Le nouveau premier ministre libyen, Moustapha Abou Chagour, a annoncé jeudi «une importante avancée» dans l'enquête sur l'attaque du consulat américain à Benghazi. «Nous avons des noms et des photos, a-t-il précisé. Des arrestations ont eu lieu et d'autres sont en cours». Quelques heures plus tôt, le porte-parole du ministère de l'Intérieur avait évoqué une enquête «très compliquée» car, dans la foule assiégeant le consulat, «il y avait des extrémistes, de simples citoyens, des femmes, des enfants, des criminels».
L'annonce du chef du gouvernement répond aux pressions des États-Unis, qui exigent à mots couverts des résultats rapides. Mais le gouvernement provisoire libyen a-t-il les moyens de mettre au pas les différents groupes extrémistes?
En apparence, les nouvelles institutions libyennes semblent se mettre lentement en place. Le Parlement élu en juillet a élu son tour un premier ministre mercredi, comme prévu. La personnalité de ce dernier refroidira sans doute l'enthousiasme de ceux qui, en Occident, ont cru voir une victoire des «libéraux». Moustapha Abou Chagour, ingénieur en électronique de haut vol exilé aux États-Unis en 1980, a battu de deux voix le «libéral» Mahmoud Jibril, grâce aux votes des Frères musulmans. Avant la révolution, il adhérait au Front de salut national libyen, une formation islamiste.
Les exactions des extrémistes
Le nouveau chef du gouvernement paraît en phase avec un pays très conservateur, où les milices transformées par le gouvernement en services de sécurité sont pour la plupart issues de la mouvance islamiste. Or, observe le spécialiste de la Libye Patrick Haimzadeh, ces troupes semblent entretenir une certaine collusion idéologique avec les extrémistes du type d'Ansar al-Charia, suspectés dans l'assassinat de l'ambassadeur américain à Benghazi - bien qu'ils se défendent d'être impliqués dans cette attaque.
Ces accointances avec des hommes proches de l'idéologie djihadiste d'al-Qaida se traduisent parfois par des alliances sur le terrain: Ansar al-Charia était chargée récemment de la protection d'un hôpital à Benghazi. Mais de façon plus inquiétante pour la suite de l'enquête, les brigades de sécurité du gouvernement ont pris récemment l'habitude de fermer les yeux devant les exactions des extrémistes. Le week-end dernier, dans un village du sud de Benghazi, les hommes du «Bouclier de la Libye», chargés de faire régner l'ordre, ne sont pas intervenus quand des membres d'Ansar al-Charia ont tenté de détruire le mausolée d'un saint musulman, déclenchant des affrontements avec une milice locale.
La scène s'est répétée un peu partout en Libye. À Tripoli, les hommes en treillis noir de la sécurité officielle n'ont pas bronché quand un groupe extrémiste a attaqué la tombe d'un saint en plein Tripoli, face au port et juste au-dessous de l'hôtel Radisson.
Le nouveau premier ministre libyen doit évidemment s'occuper de mettre fin à un blocage institutionnel. On ne sait toujours pas si la future Constitution devait être rédigée par un comité ou par une assemblée constituante élue. Mais aujourd'hui, Moustapha Abou Chagour a un problème plus urgent à résoudre: mettre au pas les radicaux. Mais avec quelle armée?
LIRE AUSSI:
» Les djihadistes de Benghazi étendent leur emprise
Par Pierre Prier
L'annonce du chef du gouvernement répond aux pressions des États-Unis, qui exigent à mots couverts des résultats rapides. Mais le gouvernement provisoire libyen a-t-il les moyens de mettre au pas les différents groupes extrémistes?
En apparence, les nouvelles institutions libyennes semblent se mettre lentement en place. Le Parlement élu en juillet a élu son tour un premier ministre mercredi, comme prévu. La personnalité de ce dernier refroidira sans doute l'enthousiasme de ceux qui, en Occident, ont cru voir une victoire des «libéraux». Moustapha Abou Chagour, ingénieur en électronique de haut vol exilé aux États-Unis en 1980, a battu de deux voix le «libéral» Mahmoud Jibril, grâce aux votes des Frères musulmans. Avant la révolution, il adhérait au Front de salut national libyen, une formation islamiste.
Les exactions des extrémistes
Le nouveau chef du gouvernement paraît en phase avec un pays très conservateur, où les milices transformées par le gouvernement en services de sécurité sont pour la plupart issues de la mouvance islamiste. Or, observe le spécialiste de la Libye Patrick Haimzadeh, ces troupes semblent entretenir une certaine collusion idéologique avec les extrémistes du type d'Ansar al-Charia, suspectés dans l'assassinat de l'ambassadeur américain à Benghazi - bien qu'ils se défendent d'être impliqués dans cette attaque.
Ces accointances avec des hommes proches de l'idéologie djihadiste d'al-Qaida se traduisent parfois par des alliances sur le terrain: Ansar al-Charia était chargée récemment de la protection d'un hôpital à Benghazi. Mais de façon plus inquiétante pour la suite de l'enquête, les brigades de sécurité du gouvernement ont pris récemment l'habitude de fermer les yeux devant les exactions des extrémistes. Le week-end dernier, dans un village du sud de Benghazi, les hommes du «Bouclier de la Libye», chargés de faire régner l'ordre, ne sont pas intervenus quand des membres d'Ansar al-Charia ont tenté de détruire le mausolée d'un saint musulman, déclenchant des affrontements avec une milice locale.
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Le nouveau premier ministre libyen doit évidemment s'occuper de mettre fin à un blocage institutionnel. On ne sait toujours pas si la future Constitution devait être rédigée par un comité ou par une assemblée constituante élue. Mais aujourd'hui, Moustapha Abou Chagour a un problème plus urgent à résoudre: mettre au pas les radicaux. Mais avec quelle armée?
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