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Le printemps arabe : notre lecture de ses causes et de ses impacts sur l’Afrique subsaharienne et le reste du monde (Mamadou Oumar Bocoum)

35ème Festival Culturel International d'Assilah Province de Tanger / Royaume du Maroc

Rédigé par leral.net le Lundi 5 Août 2013 à 04:09 commentaire(s)|

Le printemps arabe : notre lecture de ses causes et de ses impacts sur l’Afrique subsaharienne et le reste du monde (Mamadou Oumar Bocoum)

Introduction
 

La note de cadrage de notre colloque** présente le « printemps arabe » comme un ensemble de mouvements sociaux se manifestant différemment d’un pays de l’Afrique blanche à un autre. Et de poursuivre que ces « mouvements ont fait l’objet d’amples analyses, d’approches et de réactions diverses,  arabes, noires africaines et internationales, et a généré des résultats et des conséquences dont l’étendue a eu des effets tant au niveau régional qu’international. Les observateurs ont tendance à privilégier l’aspect conséquences au détriment de l’approfondissement du diagnostique des causes réelles de ces soulèvements populaires. C’est pourquoi, notre démarche consiste à établir un certain équilibre entre les deux, tout en insistant sur le cours actuel des transformations sociales attendues de ces « révolutions ».   
 

Printemps arabes et avenirs démocratiques en Afrique
 

Une question fréquemment posée depuis les premiers jours du printemps arabe en janvier 2011 concerne l’effet que ces manifestations populaires auront sur la démocratie dans le reste de l’Afrique. L’on oublie souvent à cette occasion que l’Afrique subsaharienne connaît en parallèle sa propre poussée démocratique, avec d’importantes avancées notamment au Sénégal, au Niger, au Nigéria, au Ghana, au Mali*** et en Zambie, etc. Ces progrès reposent sur presque deux décennies de renforcement des institutions démocratiques sur le continent. Et pourtant, l’héritage de la politique de « l’homme fort » continue de peser sur la gouvernance africaines, dont les modèles de régime restent, de surcroît, extrêmement variés, depuis les autocrates purs et durs jusqu’à un certain nombre de démocraties, en passant par les semi-autoritaires et les « démocratiseurs » (c’est-à-dire les régimes en voie de démocratisation).

Prenant acte de la diversité de ces mouvances et de leurs imbrications avec les   printemps arabes du point de vue de leurs éventuelles influences sur les démocraties africaines, nous gardons à l’esprit la réciprocité de telles implications en matière de gouvernance sur le continent.
 

Néanmoins, il est possible de poser l’hypothèse que les soulèvements populaires dans le monde arabe peuvent redonner souffle à la démocratisation de l’Afrique

 

Quelles sont les causes des soulèvements populaires arabes ?
 

Les Nations Unies ont mis sur pied le Comité de l’ONU contre le terrorisme. Celui-ci  a effectué sa première visite au Royaume du Maroc. Pourquoi ? Parce que ledit comité a adopté une approche juridique qui se fonde sur les instruments internationaux qui décrivent le résultat des actions terroristes défini par ses membres dans leur pays respectif. La résolution de l’ONU sur le terrorisme est un support qui initie l’observation globale des mouvements qui se sont développés par la création et l’entretien de l’insécurité dans la zone. Les rapports produits par le Maroc indiquent qu’il y a plusieurs crises au Sahel. Et il se trouve que les prévisions démographiques établissent que la population de cette aire géographique est appelée à doubler dans 25 ans. C’est dans ce contexte difficile de planification stratégique qu’il faut situer la naissance de mouvements qui se nourrissent d’opérations criminelles mises en avant pour trouver des interlocuteurs officiels d’Etat. Or, le comité de l’ONU a développé et mis en avant un principe : on ne négocie pas avec les terroristes. Au contraire, pour le comité, les terroristes sont recherchés et poursuivis pour les crimes qu’ils ont commis. Aujourd’hui, aucune partie du continent n’est épargnée par la menace terroriste du mouvement jihadiste international. C’est pourquoi, nous devons mener des études stratégiques pour contrer les malfaiteurs, combiner l’action judiciaire et les procédures policières. Faire du droit de poursuite un axe central prioritaire. D’où l’impératif d’implanter un bureau d’Interpol dans la zone. Nous devons également penser à des plans de retour des réfugiés et des personnes déplacées, sur la base d’actions humanitaires concertées. Il y a moins de dix ans, d’aucuns soutenaient que le terrorisme n’est pas l’affaire des pays de la zone, que c’était plutôt l’affaire exclusive de l’Amérique du nord. Il est crucial de suggérer une phase de rapprochement des différents acteurs comme défi essentiel devant concilier sécurité et développement.

Le Sahel est une bande couvrant huit millions de Km2. Cette immensité géographique se couple d’un phénomène démographique préoccupant : plus de 60% de sa population a moins de 25 ans. Même avec une volonté politique soutenue de maitrise de la nativité, il faudrait un quart de siècle pour équilibrer les perspectives.

La sécheresse et le trafic d’êtres humains, combinés à la pauvreté, offrent un terreau favorable à l’essor du terrorisme. L’éclatement des Touaregs a entrainé un large essaimage de ces derniers qui ont fini par trouver refuge dans les capitales ouest africaines, au moment où le plus grand nombre a choisi la Lybie comme terre d’accueil. Les enfants qui y sont nés, après la chute du régime Kadhafi, sont rentrés dans les pays d’origine de leurs parents avec armes et bagages. Dès lors, le début de l’air infernal des pays limitrophes : bonjour les difficultés. Le développement du trafic de la drogue fait que la Guinée-Bissau, devenue un pays passeur à cause de sa totale vulnérabilité : absence de ressources, instabilité, position géographique, etc. Il est établi qu’une tonne de drogue en mouvement fait travailler 2000 personnes. C’est ainsi qu’un Etat démuni devient narcotrafiquant malgré lui.
 

Les terroristes agissent en aval et en amont dans des zones de non droit. Ils transforment ce milieu délaissé par les Etats faibles en terreau où se trament tous leurs projets criminels. Le salafisme est apparu au Nigéria dès 1974. Ce mouvement est devenu ultra radical sous le leadership d’un ancien opposant au régime du président Nasser. Ainsi, au sein du mouvement, se développèrent différentes branches plus ou moins tolérantes : dar al Islam, kufru, shaada, etc. mais le véritable problème se pose avec le salafia jihadiya qui a engendré l’école des talibans, obédience radicale opposée aux courants extrémistes intégristes. Lorsque l’Etat n’existe pas, ou est faible, il faut, selon l’idéologie salafiste, exploiter tous ses manquements en le chassant des zones mal administrées. C’est dans ce cadre précis qu’il faut une politique hardie de renforcement de la représentation de l’Etat dans les zones reculées à l’intérieur de son territoire. Accompagner cette présence de politiques de développement économique et social promues aux niveaux national, sous régional et international.
 

Une rétrospective du mouvement démocratique tunisien montre que le défi est immense pour édifier un Etat avec les principes d’un véritable Etat laïc et républicain. La révolution tunisienne éprouve du mal à retrouver ses marques originales. Si l’on considère que l’actuelle crise trouve son point de départ à la date du 22 mars 2012, il est tentant de dire que l’histoire s’est répétée, ou risque de se reproduire identique à elle-même : le fruit de la lutte démocratique est récolté par une minorité d’outsiders qui imposeront leur volonté contre celle des franges du peuple qui ont mené la révolution. Il s’agit de défendre un discours non complaisant pour rappeler aux islamistes tunisiens que leurs actions ne pourront prospérer du fait qu’une renaissance du mouvement révolutionnaire s’organise au niveau international pour barrer la route aux imposteurs. Dans ce sens précis, il est déterminant d’énoncer clairement qu’une partie des solutions viendra d’instances comme le présent cadre  qui nous réunit ici, avec le soutien de la communauté internationale.

Nous vivons actuellement les conséquences de l’effondrement du régime  libyen. Les pays africains limitrophes du Sahel vivent dans la hantise du terrorisme. A cet égard,  il est important que les responsables de la sous région fassent sienne cette citation : « nous ne souhaitons aucunement une afghanisation de notre zone. Nos Etats sont fragiles et avons besoin de plus de solidarité de la part de la communauté internationale. Ce phénomène rampant ne concerne pas que nos pays uniquement ». N’ayons ni peur, ni honte d’en parler à haute voix. L’Afrique qui fut solidaire et qui a participé à faire reculer les barbaries au profit des civilisations modernes, a le droit d’interpeler le monde sur ce qui passe chez lui.
 

Comment finir avec les groupes jihadistes qui entretiennent l’insécurité ?
 

Les gouvernements de la région sont d’avis  que la France va libérer définitivement la région du sahel. L’intervention de la France au Mali et l’ingérence de l’Algérie dans la vie des mouvements jihadistes ne suffisent pas pour en finir avec les mouvements terroristes présents dans la zone. Que se passera t-il demain avec le départ des troupes françaises ? Nous nous sommes rendu compte qu’après le départ des Etats-Unis et de leurs alliés en Irak, le pays est soumis à une répétition quotidienne d’attentats suicides et de sabotages de tout genre.

 

Avant la chute du régime libyen, on a vu des groupes surgir de partout et de nulle part dans le pays et à ses frontières. Ce sont des mouvements isolés dont on a jamais entendus parler auparavant. Alors qu’avant, il y avait une sorte de petits bandits trafiquants de drogue, coupeurs de routes et preneurs d’otages. Maintenant, c’est environ 1500 à 2000 jihadistes répartis du nord au sud, d’est en ouest entre l’Algérie et l’Afrique occidentale. Le morcellement de ces effectifs en petits groupes ne signifie pas leur anéantissement définitif. Dans les années 90, le GIA (groupe islamique armé) était l’unique groupe qualifié de terroriste dans la zone. Les occidentaux ne peuvent pas seuls résoudre les problèmes de sécurité de la région. Nos gouvernants doivent se montrer plus sérieux, mieux organisés et plus déterminés à vaincre l’ennemi qui avance à visage masqué. Inutile de revenir sur l’intervention française et son opportunité. Toutefois, sans pouvoir central fort au niveau de nos Etats, aucune solution durable n’est envisageable.
 

Les mouvements arabes et la problématique de la démocratie
 

Il faut comprendre les effets du printemps arabe sur l’Afrique à plus long terme et dans le contexte bien plus vaste de l’évolution démocratique sur le continent africain. Bien qu’extrêmement variée et à diverses étapes de son développement, la démocratie en Afrique subsaharienne ne part pas de rien, contrairement à la plupart des pays du monde arabe. Dans cette perspective plus large, plus hétérogène, les effets directs du printemps arabe sur le développement démocratique de l’Afrique subsaharienne sont modérés. Les rapports linéaires qui existent entre les événements en Afrique du Nord et les transitions spécifiques en direction de la démocratisation sur le continent sont rares. Toutefois, la colère et la frustration qui ont enflammé les populations et conduit aux transitions que l’on connaît dans le monde arabe, surtout en Égypte et en Tunisie, résonnent profondément dans le cœur de nombreux Africains qui suivent avec attention les événements du nord du continent.

Le printemps arabe constitue donc un déclencheur, plutôt qu’un moteur, pour d’autres réformes démocratiques dans la région. Après ses débuts, plus d’une douzaine de capitales africaines ont été le siège de manifestations exigeant une transparence, une responsabilisation et un pluralisme politique accrus, certaines d’entre elles se réclamant explicitement de l’Afrique du Nord. De même, un certain nombre de gouvernements africains craignent  l’influence du printemps arabe et ses effets de contagion qu’ils ont interdit l’usage du terme sur Internet ou dans les médias publics.

Par conséquent, les protestations démocratiques en Afrique du Nord ont un impact sur l’avenir de la démocratie en Afrique, dont elles influencent le débat, et nous enseignent une importante leçon : la démocratie n’est pas un don, elle se mérite. Une fois le processus initié, c’est un modèle de gouvernance non pas passif ou qui s’autogère, mais un processus qui nécessite l’engagement actif des citoyens. Le plus important est donc peut-être que le printemps arabe soit l’instigateur de l’évolution des attentes des citoyens africains vis-à-vis de leurs gouvernements.

Ce qui rend ces nouvelles attentes si puissantes, c’est qu’elles coïncident avec des moteurs de changement plus fondamentaux, qui ont de fortes chances d’initier d’autres avancées démocratiques en Afrique au cours des prochaines années. L’accès aux technologies de l’information a explosé sur le continent, ce qui améliore sensiblement les capacités d’action collective, encore facilitées par l’urbanisation rapide. Une part importante de la jeunesse, particulièrement ceux qui ont un bon niveau d’éducation piaffe d’impatience pour obtenir plus de transparence de la part des responsables publics et de meilleures opportunités dans le domaine économique. Ces jeunes sont de plus en plus conscients des normes de gouvernance dans le reste du monde et aspirent aux mêmes droits fondamentaux dans leurs sociétés. Par ailleurs, l’amélioration des normes de gouvernance aux niveaux régional et international confère à son tour une valeur encore plus importante à la légitimité et intensifie l’intolérance vis-à-vis des transitions anticonstitutionnelles du pouvoir. Au cours des dernières décennies, la société civile, souvent moteur du changement démocratique populaire, a gagné en ampleur, sophistication et influence et les institutions démocratiques africaines ont ainsi commencé à prendre racine. Les parlements sont devenus plus capables, plus autonomes, les médias indépendants plus divers et accessibles que jamais, et les élections de plus en plus courantes, transparentes et importantes.

Cependant, malgré des progrès notables, des obstacles significatifs à la poursuite du progrès démocratique persistent. Environ 40 % des États africains restent régis par des principes de gouvernance autoritaires, s’appuyant, pour la plupart, sur le contrôle des revenus provenant des hydrocarbures et sur des secteurs de la sécurité politisés. De surcroît, la personnalisation du pouvoir reste très présente dans l’ensemble du continent, y compris dans certaines des démocraties africaines reconnues. Ce système néopatrimonial, outre le fait qu’il bloque le développement de mécanismes solides de partage du pouvoir, a également ancré dans les esprits la conviction que la politique est un bon moyen de rafler toute la mise, sapant les valeurs de rassemblement et de compromis qui se trouvent au coeur-même de la gouvernance démocratique. En outre, de nombreux pays africains sont encore dans un processus de développement d’une identité nationale, commune sur la base de laquelle organiser la coopération en direction d’objectifs partagés, et ce processus est exacerbé par les conflits civils récents dans un certain nombre de sociétés africaines, ainsi que par la polarisation et les différences intercommunautaires qu’ils y ont renforcés.

Les populations africaines attendent désormais davantage de la part de leurs dirigeants, qu’ils agissent de manière plus démocratique et plus responsable. Il est évident que les citoyens africains ne resteront plus passifs, à subir et accepter les abus de pouvoir. Bien que des résultats positifs ne soient pas garantis, les perspectives de poursuites des avancées démocratiques en Afrique au cours des quelques prochaines années sont toutefois prometteuses. Elles ne seront très probablement pas aussi soudaines ou théâtrales qu’en Égypte, Tunisie ou Libye, mais l’Afrique et le printemps arabe ont cependant de grandes chances d’être généralisées, en fonction du point de départ de chaque société. Pour atteindre ces résultats, les réformateurs, notamment la société civile, seront appelés à intensifier leurs efforts et à se faire les défenseurs du changement face à la résistance des intérêts particuliers ; les organes régionaux et internationaux devront renforcer leurs normes démocratiques, les commissions électorales se montrer plus efficaces et autonomes, l’accès aux médias indépendants devra être élargi et le secteur de la sécurité en Afrique s’aligner davantage sur les intérêts du pays plutôt que sur ceux des dirigeants politiques au pouvoir.

                                                

Les mouvements arabes et les interactions internationales
 

Dans la décennie 1990-2000, le conflit algérien né des suites des élections confisquées par les militaires au détriment du Front islamique du Salut (FIS) a abouti à une cruelle guerre civile qui a ensanglanté ce pays.
 

Au fur et à mesure de l’évolution du conflit, des influences internes et externes ont déplacé le théâtre des opérations vers l’hinterland aux confins du Sahara septentrional. Dans cet immense espace sahélo sahélien, les islamistes trouveront des proies (touristes européens, cadres techniques expatriés, …) et des alliés : les Touaregs depuis longtemps installés dans une logique de contestation des Etats riverains de cette zone désertique. Ils trouvent auprès de l’ex Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) les alliés de leur rêve : des irrédentistes irréductibles.
 

Les attentats du 11 septembre 2001, dans leur dimension spectaculaire, avec la perte de milliers de vies humaines et la destruction considérable d’infrastructures à New York, ont contribué à revitaliser le terrorisme en Algérie, en Somalie, en Mauritanie, au Niger et au Nigéria. Ce terrible choc a donné au terrorisme une ampleur mondiale, permettant ainsi aux islamistes de passer d’un djihad local à un djihad global.
 

Le Sahel est grand, mais les points d'eau sont trop rares pour que Touaregs et salafistes puissent éviter de se rencontrer ; les premiers éprouvant traditionnellement peu de sympathie pour le discours des islamistes radicaux et seuls une poignée d'entre eux - plutôt chauffeurs ou guides de combattants - accompagnent les Jihadistes au quotidien. Mais les bases arrières d'AQMI se situent dans les trois régions du Nord du Mali où vivent les Touaregs. Ce sont des régions sur lesquelles Bamako a depuis longtemps « renoncé » à exercer sa souveraineté en échange de la paix.
 

Il s’agit ici d’analyser cette revitalisation du phénomène terroriste et d’en faire la phénoménologie. Etudier le phénomène suppose d’identifier les différents acteurs du champ : forces rebelles dissidentes, forces militaires étrangères (OTAN, AFRICOM, France…) et les autres acteurs étatiques dans cet immense espace transfrontalier que constitue le Sahara.
 

Les espoirs nés des mouvements arabes: état des lieux
 

Depuis leur irruption sur la scène internationale en janvier 2011, des manifestations populaires sans précédent en Afrique du Nord pour réclamer un niveau plus important de liberté politique, de dignité et d’opportunités économiques ont captivé l’attention du monde entier. Les démissions d’autocrates de longue date qui ont suivi en Égypte et en Tunisie, le renversement du régime de Kadhafi en Libye, et le passage à la monarchie constitutionnelle au Maroc ont fondamentalement redéfini les relations entre l’État et ses citoyens dans cette région depuis longtemps immobile. Ces premiers pas en direction de la démocratie ont fait disparaitre les traditionnelles hypothèses de passivité des populations et d’inviolabilité et de stabilité des États autocratiques dans le monde arabe.

En parallèle, le Nigéria, dont la population et la production de pétrole représentent environ 60 % de l’ensemble de l’Afrique du Nord, a tenu en avril 2011 des élections présidentielles généralement considérées comme libres et équitables. Avec des niveaux de transparence et de contrôle plus importants que toutes les élections depuis la fin du régime militaire en 1999. Le pays a fait un pas décisif en direction de la démocratie.

Le mois d’avril 2011 a également vu la confirmation des résultats de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, tenue en novembre de l’année précédente. Le président sortant, Laurent Gbagbo, avait en effet refusé de reconnaître sa défaite malgré la proclamation de la Commission électorale nationale indépendante, de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CÉDÉAO), de l’Union africaine (UA) et des Nations Unies. Bravant les appels à abandonner la présidence, il a tenté de faire usage du contrôle qu’il exerçait sur les forces armées pour s’accrocher au pouvoir, mais s’est retrouvé de plus en plus isolé au sein de  la communauté internationale, en particulier en raison des sanctions adoptées à son encontre. Après des mois d’impasses, de tensions et de violence, Gbagbo a été arrêté par les forces fidèles au vainqueur des élections, Alassane Ouattara. L’on estime que 3 000 le nombre des victimes qui ont perdu la vie au cours des affrontements postélectoraux. Il s’agit là d’un cas particulièrement important à l’échelle régionale, dans la mesure où il rappelle les événements qui se sont produits ces dernières années au Kenya et au Zimbabwe, lorsque les présidents sortants ont refusé de laisser leur place, alors que leur défaite était généralement reconnue, et ils sont parvenus à négocier des accords de partage du pouvoir pour rester à leur poste. L’exemple de la Côte d’Ivoire montre que cette façon d’agir est caduque.

Ces événements se sont déroulés dans le sillage du rétablissement de la démocratie au Niger et en Guinée, ces pays ayant été victimes de coups d’Etat qui menaçaient de les réengager ainsi que la région toute entière sur la voie militaire dont on connaît les échecs. Au Niger, un an après le coup d’Etat contre le président Mamadou Tandja, qui avait tenté plusieurs fois de contourner la constitution pour rester au pouvoir, des officiers ont restauré l’autorité du pouvoir civil démocratiquement élu. En Guinée, les élections démocratiques de novembre 2010 ont porté Alpha Condé à la présidence, mettant fin à plus de vingt-six  années de régime militaire quasi continu, notamment avec le coup d’État du capitaine Daddis Camara en 2008. Ces élections ont été d’autant plus remarquables que, à la proclamation de résultats serrés, le candidat vaincu, Cellou Dalein Diallo, a accepté sa défaite de bonne grâce, facilitant ainsi les premiers pas du pays en direction de la démocratie.

En bref, 2011 aura donc été une année d’effervescence démocratique en Afrique.

C’est dans ce contexte déjà en mutation que le printemps arabe a captivé la conscience collective de l’Afrique. Malgré les grandes différences sociales, culturelles et économiques qui existent entre l’Afrique du Nord et le reste du continent, les protestations de masse en Tunisie et en Égypte ont focalisé l’attention de millions d’Africains de tous horizons. Les expressions de frustration associées à l’exclusion politique, la corruption, les inégalités flagrantes et l’impunité observées dans les rues du Caire et de Tunis ont profondément résonné dans l’ensemble du continent. Dans les mois qui ont suivi le début du printemps arabe, des manifestations ont été organisées dans une douzaine de pays d’Afrique subsaharienne (au Burkina Faso, en Ouganda, au Sénégal, au Bénin, au Malawi, au Kenya, à Djibouti, en Mauritanie, au Cameroun, au Gabon, en Guinée-Bissau et au Swaziland) pour exiger davantage de libertés politiques, de services et de responsabilité de la part des dirigeants.

Ces protestations ont, en majorité, été de courte durée, ce qui a amené de nombreux observateurs à en déduire que les retombées des événements d’Afrique du Nord en Afrique subsaharienne seraient minimales. Ils en ont conclu que les Africains manquaient d’organisation et étaient trop passifs, pauvres et confrontés à des régimes beaucoup plus enclins à répondre par la force létale pour que les soulèvements populaires puissent gagner en intensité et entraîner un changement politique.

Cette notion a été confirmée par une série d’événements inquiétants au Sénégal, au Malawi et au Bénin, où des dirigeants africains démocratiquement élus ont tenté de changer les règles du jeu électorales, d’orchestrer des successions familiales, de faire usage de la violence pour mater les manifestants pacifiques et d’imposer des restrictions aux médias. Sans oublier la répression continue des régimes les plus durs de la région (Guinée équatoriale, Érythrée, Éthiopie, Rwanda, Soudan et Zimbabwe) où le simple fait de regarder les protestations en Afrique du Nord à la télévision constituait un motif d’emprisonnement.
 

Conclusion

Prenant acte du fait que ces différents phénomènes sont encore en cours d’évolution et des forces contradictoires, nombreuses et complexes, qui entrent en jeu, le présent texte introductif tente de discerner la pertinence générale de ces événements et leurs implications pour l’avènement de la démocratie en Afrique. Surtout, quelle est la pérennité de ces avancées démocratiques ? Dans quelle mesure les perspectives de poursuite des transitions démocratiques sont-elles sérieuses ? Et que peuvent faire les acteurs régionaux et internationaux pour soutenir ces réformes, si tant est que cela soit effectivement possible ?

Voilà, cher(e)s participant(e)s, les quelques réflexions que nous avons souhaitées vous présenter en guise d’introduction aux débats. Merci de votre attention.   
 

*** L’essor démocratique du Mali a été freiné par la crise due à l’invasion du nord par les islamistes

** Documents transmis par les organisateurs


 Mamadou Oumar Bocoum et
Issouf Oumar MAIGA

 

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Le printemps arabe : notre lecture de ses causes et de ses impacts sur l’Afrique subsaharienne et le reste du monde (Mamadou Oumar Bocoum)

Le printemps arabe : notre lecture de ses causes et de ses impacts sur l’Afrique subsaharienne et le reste du monde (Mamadou Oumar Bocoum)