C’est pour briser le mur du silence qu’une conférence sur la place des femmes dans les entreprises africaines était organisée à l’occasion du CEO Africa Forum le 20 mars 2017 à Genève. Animée par Ele Asu, journaliste franco-nigériane de Canal +, la conférence “Femmes et entreprises, l’union fait la force” se tenait dans l’Africa Hall de l’évènement, grande salle montée pour l’occasion sur la piscine du grand hôtel Intercontinental de Genève.
Il faut que nous soyons des modèles pour la génération à venir
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Lunettes scintillantes, la voix rauque, Ibunku Awosika est la cofondatrice du Women in Business Management and Public Service (WIMBIZ) et présidente de la First Bank.
Diplômée de la Lagos Business School puis de l’Institut d’études supérieures de commerce de Barcelone, Ibunku Awosika déplore le manque de formation pour les leaders africaines de demain.
Présente sur le plan médiatique avec des apparitions dans "Dragons’ Den" ou "Business His Way", cette dynamique femme d’affaires est surtout l’auteur de "The « Girl » Entrepreneurs", publié en 2009, destiné à inspirer les jeunes entrepreneurs africaines de demain.
Awosika est aussi mère de trois enfants. Comme elle, la ministre gabonaise du Commerce et des PME Madeleine Berre a su concilier vie professionnelle et familiale. L’ancienne patronne des patrons du Gabon est aussi mère.
J’ai perdu trois ans de ma vie quand j’ai eu mes enfants
La phrase choque et étonne l’auditoire, mais soulève un point sensible. Ministre depuis 2015, Madeleine Berre a lutté avant de réussir à concilier sa carrière professionnelle et maternité. "Quand vous êtes enceinte, vous êtes considérée comme incompétente", dit cette femme à poigne, titulaire d’un master en droit des sociétés commerciales et fiscalité à l’université parisienne Panthéon-Assas. Ce diplôme ne suffira pas à stimuler l’ascension professionnelle qu’elle espérait en débutant sa carrière chez Fidafrica. Dans cette entreprise la ministre se sentait "stigmatisée en tant que femme" et s'est finalement décidée à partir, pour réaliser pleinement ses ambitions professionnelles.
"J'ai pu prouver ma capacité managerial malgré la stigmatisation des femmes en entreprise" @BerreMadeleine @Commerce_GA
Pour donner le courage et pousser les femmes à agir, à oser, les intervenantes évoquent la nécessité de s’unir mais aussi le besoin de repenser les modes d’éducation.
Il faut changer l’éducation que les filles reçoivent
Madeleine Berre évoque un problème culturel qui sévit en Afrique. "On explique à l’école comme à la maison que la petite fille peut moins que le petit garçon." Pour Jennifer Blanke, vice-présidente Agriculture et Développement social de la Banque africaine de développement (BAD), des mesures simples comme l’allaitement au travail et le développement du congé de paternité dans l’entreprise, pourraient aider à changer les mentalités.
"Plus vous montez, plus le milieu devient complètement masculin."
La répartition hommes-femmes lors de cette célèbre rencontre de décideurs africains en était la démonstration. Seul 20% des participants de ce rendez-vous de PDG et de représentants de grands groupes internationaux était constitué de femmes, comme le rappelle Amir Ben Yahmed pendant la cérémonie d’ouverture.
L’an dernier, cinq femmes d’affaires avaient témoigné pour Paris Match, elles étaient présentes toutes les cinq à Genève.
Parmi elles, Ghislaine Ketcha Tessa Directrice Générale de Millenium Immobilier nous confie que pour une femme dans son domaine,"il y a toujours un a priori au début et qu'il faut faire ses preuves". Ingénieure en génie civil, elle explique que la difficulté dans le milieu de la construction, est le manque de confiance fait aux femmes, le manque d'opportunités de prouver ce qu'elles valent.
C'est pour soutenir les Camerounaises dans cette démarche qu'elle est à l'initiative de Women in Construction Cameroon (WICC). Un projet pensé pour former et réunir les femmes, pour qu'elles prennent de l'assurance dans ces professions souvent très masculines.
Autre habituée du Forum que nous avons interrogée Diane Chenal est à la tête de Dianox, PME de mobilier médical basée à Abidjan. Cette ivoirienne se félicite de la très forte représentation de son pays chez les participantes au Forum de 2017. Elle souligne le dynamisme de entrepreneuriat féminin en Côte d'Ivoire dans le secteur privé comme public.
Elle explique que la question du genre n’a pas seulement été une formalité "de mode" mais qu'elle s’est imposée avec force dans les débats, sans brutalité mais avec fermeté, parce que les femmes affichent désormais leurs ambitions. Confiante, la jeune femme d'affaires observe que les lignes bougent, que les femmes osent, qu'elles n'attendent plus et que les financements pour leurs initiatives sont "moins grippés" qu'avant. "Quand les secteurs sont à conquérir, elles y vont " déclare t-elle enthousiaste.
Autre bonne nouvelle pour cette cinquième édition, le prix du jeune PDG de l’année était attribué à une femme. Anta Babacar Ngom Bathily, directrice générale de SEDIMA, a d’ailleurs été chaleureusement saluée par son président, SE Macky Sall lors du discours présidentiel de clôture le mardi 21 mars.