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Le retour du Premier ministre au Sénégal : une question de l’heure?

Rédigé par leral.net le Jeudi 11 Mars 2021 à 01:59 | | 0 commentaire(s)|

Le retour du Premier ministre au Sénégal : une question de l’heure?

La singularité d’un régime politique est le fruit d’une longue tradition de pratique constitutionnelle propre à un pays. Aucune recette miracle n’est établie pour la construction d’une démocratie. L’essentiel repose sur l’histoire constitutionnelle, la culture politique et le sens de responsabilité des acteurs. Au Sénégal, l’expérimentation du régime parlementaire (1960-1962) et celui présidentialiste (1963 à maintenant) permet de retenir des constantes et des variantes. Le pouvoir exécutif a connu une figure bicéphale (Chef de l’Etat et Premier ministre) et monocéphale (Président de la République). 

 

Le pouvoir législatif a épousé le bicaméralisme (Assemblée nationale et Sénat) et le monocaméralisme (Assemblée nationale). Après deux suppressions du poste de Premier ministre entre 1963-1970 et 1983-1991, la loi n°2019-10 du 14 mai 2019 portant révision de la Constitution a consacré la troisième suppression du poste de celui qu’on qualifie de « collaborateur »,« courroie de transmission », « chef d’orchestre », voire de « cheville ouvrière» du Gouvernement.Les justifications avancées pour la refonte du pouvoir exécutif étaient : le resserrement de l’organe gouvernemental, le recentrage des missions essentielles de l’Etat, la souplesse dans l’action de l’Etat, la clarté et la lisibilité dans les échelles de gouvernement, le pilotage de l’exécutif, le suivi et l’évaluation, la reconsidération du niveau intermédiaire de transmission de la fonction de Premier ministre, le rapprochement l’Administration des administrés, l’accélération des réformes. Cette réforme constitutionnelle a impacté la nature du régime politique et la direction de l’action gouvernementale ; ce qui semble consacrer une singularité sénégalaise dans l’espace de la CEDEAO à l’instar du Benin. 

 

Les constitutions des treize (13) Etats membres prévoient, soit un Premier ministre avec les fonctions de chef du Gouvernement, de direction et de coordination de l’action gouvernementale (cinq (5) pays francophones : Côte d’ivoire, Guinée, Mali, Niger, Togo ; deux (2) pays lusophones (Cap-Vert et Guinée Bissau), soit un Vice-Président assistant le Président de la République, détenteur du pouvoir exécutif (cinq (5) pays anglophones (Gambie, Ghana, Liberia, Nigéria, Sierra Léone). Ces données montrent que les pays de tradition romano-germanique restent attachés à la présence du Premier ministre dans le schéma constitutionnel. 

 

Dans la plupart des Etats, le rôle du Premier ministre est décrit de façon suivante : « Le Premier ministre est le Chef du Gouvernement. Il est chargé de diriger et de coordonner l'action du gouvernement et de veiller à l'application des lois » (Cf. art. 97 de la Constitution Guinée-Bissau, art. 55 Constitution du Mali, art. 82 de la Constitution ivoirienne, art. 78 de la Constitution togolaise). En extirpant le poste de Premier ministre dans la figure de l’Exécutif, le Sénégal s’est éloigné de la tendance dominante au sein de l’espace communautaire, où les Etats sont dans une perspective de convergence constitutionnelle évoquée par l’article 1 du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance. 

 

Le fonctionnement du régime politique, sans Premier ministre, a renforcé les pouvoirs du Président. Ce dernier dispose, désormais, de la plénitude de la fonction gouvernementale, en plus de sa mission de détermination de la politique de la Nation (art. 42 de la Constitution). Cette situation fait du chef de l’Etat la « clé de voute des institutions », le « seul commandant à bord du navire ». Le Président devrait-il gouverner, conduire et coordonner la politique de la Nation que lui-même devrait contrôler ? La réponse n’est pas évidente. S’il est chef du gouvernement, en l’absence de Premier ministre, il expose la fonction présentielle avec le risque d’une « Présidence ministérielle ». 

 

Ainsi, pour éviter les scénarii de « gouvernement sans chef investi », de « gouvernement présidentiel », de « gouvernement irresponsable devant le Parlement », un retour du Premier ministre s’avère nécessaire. Cela permettrait, d’une part, de garder la puissance de l’Etat et sa légitimité dans un contexte de crise sanitaire et sociale et, d’autre part, de protéger davantage le pouvoir présidentiel en favorisant une plusgrande efficacité de l’action gouvernementale grâce à la stabilité et...


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