Tombée au moment même où Barack Obama prenait position sur le mariage homosexuel, la nouvelle est passée presque inaperçue dans les journaux américains, et la Maison-Blanche a tout fait pour en sous-estimer la portée. Mais en annonçant qu'il ne viendrait pas au sommet du G8, Vladimir Poutine a asséné un camouflet embarrassant à l'Administration Obama, qui n'a cessé de présenter le «redémarrage» de la relation avec Moscou comme l'un des grands succès de sa politique étrangère. Le fait que la Maison-Blanche ait déménagé le lieu du G8 à Camp David, pour arranger un président russe qui ne souhaitait pas se rendre à Chicago pour le sommet de l'Otan, n'a visiblement pas ému le Kremlin.
Invoquant les urgences de la formation de son gouvernement, le «nouveau» maître de Russie a brusquement annoncé qu'il enverrait à sa place son premier ministre, Dmitri Medvedev, pour ce qui devait être sa première sortie à l'étranger depuis sa réélection. «Nous prenons cette explication au pied de la lettre», a sobrement expliqué le secrétaire d'État adjoint pour les Affaires européennes et la Russie, Philip Gordon, lors d'une audition du comité pour les affaires étrangères du Sénat, à un sénateur qui lui demandait ce que cachait la nouvelle. «Nous sommes très fiers de ce que nous avons accompli avec la Russie ces trois dernières années… Même si nous avons des désaccords très significatifs», a-t-il ajouté. Une manière, selon l'analyste Andrew Kuchin, du Centre for International Studies (CSIS), de «faire bonne figure». «Je ne pense pas qu'ils soient très contents à la Maison-Blanche», dit-il.
Certains spécialistes de la politique intérieure russe à Washington, comme Nadia Diuk, directrice de la zone Eurasie au National Endowment for Democracy, ne sont pas étonnés par la volte-face du numéro un russe. «Les considérations de politique intérieure sont le moteur de la diplomatie de Poutine, or il a littéralement chevauché le thème de l'antiaméricanisme pendant toute sa campagne», explique-t-elle, prévoyant l'utilisation croissante de «l'ennemi extérieur» par un régime confronté à une crise de légitimité. À la Brookings Institution, Fiona Hill, directrice du centre sur les États-Unis et l'Europe, dit elle aussi «ne pas être surprise». «Pour Poutine, le G8 n'est pas vraiment une priorité et la relation avec l'Amérique non plus. Il est beaucoup plus confortable pour lui de faire sa rentrée de président au G20, où il est le leader informel des nouveaux pays émergents», explique-t-elle. «Cette surprise correspond à son style, mettre tout le monde sur la défensive et maintenir l'ambiguïté sur ses intentions», ajoute Fiona Hill. Mais Andrew Kuchin du CSIS dit avoir «du mal» à comprendre ce geste. «Est-ce qu'il a vraiment des difficultés à former son gouvernement? Est-ce qu'il ne voulait pas être forcé de répondre aux questions des journalistes occidentaux sur la répression de l'opposition? Franchement, aucune explication n'est satisfaisante…»
Selon les experts, l'annulation de la venue de Poutine ôte une épine du pied à Barack Obama. «Déjà critiqué pour sa politique russe d'ouverture par les républicains, il aurait dû s'expliquer sur ses entretiens bilatéraux avec Poutine en pleine répression», note Angela Stent, professeur à l'Université de Georgetown. Mais elle reconnaît que la «rebuffade russe met l'Administration dans l'embarras» car elle montre les limites du rapprochement entre la Russie et les États-Unis.
Équilibre de la dissuasion
«Il y a eu des succès comme le nouveau traité Start, les votes de sanctions sur l'Iran par les Russes et surtout l'accord sur le transit de nos matériels par la Russie vers l'Afghanistan», dit Stent, mais «les contentieux sont lourds et peu susceptibles de disparaître». Le dossier du bouclier antimissile est «dans une impasse», ajoute-t-elle, les Russes refusant d'être associés à un projet qui menace selon eux l'équilibre de la dissuasion nucléaire. Obama avait envoyé, à Moscou, son conseiller à la Sécurité nationale, Tom Donilon, il y a deux semaines, pour préparer la visite, avec un message d'ouverture à l'attention de son «partenaire» russe. La Syrie et l'Iran, deux dossiers brûlants, auraient dû figurer en bonne place dans les entretiens. L'Administration avait fait aussi de l'abolition de l'amendement «Vanik», qui limite le commerce entre les deux pays, une de ses priorités législatives ce printemps, espérant la gratitude des Russes. «L'absence de Poutine montre la fragilité du “reset”. Elle donne des armes au rival républicain d'Obama, Mitt Romney, qui accuse Obama de faiblesse vis-à-vis de la Russie», conclut Andrew Kuchin.
Invoquant les urgences de la formation de son gouvernement, le «nouveau» maître de Russie a brusquement annoncé qu'il enverrait à sa place son premier ministre, Dmitri Medvedev, pour ce qui devait être sa première sortie à l'étranger depuis sa réélection. «Nous prenons cette explication au pied de la lettre», a sobrement expliqué le secrétaire d'État adjoint pour les Affaires européennes et la Russie, Philip Gordon, lors d'une audition du comité pour les affaires étrangères du Sénat, à un sénateur qui lui demandait ce que cachait la nouvelle. «Nous sommes très fiers de ce que nous avons accompli avec la Russie ces trois dernières années… Même si nous avons des désaccords très significatifs», a-t-il ajouté. Une manière, selon l'analyste Andrew Kuchin, du Centre for International Studies (CSIS), de «faire bonne figure». «Je ne pense pas qu'ils soient très contents à la Maison-Blanche», dit-il.
Certains spécialistes de la politique intérieure russe à Washington, comme Nadia Diuk, directrice de la zone Eurasie au National Endowment for Democracy, ne sont pas étonnés par la volte-face du numéro un russe. «Les considérations de politique intérieure sont le moteur de la diplomatie de Poutine, or il a littéralement chevauché le thème de l'antiaméricanisme pendant toute sa campagne», explique-t-elle, prévoyant l'utilisation croissante de «l'ennemi extérieur» par un régime confronté à une crise de légitimité. À la Brookings Institution, Fiona Hill, directrice du centre sur les États-Unis et l'Europe, dit elle aussi «ne pas être surprise». «Pour Poutine, le G8 n'est pas vraiment une priorité et la relation avec l'Amérique non plus. Il est beaucoup plus confortable pour lui de faire sa rentrée de président au G20, où il est le leader informel des nouveaux pays émergents», explique-t-elle. «Cette surprise correspond à son style, mettre tout le monde sur la défensive et maintenir l'ambiguïté sur ses intentions», ajoute Fiona Hill. Mais Andrew Kuchin du CSIS dit avoir «du mal» à comprendre ce geste. «Est-ce qu'il a vraiment des difficultés à former son gouvernement? Est-ce qu'il ne voulait pas être forcé de répondre aux questions des journalistes occidentaux sur la répression de l'opposition? Franchement, aucune explication n'est satisfaisante…»
Selon les experts, l'annulation de la venue de Poutine ôte une épine du pied à Barack Obama. «Déjà critiqué pour sa politique russe d'ouverture par les républicains, il aurait dû s'expliquer sur ses entretiens bilatéraux avec Poutine en pleine répression», note Angela Stent, professeur à l'Université de Georgetown. Mais elle reconnaît que la «rebuffade russe met l'Administration dans l'embarras» car elle montre les limites du rapprochement entre la Russie et les États-Unis.
Équilibre de la dissuasion
«Il y a eu des succès comme le nouveau traité Start, les votes de sanctions sur l'Iran par les Russes et surtout l'accord sur le transit de nos matériels par la Russie vers l'Afghanistan», dit Stent, mais «les contentieux sont lourds et peu susceptibles de disparaître». Le dossier du bouclier antimissile est «dans une impasse», ajoute-t-elle, les Russes refusant d'être associés à un projet qui menace selon eux l'équilibre de la dissuasion nucléaire. Obama avait envoyé, à Moscou, son conseiller à la Sécurité nationale, Tom Donilon, il y a deux semaines, pour préparer la visite, avec un message d'ouverture à l'attention de son «partenaire» russe. La Syrie et l'Iran, deux dossiers brûlants, auraient dû figurer en bonne place dans les entretiens. L'Administration avait fait aussi de l'abolition de l'amendement «Vanik», qui limite le commerce entre les deux pays, une de ses priorités législatives ce printemps, espérant la gratitude des Russes. «L'absence de Poutine montre la fragilité du “reset”. Elle donne des armes au rival républicain d'Obama, Mitt Romney, qui accuse Obama de faiblesse vis-à-vis de la Russie», conclut Andrew Kuchin.