Chez les Agni et les Yacouba, en Côte d’Ivoire, comme chez les Mankagne, les Mandjak et autres populations animistes de ma Casamance natale, lorsqu’une personne meurt, on cherche toujours à connaître l’origine de son décès avant de la mettre sous terre. Muni d’une planche sur laquelle on fait coucher le défunt, de gros gaillards portent le cercueil et se laissent guider par lui vers le ou les sorciers qui ont mangé l’âme du disparu. Chez certains peuples, c’est tam-tam battu sur la place publique ou le mortier et le pilon qui identifiaient les meurtriers. Indexé et parfois cogné par le cercueil, ce dernier, pris de démence, se mettait debout devant tout le village et citait les noms de ses complices et expliquait le mode opératoire utilisé pour la mise à mort du défunt. C’était tous des gens du peuple, de simples sujets sans aucune responsabilité collective et, à la fin de la cérémonie, ils étaient bannis du village et leurs cases brulées. On appelait cela le bal des sorciers. Mais, aussi loin que l’on puisse remonter dans l’histoire de l’Afrique noire, jamais aucun homme ayant entre ses mains les responsabilités d’Abdoulaye Wade ne s’était illustré à cette valse. De mémoire d’homme, la confession d’aucun criminel n’a jamais eue une aussi grande importance que celle du chef de l’Etat Sénégalais sur la participation du parti socialiste au meurtre du commissaire Sadibou Ndiaye. Comme si ce cas ne suffisait pas à nous faire frémir et à haïr les politiques, Gorgui, comme pris de «Djeufour», gratifie son peuple de révélations macabres, en lui citant l’affaire Me Babacar Sèye et, cerise sur le gâteau, il lui donne en dessert les pratiques de sacrifices humaines dont les Albinos seraient les agneaux pour la pérennisation du régime socialiste. En faisant cette sortie, il voudrait que l’histoire retienne que les quelques crimes commis sous son régime ont précédés de grands crimes jamais dévoilés. Il a raison mais, cela ne doit ni excuser ni justifier les siens! Et sa démarche est franchement funeste. Quand on occupe son poste, le chef de l’Etat doit avoir le cœur suffisamment grand pour garder les secrets, tous les secrets, qui ont servi de socle à l’élaboration de l’Etat. Ce sont des secrets d’Etat. Et j’aimerai bien savoir quel régime au monde a pu fonctionner sans enterrer des cadavres sous la pelouse du palais. Divulguer ces secrets, c’est commettre un crime de haute trahison et son auteur est passible- je parle sous le contrôle des juristes-, de 20 ans de prison. Alors messieurs les juges, faites votre travail ! C’est un précédent dangereux et, si rien n’est fait, d’autres cadavres seront déterrés. Pour moins que ça, El Malick Seck, Madiambal Diagne et les journalistes de Sud ont été privés de la lumière du jour. L’évocation du meurtre de Sadibou Ndiaye dont l’Etat serait le commanditaire, au-delà de la responsabilité du parti socialiste et de l’Etat du Sénégal, pose la question de la fiabilité de nos services de Renseignements. Elle montre comment des hommes de loi, au détriment de leur pays, en flagrante violation de leur serment de fidélité envers la nation et de leur devoir de réserve, se mettent au service des puissances économiques privées ; qu’elles soient étrangères ou nationales. C’est grave, très grave ! Sans attendre qui que ce soit, il est du devoir du procureur de chercher à savoir comment et par qui Abdoulaye Wade, avait-il, dès le lendemain de ce qui était appelé «accident» eu connaissance de cette affaire? Car de sources sûres l’opposant Wade, bien avant son entrée dans le gouvernement, avait rencontré Abdou Diouf pour parler du dossier. Pourquoi n’avait-il jamais dit ni à la famille ni au peuple ce qu’il savait de cette affaire? Pourquoi le fait-il maintenant? Après Me Babacar Sèye le spectre du commissaire hante-t-il son sommeil? Veut-il voir les enfants du commissaire tenter un procès contre le gouvernement pour connaître la vérité ou essayer de venger leur père en flinguant les anciens responsable du PS, car comme il le soutient lui-même l’honneur ne se lave que dans le sang? Ou bien est-il subitement devenu dément au point qu’il ne veuille plus emporter ses secrets dans sa tombe? À tous les coups Wade est dangereux pour la stabilité de ce pays! Le commissaire Sadibou Ndiaye, pour les plus jeunes d’entre nous, était un valeureux policier. Et il était délégué par ses camarades pour négocier avec le gouvernement afin que les policiers soient considérés comme des paramilitaires, au même titre que les gendarmes, et puissent bénéficier des mêmes privilèges. Jean Colin alors ministre de l’Intérieur refusa cette demande. Pour obliger le gouvernement à accéder à leur demande, les policiers s’étaient réunis au camp Abdou Diassé, de Colobane, et avaient menacé de faire une marche vers le palais pour contraindre le gouvernement à accepter la satisfaction de leur doléance. Ayant compris la fragilité de la situation du régime, Jean Colin avait demandé à des policiers d’infiltrer leur mouvement et de le tenir informer des moindres décisions, pendant que lui s’était isolé au palais. Informé du projet des policiers de marcher sur le palais, Jean Colin fit appeler le commissaire Sadibou Ndiaye au palais et s’engagea à satisfaire sa doléance. Mais, lorsqu’il est entré au palais, personne n’eut plus eu de ses nouvelles. Ensuite, son corps et sa voiture finirent leur course sur les falaises de Ouakam. Informés, ses camarades avaient tenté de marcher vers le palais. Mais craignant qu’ils utilisent leurs armes de dotation, le ministre fit appel à la gendarmerie et lui donna comme ordre d’ouvrir le feu si les policiers tentaient de dépasser la rue Amadou Assane Ndoye. Le groupe de marcheurs fut violement stoppé par des gendarmes surarmés devant la Bicis de Dakar. Dès le lendemain de cette marche, la police fut cassée, ses chefs radiés et les collaborateurs de Jean Colin furent primés et mutés vers d’autres corps comme le GMI, les Sapeurs-pompiers. Certains, comme le commissaire Pape Samba Sy -qui était le plus haut gradé de la police au moment de cette affaire-, ont trouvé leur salut dans la Police Municipale, condamnés à ne plus jamais porter une arme. Voila ce que l’histoire a retenu. Alors, si Abdoulaye Wade en a su plus que tout le monde, c’est qu’il avait quelqu’un qui était dans un endroit où tout se savait et où peu de gens avait accès. C’était au Rondon. C’est de ce détachement où étaient centralisés les Renseignements que le premier bulletin informant du meurtre de Sadibou Ndiaye est parti vers la Présidence. Ironie du sort, en cette période-là, il y avait dans ce service un jeune et brillant officier de police du nom d’Abdoulaye Baldé et il avait comme ami un certain Assane Ndoye et tant d’autres devenus de hauts-cadres de la police. Ils furent tous de fidèles collaborateurs du parti socialiste et sont devenus de loyaux serviteurs du PDS. Comme quoi «kou def lou reuy am lou reuy!» Après la sortie de Wade, il serait judicieux que ces derniers sortent de leurs réserves coupables et participent à l’éclatement de la vérité. Qu’ils nous disent qui étaient ces Albinos enterrées vivantes et que nous cache le parti socialiste dans le meurtre de Me Babacar Sèye. Que Wade nous raconte ce qu’il sait du meurtre de Me Sèye. J’allais oublier, demandons aussi à Samuel Sarr l’accord qu’il avait eu avec le régime pour qu’il soit, malgré la gravité des accusations à son endroit, libéré et libre de quitter le pays au moment où Wade et ses autres fidèles étaient incarcérés à Reubeus. Battons le tam-tam des sorciers et demandons aux porteurs de cercueils de venir nous aider afin qu’ils passent devant le peuple et avouent leurs crimes. «Tamanté deume, tey mou nekh!» Ce qu’ils ont commis et ceux dont ils ont eu connaissance sans jamais en parler. Le coupable, ce n’est pas seulement celui qui a commis un crime. Mais, c’est aussi celui à qui le crime a profité.
Babacar Touré
Journaliste-écrivain
kimikikiko@yahoo.fr
Bacary Touré
Journaliste-écrivain
Consultant international
Tel 0033 6 26 32 82 97
http://bacary.blogspot.com/
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