À un an des législatives allemandes de septembre 2013, rien ne semble pouvoir empêcher la réélection d'Angela Merkel pour un troisième mandat. Instituts de sondages et politologues résument le suspense à la couleur de son futur partenaire de coalition, alors que la chancelière est le seul dirigeant politique européen dont la popularité n'a pas souffert de la crise dans la zone euro. Perçue par ses concitoyens comme un rempart face aux dangers de la crise, la femme la plus puissante du monde a cependant quelque peu perdu la main sur son thème central de campagne électorale.
Mercredi, le destin de l'euro ne sera plus entre les mains de celle que les Allemands aiment appeler «Mutti» ou leur «chancelière de fer». C'est le président de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, Andreas Volksruhe, considéré comme l'homme le plus influent du pays et les sept sages réunis autour de lui, qui décideront de la légalité du Mécanisme européen de stabilité (MES) et du pacte européen de discipline budgétaire. Un rejet de ces dispositifs déclencherait une nouvelle vague de panique sur les marchés.
Officiellement, la chancelière et son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, n'ont pas le moindre doute que les sages donneront leur feu vert, «le MES et le pacte budgétaire» étant «conformes à la Constitution». Et que le MES pourra prendre la succession du Fonds européen de solidarité financière (FESF), un mécanisme provisoire, pour venir en aide aux pays surendettés.
Cependant, Berlin est gagné par la fébrilité. La Cour constitutionnelle a décidé d'examiner dans l'urgence un recours de dernière minute déposé par le député conservateur bavarois, Peter Gauweiler, pour tenter de bloquer la ratification du MES. La décision de la BCE, annoncée jeudi dernier, de racheter des montants illimités d'obligations émises par les pays les plus fragiles de la zone euro a créé une «situation complètement nouvelle», estime Gauweiler. Ténor de la CSU, la branche bavaroise de la CDU de Merkel, Gauweiler estime que son nouveau recours devrait inciter les juges à repousser leur décision concernant les six autres plaintes. Par ailleurs, un avis juridique rendu par les experts du Bundestag estime que le MES prive les députés de leur pouvoir décisionnaire sur le budget allemand en partageant le fardeau de la dette des pays en difficulté.
54 % des Allemands espèrent que la Cour fera barrage à une solidarité financière qui les inquiète de plus en plus… La Chancellerie comme le ministère des Finances avouent qu'il n'existe pas de «plan B», au cas où les juges bloqueraient le MES. Jeudi dernier, un autre acteur s'est invité dans la lutte de pouvoir provoquée par le sauvetage de l'euro: le président de la BCE, Mario Draghi. Les Allemands étant fermement accrochés à l'orthodoxie financière allemande, Merkel cultive une ambiguïté électoraliste sur le programme de rachat illimité d'obligations souveraines sur le marché secondaire décidé par Draghi et salué par les marchés. La chancelière s'est contentée de saluer l'indépendance de la Banque centrale européenne… tout en se félicitant des conditions très strictes liées au déblocage de l'aide voulues par Berlin.
Compter avec Draghi
Une écrasante majorité d'Allemands s'opposent à l'initiative de l'Italien Mario Draghi, qui ne leur inspire que méfiance. Et Merkel s'est prudemment abstenue de le soutenir ouvertement… En réalité, elle ne peut que se féliciter qu'il ait eu le courage politique de sortir le «bazooka» tant attendu pour calmer la tempête, sans qu'elle n'ait à en assumer le prix politique. Pourtant elle devra désormais compter avec lui. Si l'Italie ou l'Espagne ont besoin d'aide, leurs dirigeants se tourneront désormais automatiquement vers Draghi, qui fixera les conditions de l'aide de la BCE. En dernier recours, l'Allemagne continue d'assumer la facture du sauvetage. Mais Merkel ne sera plus seule à en fixer les conditions.
Bien que son autorité s'effrite sur la scène européenne, Angela Merkel jouit encore d'une solide popularité en Allemagne, avec 61 % d'opinions favorables. Ses manœuvres, pour déjouer les critiques et cannibaliser les idées de l'opposition en panne de programme et de candidat, se sont révélées payantes. Un sondage publié dimanche place son parti à 37 % devant les sociaux-démocrates du SPD (30 %). Mais elle peut difficilement espérer reconduire sa coalition de centre droit, ses partenaires libéraux n'atteignant pas la barre des 5 % nécessaires pour siéger au Bundestag, selon cette étude Infratest-Dimap. Certains de ses lieutenants préparent déjà le retour d'une grande coalition avec le SPD ou d'une alliance inédite avec les Verts.
Par Patrick Saint-Paul
Mercredi, le destin de l'euro ne sera plus entre les mains de celle que les Allemands aiment appeler «Mutti» ou leur «chancelière de fer». C'est le président de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, Andreas Volksruhe, considéré comme l'homme le plus influent du pays et les sept sages réunis autour de lui, qui décideront de la légalité du Mécanisme européen de stabilité (MES) et du pacte européen de discipline budgétaire. Un rejet de ces dispositifs déclencherait une nouvelle vague de panique sur les marchés.
Officiellement, la chancelière et son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, n'ont pas le moindre doute que les sages donneront leur feu vert, «le MES et le pacte budgétaire» étant «conformes à la Constitution». Et que le MES pourra prendre la succession du Fonds européen de solidarité financière (FESF), un mécanisme provisoire, pour venir en aide aux pays surendettés.
Cependant, Berlin est gagné par la fébrilité. La Cour constitutionnelle a décidé d'examiner dans l'urgence un recours de dernière minute déposé par le député conservateur bavarois, Peter Gauweiler, pour tenter de bloquer la ratification du MES. La décision de la BCE, annoncée jeudi dernier, de racheter des montants illimités d'obligations émises par les pays les plus fragiles de la zone euro a créé une «situation complètement nouvelle», estime Gauweiler. Ténor de la CSU, la branche bavaroise de la CDU de Merkel, Gauweiler estime que son nouveau recours devrait inciter les juges à repousser leur décision concernant les six autres plaintes. Par ailleurs, un avis juridique rendu par les experts du Bundestag estime que le MES prive les députés de leur pouvoir décisionnaire sur le budget allemand en partageant le fardeau de la dette des pays en difficulté.
54 % des Allemands espèrent que la Cour fera barrage à une solidarité financière qui les inquiète de plus en plus… La Chancellerie comme le ministère des Finances avouent qu'il n'existe pas de «plan B», au cas où les juges bloqueraient le MES. Jeudi dernier, un autre acteur s'est invité dans la lutte de pouvoir provoquée par le sauvetage de l'euro: le président de la BCE, Mario Draghi. Les Allemands étant fermement accrochés à l'orthodoxie financière allemande, Merkel cultive une ambiguïté électoraliste sur le programme de rachat illimité d'obligations souveraines sur le marché secondaire décidé par Draghi et salué par les marchés. La chancelière s'est contentée de saluer l'indépendance de la Banque centrale européenne… tout en se félicitant des conditions très strictes liées au déblocage de l'aide voulues par Berlin.
Compter avec Draghi
Une écrasante majorité d'Allemands s'opposent à l'initiative de l'Italien Mario Draghi, qui ne leur inspire que méfiance. Et Merkel s'est prudemment abstenue de le soutenir ouvertement… En réalité, elle ne peut que se féliciter qu'il ait eu le courage politique de sortir le «bazooka» tant attendu pour calmer la tempête, sans qu'elle n'ait à en assumer le prix politique. Pourtant elle devra désormais compter avec lui. Si l'Italie ou l'Espagne ont besoin d'aide, leurs dirigeants se tourneront désormais automatiquement vers Draghi, qui fixera les conditions de l'aide de la BCE. En dernier recours, l'Allemagne continue d'assumer la facture du sauvetage. Mais Merkel ne sera plus seule à en fixer les conditions.
Bien que son autorité s'effrite sur la scène européenne, Angela Merkel jouit encore d'une solide popularité en Allemagne, avec 61 % d'opinions favorables. Ses manœuvres, pour déjouer les critiques et cannibaliser les idées de l'opposition en panne de programme et de candidat, se sont révélées payantes. Un sondage publié dimanche place son parti à 37 % devant les sociaux-démocrates du SPD (30 %). Mais elle peut difficilement espérer reconduire sa coalition de centre droit, ses partenaires libéraux n'atteignant pas la barre des 5 % nécessaires pour siéger au Bundestag, selon cette étude Infratest-Dimap. Certains de ses lieutenants préparent déjà le retour d'une grande coalition avec le SPD ou d'une alliance inédite avec les Verts.
Par Patrick Saint-Paul