Le drame de Lampedusa a éveillé une sensibilité vers plus d’humanisme et ce deuil qui frappe l’Europe à sa porte, démontre que malgré les égoïsmes individuels cultivés et entretenus par un système, l’homme garde encore un certain humanisme. Les naufragés ne sont pas des Européens et pourtant l’Italie a décrété un deuil national parce que meurtrie dans sa chair et dans son âme qu’autant de vies humaines, des femmes, des enfants, des hommes à la fleur de l’âge, périssent si effroyablement dans leur quête de vie meilleure. Les cérémonies de commémoration sur les lieux du drame, renvoient à « ce jour de pleurs » lancé par le Pape François.
Qui plus que lui est mieux placé pour comprendre la détresse de ces hommes venus d’ailleurs. Sa Sainteté François ne vient pas de la curie romaine, il vient de la périphérie et porte le nom de l’apôtre de la pauvreté. Ses origines expliquent sa sensibilité et son appel renvoie à l’avant propos de « Les Misérables » de Victor Hugo parce que la misère traverse les siècles. L’indignité est là et caractérise « le monde sauvage qui dépouille les pauvres et les abandonne, qui reste indifférent aux enfants qui meurent de faim, aux hommes qui fuient l’esclavage », à tous ces gens privés de dignité et qui, dans leur quête, trouvent la mort. Pour le Pape François, « ces choses, c'est l'esprit du monde qui les fait », assombrissant ainsi le rêve de Karl Marx.
L’Europe est sous le choc après ce drame, l’Italie en pleurs se recueille sur les lieux de l’accident et allume des cierges en la mémoire des disparus. Ces gestes de fraternité peuvent faire espérer de la naissance d’une nouvelle conscience et conduire à une transition de l’esprit du monde pour plus d’humanisme, à « une évolution révolutionnaire ».
Toutefois, cette évolution ne naîtra pas seulement d’une conscience suffisante des Européens mais de tous, aussi bien pays européens que pays du Sud pour qu’une solidarité agissante s’établisse et permette une meilleure intégration économique.
L’indifférence presque totale des pays du Sud face à cette tragédie est symptomatique de leur niveau de conscience, insuffisamment éclairée pour qu’ils puissent situer leurs responsabilités et accompagner une éventuelle transition. Dès lors, des âmes meurtries continueront de saigner parce que l’Europe, « ne pouvant pas accueillir toute la misère du monde », continuera de se « bunkeriser » et les pauvres du monde tenteront toujours de franchir les frontières au prix de leur vie.
La consternation relevée au travers des images relayées montre que les migrants ne sont plus perçus comme des « envahisseurs », mais suffira-t-elle à contenir ces flots humains, ces déshérités allant à la recherche d’un mieux être, d’un espace de liberté ? Evidemment que non et cela malgré l’appel du Pape François. Peut être que son autorité et son engagement auprès des pauvres, espérons-nous, baliseront les chemins d’une action concertée vers une certaine évolution.
Lampedusa a laissé éclater toute l’émotion d’une Italie qui, quoiqu’on puisse dire des tentations conservatrices qui l’habitent, demeure profondément humaine.
Lampedusa pleure « ses morts » et l’Europe s’apprête à évaluer ses responsabilités. Et l’Afrique ?
La gestion des flux migratoires pose un véritable problème d’éthique parce que certains de nos gouvernants la considèrent presque hélas comme un fonds de commerce, étalant ainsi toute leur indifférence quant aux vies humaines.
L’évolution est nécessaire ici pour arriver à une coordination suffisante permettant de pallier cette insuffisance de la compréhension européenne des questions migratoires du Sud. Dr Ange Bergson Lendja Ngnemzué, dans son ouvrage « Politique et émigration irrégulière en Afrique – Enjeux d’une débrouille par temps de crise » (*) dédié aux naufragés du parcours migratoire, fait une analyse exhaustive du phénomène avec une sociogenèse de l’immigration illégale africaine. Aussi pose-t-il avec une acuité certaine le problème de la gouvernabilité des sociétés africaines contemporaines et met le doigt sur les motivations des émigrants, les rapports de l’Etat à la société avec l’élargissement de la pauvreté aux classes moyennes consécutivement à l’irruption de la tutelle financière internationale et à la libéralisation des politiques.
Ces facteurs demeurent et constituent l’identité de l’esprit du monde, tel que le décrit le Pape François au travers de son cri de cœur.
Peut être que le drame de Lampedusa créera-t-il un sursaut, une prise de conscience profonde à partir de l’analyse des causes réelles du phénomène, de ce trouble qui caractérise l’esprit du monde
Malgré tout un brin d’optimisme nous autorise à croire que « l’homme mérite qu’on espère encore en lui. »
(*) Ange Bergson Lendja Ngnemzué : Politique et émigration irrégulière en Afrique – Enjeux d’une débrouille par temps de crise - Editions KARTALA juillet 2010
Ameth GUISSE
Email : amathguisse@yahoo.fr
Auteur des romans « Femmes dévouées, femmes aimantes » Octobre 2011 et « Une mort magnifique » - Juin 2013 - Editions l’Harmattan Sénégal
Qui plus que lui est mieux placé pour comprendre la détresse de ces hommes venus d’ailleurs. Sa Sainteté François ne vient pas de la curie romaine, il vient de la périphérie et porte le nom de l’apôtre de la pauvreté. Ses origines expliquent sa sensibilité et son appel renvoie à l’avant propos de « Les Misérables » de Victor Hugo parce que la misère traverse les siècles. L’indignité est là et caractérise « le monde sauvage qui dépouille les pauvres et les abandonne, qui reste indifférent aux enfants qui meurent de faim, aux hommes qui fuient l’esclavage », à tous ces gens privés de dignité et qui, dans leur quête, trouvent la mort. Pour le Pape François, « ces choses, c'est l'esprit du monde qui les fait », assombrissant ainsi le rêve de Karl Marx.
L’Europe est sous le choc après ce drame, l’Italie en pleurs se recueille sur les lieux de l’accident et allume des cierges en la mémoire des disparus. Ces gestes de fraternité peuvent faire espérer de la naissance d’une nouvelle conscience et conduire à une transition de l’esprit du monde pour plus d’humanisme, à « une évolution révolutionnaire ».
Toutefois, cette évolution ne naîtra pas seulement d’une conscience suffisante des Européens mais de tous, aussi bien pays européens que pays du Sud pour qu’une solidarité agissante s’établisse et permette une meilleure intégration économique.
L’indifférence presque totale des pays du Sud face à cette tragédie est symptomatique de leur niveau de conscience, insuffisamment éclairée pour qu’ils puissent situer leurs responsabilités et accompagner une éventuelle transition. Dès lors, des âmes meurtries continueront de saigner parce que l’Europe, « ne pouvant pas accueillir toute la misère du monde », continuera de se « bunkeriser » et les pauvres du monde tenteront toujours de franchir les frontières au prix de leur vie.
La consternation relevée au travers des images relayées montre que les migrants ne sont plus perçus comme des « envahisseurs », mais suffira-t-elle à contenir ces flots humains, ces déshérités allant à la recherche d’un mieux être, d’un espace de liberté ? Evidemment que non et cela malgré l’appel du Pape François. Peut être que son autorité et son engagement auprès des pauvres, espérons-nous, baliseront les chemins d’une action concertée vers une certaine évolution.
Lampedusa a laissé éclater toute l’émotion d’une Italie qui, quoiqu’on puisse dire des tentations conservatrices qui l’habitent, demeure profondément humaine.
Lampedusa pleure « ses morts » et l’Europe s’apprête à évaluer ses responsabilités. Et l’Afrique ?
La gestion des flux migratoires pose un véritable problème d’éthique parce que certains de nos gouvernants la considèrent presque hélas comme un fonds de commerce, étalant ainsi toute leur indifférence quant aux vies humaines.
L’évolution est nécessaire ici pour arriver à une coordination suffisante permettant de pallier cette insuffisance de la compréhension européenne des questions migratoires du Sud. Dr Ange Bergson Lendja Ngnemzué, dans son ouvrage « Politique et émigration irrégulière en Afrique – Enjeux d’une débrouille par temps de crise » (*) dédié aux naufragés du parcours migratoire, fait une analyse exhaustive du phénomène avec une sociogenèse de l’immigration illégale africaine. Aussi pose-t-il avec une acuité certaine le problème de la gouvernabilité des sociétés africaines contemporaines et met le doigt sur les motivations des émigrants, les rapports de l’Etat à la société avec l’élargissement de la pauvreté aux classes moyennes consécutivement à l’irruption de la tutelle financière internationale et à la libéralisation des politiques.
Ces facteurs demeurent et constituent l’identité de l’esprit du monde, tel que le décrit le Pape François au travers de son cri de cœur.
Peut être que le drame de Lampedusa créera-t-il un sursaut, une prise de conscience profonde à partir de l’analyse des causes réelles du phénomène, de ce trouble qui caractérise l’esprit du monde
Malgré tout un brin d’optimisme nous autorise à croire que « l’homme mérite qu’on espère encore en lui. »
(*) Ange Bergson Lendja Ngnemzué : Politique et émigration irrégulière en Afrique – Enjeux d’une débrouille par temps de crise - Editions KARTALA juillet 2010
Ameth GUISSE
Email : amathguisse@yahoo.fr
Auteur des romans « Femmes dévouées, femmes aimantes » Octobre 2011 et « Une mort magnifique » - Juin 2013 - Editions l’Harmattan Sénégal