali en Waziristan sahélien ! Et ce n’est qu’après les premières frappes qui ont vitrifié les terroristes islamistes et leurs équipements, qu’elle est allée solliciter le feu vert a posteriori du Conseil de sécurité de cette organisation qualifiée de « machin » par le général De Gaulle. Un conseil de sécurité dont la France est un membre permanent. Après la séance tenue par ledit Conseil, des officiels français se sont félicités de l’ « approbation » qu’il a donnée à leurs actions guerrières au Mali. Une « approbation » a posteriori en lieu et place d’une autorisation, on admirera la subtilité ! Et la différence…
Mais bon, l’essentiel c’est, pour le président François Hollande, dont la cote de popularité était au plus bas dans tous les sondages au moment où il décidait d’envoyer ses Rafale et ses Apache, d’avoir sa propre guerre africaine à lui aussi, après les expéditions de son prédécesseur sur le continent, dont l’une au moins a été régicide — l’opération de l’Otan en Libye qui s’est achevée par la mort du Colonel Kadhafi, « Guide » de la Jamahiriya. L’autre expédition c’est, bien sûr, l’opération Licorne en Côte d’Ivoire qui s’est soldée par l’arrestation d’un président africain qui contestait la victoire électorale de son adversaire et… son emprisonnement à La Haye, aux Pays-Bas !
Cela dit, force est de convenir que la France est allée vite, trop vite dans cette guerre au Mali, au risque de danser plus vite que la musique… militaire. Car, enfin, pour sa com, elle avait besoin de dire que son armée est venue prêter main-forte à une force africaine, à défaut de soutenir des troupes maliennes qui n’existent pas. Or, voilà qu’elle se retrouve seule à guerroyer face aux islamistes et sans aucun soldat africain dans les environs ! Plutôt fâcheux… On comprend donc les efforts désespérés des responsables français pour dégoter à la hâte des soldats africains à convoyer d’urgence au Mali pour les photos, les caméras et la com de la France. Hélas, malgré ces efforts, les pays du continent font plus que traîner les pieds pour concrétiser leur promesse d’envoyer des troupes au Mali. Ils invoquent des problèmes financiers et de logistique pour expliquer le retard enregistré dans leur déploiement. Néanmoins, à grand’peine, et à force de chercher, la France a fini par trouver quelques dizaines de soldats togolais qui ont débarqué avec leurs… marmites sur le tarmac de l’aéroport de Bamako-Sénou. Le reste des troupes africaines a suivi dans un grand désordre, preuve d’une impréparation manifeste. Mais bon, faut pas exagérer non plus, on ne leur demande pas de combattre à ces Africains, juste d’être là pour « couvrir » la France et gommer l’impression de guerre coloniale — ce qu’elle est en vérité — de son expédition au Nord-Mali. Car pour les choses sérieuses, c’est-à-dire les combats, la France avec ses chars, ses avions, ses hélicoptères, ses forces spéciales et tout le tintouin, s’en charge. Accessoirement, les Tchadiens, qui sont de redoutables guerriers du désert, les appuieront. Les autres forces africaines seront chargées de sécuriser les villes reconquises par la France. Autrement dit, elles seront là pour le décor…
Pauvres pays africains qui sont incapables de se défendre tout seuls cinquante ans après leurs indépendances ! Et pauvres pays africains qui en sont à quémander honteusement une somme de 460 millions de dollars (en nature ou en espèces) soit 22 milliards de francs cfa pour financer le déploiement de leurs troupes au Mali ! Des troupes qui vont passer en définitive de 3300 hommes, estimation première des chefs d’état-major de la Cedeao, à 5700 hommes. Du moins, c’est l’effectif que va fournir l’organisation sous-régionale car le Tchad, lui, va déployer à lui tout seul un contingent de 2000 hommes. Et dire que la puissance ouest-africaine qu’est le Nigeria ne fournira que 1200 hommes, lesquels arrivent au compte-gouttes à Bamako. La France, elle, toute seule comme une grande, a déjà projeté 2500 hommes sur un théâtre d’opérations situé à des milliers de kilomètres de ses frontières. Quoi qu’il en soit, ce retard à l’allumage des troupes africaines est du plus mauvais effet pour les troupes françaises qui se retrouvent toutes seules, ou presque, sur le terrain à combattre les groupes islamiques armés. Et les politiques français ont beau jeu de dire que leur armée vient en soutien aux troupes africaines, ou encore à l’armée malienne, l’ennui c’est que, pour le moment du moins, ni les premières, ni la seconde ne se trouvent encore sur le terrain aux côtés des soldats braves blancs de la France !
Mamadou Oumar NDIAYE
« Le Témoin » N° 1112 –Hebdomadaire Sénégalais ( FEVRIER 2013)