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Mardi 17 Avril 2018

Le quart bloquant a-t-il été supprimé de la Constitution sénégalaise ?


Pour que la démocratie fonctionne, les personnalités publiques doivent être tenues pour responsables de leurs déclarations. Les affirmations qu’elles font, doivent être vérifiées de manière transparente et impartiale. Africa Check est une organisation indépendante, non partisane qui vérifie les déclarations faites dans l’espace public, en utilisant les compétences journalistiques et les preuves provenant des derniers outils en ligne, des lecteurs, des sources publiques, des experts, et en faisant la part des choses entre les faits et la fiction pour en publier les résultats.



Le ministre sénégalais de la Justice, Ismaïla Madior Fall, a affirmé que « le quart bloquant n’existe pas dans la Constitution sénégalaise, parce qu’il «a été supprimé en 2006 ». Cette déclaration est-elle correcte ? Africa Check a vérifié.


Invité de l’émission «Grand Jury»  de la radio privée RFM, M. Fall a soutenu que le quart bloquant «n’existe plus dans la Constitution sénégalaise ».

Le Garde Sceaux, par ailleurs professeur agrégé de droit, a même précisé que cette disposition a été « supprimée en 2006 ».

Poursuivant son argumentaire, il a dit que les manifestations du 23 juin 2011  à l’Assemblée nationale avaient été causées par la volonté prêtée à l’ancien président Abdoulaye Wad,e de «supprimer le second tour et que l’on puisse être élu avec au moins 25 % des suffrages ».

Cette disposition est-elle réellement supprimée de la Constitution ?

Qu’est-ce que le quart bloquant ?

L’article 33 de la Constitution  du Sénégal adoptée en janvier 2001 dispose en son alinéa 1 que « le scrutin a lieu un dimanche. Nul n’est élu au premier tour s’il n’a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés représentant au moins le quart des électeurs inscrits ».

Selon Abdoulaye Dièye , professeur de droit constitutionnel à l’université Cheikh Anta Diop(UCAD) de Dakar, « le quart bloquant est une condition supplémentaire pour pouvoir être élu dès le premier tour. La première condition est d’obtenir la majorité absolue, c’est-à-dire 50 % des voix plus 1 ».

« Cela signifie qu’il faut non seulement avoir la majorité absolue mais aussi le quart des inscrits », a dit le Professeur Dièye à Africa Check.

Quand est-ce que le quart bloquant a-t-il été institué ?

La disposition sur le quart bloquant a été introduite pour la première fois à la faveur de la révision d’octobre 1991, avec la loi constitutionnelle  portant révision de la Constitution.

Il s’agit de l’article 28 de la Constitution de 1963 qui dispose que «nul n’est élu au premier tour s’il n’a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés représentant au moins le quart des électeurs inscrits ».

Le débat sur le quart bloquant a été remis au goût du jour à la faveur du projet de loi sur le parrainage des candidats à l'élection présidentielle. Photo AFP.

Le débat sur le quart bloquant a été remis au goût du jour à la faveur du projet de loi sur le parrainage des candidats à l’élection présidentielle. Photo AFP.

Le Professeur Dièye rappelle que la disposition sur le quart bloquant a été supprimée une première fois  en 1998 à la faveur de l’adoption de la loi du 10 octobre 1998 portant révision des articles 21 et 28 de la Constitution. Elle a été réintroduite  avec la Constitution adoptée en janvier 2001 dans l’article 33.

Il a souligné tout de même qu’une disposition similaire existait déjà dans la Constitution de 1963. Mais dans la Constitution de 1963 « il était exigé non pas d’obtenir le quart des inscrits, mais le tiers », précise-t-il.

Il s’agit en effet de l’article 28 de la Constitution de 1963  qui disposait que « nul n’est élu au premier tour du scrutin s’il n’a obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés représentant au moins le tiers des électeurs inscrits ».

La disposition fut supprimée par la suite lors d’une autre révision de la Constitution survenue en 1983.

Le quart bloquant a-t-il été réellement supprimé en 2006 ?

En 2006, l’article 33 de la Constitution a effectivement été révisé, à la faveur de la loi du 15 novembre 2006  modifiant l’article 33 de la Constitution ».

C’est au cours de cette révision qu’avait été institué le droit de vote des membres des corps militaires et paramilitaires ainsi que la tenue du second tour le 3e dimanche de la proclamation des résultats.

L’exposé des motifs de cette loi montre qu’il y avait également un autre objectif, qui était de supprimer le quart bloquant. Et le législateur donne comme raison le fait que « la participation aux différents scrutins n’étant pas une obligation, l’exigence d’un quart des inscrits communément appelé quart bloquant, en plus de la majorité absolue des votants pour l’élection du président de la République au premier tour est de nature à fausser le jeu démocratique ».

Et c’est ainsi qu’après l’adoption de la loi, le nouvel article 33 de la Constitution de 2001 dispose, en ses deux premiers alinéas, que «nul n’est élu au premier tour s’il n’a pas obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés».

Conclusion : la déclaration est correcte

Le ministre sénégalais de la Justice, Ismaïla Madior Fall, a affirmé que la disposition sur « le quart bloquant » a été supprimée en 2006 par l’ancien président Abdoulaye Wade.

Une lecture des différents textes constitutionnels du Sénégal a permis de constater qu’une révision de l’article 33 de la loi fondamentale survenue en novembre 2006 a effectivement supprimé la disposition faisant obligation d’obtenir, en plus de la majorité absolue, au moins le quart des inscrits. Ce qui est communément appelé « quart bloquant ».

Ce que confirme le constitutionnaliste Abdoulaye Dièye de l’université Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar.

La déclaration est donc correcte.




Par Samba Dialimpa Badji, Africa Check

Edité par Assane Diagne, Africa Check







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