Ces chefs religieux dirigent les cinq prières quotidiennes, enseignent le Coran, dirigent les séances de Wasifa (séances d’invocation et chants collectifs deux fois par jour) et la hadra pour les tidianes tous les vendredis après-midi…. De même, ces guides jouent le rôle de juge, d’interprète, de mufti, de guérisseur et enfin animent les chants religieux et les conférences publiques. Grâce à leur sens de l’organisation, matérialisé par des tournées périodiques, des dahrats (centres d’études et de travail) des dahirats (associations religieuses), des Zawiyas (universités), des mosquées essaiment partout. Le titre de khalifat va évoluer au fur et à mesure pour passer khalifat général certainement lié à l’extension de ces confréries en dehors du Sénégal touchant l’ensemble aofien et une partie de l’AEF. De l’avis même des autorités coloniales, El Hadji Seydou Nourou Tall, porte parole du khalife de Tivaouane , devint le marabout le plus populaire et le plus connu, sillonnant l’Afrique française pour prêcher la concorde et réconcilier les irréconciliables. Cette popularité, il la partage avec Ibrahima Niass qui est entré au Nigeria avec l’adhésion de l’émir de Kano, Salgano et du coup, ses talibés éparpillés en Afrique de l’Ouest se placèrent sous l’autorité du marabout .Le mouridisme de son côté, a connu une percée fulgurante dans la sous région et en occident avec les successeurs de Bamba et du fait surtout de l’émigration de bon nombre de talibés mourides.
Ils s’entourent tous, d’une sorte de gouvernement (secrétaires) et d’un cabinet ministériel s’occupant des affaires économiques, extérieures, du culte… « Les Muqadams » chez les tidjanes et les cheikh chez les mourides suffisamment formés et aptes à donner le wird (l’initiation) ou à recevoir la soumission personnelle du talibé (djiébelou) constituaient le commandement territorial. Ils sont implantés sur l’ensemble du territoire, depuis les villes jusqu’aux villages les plus reculés. Avec l’arachide, on voit se développer avec El Hadji Malick et Cheikh Bamba, une mystique du travail agricole. Ces marabouts allient enseignement et travail champêtre, des valeurs qu’ils inculquent à leurs talibés et qu’Adam Smith compare à des illuminés qui ne travaillent pas la terre dans les mêmes conditions que les cultivateurs ordinaires. Le travail est une des pré inscriptions, une des recommandations, une des conditions nécessaires pour adorer Dieu. Le travail est donc un plaisir et non une obligation. Les chefs confrériques ont enfin réussi à instituer une société verticale avec au bas de l’échelle les talibés, puis les intermédiaires composés de maîtres coraniques et les muqadams chez les tidianes et les cheikhs chez les mourides puis au sommet, les proches familles du khalife, enfin le khalife . Les rapports entre le talibé et le marabout peuvent même virer au fanatisme surtout chez les mourides, même si Bamba fustige cette attitude et condamne les agissements sordides de certains faux guides en ces termes : « je te conseille de n’être ni buté, ni extrémiste, mais de rester dans le juste milieu suivant la tradition du Prophète (P.S.L) » .Le disciple doit imiter son maître qui lui sert de modèle et de référence. Le pouvoir caché ou « batin », un des principes soufi que les talibés reconnaissent à leurs marabouts explique la place centrale du « ndiguel » ou de l’ordre donné dans leurs manières d’être. Le talibé doit accepter d’être comme « un cadavre entre les mains du laveur de mort ». Les cérémonies que sont les décès, les chants religieux, les conférences les pèlerinages etc. sont toujours des occasions saisies par les chefs religieux pour exhorter les fidèles à la paix des cœurs et des esprits. En mettant en échec à la politique d’assimilation, les chefs des confréries inscrivaient les Sénégalais dans une dynamique de rupture ou d’indépendance à long terme avec le colonisateur. De ce fait, en conservant aussi leur autonomie par rapport au mouvement islamique international ou moyen oriental, les confréries forment un écran contre « les dérives » islamiques (violences entre musulmans) et l’intolérance religieuse (entre musulmans et chrétiens) qui secouent aujourd’hui bon nombre de pays africains dont le Nigeria et la Côte d’Ivoire. C’est pour dire que les chefs religieux sont les interlocuteurs naturels entre l’Etat et les populations, des conducteurs d’hommes et de grands électeurs. Ils sont également nos guides naturels en périodes d’incertitudes. L’un d’eux, Serigne Abdou Aziz Sy (1957-1997) était reconnu comme un rassembleur de toutes les forces sociales. Il faisait autorité par sa sagesse et sa culture. Il était à l’écoute et au service des hommes et n’hésitait pas à s’impliquer en temps de crise pour aplanir les divergences entre les forces sociales .Il ne se taisait jamais quand la société était en danger. Face aux menaces qui guettaient ses compatriotes, il a toujours demandé aux chefs religieux de tenir un langage de vérité à leurs fidèles. « Junior », ayant vécu sous l’aile de ce saint homme et homonyme, bénéficiant de surcroît de la bénédiction des khalifes tidiane et mouride, a le capital d’expérience et de sagesse avéré pour réconcilier le pouvoir et l’opposition afin que le Sénégal retrouve un climat apaisé.
Gana Fall
Docteur en Histoire, Vacataire à l’U.C.A.D et Proviseur au lycée de Bayakh
Ils s’entourent tous, d’une sorte de gouvernement (secrétaires) et d’un cabinet ministériel s’occupant des affaires économiques, extérieures, du culte… « Les Muqadams » chez les tidjanes et les cheikh chez les mourides suffisamment formés et aptes à donner le wird (l’initiation) ou à recevoir la soumission personnelle du talibé (djiébelou) constituaient le commandement territorial. Ils sont implantés sur l’ensemble du territoire, depuis les villes jusqu’aux villages les plus reculés. Avec l’arachide, on voit se développer avec El Hadji Malick et Cheikh Bamba, une mystique du travail agricole. Ces marabouts allient enseignement et travail champêtre, des valeurs qu’ils inculquent à leurs talibés et qu’Adam Smith compare à des illuminés qui ne travaillent pas la terre dans les mêmes conditions que les cultivateurs ordinaires. Le travail est une des pré inscriptions, une des recommandations, une des conditions nécessaires pour adorer Dieu. Le travail est donc un plaisir et non une obligation. Les chefs confrériques ont enfin réussi à instituer une société verticale avec au bas de l’échelle les talibés, puis les intermédiaires composés de maîtres coraniques et les muqadams chez les tidianes et les cheikhs chez les mourides puis au sommet, les proches familles du khalife, enfin le khalife . Les rapports entre le talibé et le marabout peuvent même virer au fanatisme surtout chez les mourides, même si Bamba fustige cette attitude et condamne les agissements sordides de certains faux guides en ces termes : « je te conseille de n’être ni buté, ni extrémiste, mais de rester dans le juste milieu suivant la tradition du Prophète (P.S.L) » .Le disciple doit imiter son maître qui lui sert de modèle et de référence. Le pouvoir caché ou « batin », un des principes soufi que les talibés reconnaissent à leurs marabouts explique la place centrale du « ndiguel » ou de l’ordre donné dans leurs manières d’être. Le talibé doit accepter d’être comme « un cadavre entre les mains du laveur de mort ». Les cérémonies que sont les décès, les chants religieux, les conférences les pèlerinages etc. sont toujours des occasions saisies par les chefs religieux pour exhorter les fidèles à la paix des cœurs et des esprits. En mettant en échec à la politique d’assimilation, les chefs des confréries inscrivaient les Sénégalais dans une dynamique de rupture ou d’indépendance à long terme avec le colonisateur. De ce fait, en conservant aussi leur autonomie par rapport au mouvement islamique international ou moyen oriental, les confréries forment un écran contre « les dérives » islamiques (violences entre musulmans) et l’intolérance religieuse (entre musulmans et chrétiens) qui secouent aujourd’hui bon nombre de pays africains dont le Nigeria et la Côte d’Ivoire. C’est pour dire que les chefs religieux sont les interlocuteurs naturels entre l’Etat et les populations, des conducteurs d’hommes et de grands électeurs. Ils sont également nos guides naturels en périodes d’incertitudes. L’un d’eux, Serigne Abdou Aziz Sy (1957-1997) était reconnu comme un rassembleur de toutes les forces sociales. Il faisait autorité par sa sagesse et sa culture. Il était à l’écoute et au service des hommes et n’hésitait pas à s’impliquer en temps de crise pour aplanir les divergences entre les forces sociales .Il ne se taisait jamais quand la société était en danger. Face aux menaces qui guettaient ses compatriotes, il a toujours demandé aux chefs religieux de tenir un langage de vérité à leurs fidèles. « Junior », ayant vécu sous l’aile de ce saint homme et homonyme, bénéficiant de surcroît de la bénédiction des khalifes tidiane et mouride, a le capital d’expérience et de sagesse avéré pour réconcilier le pouvoir et l’opposition afin que le Sénégal retrouve un climat apaisé.
Gana Fall
Docteur en Histoire, Vacataire à l’U.C.A.D et Proviseur au lycée de Bayakh