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Le Venezuela sous l'emprise de Hugo Chavez

Rédigé par leral.net le Mercredi 3 Octobre 2012 à 11:04 | | 0 commentaire(s)|

Au culte de la personnalité s'ajoutent les œuvres sociales directement financées par la manne pétrolière.


Le Venezuela sous l'emprise de Hugo Chavez
Hugo Chavez a conclu son meeting de Guarenas, samedi 29 septembre, par ces mots: «Que le Christ toujours nous illumine! Votez Chavez pour continuer à construire le règne de Dieu sur terre! Hasta la victoria siempre!» Il avait manifestement retrouvé une énergie qui avait disparu depuis que son cancer fut diagnostiqué, en juin 2011. Il a fait allusion à sa santé: «J'ai vaincu la mort pour assumer mes engagements vis-à-vis du peuple vénézuélien!»

Les références mystiques et religieuses sont aujourd'hui beaucoup plus nombreuses dans les discours de Chavez que les références marxistes. Il a déplacé la date de l'élection pour la faire coïncider avec la fête de la Vierge de Rosario de la Savaneta, vénérée dans tout le pays. S'il se veut le leader du socialisme du XXIe siècle, il s'appuie plus sur le mythe de Bolivar, le libérateur de la patrie, et la Bible que sur Le Capital.

Mercredi dernier, pour contrecarrer les critiques de l'opposition sur l'état des infrastructures nationales, il a clamé: «Ce qui est en jeu, ce n'est pas si l'électricité arrive (dans les maisons) ou s'il y a des trous dans les routes, mais la vie de la patrie.» Pour appeler à voter pour lui le 7 octobre prochain, il scande: «Chavez ne ment pas, Chavez ne se rend pas, Chavez est le peuple, Chavez est la vérité, Chavez, c'est vous tous.»
Les plus grandes réserves de pétrole du monde

Sa capacité à galvaniser les foules n'est pas le seul élément qui lui a permis de se maintenir au pouvoir depuis 1998. «Chavez, c'est 250 % de politique», estime Temir Porras, vice-ministre pour les Affaires européennes.

Quand, à la fin de l'année 2010, des pluies diluviennes détruisent de nombreux quartiers pauvres et privent de logement plusieurs centaines de milliers de personnes, il réussit à retourner la situation en sa faveur en réquisitionnant des universités, des immeubles, des ministères, jusqu'à son propre palais présidentiel de Miraflores pour accueillir des sans-abris. En lançant la nouvelle grande mission Vivienda, qui projette de construire plusieurs centaines de milliers de logements, il parvient à s'exonérer de toute responsabilité dans le désastre, alors qu'il est au pouvoir depuis plus de dix ans. Mieux: il transforme cette nouvelle mission en tremplin de sa candidature à la présidentielle du 7 octobre. Plus de 250.000 logements auraient déjà été construits. Plusieurs doivent être inaugurés la semaine prochaine, quelques jours avant le scrutin.

Une telle campagne de reconstruction n'a été possible que grâce à la manne pétrolière. Celle-ci a considérablement augmenté depuis une dizaine d'années grâce à Chavez, qui a imposé des conditions beaucoup plus drastiques aux compagnies étrangères opérant dans son pays. Le Venezuela possède les plus grandes réserves de pétrole du monde. Chavez utilise depuis dix ans ces ressources pour développer des programmes sociaux dans les quartiers, avec l'aide de Cuba, notamment dans le domaine médical. Ces «missions» ont eu un impact très important sur les statistiques sociales du pays, déclaré vierge d'analphabétisme par l'ONU en 2005.
L'implication de Cuba

Les missions se sont transformées en système universitaire, scolaire et de santé. Elles fournissent aussi du travail. Ainsi la mission Vivienda fait travailler les personnes déplacées à la reconstruction de leur maison. La maison de Roberto Rivera avait disparu dans une coulée de boue en novembre 2010. Il a été relogé avec sa femme et ses deux enfants dans un bâtiment du centre de Caracas, toujours en attente de réhabilitation. Et il travaille sur les chantiers de la mission Vivienda.

Visitant une mission, «Barrio Adentro», «El Nino Jesus» ou «Sucre»,vous êtes accueilli par des personnes portant chemise et casquette rouge, aux couleurs du parti de Chavez, le PSUV. Parfois, ce sont des employés de PDVSA, la compagnie pétrolière, également revêtus de rouge. Ici, l'État est absent. Seuls existent les militants du PSUV et les employés de PDVSA. Il s'est construit une administration parallèle de l'éducation et de la santé qui ne dépend pas de l'État mais du parti et de la compagnie pétrolière. Et financée par cette dernière. Le message est clair: l'aide que nous vous apportons ne vient pas de l'État mais de Hugo Chavez.

Visiter un hôpital public permet de se rendre compte de l'état de délabrement des infrastructures hospitalières, qui ont été négligées au profit des missions. Le secteur privé de la santé en a profité pour se développer. L'action de l'État est déléguée au parti, les ressources générées par le pétrole allant directement aux missions. Le régime cubain est très impliqué dans ces projets. «Nous avons été obligés de faire venir des médecins cubains parce que les médecins vénézuéliens refusaient d'aller dans les barrios (quartiers pauvres)», explique le journaliste Miguel Angel Perez Pirela.

Les proches de Chavez justifient la politisation des aides sociales par le fait que le régime chaviste est en guerre. «Entre 2000 et 2005, nous avons dû nous défendre contre l'agressivité de la bourgeoisie, qui a fomenté un coup d'État et une grève insurrectionnelle. Aujourd'hui, nos réserves pétrolières suscitent la convoitise extérieure», explique le vice-ministre Temir Porras.
Favori des sondages

L'opinion publique vénézuélienne est sensible au poids que pèse désormais le pays sur la scène internationale. Là encore, c'est le pétrole qui lui a permis de devenir l'un des acteurs majeurs de la diplomatie du sous-continent. Les déclarations contre «l'empire» et la nécessité pour la région de s'unir pour contrer l'influence de Washington ont eu d'autant plus de poids que Caracas a apporté une aide substantielle à de nombreux pays latino-américains. Mais si Hugo Chavez reste le favori de l'élection de dimanche prochain, sa victoire ne lui laissera que peu de marge de manœuvre pour «poursuivre la révolution bolivarienne», car le déficit d'investissements dans les infrastructures mettra rapidement le pays dans une situation d'urgence.
Par Patrick Bèle