De notre correspondante en Asie du Sud
Une frontière poreuse et, de part et d'autre, des sanctuaires pour les militants islamistes de tous poils. Réunis au sein d'une nébuleuse terroriste alliée à al-Qaida, ils mènent en Afghanistan une lutte sans merci contre les forces de l'Otan, l'armée afghane et le gouvernement de Kaboul. Au Pakistan, ils s'en prennent à l'armée et à la police, à la population civile ou à la minorité chiite. Islamabad et Kaboul se renvoient dos à dos la responsabilité de ces attaques sanglantes, s'accusant mutuellement de laxisme face aux terroristes.
Dans cet imbroglio militaro-diplomatique, les États-Unis tentent de faire le ménage. Et puisque les négociations avec les talibans, qu'ils appellent de leurs vœux, piétinent, ils multiplient les tirs de drones. Avec un certain succès. Au cours des derniers jours, les avions de la CIA ont ainsi éliminé le mollah Dadullah, un commandant du TTP, le Mouvement des talibans du Pakistan, et Badruddin Haqqani, un membre influent du redoutable réseau afghan Haqqani.
Le premier a été tué en territoire afghan, le second - dont la mort reste à confirmer - aurait succombé à un missile largué sur la Zone tribale pakistanaise du Waziristan du Nord. Avant d'être Pakistanais ou Afghan, tous deux étaient d'abord Pachtounes, fils d'un pays pas si imaginaire que cela: le «Pachtounistan», qui ne connaît pas de frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan. Le mollah Dadullah avait de bonnes raisons de se trouver en Afghanistan, dans la province de Kunar, située à 15 kilomètres de la frontière pakistanaise, où il a été rattrapé. Nommé chef de l'insurrection de la petite Zone tribale de Bajaur début 2012, il jouait depuis longtemps au chat et à la souris avec l'armée pakistanaise qui mène des attaques régulières contre Bajaur depuis quatre ans.
Selon le quotidien pakistanais The News , Dadullah aurait été trahi. «Quelqu'un avait placé une puce électronique - du genre de celles utilisées pour espionner les moudjahidins - près du compound où il résidait et c'est cela qui a aidé le drone à trouver sa trace. Mollah Dadullah et ses 12 gardes du corps, ainsi que son bras droit, le commandant Abdul Rahman, ont été tués au cours de l'attaque», a affirmé au quotidien un haut responsable du TTP. Reconnaissant que la mort de Dadullah représentait une «perte énorme» et louant les vertus de ce commandant qui s'est «sacrifié pour l'avènement de la charia (la loi islamique)». Avant de rejoindre la rébellion talibane en 2006 ou 2008 selon des témoignages divergents, Dadullah, de son vrai nom Sayed Jamal, était commerçant à Bajaur. Devenu responsable de la police religieuse, il fit preuve d'un grand zèle. Il mena notamment une guerre impitoyable contre toute expression musicale dans la région et força les magasins de CD et autres vecteurs de «vice» à mettre la clé sous la porte. On le disait très proche d'al-Qaida et de Hakimullah Mehsud, le leader du TTP.
Terrés dans des zones frontalières
Si les talibans pakistanais pleurent la mort d'un de leurs chefs, leurs frères afghans refusent de croire à celle de Badruddin Haqqani, le fils du seigneur de la guerre Jalaluddin Haqqani. Cet ancien moudjahid, soutenu dans les années 1980 par Washington contre l'invasion soviétique en Afghanistan, est aujourd'hui le pire ennemi des forces de l'Otan… mais un allié, aussi improbable soit-il, d'Islamabad. Ce que l'on appelle le «réseau Haqqani» est en fait une véritable entreprise familiale. Terrés - ou peut-être «hébergés», comme le soupçonnent les Américains - dans la Zone tribale pakistanaise du Waziristan du Nord, Jalaluddin et ses trois fils, en partenariat avec le TTP, al-Qaida et une kyrielle de formations djihadistes anti-indiennes du Pendjab pakistanais, seraient entre autres à l'origine de plusieurs attentats à Kaboul. Selon le New York Times, Badruddin Haqqani aurait été tué par un tir de drone à la fin de la semaine dernière. Il était l'une des chevilles ouvrières du réseau.
Par Marie-France Calle
Correspondante en Asie du Sud,
Une frontière poreuse et, de part et d'autre, des sanctuaires pour les militants islamistes de tous poils. Réunis au sein d'une nébuleuse terroriste alliée à al-Qaida, ils mènent en Afghanistan une lutte sans merci contre les forces de l'Otan, l'armée afghane et le gouvernement de Kaboul. Au Pakistan, ils s'en prennent à l'armée et à la police, à la population civile ou à la minorité chiite. Islamabad et Kaboul se renvoient dos à dos la responsabilité de ces attaques sanglantes, s'accusant mutuellement de laxisme face aux terroristes.
Dans cet imbroglio militaro-diplomatique, les États-Unis tentent de faire le ménage. Et puisque les négociations avec les talibans, qu'ils appellent de leurs vœux, piétinent, ils multiplient les tirs de drones. Avec un certain succès. Au cours des derniers jours, les avions de la CIA ont ainsi éliminé le mollah Dadullah, un commandant du TTP, le Mouvement des talibans du Pakistan, et Badruddin Haqqani, un membre influent du redoutable réseau afghan Haqqani.
Le premier a été tué en territoire afghan, le second - dont la mort reste à confirmer - aurait succombé à un missile largué sur la Zone tribale pakistanaise du Waziristan du Nord. Avant d'être Pakistanais ou Afghan, tous deux étaient d'abord Pachtounes, fils d'un pays pas si imaginaire que cela: le «Pachtounistan», qui ne connaît pas de frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan. Le mollah Dadullah avait de bonnes raisons de se trouver en Afghanistan, dans la province de Kunar, située à 15 kilomètres de la frontière pakistanaise, où il a été rattrapé. Nommé chef de l'insurrection de la petite Zone tribale de Bajaur début 2012, il jouait depuis longtemps au chat et à la souris avec l'armée pakistanaise qui mène des attaques régulières contre Bajaur depuis quatre ans.
Selon le quotidien pakistanais The News , Dadullah aurait été trahi. «Quelqu'un avait placé une puce électronique - du genre de celles utilisées pour espionner les moudjahidins - près du compound où il résidait et c'est cela qui a aidé le drone à trouver sa trace. Mollah Dadullah et ses 12 gardes du corps, ainsi que son bras droit, le commandant Abdul Rahman, ont été tués au cours de l'attaque», a affirmé au quotidien un haut responsable du TTP. Reconnaissant que la mort de Dadullah représentait une «perte énorme» et louant les vertus de ce commandant qui s'est «sacrifié pour l'avènement de la charia (la loi islamique)». Avant de rejoindre la rébellion talibane en 2006 ou 2008 selon des témoignages divergents, Dadullah, de son vrai nom Sayed Jamal, était commerçant à Bajaur. Devenu responsable de la police religieuse, il fit preuve d'un grand zèle. Il mena notamment une guerre impitoyable contre toute expression musicale dans la région et força les magasins de CD et autres vecteurs de «vice» à mettre la clé sous la porte. On le disait très proche d'al-Qaida et de Hakimullah Mehsud, le leader du TTP.
Terrés dans des zones frontalières
Si les talibans pakistanais pleurent la mort d'un de leurs chefs, leurs frères afghans refusent de croire à celle de Badruddin Haqqani, le fils du seigneur de la guerre Jalaluddin Haqqani. Cet ancien moudjahid, soutenu dans les années 1980 par Washington contre l'invasion soviétique en Afghanistan, est aujourd'hui le pire ennemi des forces de l'Otan… mais un allié, aussi improbable soit-il, d'Islamabad. Ce que l'on appelle le «réseau Haqqani» est en fait une véritable entreprise familiale. Terrés - ou peut-être «hébergés», comme le soupçonnent les Américains - dans la Zone tribale pakistanaise du Waziristan du Nord, Jalaluddin et ses trois fils, en partenariat avec le TTP, al-Qaida et une kyrielle de formations djihadistes anti-indiennes du Pendjab pakistanais, seraient entre autres à l'origine de plusieurs attentats à Kaboul. Selon le New York Times, Badruddin Haqqani aurait été tué par un tir de drone à la fin de la semaine dernière. Il était l'une des chevilles ouvrières du réseau.
Par Marie-France Calle
Correspondante en Asie du Sud,