La disparition du soutien-gorge semble imminente à en croire la mode. Chez Saint Laurent, cela faisait longtemps qu’on laissait voir le téton sous un chemisier transparent, mais désormais, Dior, Balmain, Armani, Fendi et Céline le laissent également pointer sans filtre. PUMA x Fenty donne même ses lettres de noblesse à la tendance underboob, qui dévoile l’arrondi des seins. Idem côté réseaux sociaux : sur Instagram, les poitrines des viral queens Bella Hadid, Kendall Jenner ou Emily Ratajkowski impriment naturellement leurs t-shirts. Et sur Facebook, pléthore de groupes “No Bra” font de la retape pour une libération des nichons. Un choix stylistique, mais pas que.
Confortable... et engagé
“On assiste à un ras-le-bol d'une esthétique standardisée et de la perfection vers laquelle le corps doit tendre depuis les années 1980”, analyse l’historienne de la mode Catherine Örmen. Un des tournants aura été la campagne “Free the nipple” en 2012, qui réclamait le droit pour les femme(même si celui-ci, modernisé, affichait alors des ventes record), et qui est aujourd’hui reprise par des youtubeuses comme La Carologie ou Léa Choue .
La liste des contraintes physiques et sociales dont elles s’affranchissent, est longue : celle de cacher sa poitrine derrière des armatures pour ne pas exciter autrui, de la rendre quand même désirable avec des rembourrages et autres push-up (bonjour schizophrénie), ou encore de se préserver de l’effet “gants de toilette”. A noter que pendant ce temps, personne ne se soucie des bourses tombantes de ces messieurs.
A quel sein se vouer ?
Si l’inégalité femme-homme existe IRL, elle s’exprime aussi sur la Toile. Sur Facebook et Instagram, la censure reste implacable face au moindre néné dévoilé... s’il est féminin. Le téton d’homme, lui, a toute sa place sur nos écrans, ce qui n’a fait que renforcer les convictions des activistes du no bra. Et si leur combat est éminament politique, il se double d’un intérêt médical : libérée, leur poitrine ne s’en porterait que mieux.
Selon une étude du Dr. Jean-Denis Rouillon du CHU de Besançon publiée en 2013 (une des rares à s’intéresser au sujet), le soutien-gorge nuirait à la circulation sanguine, mais aussi à l’activité des tissus de maintien et accélérerait le vieillissement de la poitrine.
Pourvu qu’elle soit bonne
Problème : si la tendance “braless” a le soutien de la science, elle s’exprime surtout du côté d’une certaine élite physique – les poitrines qui se montrent étant rondes, fermes et regardant vers les nuages. Catherine Örmen en atteste : “Un récent voyage à Miami pour une présentation de lingerie, m'a permis de constater que beaucoup de femmes qui se dispensent de soutien-gorge (sinon toutes), ont eu recours au bistouri…” En oubliant un peu vite les paires de seins tombants et asymétriques, le “braless” semble être devenu un vecteur d’émancipation réservé aux plus bonnasses et/ou aux plus jeunes.
Le lobby du soutif
Le principal frein à la disparition du soutien-gorge ? C’est qu’il reste perçu comme un indispensable de notre garde-robe. “Dans la pratique quotidienne, il n’est pas de plus en plus rare, assure le sociologue de la mode Frédéric Monneyron. Alors qu’il y a une baisse considérable de consommation de vêtements en termes de valeur, le marché de la lingerie se porte assez bien. Le sous-vêtement va même mieux que le vêtement.” Si nos poitrines se libèrent, il reste encore du chemin à faire.