De notre envoyé spécial à Rome
Jamais Benoît XVI n'aura pris un tel risque. La visite qu'il doit entamer vendredi matin pour trois jours au Liban est ultrasécurisée, le pire étant toujours possible comme le démontre l'incendie en cours dans le monde arabe. Au Vatican, ces développements ont jeté un froid. Ils accentuent la pression sur ce 24e voyage du Pape hors d'Italie. À 85 ans, Benoît XVI n'a toutefois jamais envisagé de renoncer à ce rendez-vous même si le pays du cèdre est directement affecté par la guerre civile en Syrie.
Rassuré par les contacts étroits avec les autorités civiles, politiques et religieuses - musulmanes en particulier - de Beyrouth, le Saint-Siège a donc maintenu la visite bien que la question du renoncement se pose toujours par principe. Jamais le Vatican n'envisagerait de mettre en péril la vie du Pape.
Deux reports de visites papales pour raison de sécurité se sont déjà produits sous Jean-Paul II: en 1982 pour un projet en Argentine visant à éteindre la crise des Malouines avec l'Angleterre ; en 1994 à Sarajevo, lors de la guerre des Balkans. Tout était pourtant prêt. La papamobile, déjà sur place, dut faire demi-tour en raison des «inquiétudes pesant sur la sécurité des habitants». Pour le Liban, une annulation de dernière minute peut toujours intervenir en cas d'événement particulièrement grave et confirmé.
Mais c'est avant tout en religieux et «pèlerin de paix» - et «non en homme politique», le Vatican n'a jamais autant insisté sur ce point - que Benoît XVI se présente au Liban. On dit qu'il a passé une partie de son été à revoir avec minutie les six discours qu'il prononcera en français, langue dans laquelle il est parfaitement à l'aise. Il ne vient donc pas en «commentateur» de la crise syrienne et du printemps arabe, a encore prévenu, hier dans nos colonnes, son bras droit, le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d'État du Vatican. Benoît XVI entend simplement apporter sa pierre à l'apaisement des tensions.
Démons de la division
La crise syrienne, il devrait l'aborder en répondant aux cinquante journalistes qui l'accompagnent vendredi matin dans le vol Rome-Beyrouth. Mais son message sur place concernera d'abord le Liban en proie aux démons de la division politique entre chrétiens pro-sunnites et pro-chiites. Mais aussi l'ensemble du Moyen-Orient. Cette région se vide petit à petit de ses chrétiens et Rome s'inquiète de la montée de l'islamisme radical et de l'affaiblissement du concept basique de citoyenneté.
Surtout, cette visite, classique dans sa facture (rencontres avec les autorités civiles, intellectuelles et religieuses, soirée avec les jeunes, grand-messe finale) est en réalité le troisième et dernier acte d'une saga commencée par Benoît XVI en juin 2010 à Chypre. Sur cette île, postée géographiquement face au Moyen-Orient, il avait lancé un projet qui lui tenait à cœur: convoquer à Rome, en octobre 2010, un synode spécial consacré au Moyen-Orient pour poser la question de l'avenir des chrétiens en Terre Sainte vue comme un arc tendu de l'Irak jusqu'à l'Égypte.
Ce qui advint: trois semaines de débats intenses se tinrent à Rome avec tous les évêques de cette région et de nombreux experts qui travaillèrent sur la base d'une large enquête de terrain réalisée au préalable dans toutes les paroisses des Églises concernées. C'est aujourd'hui le résultat de toute cette réflexion - assorti de claires orientations pour le futur -, que Benoît XVI vient remettre symboliquement au Liban. Un document jugé «très important» à Rome, une «exhortation apostolique post-synodale» qui veut voir loin. Le Pape doit la signer, vendredi soir, au pied de Notre-Dame de Harissa, sur les hauteurs du Liban.
Par Jean-Marie Guénois
Jamais Benoît XVI n'aura pris un tel risque. La visite qu'il doit entamer vendredi matin pour trois jours au Liban est ultrasécurisée, le pire étant toujours possible comme le démontre l'incendie en cours dans le monde arabe. Au Vatican, ces développements ont jeté un froid. Ils accentuent la pression sur ce 24e voyage du Pape hors d'Italie. À 85 ans, Benoît XVI n'a toutefois jamais envisagé de renoncer à ce rendez-vous même si le pays du cèdre est directement affecté par la guerre civile en Syrie.
Rassuré par les contacts étroits avec les autorités civiles, politiques et religieuses - musulmanes en particulier - de Beyrouth, le Saint-Siège a donc maintenu la visite bien que la question du renoncement se pose toujours par principe. Jamais le Vatican n'envisagerait de mettre en péril la vie du Pape.
Deux reports de visites papales pour raison de sécurité se sont déjà produits sous Jean-Paul II: en 1982 pour un projet en Argentine visant à éteindre la crise des Malouines avec l'Angleterre ; en 1994 à Sarajevo, lors de la guerre des Balkans. Tout était pourtant prêt. La papamobile, déjà sur place, dut faire demi-tour en raison des «inquiétudes pesant sur la sécurité des habitants». Pour le Liban, une annulation de dernière minute peut toujours intervenir en cas d'événement particulièrement grave et confirmé.
Mais c'est avant tout en religieux et «pèlerin de paix» - et «non en homme politique», le Vatican n'a jamais autant insisté sur ce point - que Benoît XVI se présente au Liban. On dit qu'il a passé une partie de son été à revoir avec minutie les six discours qu'il prononcera en français, langue dans laquelle il est parfaitement à l'aise. Il ne vient donc pas en «commentateur» de la crise syrienne et du printemps arabe, a encore prévenu, hier dans nos colonnes, son bras droit, le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d'État du Vatican. Benoît XVI entend simplement apporter sa pierre à l'apaisement des tensions.
Démons de la division
La crise syrienne, il devrait l'aborder en répondant aux cinquante journalistes qui l'accompagnent vendredi matin dans le vol Rome-Beyrouth. Mais son message sur place concernera d'abord le Liban en proie aux démons de la division politique entre chrétiens pro-sunnites et pro-chiites. Mais aussi l'ensemble du Moyen-Orient. Cette région se vide petit à petit de ses chrétiens et Rome s'inquiète de la montée de l'islamisme radical et de l'affaiblissement du concept basique de citoyenneté.
Surtout, cette visite, classique dans sa facture (rencontres avec les autorités civiles, intellectuelles et religieuses, soirée avec les jeunes, grand-messe finale) est en réalité le troisième et dernier acte d'une saga commencée par Benoît XVI en juin 2010 à Chypre. Sur cette île, postée géographiquement face au Moyen-Orient, il avait lancé un projet qui lui tenait à cœur: convoquer à Rome, en octobre 2010, un synode spécial consacré au Moyen-Orient pour poser la question de l'avenir des chrétiens en Terre Sainte vue comme un arc tendu de l'Irak jusqu'à l'Égypte.
Ce qui advint: trois semaines de débats intenses se tinrent à Rome avec tous les évêques de cette région et de nombreux experts qui travaillèrent sur la base d'une large enquête de terrain réalisée au préalable dans toutes les paroisses des Églises concernées. C'est aujourd'hui le résultat de toute cette réflexion - assorti de claires orientations pour le futur -, que Benoît XVI vient remettre symboliquement au Liban. Un document jugé «très important» à Rome, une «exhortation apostolique post-synodale» qui veut voir loin. Le Pape doit la signer, vendredi soir, au pied de Notre-Dame de Harissa, sur les hauteurs du Liban.
Par Jean-Marie Guénois