Il serait encombrant de revenir sur le rejet des courants « sunnites » par les confréries, à cause de la banalisation de ce fait. Ce qui est cependant loin de l’être, ce sont les attaques subites et tout azimuts des autorités politiques et intellectuels confrériques contre les salafis de tous les pays particulièrement les nôtres. Si l’ignorance de l’islamisme par les élites sénégalaises est trop criarde pour justifier certains écarts, le patriotisme et les valeurs universelles devraient constituer des remparts solides contre toute stigmatisation. Apparemment non ! La tendance à développer les mêmes réflexes que l’ancienne métropole est tellement ancrée en elles qu’elles ne peuvent se rendre compte du déni de leur personnalité. Pis, il s’agit, dans cet assaut contre les islamistes du nord Mali, de soutenir sans réserve la politique étrangère de Mère France, pour reprendre l’expression de Cyrille Touré du mouvement Y’en à marre.
Il est bien établi que les puissances occidentales n’interviennent jamais pour les valeurs qu’elles mettent en bandoulière. Celle qui est en cours de l’autre côté de nos frontières ne sera pas malheureusement l’exception qui confirme la règle. Reste à savoir si oui ou non cette intervention pourrait profiter à l’Afrique et aux africains. Cette question préoccupe moins nos décideurs et pseudos spécialistes des mouvements transnationaux. Il est regrettable d’entendre le Président de la République inviter les Sénégalais à la délation ou bien de voir les intellectuels médiatiques dire des contrevérités aussi dangereuses sur une partie de notre communauté. Les services de sécurité sont mis en branle pour, nous dit-on, anticiper sur une quelconque menace terroriste. Ici également on escompte des populations une collaboration active pour arriver au même objectif.
Le terrorisme qu’on s’est engagé à combattre est à nos frontières depuis plusieurs années sans susciter autant d’intérêt et d’enthousiasme. Cette intervention à enjeux multiples risque cependant de nous plonger dans une psychose permanente due à la porosité de nos frontières. L’amalgame entre le salafisme djihadiste et le salafisme littéraliste est une diversion trop facile. Il est savamment entretenu pour détourner l’attention des citoyens sur les risques que présente notre participation dans cette guerre. Au moment où cette notion ne signifie plus ce qu’elle était (Jaques Derrida, Qu’est ce que le terrorisme ? Monde diplomatique 2004), il est tout à fait trompeur de compter sur la dénonciation des présumés terroristes. Les populations africaines continueront à subir les conséquences de la politique des grandes puissances que les dirigeants du Sud sont chargés de soutenir. Le débat sur l’identité des élites de cette partie du monde est d’une importance vitale. La survivance de la domination coloniale a rendu nos indépendances politiques autrement trop insignifiantes. Voilà pourquoi l’islamisme et parfois le salafisme font sens pour beaucoup de musulmans, compte non tenu de leur appartenance à la mouvance salafie. Ces « oubliés de la croissance » n’en sont pas moins victimes d’un déni de culture auquel les élites arabes et africaines ont beaucoup trop contribué. Leur radicalisme est à la mesure de l’insolence de la violence de la modernisation imposée.
Justifier notre participation dans cette guerre par un risque de contagion de notre pays relève tout simplement de la manipulation. Une telle vue de l’esprit ne serait possible que sil était confirmé que le Sénégal abrite sur son sol des terroristes. Ceux qui parlent de « cellules dormantes » à l’instar du ministre de des affaires étrangères, n’ont pas besoin de telles inventions pour accréditer « les mensonges de la propagande de guerre française au Mali » (http://oumma.com/Mohamed-Tahar-Bensaada). Il convient tout autant de confondre dans cette critique les nouveaux intellectuels et non moins adeptes des confréries, qui ont achevé de rompre avec les règles élémentaires de la méthode scientifique. Mais que pourrait-on leur reprocher de plus grave alors qu’ils prennent des libertés insoupçonnées avec les jugements qu’ils portent sur leurs propres coreligionnaires. Osons espérer que nos universités sauront prendre gardent à ce type de comportement qui risque de plomber l’enseignement des religions.
Dans son ouvrage cité plus haut, François Burgat nous propose une approche sur la base de laquelle il nous livre des résultats on ne plus stimulants. A rebours des procédés simplificateurs de ses collègues et des nôtres, Il analyse le fait islamiste en tenant compte des dynamiques profondes qui le traversent. Même le salafisme que l’on a tendance à assimiler au littéralisme et au juridisme, se refuse à se lire dans leurs catégories préétablies. Son séjour de six années au Yémen et les autres qu’il avait effectués à Rabat, Gaza, Alger, Caire etc. lui ont permis de conclure sur le rapprochement entre la mouvance salafiste et les frères musulmans, autrement dit, l’inscription dans la modernité politique. Au même moment poursuit-il, on peut observer un mouvement allant dans le sens d’un « retour » des soufis en politique comme c’est le cas en Irak.
Le Président de la République ne cesse de rappeler de plus quelques temps que le Sénégal n’a pas besoin d’un islam autre que celui des confréries. Il pense ainsi que les chefs religieux pourraient le débarrasser des petits perturbateurs islamistes qui essaiment partout dans notre pays. Mais qui lui dit que la menace n’est pas plus éminente dans le camp où il cherche à recruter des partisans ? L’arrivée des islamistes au pouvoir en Palestine, en Tunisie, au Maroc et en Egypte, s’explique largement par la défiance des populations à l’égard des régimes corrompus et suppôts des grandes puissances. La question est donc éminemment politique même si elle se pare des habits de la religion ; ce qui est tout à fait banal pour des pays où l’islam bénéficie d’un fort consensus.
J’accuse les nouvelles autorités politiques de suivre à la lettre l’agenda de la France et nos intellectuels de réduire le combat pour l’islam à une querelle de chapelles. Comme le débat ne se pose que très rarement dans notre pays, il sera trop tard de voir que la guerre contre le terrorisme n’est pas une guerre pour la démocratie et la paix dans le monde.
« Douze ans après, l’intervention occidentale en Afghanistan est un fiasco. Celle en Irak a abouti à la déstabilisation durable du pays (et à une implantation de groupes liés à Al-Qaïda qui n’y étaient pas présents avant 2003). D’ici douze ans, quel bilan dressera-t-on de l’engagement de la France au Mali ? » Alain Gresh
« Le Nord du Mali est un révélateur qui donne la chair de poule : voilà un peuple qui chante sa libération politique laquelle est associée à son nouvel enchainement et étouffement économiques ; voilà des politiques et des intellectuels africains ou arabes qui sourient et applaudissent (conscients ou inconscients, naïfs, arrivistes ou compromis). L’hypocrisie et la lâcheté de ces derniers n’est somme toute que le miroir de l’hypocrisie et de la manipulation des grandes puissances occidentales. Rien de nouveau sous le ciel des colonies. » Tariq Ramadan
Ousmane Abdoulaye Barro
Titulaire d’un DEA de science politique à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis Coordonnateur provisoire de la Ligue Sénégalaise pour la Patrie (LSP/BOKK YEENE) Secrétaire exécutif de l’Association des Elèves et Etudiants Musulmans du Sénégal (AEEMS)
ousmaneabdoulayebarro@yahoo.fr
Il est bien établi que les puissances occidentales n’interviennent jamais pour les valeurs qu’elles mettent en bandoulière. Celle qui est en cours de l’autre côté de nos frontières ne sera pas malheureusement l’exception qui confirme la règle. Reste à savoir si oui ou non cette intervention pourrait profiter à l’Afrique et aux africains. Cette question préoccupe moins nos décideurs et pseudos spécialistes des mouvements transnationaux. Il est regrettable d’entendre le Président de la République inviter les Sénégalais à la délation ou bien de voir les intellectuels médiatiques dire des contrevérités aussi dangereuses sur une partie de notre communauté. Les services de sécurité sont mis en branle pour, nous dit-on, anticiper sur une quelconque menace terroriste. Ici également on escompte des populations une collaboration active pour arriver au même objectif.
Le terrorisme qu’on s’est engagé à combattre est à nos frontières depuis plusieurs années sans susciter autant d’intérêt et d’enthousiasme. Cette intervention à enjeux multiples risque cependant de nous plonger dans une psychose permanente due à la porosité de nos frontières. L’amalgame entre le salafisme djihadiste et le salafisme littéraliste est une diversion trop facile. Il est savamment entretenu pour détourner l’attention des citoyens sur les risques que présente notre participation dans cette guerre. Au moment où cette notion ne signifie plus ce qu’elle était (Jaques Derrida, Qu’est ce que le terrorisme ? Monde diplomatique 2004), il est tout à fait trompeur de compter sur la dénonciation des présumés terroristes. Les populations africaines continueront à subir les conséquences de la politique des grandes puissances que les dirigeants du Sud sont chargés de soutenir. Le débat sur l’identité des élites de cette partie du monde est d’une importance vitale. La survivance de la domination coloniale a rendu nos indépendances politiques autrement trop insignifiantes. Voilà pourquoi l’islamisme et parfois le salafisme font sens pour beaucoup de musulmans, compte non tenu de leur appartenance à la mouvance salafie. Ces « oubliés de la croissance » n’en sont pas moins victimes d’un déni de culture auquel les élites arabes et africaines ont beaucoup trop contribué. Leur radicalisme est à la mesure de l’insolence de la violence de la modernisation imposée.
Justifier notre participation dans cette guerre par un risque de contagion de notre pays relève tout simplement de la manipulation. Une telle vue de l’esprit ne serait possible que sil était confirmé que le Sénégal abrite sur son sol des terroristes. Ceux qui parlent de « cellules dormantes » à l’instar du ministre de des affaires étrangères, n’ont pas besoin de telles inventions pour accréditer « les mensonges de la propagande de guerre française au Mali » (http://oumma.com/Mohamed-Tahar-Bensaada). Il convient tout autant de confondre dans cette critique les nouveaux intellectuels et non moins adeptes des confréries, qui ont achevé de rompre avec les règles élémentaires de la méthode scientifique. Mais que pourrait-on leur reprocher de plus grave alors qu’ils prennent des libertés insoupçonnées avec les jugements qu’ils portent sur leurs propres coreligionnaires. Osons espérer que nos universités sauront prendre gardent à ce type de comportement qui risque de plomber l’enseignement des religions.
Dans son ouvrage cité plus haut, François Burgat nous propose une approche sur la base de laquelle il nous livre des résultats on ne plus stimulants. A rebours des procédés simplificateurs de ses collègues et des nôtres, Il analyse le fait islamiste en tenant compte des dynamiques profondes qui le traversent. Même le salafisme que l’on a tendance à assimiler au littéralisme et au juridisme, se refuse à se lire dans leurs catégories préétablies. Son séjour de six années au Yémen et les autres qu’il avait effectués à Rabat, Gaza, Alger, Caire etc. lui ont permis de conclure sur le rapprochement entre la mouvance salafiste et les frères musulmans, autrement dit, l’inscription dans la modernité politique. Au même moment poursuit-il, on peut observer un mouvement allant dans le sens d’un « retour » des soufis en politique comme c’est le cas en Irak.
Le Président de la République ne cesse de rappeler de plus quelques temps que le Sénégal n’a pas besoin d’un islam autre que celui des confréries. Il pense ainsi que les chefs religieux pourraient le débarrasser des petits perturbateurs islamistes qui essaiment partout dans notre pays. Mais qui lui dit que la menace n’est pas plus éminente dans le camp où il cherche à recruter des partisans ? L’arrivée des islamistes au pouvoir en Palestine, en Tunisie, au Maroc et en Egypte, s’explique largement par la défiance des populations à l’égard des régimes corrompus et suppôts des grandes puissances. La question est donc éminemment politique même si elle se pare des habits de la religion ; ce qui est tout à fait banal pour des pays où l’islam bénéficie d’un fort consensus.
J’accuse les nouvelles autorités politiques de suivre à la lettre l’agenda de la France et nos intellectuels de réduire le combat pour l’islam à une querelle de chapelles. Comme le débat ne se pose que très rarement dans notre pays, il sera trop tard de voir que la guerre contre le terrorisme n’est pas une guerre pour la démocratie et la paix dans le monde.
« Douze ans après, l’intervention occidentale en Afghanistan est un fiasco. Celle en Irak a abouti à la déstabilisation durable du pays (et à une implantation de groupes liés à Al-Qaïda qui n’y étaient pas présents avant 2003). D’ici douze ans, quel bilan dressera-t-on de l’engagement de la France au Mali ? » Alain Gresh
« Le Nord du Mali est un révélateur qui donne la chair de poule : voilà un peuple qui chante sa libération politique laquelle est associée à son nouvel enchainement et étouffement économiques ; voilà des politiques et des intellectuels africains ou arabes qui sourient et applaudissent (conscients ou inconscients, naïfs, arrivistes ou compromis). L’hypocrisie et la lâcheté de ces derniers n’est somme toute que le miroir de l’hypocrisie et de la manipulation des grandes puissances occidentales. Rien de nouveau sous le ciel des colonies. » Tariq Ramadan
Ousmane Abdoulaye Barro
Titulaire d’un DEA de science politique à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis Coordonnateur provisoire de la Ligue Sénégalaise pour la Patrie (LSP/BOKK YEENE) Secrétaire exécutif de l’Association des Elèves et Etudiants Musulmans du Sénégal (AEEMS)
ousmaneabdoulayebarro@yahoo.fr