De retour à Bamako après deux mois de convalescence en France, le président intérimaire du Mali, Dioncounda Traoré, s’est adressé aux Maliens dimanche soir dans un discours retransmis à la télévision d'État. Frappé violemment par des manifestants hostiles à sa nomination qui avaient pris d'assaut le palais présidentiel fin mai, il a d’abord appelé la population à pardonner et à s'unir pour résoudre la crise politique.
Le chef d’État par intérim a également annoncé la création d’un Haut conseil d'État (HCE) constitué du président de la République et de deux vice-présidents. " L'un des vice-présidents représentera les forces de sécurité, et à ce titre, il présidera notamment le comité militaire de suivi des forces de défense et de sécurité et s'occupera de toutes les questions militaires concernant le nord du Mali", a-t-il indiqué. Le second vice-président, qui représentera les forces vives de la nation, sera en charge d’"un conseil national de transition ayant une compétence consultative et regroupant les représentants des partis politiques présents ou non à l'Assemblée nationale et des représentants de la société civile". Une commission spéciale de négociation avec les groupes armés qui contrôlent le nord devrait aussi voir le jour.
"Ni le président, ni le Premier ministre, ni les ministres ne pourront se présenter à la prochaine élection présidentielle", a-t-il ajouté avant de conclure : "Le Mali ne s'effondrera pas, malgré les coups qu'il a reçu. Le Mali se redressera encore plus fier, encore plus solide."
Pierre Boilley, directeur du Centre d’études des mondes africains, décrypte ce discours.
FRANCE 24 : Comment a été perçu le discours de Traoré par les Maliens ?
Pierre Boilley : Le discours de Dioncounda Traoré est porteur d’espoir pour plusieurs raisons. D’abord parce que le président par intérim est rentré à Bamako alors que beaucoup de Maliens craignaient qu’il ne rentre pas, traumatisé par l’attaque dont il a été victime en mai. Son retour est une réelle bonne surprise pour la population.
Les annonces de Traoré sont également très encourageantes. Ce nouvel organigramme (création d’un haut conseil d’État, d’un conseil national de transition et d’une commission nationale pour négociation) va permettre de relancer la machine pour sortir de la crise politique, qui était jusqu’à présent au point mort. Beaucoup de Maliens considéraient que le gouvernement de transition était identique à celui qui a précédé le coup d'État, voire pire. Il est composé de Maliens de l’étranger et d’anciens cadres issus de l’ère [de l’ancien président Amadou Toumani] Touré. Ce gouvernement de transition était fortement controversé, surtout depuis l’attaque dont a été victime Traoré en mai.
Traoré a également réussi un joli coup : en nommant deux nouveaux vice-présidents, il met ainsi sur la touche le Premier ministre Cheick Modibo Diarra dont l’inaction est de plus en plus contestée par les Maliens. Nommé à la tête d'un gouvernement de transition le 17 avril dernier, ce dernier a annoncé samedi 28 juillet qu’il ‘ne démissionnera[it] pas’. Il faut savoir que dans les textes du gouvernement de transition, il est écrit que le Premier ministre ne peut pas être destitué.
Est-ce que la réorganisation des institutions peut aider le Mali à sortir de la crise politique dans laquelle il est plongé depuis le coup d’État du 22 mars ?
P.B : Deux informations sont importantes dans ce discours. D’abord le conseil national de transition qui va permettre aux forces vives de la nation de participer, comme les partis politiques mais aussi les associations et la société civile. On a souvent reproché au gouvernement de transition d’être déconnecté de la réalité du pays. L’idée de Traoré est de former un gouvernement d'union nationale en arrivant à un consensus créé par un dynamisme collectif. Il a théoriquement jusqu'au mardi 31 juillet pour le former, mais la médiation burkinabé dans la crise malienne a indiqué qu'il pourrait bénéficier d’un délai supplémentaire.
La création de la commission nationale pour la négociation est également une bonne nouvelle car elle permet de rompre avec le discours va-t-en guerre entendu jusqu’à présent. Surtout que l’armée malienne est aujourd’hui complètement désorganisée. Traoré va pouvoir amorcer un début de négociations avec le nord du pays. Si les pourparlers sont enclenchés, le pouvoir malien discutera avec le MNLA [Mouvement national pour la libération de l'Azawad], qui est largement marginalisé depuis que les islamistes d'Ansar Dine ont pris le contrôle du nord-Mali début juillet. Reste à savoir si ce groupe, allié d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), va accepter de dialoguer.
Est-ce qu’une "une intervention militaire est inévitable" au Mali, comme l’a annoncé ce week-end dans le Journal du Dimanche le président ivoirien Alassane Ouattara, également président de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ?
P.B :Il semble qu’une intervention de la Cédéao n’est pour le moment pas possible. Elle ne sait toujours pas s’il faut intervenir dans le nord ou le sud, mais elle est consciente qu’elle ne peut pas résoudre les deux crises en même temps. L’idée est d’abord de stabiliser le sud pour pacifier le nord.
Par ailleurs, la force d’intervention en question n’est pas encore rassemblée. Les discussions entre les pays pour savoir quelles nations doivent intervenir sont difficiles. L’Algérie et les États-Unis refusent de participer. La France a dit qu’elle apporterait un appui logistique. Ouattara parle de 3 300 hommes, soit autant sinon moins que les combattants dans le nord du Mali. Sauf que les hommes de la Cédéao ne connaissent pas le terrain. Le président ivoirien a également appelé au lancement d’une force aérienne qui n’est pas encore en place.
Pour intervenir, il faut également attendre le blanc-seing de l’ONU, qui n’a toujours pas donné son aval. En cas d’opération militaire, il y a un risque d’implosion dans la région. Les Touaregs nigériens ont évoqué l’idée d’aller aider leurs frères maliens. Une intervention risque, selon moi, de poser plus de problèmes que d’en résoudre.
Source:France24
Le chef d’État par intérim a également annoncé la création d’un Haut conseil d'État (HCE) constitué du président de la République et de deux vice-présidents. " L'un des vice-présidents représentera les forces de sécurité, et à ce titre, il présidera notamment le comité militaire de suivi des forces de défense et de sécurité et s'occupera de toutes les questions militaires concernant le nord du Mali", a-t-il indiqué. Le second vice-président, qui représentera les forces vives de la nation, sera en charge d’"un conseil national de transition ayant une compétence consultative et regroupant les représentants des partis politiques présents ou non à l'Assemblée nationale et des représentants de la société civile". Une commission spéciale de négociation avec les groupes armés qui contrôlent le nord devrait aussi voir le jour.
"Ni le président, ni le Premier ministre, ni les ministres ne pourront se présenter à la prochaine élection présidentielle", a-t-il ajouté avant de conclure : "Le Mali ne s'effondrera pas, malgré les coups qu'il a reçu. Le Mali se redressera encore plus fier, encore plus solide."
Pierre Boilley, directeur du Centre d’études des mondes africains, décrypte ce discours.
FRANCE 24 : Comment a été perçu le discours de Traoré par les Maliens ?
Pierre Boilley : Le discours de Dioncounda Traoré est porteur d’espoir pour plusieurs raisons. D’abord parce que le président par intérim est rentré à Bamako alors que beaucoup de Maliens craignaient qu’il ne rentre pas, traumatisé par l’attaque dont il a été victime en mai. Son retour est une réelle bonne surprise pour la population.
Les annonces de Traoré sont également très encourageantes. Ce nouvel organigramme (création d’un haut conseil d’État, d’un conseil national de transition et d’une commission nationale pour négociation) va permettre de relancer la machine pour sortir de la crise politique, qui était jusqu’à présent au point mort. Beaucoup de Maliens considéraient que le gouvernement de transition était identique à celui qui a précédé le coup d'État, voire pire. Il est composé de Maliens de l’étranger et d’anciens cadres issus de l’ère [de l’ancien président Amadou Toumani] Touré. Ce gouvernement de transition était fortement controversé, surtout depuis l’attaque dont a été victime Traoré en mai.
Traoré a également réussi un joli coup : en nommant deux nouveaux vice-présidents, il met ainsi sur la touche le Premier ministre Cheick Modibo Diarra dont l’inaction est de plus en plus contestée par les Maliens. Nommé à la tête d'un gouvernement de transition le 17 avril dernier, ce dernier a annoncé samedi 28 juillet qu’il ‘ne démissionnera[it] pas’. Il faut savoir que dans les textes du gouvernement de transition, il est écrit que le Premier ministre ne peut pas être destitué.
Est-ce que la réorganisation des institutions peut aider le Mali à sortir de la crise politique dans laquelle il est plongé depuis le coup d’État du 22 mars ?
P.B : Deux informations sont importantes dans ce discours. D’abord le conseil national de transition qui va permettre aux forces vives de la nation de participer, comme les partis politiques mais aussi les associations et la société civile. On a souvent reproché au gouvernement de transition d’être déconnecté de la réalité du pays. L’idée de Traoré est de former un gouvernement d'union nationale en arrivant à un consensus créé par un dynamisme collectif. Il a théoriquement jusqu'au mardi 31 juillet pour le former, mais la médiation burkinabé dans la crise malienne a indiqué qu'il pourrait bénéficier d’un délai supplémentaire.
La création de la commission nationale pour la négociation est également une bonne nouvelle car elle permet de rompre avec le discours va-t-en guerre entendu jusqu’à présent. Surtout que l’armée malienne est aujourd’hui complètement désorganisée. Traoré va pouvoir amorcer un début de négociations avec le nord du pays. Si les pourparlers sont enclenchés, le pouvoir malien discutera avec le MNLA [Mouvement national pour la libération de l'Azawad], qui est largement marginalisé depuis que les islamistes d'Ansar Dine ont pris le contrôle du nord-Mali début juillet. Reste à savoir si ce groupe, allié d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), va accepter de dialoguer.
Est-ce qu’une "une intervention militaire est inévitable" au Mali, comme l’a annoncé ce week-end dans le Journal du Dimanche le président ivoirien Alassane Ouattara, également président de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ?
P.B :Il semble qu’une intervention de la Cédéao n’est pour le moment pas possible. Elle ne sait toujours pas s’il faut intervenir dans le nord ou le sud, mais elle est consciente qu’elle ne peut pas résoudre les deux crises en même temps. L’idée est d’abord de stabiliser le sud pour pacifier le nord.
Par ailleurs, la force d’intervention en question n’est pas encore rassemblée. Les discussions entre les pays pour savoir quelles nations doivent intervenir sont difficiles. L’Algérie et les États-Unis refusent de participer. La France a dit qu’elle apporterait un appui logistique. Ouattara parle de 3 300 hommes, soit autant sinon moins que les combattants dans le nord du Mali. Sauf que les hommes de la Cédéao ne connaissent pas le terrain. Le président ivoirien a également appelé au lancement d’une force aérienne qui n’est pas encore en place.
Pour intervenir, il faut également attendre le blanc-seing de l’ONU, qui n’a toujours pas donné son aval. En cas d’opération militaire, il y a un risque d’implosion dans la région. Les Touaregs nigériens ont évoqué l’idée d’aller aider leurs frères maliens. Une intervention risque, selon moi, de poser plus de problèmes que d’en résoudre.
Source:France24