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Le Sénégal est à l’abri de tout problème « ethnique » !

Après la proclamation des résultats provisoires confirmant la tenue d’un second tour suite à l’élection présidentielle de dimanche dernier, la panique commence à gagner le camp du président Wade à tel point que certains de ses collaborateurs sont entrain de jouer avec le feu en essayant de manipuler des Sénégalaises et Sénégalais non avertis sur un soi-disant vote « ethnique ». La carte des résultats montre pourtant qu’en aucun cas il n’y a eu un vote « ethnique » au Sénégal car le candidat Macky Sall qui est un Pulaar (« Toucouleur » ou Peul comme on le veut !) a fait ses plus larges scores dans des régions ou départements où les membres de son « ethnie » ne sont pas majoritaires (Dakar ville cosmopolite par excellence, Fatick capitale du Sine dominé par les Sérères, au Fouta dans le département de Podor c’est l’opposant Ousmane Tanor Dieng un Wolof qui arrive en tête et à Matam où Macky a gagné, il est suivi de prés par Abdoulaye Wade). De l’autre côté, le candidat Wade, un wolof a fait ses scores les plus nets dans des régions habitées par des Haal Pulaar (comme la région de Kolda, le département de Ranérou dans le Ferlo, une partie de la région de Saint-Louis et certains endroits de la région de Tamba Counda, sans oublier la région de Sédhiou peuplée par des Peuls et des Mandingues). Dans cette situation, il est impossible de parler de vote « ethnique » ou de brandir l’argument de l’ethnicité pour chercher à déstabiliser les Sénégalais.


Rédigé par leral.net le Vendredi 2 Mars 2012 à 14:57 | | 0 commentaire(s)|

Le Sénégal est à l’abri de tout problème « ethnique » !
D’ailleurs je vais vous dire une chose : un conflit à caractère « ethnique » est impossible au Sénégal Voici les principaux éléments sur lesquels je m’appuis pour avancer cela.
Le premier élément est lié au passé, c’est-à-dire à l’histoire du Sénégal à travers plusieurs facteurs : des migrations plus que millénaires, un brassage social, physique et culturel achevé depuis des siècles, etc.
Passé historique et migrations anciennes
Après l’éclatement des grands empires : Ghana qui a brillé du 7e au 11e siècle et qui se trouve dans une région à cheval aujourd’hui entre la Mauritanie, le Sénégal et le Mali, les populations ont pris deux directions principales : vers l’est et vers l’ouest longeant la vallée du fleuve Sénégal. La même situation s’est reproduite après l’éclatement de l’empire du Mali qui a duré du 13e au 14e siècle. Les populations sont allées dans toutes les directions. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle dans toute l’Afrique occidentale notamment en Sénégambie, on trouve des Mandingues connus sous des noms différents (Bambara au Mali et au Sénégal, Socé dans le sud ouest du Sénégal, Malinké en Guinée et dans le nord ouest de la Côte d’ivoire, Dioula au nord de la Côte d’ivoire et au Burkina (où on parle aussi de Mandé), Mandingo en Guinée Bissau, en Sierra Leone et au Libéria, etc. Ces déplacements très anciens ont fini par créer des entités politiques moins grandes certes, mais très riches en diversité « ethnique » à savoir les royaumes suivants : Tékrur, Djolof, Sine Saloum, Cayor, Walo, Baol, Gabou, Fouladou, etc. Mais les endroits de métissage par excellence restent la moyenne vallée du fleuve Sénégal ou Fouta Toro dont la preuve indéniable est l’existence de plus 200 patronymes différents originaires de toute la sous région ouest africaine à tel point que l’historien mauritanien Omar Ba a intitulé un de ses livres « Le Fouta Toro au carrefour des cultures », publié aux éditions l’Harmattan en 1977. La situation observée au Fouta se retrouve aussi et surtout en Casamance dans les trois régions de Kolda, Sédhiou et Ziguinchor, où généralement tous les habitants sont polyglottes. Un autre élément qui a favorisé ce brassage des populations, est l’aspect géographique.

Atout géographique
Le Sénégal est non seulement un petit pays de moins de 200.000 kms carrés, mais aussi un pays dont le relief a joué fortement pour la mobilisation et le brassage des populations. En effet, le pays est doté d’un relief de plaines donc très plat. Les rares massifs montagneux sont ceux de la région de Thiès (massif de Ndiass dont le point culminant ne dépasse pas les 100 m et ceux du Sénégal oriental qui dépassent rarement les 200 m. On est loin des pays comme le Kenya, Madagascar ou la Guinée, le Rwanda , etc., dotés de montagnes avec des hauteurs atteignant parfois 8000 m. Il existe peu de cours d’eau à l’intérieur du pays où des animaux aquatiques féroces pourraient vivre et empêcher les populations de se déplacer comme ils le veulent. Si les Peuls nomades se retrouvent dans tout le pays d’est en ouest, du nord au sud, c’est justement à cause de cette configuration géographique. Cet aspect géographique en favorisant les mouvements a cassé les barrières « ethniques ». Les populations se découvrent, s’acceptent. Au Sénégal, les mariages mixtes c’est-dire entre personnes d’ « ethnies » et de confessions différentes sont très élevés. Á cela, s’ajoute que la colonisation a fait du Sénégal un pays en avance sur les autres notamment sur ces problèmes sociaux qu’on retrouve ailleurs en Afrique.
Une ancienne colonie en avance sur les autres
Les Français qui ont colonisé une bonne partie de la sous région ouest-africaine à partir de la seconde moitié du 19 siècle étaient déjà installés dans quatre villes du Sénégal (Saint-Louis, Gorée, Rufisque et Dakar) depuis fort longtemps. Ces quatre villes ont fini par constituer ce qu’on appelle les quatre communes de plein exercice vers la fin du 19e siècle et où les résidents étaient des citoyens français qui participaient activement à la vie politique. Les quatre communes ont en effet envoyé à l’assemblée nationale française des députés qui au départ étaient des Européens ou des métis résidant dans les communes. En 1914, pour la première fois un député noir fut élu en la personne de Blaise Diagne. Ce dernier mourut en 1934 et son successeur fut Galandou Diouf qui lui aussi mourut en 1941. Cinq ans plus tard un autre Sénégalais Lamine Gueye Docteur en droit en 1921 fut élu à l’assemblée française. La politique telle qu’on la pratique aujourd’hui, c’est-à-dire la démocratie calquée sur le modèle européen n’est donc pas quelque chose de nouveau au Sénégal. Après avoir été colonisés, les Sénégalais ont joué le rôle d’auxiliaires de l’administration coloniale dont ils finirent par devenir très familiers. Ils ont été des interprètes, des laptots, bref des gens proches des Français. Ils ont aussi été des colonisateurs notamment à travers le recrutement de soldats. Le premier bataillon de militaires créé en Afrique noire francophone l’a été au Sénégal en 1857 sous le gouvernorat de Faidherbe. Ces militaires après avoir servi dans l’armée coloniale au Sénégal, en Afrique occidentale française et un peu partout dans le monde, ont occupé par la suite des postes dans l’administration comme chef de police, interprètes, chef de canton etc.
En plus de cela, les plus grandes viles actuelles du Sénégal sont pour la plupart des villes coloniales où des populations venues non seulement de toute la colonie du Sénégal mais aussi de toute l’AOF se sont installées définitivement en occupant des postes dans l’administration où dans le privé. La preuve la plus visible de cette concentration de populations d’origine diverse est la ville de Dakar très cosmopolite. Á l’image de sa capitale, le Sénégal est véritablement un creuset. Le dernier élément qui milite en faveur de la cohésion sociale est lié à sa sociologie qui repose sur des bases solides.
Une sociologie bâtit sur de béton
Parmi les hommes les plus écoutés au Sénégal figurent les chefs religieux. Or tous ces hommes des sont des produits de ce métissage à la sénégalaise (El Haji Malick Sy, Ahmadou Bamba, Ibrahima Niasse, le Cardinal Yacinthe Thiandoum, Seydina Limamou Laye, etc.). La polygamie qui est assez répandue et tolérée au Sénégal a elle aussi contribué à cimenter la cohésion sociale au Sénégal. D’après Makhtar Diouf dans son livre « Sénégal : les ethnies et la nation », publié aux éditions NEA en 1998, 7 couples polygames sur 10 au Sénégal ont des origines « ethniques » différentes. Au Sénégal, des musulmans et chrétiens se marient sans faire l’objet de pressions sociales. Ce qui favorise inévitablement une cohésion sociale. Enfin, il ne faut pas sous estimer la maturité des Sénégalais et des Sénégalaises.qui sont des gens instruits depuis forts longtemps. Dans son livre « Antériorité des civilisations nègres, Mythes ou vérité historique ? » Cheikh Anta Diop explique clairement que la population sénégalaise dans sa totalité vient de l’ancienne Égypte pharaonique, berceau des civilisations. En plus de cela, les religions musulmane et chrétienne ont permis la naissance d’élite très instruites et influentes au Sénégal. Les Peuls ont utilisé l’alphabet arabe pour écrire en Pulaar (Ajami). La colonisation européenne n’a fait que renforcer cette cohésion de la société sénégalaise. Les plus grands intellectuels de l’Afrique Occidentale Française sont des Sénégalais à cause notamment de la création de grandes écoles militaires ou des écoles pour les fils des chefs mais aussi la prestigieuse école William Ponty où étaient formées toutes les cadres de l’Afrique noire française.
Tous ces facteurs et éléments énumérés dans ce texte ont eu pour résultat la naissance d’un pays avec une société caractérisée certes par des diversités « ethniques », culturelles et religieuses, mais qui est une société ouverte, une société de tolérance, d’acceptation et de solidarité. Voilà pourquoi, je reste optimiste et demeure convaincu que mon pays le Sénégal ne connaîtra pas un problème « ethnique » même si je sais qu’il existe en ce moment des démons qui au nom du pouvoir et de la richesse sont prêts à tout pour manipuler les habitants et dresser les uns contre les autres. J’ai envie de dire à ces gens là qu’ils aillent se faire voir, ils ne le réussiront jamais leur coup.
Dr Amadou BA Ph, D. Histoire
Enseignant Université Laurentienne de Sudbury Ontario Canada.
ax_ba@laurentienne.ca

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