Prenez-le comme une expérience: une journée sans se servir de papier. Une seule. Pas de courrier. Pas de journal. Pas de post-it. Pas de livre. Pas de document physique au bureau. Pas d'imprimante à la maison non plus. Pas de photocopie. Rien. Tout sur le téléphone, la tablette ou l'ordinateur. Ce monde dématérialisé vous paraît bien virtuel. Il pourrait le rester longtemps. Présentées depuis une décennie comme la grande victime du tournant numérique, les fibres cellulosiques végétales - le papier, pour les intimes - restent présentes dans de nombreux usages. Son industrie a pris le parti de se réinventer. Il fait, aujourd'hui, mieux que résister.
"Le volume a baissé parce que les entreprises ont internalisé des travaux et transféré leur communication vers leurs supports numériques, confirme-t-on dans une boutique d'imprimerie et reprographie parisienne, Hexamedia, témoin de l'évolution des usages depuis 1984. Les étudiants travaillent de plus en plus sur leur ordinateur. Mais toutes les pratiques ne peuvent pas être transférées. Au moment de réviser, les étudiants finissent toujours par imprimer le cours. Ils nous disent qu'ils ont besoin d'annoter et qu'ils mémorisent mieux. Qu'on le veuille ou non, on perçoit mieux les choses sur du papier. On voit régulièrement des gens qui ont passé du temps sur la correction de leur mémoire et qui découvrent des fautes qui leur sautent aux yeux une fois celui-ci imprimé. Parfois sur la couverture."
"Les professionnels ont su évoluer, développe Zohreh Zadeh, qui travaille dans cette entreprise familiale qui emploie cinq salariés. L'un des secteurs les plus dynamiques est celui du papier de luxe. On voit apparaître des papiers métallisés, par exemple. Le papier stimule le sens des gens, notamment le toucher. Pour les faire-parts, il y a aujourd'hui plus de possibilités que jamais." Son collègue Joal Manuel Decamps enchaîne: "Cela fait dix ans qu'on nous dit que ça va s'arrêter. Mais on se rend compte de deux choses: le secteur évolue vers plus de facilité d'accès, de rapidité et de qualité, et par ailleurs il reste de nombreux domaines d'activité qui ne peuvent pas se passer du papier". "Par exemple, je ne vois jamais de liseuse dans le métro, reprend Zohreh Zadeh. Des livres et des journaux, oui."
La filière souffre moins de sa capacité d'adaptation que de sa difficulté à communiquer. "Le papier a la réputation d'être un polluant, mais 99% du papier aujourd'hui est issu du recyclage ou de forêts gérées de manière durable", plaide Sacha Zadeh, entre des piles de papiers aux grammages plus subtils les uns que les autres. Ce chiffre, il le tient d'une vidéo produite par le leader européen du secteur, Antalis, autour du slogan "Soyez responsable, utilisez du papier". Pendant presque 4 minutes, ce clip contre-intuitif cherche à combattre l'approche promue par les entreprises et les administrations depuis des années, cherchant à substituer aux documents imprimés une communication numérique.
Parmi ses sources de ce film, l'Ademe (Agence de l'Environnement et de maîtrise de l'énergie) ou le WWF (Fonds mondial pour la Nature). "Quand l'on envoie des mails, on tue plus d'arbres qu'en imprimant un rapport, sourit Sacha Zadeh. Le secteur a fait des efforts pour devenir moins énergivore, beaucoup plus que le numérique. Simplement, ce n'est pas passé dans les mentalités."
Alors, l'industrie avance en silence. Le matériel d'impression est conçu pour être de plus en plus économe. La part du papier recyclé augmente ses parts de marché. Sa qualité s'est alignée sur les plus hauts standards. Des trucs et astuces, comme l'usage du logiciel Ecofont, permettent aux utilisateurs d'économiser de l'encre. Malin, ce logiciel permet d'imprimer dans une police de caractères clairsemée de petits trous. Chaque lettre fait donc son économie d'encre. Avec une écriture de taille moyenne, ce n'est pas visible à l'oeil nu. Chacun a trouvé son truc. "On voit des personnes venir avec des livres coupés en deux pour les scanner, raconte-t-on à Hexamedia. Ils les achètent parce qu'ils tiennent à les lire de manière physique. Mais pour conserver les informations, ils recourent au numérique." Finalement, le message des usagers est simple: il y a de la place pour tout le monde.
"On perçoit mieux les choses sur du papier"
"Si globalement les volumes imprimés sont en baisse, en particulier pour la publicité, les documents administratifs et la presse, on constate un grand dynamisme sur les marchés de l'emballage et de la PLV et un début de relocalisation sur ceux du livre et du magazine, écrivait en 2014 le ministère de l'Economie sur son site, dans une synthèse sur l'industrie graphique. Le développement des technologies d'impression numérique fait également émerger de nouveaux marchés comme celui des grands formats, de l'électronique imprimée et de l'impression 3D qui ouvrent des perspectives de diversification aux acteurs de la chaîne graphique.""Le volume a baissé parce que les entreprises ont internalisé des travaux et transféré leur communication vers leurs supports numériques, confirme-t-on dans une boutique d'imprimerie et reprographie parisienne, Hexamedia, témoin de l'évolution des usages depuis 1984. Les étudiants travaillent de plus en plus sur leur ordinateur. Mais toutes les pratiques ne peuvent pas être transférées. Au moment de réviser, les étudiants finissent toujours par imprimer le cours. Ils nous disent qu'ils ont besoin d'annoter et qu'ils mémorisent mieux. Qu'on le veuille ou non, on perçoit mieux les choses sur du papier. On voit régulièrement des gens qui ont passé du temps sur la correction de leur mémoire et qui découvrent des fautes qui leur sautent aux yeux une fois celui-ci imprimé. Parfois sur la couverture."
"Les professionnels ont su évoluer, développe Zohreh Zadeh, qui travaille dans cette entreprise familiale qui emploie cinq salariés. L'un des secteurs les plus dynamiques est celui du papier de luxe. On voit apparaître des papiers métallisés, par exemple. Le papier stimule le sens des gens, notamment le toucher. Pour les faire-parts, il y a aujourd'hui plus de possibilités que jamais." Son collègue Joal Manuel Decamps enchaîne: "Cela fait dix ans qu'on nous dit que ça va s'arrêter. Mais on se rend compte de deux choses: le secteur évolue vers plus de facilité d'accès, de rapidité et de qualité, et par ailleurs il reste de nombreux domaines d'activité qui ne peuvent pas se passer du papier". "Par exemple, je ne vois jamais de liseuse dans le métro, reprend Zohreh Zadeh. Des livres et des journaux, oui."
La filière souffre moins de sa capacité d'adaptation que de sa difficulté à communiquer. "Le papier a la réputation d'être un polluant, mais 99% du papier aujourd'hui est issu du recyclage ou de forêts gérées de manière durable", plaide Sacha Zadeh, entre des piles de papiers aux grammages plus subtils les uns que les autres. Ce chiffre, il le tient d'une vidéo produite par le leader européen du secteur, Antalis, autour du slogan "Soyez responsable, utilisez du papier". Pendant presque 4 minutes, ce clip contre-intuitif cherche à combattre l'approche promue par les entreprises et les administrations depuis des années, cherchant à substituer aux documents imprimés une communication numérique.
Parmi ses sources de ce film, l'Ademe (Agence de l'Environnement et de maîtrise de l'énergie) ou le WWF (Fonds mondial pour la Nature). "Quand l'on envoie des mails, on tue plus d'arbres qu'en imprimant un rapport, sourit Sacha Zadeh. Le secteur a fait des efforts pour devenir moins énergivore, beaucoup plus que le numérique. Simplement, ce n'est pas passé dans les mentalités."
Alors, l'industrie avance en silence. Le matériel d'impression est conçu pour être de plus en plus économe. La part du papier recyclé augmente ses parts de marché. Sa qualité s'est alignée sur les plus hauts standards. Des trucs et astuces, comme l'usage du logiciel Ecofont, permettent aux utilisateurs d'économiser de l'encre. Malin, ce logiciel permet d'imprimer dans une police de caractères clairsemée de petits trous. Chaque lettre fait donc son économie d'encre. Avec une écriture de taille moyenne, ce n'est pas visible à l'oeil nu. Chacun a trouvé son truc. "On voit des personnes venir avec des livres coupés en deux pour les scanner, raconte-t-on à Hexamedia. Ils les achètent parce qu'ils tiennent à les lire de manière physique. Mais pour conserver les informations, ils recourent au numérique." Finalement, le message des usagers est simple: il y a de la place pour tout le monde.