Les Nigérians se pressaient samedi vers les bureaux de vote pour élire leur président mais le scrutin était perturbé par des attaques contre des bureaux de vote imputées aux islamistes, ainsi que par les défaillances du nouveau système de vote électronique.
Du hub pétrolier de Port Harcourt, en plein sud chrétien, à Kano, la deuxième plus grande ville musulmane du continent, en passant par la mégalopole de Lagos, 68,8 millions d'électeurs - sur 173 millions d'habitants - sont appelés aux urnes, pour des élections présidentielle et législatives.
Le président sortant, Goodluck Jonathan - un chrétien du Sud de 57 ans - brigue un second mandat, face à l'ancien général Muhammadu Buhari - un musulman du Nord de 72 ans - son principal adversaire et le candidat d'une opposition plus unie que jamais.
Les craintes d'attentats se sont matérialisées dès samedi matin: au moins deux personnes ont été tuées dans l'attaque de deux bureaux de vote dans le nord-est du pays.
Des hommes armés ont attaqué deux villages de l'Etat de Gombe, souvent ciblés par les islamistes par le passé. "Nous avons entendu les assaillants crier: "On ne vous avait pas dit de rester à distance de l'élection?" " a rapporté un responsable du scrutin sous couvert d'anonymat.
Même si Boko Haram est en perte de vitesse, le groupe islamiste, désormais allié à l'organisation Etat islamique, avait menacé de perturber l'élection.
- Difficultés techniques -
L'armée nigériane, qui a annoncé vendredi avoir repris le fief islamiste de Gwoza, se targue d'avoir démantelé le "califat" proclamé par Boko Haram, dans le cadre d'une offensive militaire régionale, ces deux derniers mois.
D'autres difficultés, celles-ci techniques, perturbaient le scrutin.
Afin d'éviter les fraudes électorales, très répandues jusqu'ici au Nigeria, la commission électorale indépendante (Inec) expérimente un nouveau système de lecteurs de cartes électorales biométriques.
Malheureusement, cette belle aventure technologique tournait samedi en déconfiture, Jonathan Goodluck ayant lui-même été victime du nouveau système de vote.
Le président sortant a passé plus de trente minutes à l'intérieur du bureau de vote de son village natal d'Otuoke, dans l'Etat de Bayelsa (sud), accompagné de son épouse, Patience sans parvenir à s'inscrire, deux lecteurs de carte biométriques successifs ayant échoué à reconnaître leurs cartes d'électeur.
Vers 11H00 (locales, 10h00 GMT), lui et son épouse sont revenus au bureau de vote où après une énième tentative, ils ont finalement réussi à s'enregistrer.
Des incidents du même type ont été rapportés dans d'autres localités, notamment à Maraba, dans la banlieue d'Abuja, où la reconnaissance des empreintes a finalement été abandonnée au profit des méthodes traditionnelles, selon un journaliste de l'AFP sur place.
Peu avant les élections, l'Inec avait assuré que l'identification électronique ne prendrait pas plus de dix secondes par électeur.
Si les machines fonctionnent dans la plupart des bureaux, on pourrait assister aux élections les plus propres de l'histoire du Nigeria. Mais s'il y a trop de dysfonctionnements et de trop longues files d'attentes, cela pourrait au contraire donner lieu à des violences.
L'ex général Muhammadu Buhari, candidat du Congrès Progressiste (APC) et principal adversaire de M. Jonathan, s'est lui enregistré sans difficulté dans le bureau de vote de son fief de Daura, dans l'Etat de Katsina, vêtu d'une ample tunique blanche et d'un petit chapeau typique du nord du Nigeria, majoritairement musulman.
Le scrutin doit se dérouler en deux temps. A partir de 08H00 locales (07H00 GMT), les assesseurs devaient procéder à la vérification des inscriptions sur les listes. Dans un second temps, à partir de 13h30 (12H30 GMT), les électeurs devront revenir voter.
Tôt le matin, de longues files d'attente se sont formées devant les bureaux de vote, un peu partout dans le pays. Certains électeurs ont même raconté avoir passé la nuit sur place.
- '100% prêts à voter' -
A Kano, la plus grande ville du nord du pays, frappée à plusieurs reprises par des attentats meurtriers commis par les islamistes de Boko Haram, la plupart des votants sont arrivés dès 06H00, juste après la prière du matin.
"Les élections c'est vraiment quelque chose d'important, au Nigeria", témoigne l'un d'entre eux, Dahiru Badamasi. "Le pays a besoin d'être secouru du chaos dans lequel on se trouve actuellement. L'insécurité, le manque de soins médicaux, d'éducation? Partout, c'est la pagaille. Voilà où on en est".
De part et d'autre du pays, les électeurs s'apprêtaient à soutenir leur candidat. Ainsi, à Daura, le fief du leader de l'opposition, Muhammadu Buhari, Moustapha Osman était totalement investi : "Nous sommes 100% prêts à voter, et nous allons voter pour le candidat qui protègera nos vies et l'intégrité de ce pays."
A l'inverse, à Utuoke, dans le village du candidat chrétien, où Goodluck Jonathan doit voter dans la journée, Laurence Banigo, un ingénieur de 42 ans soutenait le président sortant: "Les Nigérians qui ont pu apprécier son bon boulot devraient lui donner la chance de continuer encore pour quatre ans."
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