Le grand fossé qui, depuis des lustres, sépare les 7,7 millions de Québécois du reste du Canada, à majorité anglophone, semble ces dernières semaines redevenu insurmontable.
Depuis le début de la «révolution érable», les médias anglophones répercutent l'incrédulité et l'indignation du reste du pays. Non sans excès, et parfois mauvaise foi. Cette révolte étudiante, dénonce Gary Mason, éditorialiste du quotidien de Toronto (Ontario) Globe and Mail , est un pur «caprice d'enfants gâtés», qui ne se rendent pas compte que les frais d'inscription universitaires au Québec sont déjà «ridiculement bas» par rapport au reste du pays. Sa collègue Margaret Wente fustige les Québécois, ces «Grecs du Canada», en référence au pays qui rejette les mesures d'austérité imposées par l'Europe. Excédée par les débordements, Wente résume ainsi la «mentalité» des étudiants en grève: «L'État nous doit tout et si nous ne l'obtenons pas, nous allons provoquer une émeute.»
L'hebdomadaire Maclean's de Toronto va encore plus loin. Après avoir en 2010 titré sur «la province la plus corrompue» du Canada, allusion aux divers scandales financiers ayant éclaboussé le gouvernement du premier ministre Jean Charest (Parti libéral, conservateur), il titrait la semaine passée, en une, sur «la nouvelle classe dirigeante du Québec», illustrée par la photo d'un manifestant cagoulé au regard ombrageux, assortie d'un commentaire cinglant: «Comment un groupe d'étudiants privilégiés est entré en guerre et a paralysé toute une province. Pour 325 dollars.» Soit le montant de la hausse annuelle des frais d'inscription universitaire pendant cinq ans, si le premier ministre avait pu mener à bien son projet de réforme.
La manne de l'Alberta
De la Colombie-Britannique à l'Ontario en passant par le Saskatchewan, les Canadiens anglais sont scandalisés par les largesses de l'État-providence québécois et ses universités aux frais d'inscription deux à trois fois plus faibles en moyenne qu'ailleurs. La pilule passe mal, car selon le principe de péréquation, qui vise à combler les disparités fiscales entre les provinces, les plus riches de ces dernières doivent redistribuer leur manne en direction des plus pauvres. L'Alberta, richissime grâce à l'exploitation du pétrole et du gaz naturel, est ainsi le premier contributeur net du Canada, largement au profit du Québec qui engrange 7,3 milliards de dollars par an. Tout en promouvant un modèle économique et social aux antipodes de son voisin de l'ouest.
Depuis les élections fédérales de mai 2011, le divorce s'exprime également sur la scène politique. Les provinces anglophones ont toutes élu une majorité conservatrice au Parlement d'Ottawa, tandis que le Bloc Québécois, officiellement souverainiste mais foncièrement conservateur, a été supplanté par le Nouveau Parti démocratique (NPD), d'obédience socialiste. Si des élections anticipées devaient se tenir au Québec, le Parti libéral de Charest, de plus en plus impopulaire à cause de sa gestion erratique des événements, pourrait s'effacer au profit du NPD, proche des organisations syndicales. La dérive du Québec vis-à-vis du Canada anglophone ne ferait alors que s'accentuer.
Par Maurin Picard
Depuis le début de la «révolution érable», les médias anglophones répercutent l'incrédulité et l'indignation du reste du pays. Non sans excès, et parfois mauvaise foi. Cette révolte étudiante, dénonce Gary Mason, éditorialiste du quotidien de Toronto (Ontario) Globe and Mail , est un pur «caprice d'enfants gâtés», qui ne se rendent pas compte que les frais d'inscription universitaires au Québec sont déjà «ridiculement bas» par rapport au reste du pays. Sa collègue Margaret Wente fustige les Québécois, ces «Grecs du Canada», en référence au pays qui rejette les mesures d'austérité imposées par l'Europe. Excédée par les débordements, Wente résume ainsi la «mentalité» des étudiants en grève: «L'État nous doit tout et si nous ne l'obtenons pas, nous allons provoquer une émeute.»
L'hebdomadaire Maclean's de Toronto va encore plus loin. Après avoir en 2010 titré sur «la province la plus corrompue» du Canada, allusion aux divers scandales financiers ayant éclaboussé le gouvernement du premier ministre Jean Charest (Parti libéral, conservateur), il titrait la semaine passée, en une, sur «la nouvelle classe dirigeante du Québec», illustrée par la photo d'un manifestant cagoulé au regard ombrageux, assortie d'un commentaire cinglant: «Comment un groupe d'étudiants privilégiés est entré en guerre et a paralysé toute une province. Pour 325 dollars.» Soit le montant de la hausse annuelle des frais d'inscription universitaire pendant cinq ans, si le premier ministre avait pu mener à bien son projet de réforme.
La manne de l'Alberta
De la Colombie-Britannique à l'Ontario en passant par le Saskatchewan, les Canadiens anglais sont scandalisés par les largesses de l'État-providence québécois et ses universités aux frais d'inscription deux à trois fois plus faibles en moyenne qu'ailleurs. La pilule passe mal, car selon le principe de péréquation, qui vise à combler les disparités fiscales entre les provinces, les plus riches de ces dernières doivent redistribuer leur manne en direction des plus pauvres. L'Alberta, richissime grâce à l'exploitation du pétrole et du gaz naturel, est ainsi le premier contributeur net du Canada, largement au profit du Québec qui engrange 7,3 milliards de dollars par an. Tout en promouvant un modèle économique et social aux antipodes de son voisin de l'ouest.
Depuis les élections fédérales de mai 2011, le divorce s'exprime également sur la scène politique. Les provinces anglophones ont toutes élu une majorité conservatrice au Parlement d'Ottawa, tandis que le Bloc Québécois, officiellement souverainiste mais foncièrement conservateur, a été supplanté par le Nouveau Parti démocratique (NPD), d'obédience socialiste. Si des élections anticipées devaient se tenir au Québec, le Parti libéral de Charest, de plus en plus impopulaire à cause de sa gestion erratique des événements, pourrait s'effacer au profit du NPD, proche des organisations syndicales. La dérive du Québec vis-à-vis du Canada anglophone ne ferait alors que s'accentuer.
Par Maurin Picard