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Les clés de l'électrification du continent africain


Rédigé par leral.net le Lundi 14 Avril 2025 à 00:52 | | 0 commentaire(s)|

Les discussions relatives au défi de l’électrification en Afrique, se concentrent trop souvent sur le raccordement des utilisateurs finaux. Environ la moitié des habitants de l’Afrique subsaharienne n’ayant pas accès à l’électricité, et quatre personnes sur cinq manquant de solutions de cuisson propres, l’amélioration de la couverture électrique sur le continent, constitue évidemment une priorité urgente. Pour autant, le raccordement des ménages et des entreprises aux sources l’électricité, ne représente qu’une partie de la solution. Il est tout aussi important que l’approvisionnement électrique soit à la fois fiable et abordable.
Les clés de l'électrification du continent africain
Parmi les Africains qui ont accès à un réseau électrique, moins de la moitié peuvent compter sur un approvisionnement stable. Or, sans électricité fiable, les ménages et les entreprises ne peuvent pas installer éclairage, cuisinière, ordinateurs, irrigation, équipements agricoles, machines à coudre et autres dispositifs susceptibles d’améliorer leur prospérité et leur niveau de vie. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles la demande d’électricité reste faible sur le continent.

Pour résoudre les problèmes de fiabilité et d’accessibilité financière de l’électricité en Afrique, l’une des clés consiste à investir davantage dans les réseaux. Des investissements judicieux dans la transmission peuvent contribuer à la stabilisation du réseau, à la réduction du nombre de pannes, à l’amélioration de l’efficience, ainsi qu’à une meilleure utilisation des sources d’énergie moins coûteuses, où qu’elles se situent sur le continent. Sans transmission, tous les autres investissements dans la production d’électricité et le raccordement des ménages risquent d’être insuffisamment rentabilisés.

Le coût des projets de transmission ne représente qu’une faible partie des dépenses totales nécessaires pour aboutir à un accès universel à l’électricité. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime  que l’Afrique subsaharienne a besoin de plus de 30 milliards $ d’investissements annuels dans l’accès à l’électricité d’ici 2030, un montant huit fois supérieur aux 3,7 milliards $ actuellement investis chaque année.

Pour mobiliser davantage d’investissements dans les réseaux, il est nécessaire que les gouvernements africains fassent intervenir le secteur privé. Cela signifie établir des cadres politiques et réglementaires clairs à long terme, permettant d’attirer des investisseurs et de réduire le coût du financement de nouveaux projets. En l’état actuel des choses, quasiment tous les réseaux de transmission sur le continent sont exploités et financés par des sociétés publiques aux ressources financières limitées.

Nous savons que cela peut fonctionner. En 2024, le secteur de l’électricité en Afrique a connu une nouvelle année de croissance à deux chiffres, en grande partie grâce à la participation croissante du secteur privé. Le développement de la transmission d’électricité peut suivre le même modèle de réussite.

Les pays africains peuvent également s’inspirer des approches d’autres économies émergentes et en voie de développement. Au Brésil, les réformes politiques et réglementaires entreprises dans les années 1990 ont ouvert les réseaux électriques du pays à l’investissement privé. Depuis, les capacités de transmission et de distribution ont été multipliées par plus de quatre selon l’AIE, ce qui a permis au Brésil d’atteindre l’accès universel à l’électricité.

Des modèles comparables feront bientôt leur apparition en Afrique. À titre d’exemple, Africa50, plateforme multilatérale d’investissement dans les infrastructures et de gestion d’actifs créée par plusieurs États africains ainsi que par la Banque africaine de développement et Power Grid Corporation of India, l’un des plus grands développeurs et opérateurs d’infrastructures de transmission au monde, ont développé conjointement le Partenariat public-privé pour la transmission d’électricité au Kenya. En collaboration avec le gouvernement kenyan, ce partenariat a pour objectif la construction d’environ 250 kilomètres  de nouvelles lignes de transmission permettant d’acheminer l’énergie renouvelable produite dans les régions du nord vers les pôles industriels et les centres de demande dans l’ouest du pays.

Les partenariats public-privé de ce type sont indispensables pour combler les manques considérables qui persistent dans le financement et la mise en œuvre des infrastructures énergétiques. Grâce à des réformes réglementaires et des mécanismes de partage des risques, les capitaux privés peuvent contribuer à faire avancer des projets qu’il serait difficile de financer autrement. L’Inde bénéficie de ces modèles depuis qu’elle a commencé à déréglementer son secteur de l’électricité en 1998. Le projet Tala Transmission, un partenariat entre l’entreprise publique Power Grid Corporation of India et Tata Power, en constitue un excellent exemple.

Il est également essentiel qu’intervienne une coordination régionale plus étroite. L’investissement dans les interconnexions des réseaux modernes permet le commerce d’électricité entre pays à l’offre excédentaire et pays à l’offre insuffisante. Ces réseaux peuvent jouer un rôle majeur dans les situations d’urgence, telles que la sécheresse dévastatrice qui a paralysé la production hydroélectrique de la Zambie. Sur le continent, douze États membres du pool énergétique ouest-africain ont d’ores et déjà synchronisé définitivement leurs réseaux, de même que le pool énergétique sud-africain développe actuellement plusieurs lignes de transmission interconnectées pour favoriser une plus grande intégration.

Le continent africain aura pour autant besoin de plus de répartiteurs et de planificateurs pour exploiter pleinement les interconnexions régionales existantes, ainsi que pour préparer la mise en service de nouvelles interconnexions. Une plus grande intégration régionale permettra également aux investisseurs de réduire les risques liés à leurs projets, en élargissant leur clientèle potentielle.

L’Afrique ne parviendra pas à l’accès universel à une électricité fiable sans investissements significatifs dans les infrastructures de transmission, et ces investissements ne se matérialiseront pas sans une plus importante participation du secteur privé. Les investissements dans le secteur de l’électricité augmentent actuellement au niveau mondial, en particulier dans les énergies renouvelables, l’électrification et les infrastructures de réseau résilientes. Pour tirer parti de cette tendance, il est toutefois essentiel que les États prennent l’initiative de véritables changements politiques et réglementaires. Plusieurs pays tels que l’Afrique du Sud, le Kenya et le Maroc constituent ici des exemples clairs, étant parvenus à attirer des investissements énergétiques du secteur privé en établissant des plans et des objectifs à long terme en matière d’électricité, en encourageant les partenariats public-privé, ainsi qu’en rationalisant les processus administratifs.

Les économies émergentes et en voie de développement peuvent apprendre les unes des autres. Celles qui sont parvenues à l’accès quasi-universel à l’électricité l’ont fait en débloquant les flux de capitaux nécessaires. Ce devrait être la priorité initiale des dirigeants politiques. Car une fois mis en place un approvisionnement électrique fiable, la poursuite du développement économique et l’amélioration du quotidien de centaines de millions de personnes peuvent alors débuter.
Fatih Birol est directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie. Alain Ebobissé est PDG d’Africa50.
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Source : https://www.lejecos.com/Les-cles-de-l-electrificat...

La rédaction