Quoi qu’on dise, Voltaire fut un récalcitrant bienheureux et perspicace. Cette légende des belles lettres françaises fit une réflexion sur la gouvernance d’Etat quasi prophétique. Le fou du roi, disait-il, est toujours de la nation, mais son docteur est un étranger. Un faisceau d’événement et de faits ont corroboré cette réflexion audacieuse. Le nouveau découpage administratif, le meurtre de Malick Ba à Sangalkam et l’achat d’un terrain par Wade ont scandalisé plus d’un Sénégalais. Bien calé dans son rôle, le ministre porte parole du président de la République a tenté d’occuper l’espace médiatique. Serigne Mbacké Ndiaye était seulement en avant-première. Son discours était une sorte de musique d’attente. Le foot du roi devait venir ensevelir dans la mémoire collective les images et les sons d’une semaine burlesque.
Notre monde est fondamentalement injuste. La peur, l’oubli et la convoitise sont les moteurs de la vie publique sénégalaise depuis l’indépendance. Les élites locales issues de l’école coloniale ont gardé un rapport de condescendance et de mépris au peuple. Dans les officines de ces organisations fossilisées, on décore cette ignominie. On appelle cela de la politique. Les citoyens restent pour eux de simples marionnettes, taillables au gré des inspirations maquignonnes de l’administration. Quoi ? Est-ce que les populations de Sangalkam peuvent même savoir ce qui est bien pour elle ? Et puis ce qui est bien pour Abdoulaye Wade ne doit-il pas être bien pour tout le monde ? Pour les ministres Aliou Sow et Serigne Mbacké Ndiaye, la cause est entendue.
Leurs plaidoiries en sont mêmes devenues des réquisitoires contre le régime. Le silence des conseillers des collectivités locales mises sous délégation spéciale n’est pas un acquiescement. C’est un aveu d’impuissance. Aucun des maires libéraux (au pouvoir) victimes de ce nouveau découpage n’a organisé une fête à la publication du décret. L’argument du caractère général de cette loi n’est recevable. Il n’y avait aucune urgence et la souveraineté populaire est sacrée. Le gouvernement aurait bien pu attendre la fin du mandat des élus locaux pour procéder aux changements. Le zèle, la précipitation et l’entêtement des autorités gouvernementales ont fait un mort et 12 millions [population du pays] de blessés. C’est juste une question de temps, mais aucun crime ne reste impuni. La tragédie du "Joola" (2000 morts dans le naufrage de ce bateau en 2002) et ses nombreux rebondissements judicaires l’attestent.
Dans sa contre-attaque, le ministre porte-parole du chef de l’Etat a accusé Amath Dansokho (un des leaders de l’opposition) de reniement. Le président d’honneur du Parti de l’indépendance et du travail (PIT) aurait été le premier avocat défenseur du projet de découpage administratif. Vrai ou faux, la réponse de Dansokho est illustratrice du mépris des élites pour le peuple. Les sénégalais seraient, si on en croit des confidences de Me Wade, un regroupement moutonnier d’amnésique. Les hommes politiques semblent avoir un consensus sur la question. Pour eux, les sénégalais ont des gommes dans la tête. C’est un constat superficiel et une erreur de jugement stratégique. Car comme le dit la chanson, "on n’oublie jamais rien, on vit avec". C’est pourquoi les autocrates sont toujours surpris par leur chute. A l’horloge du peuple, une seconde peut faire dix ans. Les somnifères et les drogues ont un peu perdu de leur effet. Le football et la lutte restent encore des opiums pour les sénégalais. Fort heureusement, dans le gris de la victoire et l’ivresse collective, il s’en trouve quelque lucidité pour discerner. Le sport est le roi des anesthésiants pour un peuple. Avec du pain et des jeux, les princes ont doré bien des fers et des pilules. Une qualification à la Coupe d’Afrique des Nations de Football, c’est important. Rendre justice à Malick Bâ, victime des manifestations, c’est indispensable..
Texte de Aliou Ndiaye (L'Observateur)
Source: Courrier International
Notre monde est fondamentalement injuste. La peur, l’oubli et la convoitise sont les moteurs de la vie publique sénégalaise depuis l’indépendance. Les élites locales issues de l’école coloniale ont gardé un rapport de condescendance et de mépris au peuple. Dans les officines de ces organisations fossilisées, on décore cette ignominie. On appelle cela de la politique. Les citoyens restent pour eux de simples marionnettes, taillables au gré des inspirations maquignonnes de l’administration. Quoi ? Est-ce que les populations de Sangalkam peuvent même savoir ce qui est bien pour elle ? Et puis ce qui est bien pour Abdoulaye Wade ne doit-il pas être bien pour tout le monde ? Pour les ministres Aliou Sow et Serigne Mbacké Ndiaye, la cause est entendue.
Leurs plaidoiries en sont mêmes devenues des réquisitoires contre le régime. Le silence des conseillers des collectivités locales mises sous délégation spéciale n’est pas un acquiescement. C’est un aveu d’impuissance. Aucun des maires libéraux (au pouvoir) victimes de ce nouveau découpage n’a organisé une fête à la publication du décret. L’argument du caractère général de cette loi n’est recevable. Il n’y avait aucune urgence et la souveraineté populaire est sacrée. Le gouvernement aurait bien pu attendre la fin du mandat des élus locaux pour procéder aux changements. Le zèle, la précipitation et l’entêtement des autorités gouvernementales ont fait un mort et 12 millions [population du pays] de blessés. C’est juste une question de temps, mais aucun crime ne reste impuni. La tragédie du "Joola" (2000 morts dans le naufrage de ce bateau en 2002) et ses nombreux rebondissements judicaires l’attestent.
Dans sa contre-attaque, le ministre porte-parole du chef de l’Etat a accusé Amath Dansokho (un des leaders de l’opposition) de reniement. Le président d’honneur du Parti de l’indépendance et du travail (PIT) aurait été le premier avocat défenseur du projet de découpage administratif. Vrai ou faux, la réponse de Dansokho est illustratrice du mépris des élites pour le peuple. Les sénégalais seraient, si on en croit des confidences de Me Wade, un regroupement moutonnier d’amnésique. Les hommes politiques semblent avoir un consensus sur la question. Pour eux, les sénégalais ont des gommes dans la tête. C’est un constat superficiel et une erreur de jugement stratégique. Car comme le dit la chanson, "on n’oublie jamais rien, on vit avec". C’est pourquoi les autocrates sont toujours surpris par leur chute. A l’horloge du peuple, une seconde peut faire dix ans. Les somnifères et les drogues ont un peu perdu de leur effet. Le football et la lutte restent encore des opiums pour les sénégalais. Fort heureusement, dans le gris de la victoire et l’ivresse collective, il s’en trouve quelque lucidité pour discerner. Le sport est le roi des anesthésiants pour un peuple. Avec du pain et des jeux, les princes ont doré bien des fers et des pilules. Une qualification à la Coupe d’Afrique des Nations de Football, c’est important. Rendre justice à Malick Bâ, victime des manifestations, c’est indispensable..
Texte de Aliou Ndiaye (L'Observateur)
Source: Courrier International