Le Covid-19 est arrivé ce mercredi en Amérique latine, continent jusqu'ici épargné par l'épidémie. Le malade brésilien, un sexagénaire de Sao Paulo, avait séjourné près de deux semaines en Lombardie, dans le nord de l'Italie, devenue un important foyer de propagation.
Le Brésil compte actuellement 20 cas suspects de contamination, dont 12 sont des personnes ayant voyagé en Italie, ont précisé les autorités. Plus grand pays d'Amérique latine avec 210 millions d'habitants, ce pays a des frontières de près de 15 000 km avec dix pays. Il achèvera par ailleurs en fin de semaine une longue période de festivités autour du carnaval ayant réuni des foules considérables, parfois dépassant le million de personnes, dans des conditions de grande proximité physique, dans toutes les grandes villes, ce qui fait craindre de nouvelles contaminations.
Le Pakistan, pays frontalier à la fois de la Chine et de l'Iran, où les décès sont les plus nombreux, a également annoncé mercredi ses deux premiers cas. « Pas besoin de paniquer, les choses sont sous contrôle », a voulu rassurer le conseiller en santé du Premier ministre, Zafar Mirza.
En Iran, le bilan est monté à 19 morts et 139 cas, le plus lourd en dehors de la Chine. Signe de tension, 24 personnes accusées d'avoir répandu en ligne des « rumeurs alarmistes » sur la propagation du Covid-19 ont été arrêtées. L'ONG Reporters sans Frontières a reproché à l'Iran « de refuser de publier le nombre exact des personnes infectées et décédées, et d'empêcher les journalistes de faire leur travail ». Mercredi soir, les autorités iraniennes ont annoncé des restrictions à la libre circulation pour les personnes infectées ou soupçonnées d'être infectées.
En Corée du Sud, le nombre de contaminations a encore bondi. Le bilan s'élève à 1 261 personnes touchées, après l'annonce de 284 nouveaux cas, dont un soldat américain. Le pays, qui dénombre également 12 morts, est le premier foyer mondial de contamination après la Chine.
Aux États-Unis, jusqu'ici relativement épargnés, le président Donald Trump a accusé ses opposants démocrates et certains médias de fomenter la « panique » et d'affoler les marchés, alors que les autorités sanitaires américaines prévoient pourtant une propagation sur le sol américain.
La veille, en visite officielle en Inde, le président américain avait assuré que l'épidémie de coronavirus était « sous contrôle » aux États-Unis, où 60 personnes ont été déclarées malades, dont 45 ayant été rapatriées après avoir contracté le virus à l'étranger, selon le secrétaire à la Santé Alex Azar. Les autorités sanitaires américaines s'attendent à une propagation de l'épidémie aux États-Unis, encourageant les écoles, les entreprises et les gouvernements locaux à envisager des mesures de précaution comme l'annulation d'événements publics.
L'Afrique elle non plus n'est pas épargnée : un Italien arrivé le 17 février en Algérie est devenu la deuxième personne infectée du continent après un premier cas en Égypte.
État des lieux en Europe
Le coronavirus a fait son apparition dans plusieurs nouveaux pays en Europe : Autriche, Suisse, Suède, Finlande, Norvège, Belgique, Croatie, Macédoine du Nord, Grèce, Royaume-Uni, Allemagne sont désormais touchés. L’Italie, pays le plus touché en Europe, a atteint mercredi soir la barre des 400 cas recensés et compte 12 morts.
L'Espagne s'efforçait mercredi d'éviter une contagion depuis l'Italie après l'annonce en 24 heures de plusieurs cas de coronavirus venus de ce pays, avec lequel ses liens sont très étroits. Treize personnes ont été testées positives en Espagne et hospitalisées, dont au moins dix liées à l'Italie. Un hôtel de Tenerife dans l'archipel des Canaries où avaient logé des Italiens contaminés a été placé en quarantaine. Un cas a été détecté en Andalousie (sud) sans que les autorités sachent comment il a pu surgir.
La Géorgie a annoncé ce mercredi avoir enregistré son premier cas de contamination sur un citoyen géorgien en provenance de l'Iran, via l'Azerbaïdjan, un premier cas a également été signalé dans le Caucase du Sud.
En France, le bilan est désormais de deux morts (pour 18 cas d'infection enregistrés), après le décès d'un Français de 60 ans annoncé mercredi. « Il n'y a pas d'épidémie en France », a insisté le ministre de la Santé Olivier Véran ce mercredi soir au ministère.
Le ministre a précisé qu'il allait débloquer plusieurs millions de masques de réserves nationales à destination des professionnels de santé et des cas suspects seulement.
J’ai décidé aujourd’hui de déstocker 15 millions de masques anti projection de notre stock national qui seront répartis dans toutes les pharmacies d’officines du territoire national.
Accalmie en Chine
Le coronavirus a provoqué quelque 81 000 contaminations (dont près de 2 900 hors de Chine) et plus de 2 761 morts dont plus de 40 depuis le début de l’épidémie hors de Chine, selon le bilan communiqué mercredi soir par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Il grimpe à une cinquantaine si on y ajoute les décès plus récents annoncés par certains pays et pas encore pris en compte dans le bilan de l'OMS.
Le Covid-19 concerne désormais, Chine mise à part, une quarantaine de nations. Mais l'épidémie semble avoir atteint un pic en Chine : les autorités ont annoncé mercredi 52 nouveaux décès en 24 heures, le chiffre le plus bas depuis plus de trois semaines. Le nombre quotidien de nouvelles personnes contaminées ailleurs dans le monde est désormais supérieur à celui enregistré en Chine, a souligné l'OMS.
L’Italie, plateforme de diffusion du virus en Europe
L'Italie, pays le plus touché, apparaît de plus en plus comme une plateforme de diffusion du virus, ce qui a conduit de nombreux pays du continent à renforcer leurs dispositifs de prévention et de confinement.
Les citoyens français revenant des régions italiennes touchées ont ainsi été invités à éviter « toutes les sorties non essentielles » pendant deux semaines après leur retour. Londres a demandé aux voyageurs revenant des zones concernées au nord de l'Italie de s'isoler à domicile et d'en informer les autorités.
Alors que plus de 240 000 Italiens vivent en Espagne, les autorités espagnoles déconseillent les voyages dans les régions d'Italie touchées par l'épidémie, de même que dans les autres pays à risque.
Plusieurs pays européens ont conseillé à leurs citoyens de ne pas se rendre dans les régions touchées d'Italie, notamment la Grande-Bretagne, l'Autriche, la Hongrie, l'Ukraine, le Luxembourg, la République tchèque et la Roumanie.
■ Sport et économie touchés
Le match de rugby du Tournoi des six nations entre l'Irlande et l'Italie, prévu le 7 mars à Dublin, a été reporté sine die. Deux matches de basket féminin prévus en Italie sont délocalisés en Slovénie.
L'organe directeur du sumo japonais va se réunir d'urgence pour décider d'un éventuel report d'un grand tournoi prévu à Osaka (ouest) en mars. En revanche, les organisateurs des Jeux olympiques 2020 à Tokyo assurent qu'une annulation n'a jamais été envisagée.
Plusieurs grands groupes ont abaissé ou suspendu leurs prévisions de résultats en raison de l'épidémie, comme le groupe britannique de spiritueux Diageo, le groupe agroalimentaire français Danone ou la compagnie aérienne américaine United Airlines.
Lufthansa gèle elle ses embauches et propose des congés sans solde à ses employés.
En Italie, l’inquiétude est aussi palpable dans les entreprises. « Nous avons fermé notre salle de sports et la cantine, les gens ne peuvent pas manger face à face. Les déplacements des employés sont aussi interdits, sauf autorisation expresse de la direction, ce qui a conduit à développer la vidéoconférence », a expliqué le PDG d'une entreprise lombarde de robinetterie, Aldo Bonomi.
Alors que Rome a pris des mesures draconiennes, dont la mise en quarantaine de 11 villes du Nord, poumon économique du pays, les entreprises ont dû s'adapter rapidement, en développant notamment le télétravail.
La nouvelle d’un premier cas d’infection au Brésil a immédiatement provoqué la chute de la Bourse de Sao Paulo, qui perdait mercredi 6,87% vers la fin de séance.
Les Bourses européennes plongent
Les Bourses européennes plongent dans le sillage des places asiatiques plombées par le coronavirus. Les investisseurs de plus en plus inquiets vendent les titres jugés risqués. Les marchés des changes avaient été les premiers à réagir, avec les monnaies asiatiques qui ont chuté brutalement, estime Pierre-Antoine Dusoulier, Fondateur et PDG d'iBanFirst, un spécialiste de l'accompagnement des entreprises pour les transactions en devises.
Lorsqu’un événement important se passe au niveau mondial on se rend compte qu’il y a une course vers les valeurs refuges, par exemple le dollar ou le franc suisse […] Les gens ont peur, du coup le commerce mondial et la mondialisation en général se sont ralentis fortement…
Pierre-Antoine Dusoulier, fondateur et PDG d'iBanFirst
Aux États-Unis, les cours du maïs et du blé, lestés par la crainte d'une propagation de grande ampleur du coronavirus, ont terminé en baisse mercredi à Chicago tandis que ceux du soja sont parvenus à gagner un peu de terrain.
Le pétrole a poursuivi sa chute mercredi matin, le baril américain de WTI tombant à un niveau plus vu depuis janvier 2019 dans un marché qui continue de s'inquiéter de la propagation du virus.
« Les craintes d'une pandémie mondiale de Covid-19 se multiplient suite aux dernières informations en provenance d'Europe et des États-Unis et affectent également les marchés financiers: la confiance des investisseurs en souffre fortement », a expliqué Eugen Weinberg, analyste pour Commerzbank.
Les importateurs d'électronique très impactés
Le coronavirus risque de créer des retards d’approvisionnements pour les entreprises importatrices de l'électronique et de la mécanique en France. Une situation qui aura des conséquences importantes sur leur chiffre d'affaires. La Ficime, qui fédère les acteurs de ce marché, demande au gouvernement qu'il reconnaisse un « cas de force majeure ». Cela va permettre aux importateurs de ces biens d’éviter de payer des pénalités de retard auprès des clients.
Nos entreprises sont dans une situation où elles craignent des difficultés importantes d’approvisionnement […] dans les secteurs de l’électronique grand public parce qu’évidemment un certain nombre de ces produits sont fabriqués en Chine et du fait du confinement les usines sont arrêtées, les cargos sont bloqués…
Laurence Fauque, déléguée générale de la Ficime
Mais d'autres profitent de la crise, comme en Italie : masques et gels désinfectants se vendent désormais à prix d'or dans la péninsule, ce qui a conduit la police à saisir documents et données informatiques chez Amazon et eBay. « Super nouvelle. C'est une honte nationale de spéculer sur la peau des Italiens », s'est félicité le président de l'Union nationale des consommateurs Massimiliano Dona.
« Nous ne devons pas tomber dans la panique », a toutefois exhorté mercredi à Rome la commissaire européenne à la Santé Stella Kyriakides, tout en appelant les pays européens à « se préparer à une augmentation des cas et à bien se coordonner ».
■ Le plan blanc déclenché dans un hôpital en région parisienne
Un patient français contaminé par le coronavirus est décédé dans la nuit de mardi à mercredi dans un hôpital parisien. Avant d’y être transféré, c’est l’hôpital de Creil, dans l'Oise, qui avait pris en charge cet homme de 60 ans. Depuis ce mardi midi, l’établissement a déclenché « le plan blanc » sur demande de l’Agence régionale de Santé, même si aucun cas n’a été pour le moment détecté, une cellule de crise qui est prévue pas seulement en cas d’épidémie.
L’hôpital de Creil a annulé toutes ses opérations chirurgicales qui ne sont pas vitales. Les soignants seront aussi rappelés par leur direction s’ils ne travaillent pas et que de nouveaux patients contaminés par le coronavirus sont pris en charge.
Dans cette situation, des lits seront aussi ajoutés pour les malades dans les services médicaux. L’hôpital de Creil est le seul pour le moment à avoir pris cette décision par rapport au coronavirus en France.
Les plans blancs ne concernent pas uniquement les épidémies. Ils peuvent aussi être, entre autres, enclenchés suite à une catastrophe climatique, un risque de contamination lié au nucléaire ou des attentats, comme après ceux de Nice en 2016 et du 13 novembre 2015 à Paris.
Décidés à l'échelle de chaque établissement hospitalier, qu'il soit privé ou public, les plans blancs sont supervisés par un dispositif plus large, nommé Orsan, Organisation du système de santé en situation sanitaire exceptionnelle, un dispositif qui peut, lui, être déclenché pour tous les hôpitaux d’une région.
Le but de ce système, c’est d’assurer si besoin une meilleure coordination des services de santé au niveau régional pour répartir les patients entre les structures, et donc éviter une surcharge des hôpitaux. Les moyens de communication peuvent aussi être renforcés avec des envois de SMS et de messages sur les réseaux sociaux.
■ Inquiétudes des agences de voyages
L’épidémie s’étend dans le monde et refroidit les voyageurs. Les Français se détournent des pays asiatiques pour leurs prochaines vacances et commencent à s’interroger pour l’Italie.
L’agence Selectour-Laumière Voyages, dans le 19e arrondissement de Paris, qui propose des destinations dans le monde entier est déserte ce mercredi matin. Laurence Hayat, conseillère voyage, confie ses inquiétudes quant à ses ventes vers l’Asie.
« Nous avons quelques soucis, quelques craintes au niveau de nos clients, reconnaît-elle. Non pas la Chine, parce que la Chine pour l’instant c’est un peu bloqué, mais d’autres destinations en Asie. Les clients sont inquiets et certains même s’interrogent pour annuler peut-être leur vol. »
Ces trois dernières semaines, les réservations auprès des agences de voyages françaises se sont effondrées. -99% vers la Chine et un repli de 61% en moyenne vers d’autres pays de la région comme le Vietnam, la Thaïlande et le Cambodge.
Mais c’est maintenant l’Italie qui préoccupe. « On aura sans doute une baisse de demandes sur l’Italie du moins sur les semaines qui viennent, note Sandrine Létendart, conseillère à l’agence Carol’Voyages, dans le 20e arrondissement. Il y aura peut-être une période plus calme, parce que c’est vrai que c’est un peu plus calme depuis le début de semaine alors que jusqu’à maintenant on avait eu un très bon début d’année. Donc on se doute que c’est à cause de ça. Donc on attend, on reste positif pour le moment. »
Les agences de voyages et les tours opérateurs proposent à leurs clients la possibilité de reporter leur séjour à destination de l’Italie ou de le modifier, quand cela est possible.
RFI