En faisant une analyse approfondie des résultats, on note d’emblée que cette élection qui s’est tenue avec 19 candidats, s’est transformée au finish, en un duel sans pitié entre le principal candidat de l’opposition et celui de Benno Bokk Yakaar (35,79 % des voix) officiellement adoubé par le président de la République sortant, Macky Sall. Ce que nous savons moins, c’est le véritable poids des 17 autres candidats, dont deux, à savoir Habib Sy et Cheikh Tidiane Dièye ont rallié la Coalition Diomaye Président, juste avant le jour du scrutin, qui ont eu du mal à exister face à ce duel attendu, qui n’a épargné aucun département.
La preuve en est que le troisième, Aliou Mamadou Dia, arrivé derrière les deux premiers susmentionnés, n’a obtenu que 2,80 %. Et pourtant, dans cette élection, il y avait des poids lourds de la politique sénégalaise, à l’instar de l’ancien Premier ministre, arrivée deux fois deuxième aux élections présidentielles de 2007 et 2019, Idrissa Seck (0,90%) et aussi, l’ancien tout-puissant Maire de Dakar, Khalifa Sall (1,61%).
C’est véritablement donc un scrutin à l’américaine, qui s’est déroulée au Sénégal. Et la carte des résultats à l’échelle départementale, l’illustre davantage. En effet, sur les 46 départements que compte le Sénégal, il n’y en a pas un seul qui ne soit pas remporté, soit par Bassirou Diomaye Faye soit par Amadou Bâ.
D’ailleurs, cette carte départementale des résultats montre une séparation du pays entre l’Est et l’Ouest, à partir d’une ligne de séparation qui relie Dagana au Nord à Kolda au Sud, avec deux exceptions d’un côté comme de l’autre, qui ne font que confirmer la règle.
29 départements et 7 circonscriptions des Sénégalais de l’Extérieur pour Diomaye, 17 départements plus l’Afrique centrale pour Amadou Bâ
Les résultats officiels du 24 mars donnent une majorité de 29 départements remportés par Bassirou Diomaye Faye (Saint-Louis, Louga, Kébémer, Tivaouane, Thiès, Mbour, Rufisque, Keur Massar, Guédiawaye, Pikine, Dakar, Bambey, Diourbel, Mbacké, Gossas, Guinguinéo, Kaolack, Nioro du Rip, Birkelane, Kaffrine, Malem Hodar, Oussouye, Bignona, Ziguinchor, Goudomp, Bounkiling, Sédhiou, Kolda et Saraya) contre 17 pour Amadou Bâ (Dagana, Podor, Matam, Kanel, Ranérou, Linguère, Koungheul, Koumpentoum, Tambacounda, Bakel, Goudiry, Kedougou, Salémata, Vélingara, Médina Yoro Foulah, Fatick et Foundiougne).
A l’exception notoire donc de Fatick et Foundiougne, tous les départements remportés par le candidat Amadou Bâ, sont localisés à l’Est de cette ligne Dagana-Kolda. En revanche, les 29 départements où Diomaye Faye s’est imposé, se trouvent tous à l’Ouest du pays, à l’exception de Saraya, dans la région de Kédougou.
Spécifiquement, Amadou Bâ a raflé tous les départements des régions de Matam et de Tambacounda, plus deux départements dans les régions de Saint-Louis, de Kédougou, de Kolda et de Fatick et enfin, un dans les régions de Louga et Kaffrine.
Bassirou Diomaye Faye a, quant à lui, raflé l’ensemble des départements des régions de Dakar, Thiès, Diourbel, Ziguinchor, Sédhiou, Kaolack et presque, Kaffrine (trois départements sur quatre).
Pour ce qui est de la Diaspora, communément appelée la 15e région du Sénégal et ses 8 « départements », Seule l’Afrique centrale qui a plébiscité Amadou Bâ, avec 68% des voix, échappe au raz-de-marée Diomaye.
A la lecture de cette répartition, il est facile de comprendre la victoire dès le premier tour du candidat Bassirou Diomaye Faye. En effet, les trois voire quatre régions les plus peuplées du Sénégal, ont été remportés haut la main par le candidat adoubé par Ousmane Sonko.
Une troisième place à l’Américaine
Au vu de ce partage entre les deux candidats de l’ensemble des départements du pays et de la Diaspora, pour s’intéresser un peu aux performances des autres candidats, il reste à voir qui est arrivé troisième dans chacun des 46 départements. Ces chiffres ont dû certainement ressortir lors de la mise en place des coalitions et de la confection des listes.
Le premier constat ne fait que confirmer la dualité Bassirou Diomaye Faye - Amadou Bâ. En effet, les différents candidats arrivés 3e, enregistrent des scores très faibles.
Sur les 46 départements, il n’y en a que 8, où le troisième affiche un score supérieur ou égal à 5% des suffrages valablement exprimés : il s’agit de Aliou Mamadou Dia du PUR à Keur Massar (5,70%), Rufisque (6,41%), Tivaouane (8,54%) et Louga, où il a fait le meilleur score d’un troisième, avec 10, 84% des voix. Ensuite, vient Khalifa Sall à Dakar (5,34%), Aly Ngouille Ndiaye à Linguère (9,44%) et Koumpentoum (6,99%) et enfin, Mame Boye Diao à Kolda (6,80%). Dans 7 départements (Ziguinchor, Oussouye, Bignona, Mbacké, Nioro du Rip, Matam et Kanel), le 3e n’a même pas rassemblé 1% des voix.
Le deuxième enseignement, c’est que le PUR (Parti de l’Unité et du Rassemblement) est un cran au-dessus des autres candidats, hormis les 2 premiers, en se classant 3e dans 19 départements sur 46 et dans 6 sur les 8 de la Diaspora.
Mais certains « poids lourds » ont réussi à sauver l’honneur, en se positionnant à la troisième place dans leur (ex) fief comme Khalifa Sall à Dakar, qui est également 3e à Fatick, Diourbel, Ziguinchor, Bignona, Bakel et Goudiry ; Aly Ngouille Ndiaye à Linguère et dans les départements limitrophes comme Ranérou, Koumpentoum et Koungheul ; Mame Boye Diao qui est arrivé troisième dans tous les départements de la région de Kolda ,où il est maire de la ville éponyme.
Il est également intéressant de souligner la « bonne tenue » de Thierno Alassane Sall et de Boubacar Camara, dans la quasi-totalité des départements du pays, en termes de classement. Si TAS a réussi à arriver troisième à Tambacounda, à Kanel, à Podor et dans les 3 départements de la région de Sédhiou, Boubacar Camara s’impose, lui, comme troisième force à Salémata, Kédougou et Nioro.
Le fief imprenable d’antan d’Idrissa Seck, Thiès, ne lui a réservé qu’une troisième place, dans cette élection présidentielle 2024, avec 4,73% des voix du département. L’ancien Premier ministre est également arrivé troisième dans le département de Matam. Ce sont les deux seuls départements où ils se positionne derrière les incontournables premier et deuxième.
Quelles projections de résultats pour les Législatives ?
Il est donc évident que la troisième place a été bien partagée, à travers le pays, par les autres candidats. En effet, trois autres candidats se sont classés troisièmes dans au moins un département : Feu Mahammed Boune Abdallah Dionne à Gossas, sa terre natale, Serigne Mboup à Mbacké — alors qu’on l’attendait plutôt dans son fief de Kaolack — et Cheikh Tidiane Dièye, qui a officieusement retiré sa candidature avant le jour du vote, mais qui est quand même arrivé 3e dans le département de Saraya.
Il est essentiel d'examiner les départements pour analyser ces résultats, car les majorités des élections législatives se déterminent au sein de ces circonscriptions. Cela offre une perspective sur l'orientation politique de la future Assemblée nationale, à moins que les Sénégalais ne choisissent d'opérer un virage électoral sans précédent.
Avec les 36 circonscriptions remportées par Diomaye au scrutin du 24 mars, le parti PASTEF pourrait obtenir 109 députés, dont 80 issus des listes majoritaires et 29 de la liste proportionnelle. En comparaison, l'ancienne coalition Benno Bokk Yakaar, dirigée par Amadou Bâ, aurait obtenu 51 députés, répartis comme suit : 32 sur les listes départementales et 19 sur la proportionnelle. Les cinq sièges restants seraient attribués comme suit : 2 pour le PUR, dont un grâce au plus fort reste, 1 pour Khalifa Sall, 1 pour Idrissa Seck, et 1 pour Thierno Alassane Sall, ces trois derniers bénéficiant également du système du plus fort reste.
Des éléments qui peuvent impacter l’issue du scrutin du 17 novembre
La Participation. Cela va de soi que le report de voix ne se fera pas de manière aussi mécanique, car plusieurs facteurs déterminants vont influencer le comportement des électeurs et l’issue du scrutin. Le premier d’entre eux, c’est bien évidemment la participation.
Les électeurs sénégalais, en effet, se mobilisent plus pour choisir un président que pour élire des députés ou des maires, quels que soient les enjeux. Le camp capable de mobiliser le plus efficacement son électorat, que ce soit l'opposition ou le PASTEF, se démarquera dans certains départements où les différents scrutins n'ont pas montré de prépondérance manifeste d'une partie sur l'autre. Dans le contexte américain, ces départements seraient désignés comme des « Swing départements ». Ces départements qui peuvent basculer. Ils n’ont jamais cédé aux sirènes d’une coalition au pouvoir depuis 2012 (Mbacké, Europe du Sud). Ils valsent entre le pouvoir et l’opposition, d’une élection à une autre (Tivaouane, Kébémer, Bambey, Saraya). Ils ne suivent presque jamais la tendance qui veut que les capitales régionales tendent les bras plutôt à l’opposition, à la faveur de l’usure du pouvoir (Kédougou, Tambacounda).
Ou tout simplement, les résultats de la dernière présidentielle étaient tellement serrés que personne ne peut prédire l’issue du scrutin de novembre 2024, dans ces localités (Foundiougne, Bounkiling, Afrique de l’Ouest, Koungheul, Guinguinéo, Medina Yoro Foulah). Ces zones où les voix peuvent facilement basculer, deviendront des champs de bataille décisifs pour les partis en lice.
La grande équation PDS. Au-delà de l’abstention, certains faits politiques auront un impact réel sur les résultats du 17 novembre. D’abord, l’apport du PDS à la victoire de Bassirou Diomaye Faye est une réalité.
Pour les Législatives, le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) a choisi de s’allier avec l’Alliance pour la République (APR). Cette alliance pourrait affaiblir PASTEF dans certaines zones identifiées, à tort ou à raison, comme des fiefs du parti de l’ancien Président Abdoulaye Wade et que Diomaye avait réussi à remporter haut la main le 24 mars : Europe du Sud, Kébémer, Guinguinéo, Pikine, Saraya et Touba.
Les effets de l’intercoalition. Ce concept qui a fait son irruption dans la bataille électorale au Sénégal en 2022, avait tout chamboulé, dispatchant les sièges de manière quasi équitable entre l’opposition et le pouvoir. Elle est beaucoup moins aboutie qu’en 2022, entre Yewwi Askawi et Wallu Sénégal. Mais une inter coalition de l’opposition significative n’est jamais une bonne nouvelle pour la mouvance présidentielle. Il s’agit d’un concept de listes communes portée par une seule coalition par département.
Elle avait permis à Yewwi et Wallu, d’engranger respectivement 39 sièges et 16 sièges dans les listes départementales, contre 57 pour Benno Bokk Yakaar. Toutefois, les effets de l’intercoalition entre Takku Wallu Sénégal (APR, PDS), Samm Sa Kaddu (PUR, Taxawou, etc.) et Jamm ak Njariñ (Amadou Bâ, PS, AFP…) ne seront certainement pas à la hauteur de ceux de 2022. Tout simplement parce qu’il n’y a pas d’accord dans tous les départements et certains électeurs risquent de s’y perdre.
La fissure au sein de Benno Bokk Yakaar. La coalition Benno Bokk Yakaar se retrouve désormais divisée entre, d’un côté, l’ancien candidat Amadou Bâ, allié avec l’essentiel des partis dits de gauche, dont le PS et l’AFP et de l’autre, l’APR,, qui a reformé un bloc libéral avec notamment le PDS, qui fait face aussi à une dissidence menée par des ténors du parti, qui ont créé la coalition Sopi Sénégal.
Cette fragmentation est accentuée par de multiples dissidences. Plusieurs cadres de Benno disposant de fiefs électoraux, ont décidé de conduire des listes : Moustapha Diop, maire de Louga, Cheikh Issa Sall, maire de Mbour, Abdou Karim Sall, maire de Mbao, Maguette Sene, Maire de Malicounda, entre autres.
La pléthore de listes. Les élections seront marquées par la présence de quatre grandes coalitions majeures. Mais il y a également une multitude de listes (41 au total), qui pourrait également disperser les voix et fragiliser ainsi les grandes coalitions dans certaines circonscriptions, qui paraîtraient prenables pour elles.
Les démissions et autres ralliements. En décidant d’aller seul aux législatives sous couvert du parti PASTEF, Ousmane Sonko a fait un pari audacieux. De l’ancienne Coalition Diomaye Président, il faut désormais soustraire le PDS et quelques mouvements clairement opposés à ce choix opéré par le président du parti PASTEF – Les Patriotes.
Mais d’un autre côté, des ralliements parfois même inattendus, ont été enregistrés comme ceux du maire de Kolda, Mame Boye Diao, d’AJ/pads de Mamadou Diop Decroix ou encore d’anciens candidats à la Présidentielle, comme Boubacar Camara, El Hadji Malick Gackou et Mamadou Lamine Diallo.
En somme, les législatives du 17 novembre 2024 s’annoncent comme un défi de taille, marqué par des dynamiques complexes et une incertitude palpable. La mobilisation des électeurs, les alliances stratégiques et la fragmentation des coalitions, détermineront l’issue d’un scrutin qui pourrait redéfinir les contours du pouvoir au Sénégal. Ce rendez-vous électoral est donc bien plus qu’un simple renouvellement des mandats ; il constitue un moment crucial de la dynamique politique sénégalaise, où chaque voix comptera.
Auteur : Assane Sine
Journaliste / Communicant
Cartographie : Serigne Saliou Ndiaye
La preuve en est que le troisième, Aliou Mamadou Dia, arrivé derrière les deux premiers susmentionnés, n’a obtenu que 2,80 %. Et pourtant, dans cette élection, il y avait des poids lourds de la politique sénégalaise, à l’instar de l’ancien Premier ministre, arrivée deux fois deuxième aux élections présidentielles de 2007 et 2019, Idrissa Seck (0,90%) et aussi, l’ancien tout-puissant Maire de Dakar, Khalifa Sall (1,61%).
C’est véritablement donc un scrutin à l’américaine, qui s’est déroulée au Sénégal. Et la carte des résultats à l’échelle départementale, l’illustre davantage. En effet, sur les 46 départements que compte le Sénégal, il n’y en a pas un seul qui ne soit pas remporté, soit par Bassirou Diomaye Faye soit par Amadou Bâ.
D’ailleurs, cette carte départementale des résultats montre une séparation du pays entre l’Est et l’Ouest, à partir d’une ligne de séparation qui relie Dagana au Nord à Kolda au Sud, avec deux exceptions d’un côté comme de l’autre, qui ne font que confirmer la règle.
29 départements et 7 circonscriptions des Sénégalais de l’Extérieur pour Diomaye, 17 départements plus l’Afrique centrale pour Amadou Bâ
Les résultats officiels du 24 mars donnent une majorité de 29 départements remportés par Bassirou Diomaye Faye (Saint-Louis, Louga, Kébémer, Tivaouane, Thiès, Mbour, Rufisque, Keur Massar, Guédiawaye, Pikine, Dakar, Bambey, Diourbel, Mbacké, Gossas, Guinguinéo, Kaolack, Nioro du Rip, Birkelane, Kaffrine, Malem Hodar, Oussouye, Bignona, Ziguinchor, Goudomp, Bounkiling, Sédhiou, Kolda et Saraya) contre 17 pour Amadou Bâ (Dagana, Podor, Matam, Kanel, Ranérou, Linguère, Koungheul, Koumpentoum, Tambacounda, Bakel, Goudiry, Kedougou, Salémata, Vélingara, Médina Yoro Foulah, Fatick et Foundiougne).
A l’exception notoire donc de Fatick et Foundiougne, tous les départements remportés par le candidat Amadou Bâ, sont localisés à l’Est de cette ligne Dagana-Kolda. En revanche, les 29 départements où Diomaye Faye s’est imposé, se trouvent tous à l’Ouest du pays, à l’exception de Saraya, dans la région de Kédougou.
Spécifiquement, Amadou Bâ a raflé tous les départements des régions de Matam et de Tambacounda, plus deux départements dans les régions de Saint-Louis, de Kédougou, de Kolda et de Fatick et enfin, un dans les régions de Louga et Kaffrine.
Bassirou Diomaye Faye a, quant à lui, raflé l’ensemble des départements des régions de Dakar, Thiès, Diourbel, Ziguinchor, Sédhiou, Kaolack et presque, Kaffrine (trois départements sur quatre).
Pour ce qui est de la Diaspora, communément appelée la 15e région du Sénégal et ses 8 « départements », Seule l’Afrique centrale qui a plébiscité Amadou Bâ, avec 68% des voix, échappe au raz-de-marée Diomaye.
A la lecture de cette répartition, il est facile de comprendre la victoire dès le premier tour du candidat Bassirou Diomaye Faye. En effet, les trois voire quatre régions les plus peuplées du Sénégal, ont été remportés haut la main par le candidat adoubé par Ousmane Sonko.
Une troisième place à l’Américaine
Au vu de ce partage entre les deux candidats de l’ensemble des départements du pays et de la Diaspora, pour s’intéresser un peu aux performances des autres candidats, il reste à voir qui est arrivé troisième dans chacun des 46 départements. Ces chiffres ont dû certainement ressortir lors de la mise en place des coalitions et de la confection des listes.
Le premier constat ne fait que confirmer la dualité Bassirou Diomaye Faye - Amadou Bâ. En effet, les différents candidats arrivés 3e, enregistrent des scores très faibles.
Sur les 46 départements, il n’y en a que 8, où le troisième affiche un score supérieur ou égal à 5% des suffrages valablement exprimés : il s’agit de Aliou Mamadou Dia du PUR à Keur Massar (5,70%), Rufisque (6,41%), Tivaouane (8,54%) et Louga, où il a fait le meilleur score d’un troisième, avec 10, 84% des voix. Ensuite, vient Khalifa Sall à Dakar (5,34%), Aly Ngouille Ndiaye à Linguère (9,44%) et Koumpentoum (6,99%) et enfin, Mame Boye Diao à Kolda (6,80%). Dans 7 départements (Ziguinchor, Oussouye, Bignona, Mbacké, Nioro du Rip, Matam et Kanel), le 3e n’a même pas rassemblé 1% des voix.
Le deuxième enseignement, c’est que le PUR (Parti de l’Unité et du Rassemblement) est un cran au-dessus des autres candidats, hormis les 2 premiers, en se classant 3e dans 19 départements sur 46 et dans 6 sur les 8 de la Diaspora.
Mais certains « poids lourds » ont réussi à sauver l’honneur, en se positionnant à la troisième place dans leur (ex) fief comme Khalifa Sall à Dakar, qui est également 3e à Fatick, Diourbel, Ziguinchor, Bignona, Bakel et Goudiry ; Aly Ngouille Ndiaye à Linguère et dans les départements limitrophes comme Ranérou, Koumpentoum et Koungheul ; Mame Boye Diao qui est arrivé troisième dans tous les départements de la région de Kolda ,où il est maire de la ville éponyme.
Il est également intéressant de souligner la « bonne tenue » de Thierno Alassane Sall et de Boubacar Camara, dans la quasi-totalité des départements du pays, en termes de classement. Si TAS a réussi à arriver troisième à Tambacounda, à Kanel, à Podor et dans les 3 départements de la région de Sédhiou, Boubacar Camara s’impose, lui, comme troisième force à Salémata, Kédougou et Nioro.
Le fief imprenable d’antan d’Idrissa Seck, Thiès, ne lui a réservé qu’une troisième place, dans cette élection présidentielle 2024, avec 4,73% des voix du département. L’ancien Premier ministre est également arrivé troisième dans le département de Matam. Ce sont les deux seuls départements où ils se positionne derrière les incontournables premier et deuxième.
Quelles projections de résultats pour les Législatives ?
Il est donc évident que la troisième place a été bien partagée, à travers le pays, par les autres candidats. En effet, trois autres candidats se sont classés troisièmes dans au moins un département : Feu Mahammed Boune Abdallah Dionne à Gossas, sa terre natale, Serigne Mboup à Mbacké — alors qu’on l’attendait plutôt dans son fief de Kaolack — et Cheikh Tidiane Dièye, qui a officieusement retiré sa candidature avant le jour du vote, mais qui est quand même arrivé 3e dans le département de Saraya.
Il est essentiel d'examiner les départements pour analyser ces résultats, car les majorités des élections législatives se déterminent au sein de ces circonscriptions. Cela offre une perspective sur l'orientation politique de la future Assemblée nationale, à moins que les Sénégalais ne choisissent d'opérer un virage électoral sans précédent.
Avec les 36 circonscriptions remportées par Diomaye au scrutin du 24 mars, le parti PASTEF pourrait obtenir 109 députés, dont 80 issus des listes majoritaires et 29 de la liste proportionnelle. En comparaison, l'ancienne coalition Benno Bokk Yakaar, dirigée par Amadou Bâ, aurait obtenu 51 députés, répartis comme suit : 32 sur les listes départementales et 19 sur la proportionnelle. Les cinq sièges restants seraient attribués comme suit : 2 pour le PUR, dont un grâce au plus fort reste, 1 pour Khalifa Sall, 1 pour Idrissa Seck, et 1 pour Thierno Alassane Sall, ces trois derniers bénéficiant également du système du plus fort reste.
Des éléments qui peuvent impacter l’issue du scrutin du 17 novembre
La Participation. Cela va de soi que le report de voix ne se fera pas de manière aussi mécanique, car plusieurs facteurs déterminants vont influencer le comportement des électeurs et l’issue du scrutin. Le premier d’entre eux, c’est bien évidemment la participation.
Les électeurs sénégalais, en effet, se mobilisent plus pour choisir un président que pour élire des députés ou des maires, quels que soient les enjeux. Le camp capable de mobiliser le plus efficacement son électorat, que ce soit l'opposition ou le PASTEF, se démarquera dans certains départements où les différents scrutins n'ont pas montré de prépondérance manifeste d'une partie sur l'autre. Dans le contexte américain, ces départements seraient désignés comme des « Swing départements ». Ces départements qui peuvent basculer. Ils n’ont jamais cédé aux sirènes d’une coalition au pouvoir depuis 2012 (Mbacké, Europe du Sud). Ils valsent entre le pouvoir et l’opposition, d’une élection à une autre (Tivaouane, Kébémer, Bambey, Saraya). Ils ne suivent presque jamais la tendance qui veut que les capitales régionales tendent les bras plutôt à l’opposition, à la faveur de l’usure du pouvoir (Kédougou, Tambacounda).
Ou tout simplement, les résultats de la dernière présidentielle étaient tellement serrés que personne ne peut prédire l’issue du scrutin de novembre 2024, dans ces localités (Foundiougne, Bounkiling, Afrique de l’Ouest, Koungheul, Guinguinéo, Medina Yoro Foulah). Ces zones où les voix peuvent facilement basculer, deviendront des champs de bataille décisifs pour les partis en lice.
La grande équation PDS. Au-delà de l’abstention, certains faits politiques auront un impact réel sur les résultats du 17 novembre. D’abord, l’apport du PDS à la victoire de Bassirou Diomaye Faye est une réalité.
Pour les Législatives, le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) a choisi de s’allier avec l’Alliance pour la République (APR). Cette alliance pourrait affaiblir PASTEF dans certaines zones identifiées, à tort ou à raison, comme des fiefs du parti de l’ancien Président Abdoulaye Wade et que Diomaye avait réussi à remporter haut la main le 24 mars : Europe du Sud, Kébémer, Guinguinéo, Pikine, Saraya et Touba.
Les effets de l’intercoalition. Ce concept qui a fait son irruption dans la bataille électorale au Sénégal en 2022, avait tout chamboulé, dispatchant les sièges de manière quasi équitable entre l’opposition et le pouvoir. Elle est beaucoup moins aboutie qu’en 2022, entre Yewwi Askawi et Wallu Sénégal. Mais une inter coalition de l’opposition significative n’est jamais une bonne nouvelle pour la mouvance présidentielle. Il s’agit d’un concept de listes communes portée par une seule coalition par département.
Elle avait permis à Yewwi et Wallu, d’engranger respectivement 39 sièges et 16 sièges dans les listes départementales, contre 57 pour Benno Bokk Yakaar. Toutefois, les effets de l’intercoalition entre Takku Wallu Sénégal (APR, PDS), Samm Sa Kaddu (PUR, Taxawou, etc.) et Jamm ak Njariñ (Amadou Bâ, PS, AFP…) ne seront certainement pas à la hauteur de ceux de 2022. Tout simplement parce qu’il n’y a pas d’accord dans tous les départements et certains électeurs risquent de s’y perdre.
La fissure au sein de Benno Bokk Yakaar. La coalition Benno Bokk Yakaar se retrouve désormais divisée entre, d’un côté, l’ancien candidat Amadou Bâ, allié avec l’essentiel des partis dits de gauche, dont le PS et l’AFP et de l’autre, l’APR,, qui a reformé un bloc libéral avec notamment le PDS, qui fait face aussi à une dissidence menée par des ténors du parti, qui ont créé la coalition Sopi Sénégal.
Cette fragmentation est accentuée par de multiples dissidences. Plusieurs cadres de Benno disposant de fiefs électoraux, ont décidé de conduire des listes : Moustapha Diop, maire de Louga, Cheikh Issa Sall, maire de Mbour, Abdou Karim Sall, maire de Mbao, Maguette Sene, Maire de Malicounda, entre autres.
La pléthore de listes. Les élections seront marquées par la présence de quatre grandes coalitions majeures. Mais il y a également une multitude de listes (41 au total), qui pourrait également disperser les voix et fragiliser ainsi les grandes coalitions dans certaines circonscriptions, qui paraîtraient prenables pour elles.
Les démissions et autres ralliements. En décidant d’aller seul aux législatives sous couvert du parti PASTEF, Ousmane Sonko a fait un pari audacieux. De l’ancienne Coalition Diomaye Président, il faut désormais soustraire le PDS et quelques mouvements clairement opposés à ce choix opéré par le président du parti PASTEF – Les Patriotes.
Mais d’un autre côté, des ralliements parfois même inattendus, ont été enregistrés comme ceux du maire de Kolda, Mame Boye Diao, d’AJ/pads de Mamadou Diop Decroix ou encore d’anciens candidats à la Présidentielle, comme Boubacar Camara, El Hadji Malick Gackou et Mamadou Lamine Diallo.
En somme, les législatives du 17 novembre 2024 s’annoncent comme un défi de taille, marqué par des dynamiques complexes et une incertitude palpable. La mobilisation des électeurs, les alliances stratégiques et la fragmentation des coalitions, détermineront l’issue d’un scrutin qui pourrait redéfinir les contours du pouvoir au Sénégal. Ce rendez-vous électoral est donc bien plus qu’un simple renouvellement des mandats ; il constitue un moment crucial de la dynamique politique sénégalaise, où chaque voix comptera.
Auteur : Assane Sine
Journaliste / Communicant
Cartographie : Serigne Saliou Ndiaye