Modèle économique mouride
Massalikul Jinan est le fruit et l'œuvre des cotisations des mourides et autres musulmans et chrétiens de bonne volonté. S'il est vrai que l'Etat a cédé le terrain et contribué à l'assainissement du site, à la construction de la voirie et des voies d'accès, à l'éclairage public aussi, force est de dire que les mourides ont entièrement financé cette mosquée construite selon les standards de la modernité. En sept ans, les fidèles du Sénégal et de la diaspora, conformément aux ndigëls des différents khalifes (de Serigne Saliou Mbacké jusqu'à Serigne Mountakha en passant par Serigne Bara et Serigne Sidy Mokhtar) ont cassé leur tirelire pour faire d'un lieu mal famé un endroit esthétiquement et spirituellement paradisiaque. Plus de 20 milliards ont été mobilisés pour construire ce haut temple de la spiritualité en un temps record.
La célérité et la détermination dans le fundraising mettent en lumière l'exemplarité du modèle économique mouride qui enseigne que tout développement repose d'abord sur des facteurs endogènes. Les mourides ont montré que tout développement d'un pays doit être d'abord l'œuvre de ses propres fils même s'il n'exclut une ouverture pour accroitre les connaissances scientifiques. Ce modèle économique se fonde sur la dialectique entre le travail et l'adoration de Dieu. "Travaille comme si tu ne devais jamais mourir et prie Dieu comme si tu devais mourir à tout instant", enseigne le Cheikh dans ses écrits. Cette philosophie est d'ailleurs contenue dans le message du khassaïde Massalikul Jinan. En effet, dans cet ouvrage, Serigne Touba s'adresse aux fidèles au vers 1037 en ces termes : "Sache que l'abandon à Dieu n'exclut nullement le Kasb c'est-à-dire le travail pour gagner le pain". "Le meilleur comportement est d'allier le Kasb à l'abandon à Dieu", dixit le Cheikh au vers 1039. Le ndigël du khalife est perçu comme une consigne transcendantale venant toujours du Guide suprême au point qu'aucun talibé ne songe jamais à s'y soustraire.
Par conséquent, la force du mouridisme repose sur la célérité et le dévouement de ses talibés à exécuter sans réflexion le ndigël califal. Déjà, dans les années 1930, lors de la construction de la mosquée de Touba, il fallait acheminer le matériel de construction à Touba et puisque le chemin de fer était l'unique moyen de transport approprié, il fallait donc construire le tronçon Diourbel-Touba. C'est ainsi que, selon le chercheur Djibril Ndao, "Monsieur Chardy, Directeur des chemins de fer d'alors, avait exigé à Cheikh Moustapha de fournir 1500 hommes valides pour la main-d'œuvre. Mame Cheikh Ibrahima Fall avait fourni, pour la constitution de cette équipe, 700 disciples dont son fils aîné Serigne Modou Moustapha Fall. Serigne Ndame Abdou Rahmane Lo en avait fourni 100 disciples, ainsi que Serigne Modou Ndoumbé. Le complément en hommes a été l'œuvre de Serigne Massamba, de Serigne Bassirou et de Serigne Bara.
L'organisation des travailleurs était rationnelle. Des groupes de 45 disciples étaient formés, à leur tête un chef d'équipe, un convoyeur, un gardien, un planton et un cuisinier. Les autres membres de l'équipe servaient aux autres tâches. Des surveillants généraux, au nombre de trois, dont l'adjudant Modou Guèye, disciple de Serigne Massamba et père de Amsatou Guèye le premier motard du Président Léopold Sédar Senghor ; Abdou Niane, disciple de Serigne Affé et de Diadji Diouf, disciple de Serigne Manoumbé Mbacké. Chaque ouvrier percevait par jour 1,3 franc, les chefs d'équipe 2 francs et les surveillants 3 francs, les surveillants généraux 5 francs". C'est avec cette détermination et la foi en bandoulière que les fidèles mourides terminent en 1932 les travaux du tronçon de chemin de fer qui ont débuté le 21 novembre 1929. Et c'est dans le même sillage que les travaux de la grande mosquée de Touba ont démarré le 4 mars 1932 et se sont terminés en 1963. Avec une suspension des travaux pendant la période de la deuxième guerre mondiale. "La communauté mouride, sous l'égide de son Khalife Serigne Modou Moustapha, a fait preuve d'importants sacrifices pour réussir les "Ndigël" à eux confiés par Cheikh Ahmadou Bamba.
Les mourides sont parvenus à déplacer des montagnes dans un impressionnant travail de fourmis qui actuellement leur vaut cette hargne, cette bravoure, ce sens de la générosité et du sacrifice, mais aussi de l'efficacité dans le travail", conclut Djibril Ndao. Les exemples de dévouement des mourides et d'ardeur au travail peuvent être multipliés à l'infini. Khelcom, cette zone pastorale de 45 000 hectares située au centre du pays, notamment dans le département de Malem Hodar, et allouée à Serigne Saliou Mbacké en 1991, a été érigée en un véritable domaine agricole moderne sur fonds propres par le défunt khalife général des Mourides. Quatre milliards y ont été investis dès le démarrage des activités.
Concernant les grands travaux d'assainissement et de modernisation de Touba, ils ont été spécifiquement l'œuvre des khalifes Serigne Abdou Lahad et de Serigne Saliou. L'Etat n'étant intervenu que pour livrer une partie des équipements des infrastructures ou le personnel. Par conséquent, Massalik Al Jinan n'est qu'un maillon de la chaine du travaillisme, de la dévotion et de la solidarité des mourides. Le tout fondé sur la discipline et l'observance des recommandations du Cheikh. A travers le dernier acte posé par les mourides à travers cet édifice religieux qui surplombe Dakar, les mourides montrent et démontrent aux experts des institutions financières internationales que le véritable développement est endogène et que les plans et programmes que ces institutions imposent à nos économies ne font que nous maintenir dans un coma permanent.
Retombées politiques
L'autre enseignement positif à tirer de cette inauguration est les retombées politiques. La première prière a été l'occasion pour le Khalife de réconcilier le président Macky Sall avec son prédécesseur, Me Abdoulaye Wade. La chaude poignée de mains entre les deux présidents a été vécu comme un moment intense dans cette inauguration des Itinéraires du Paradis. L'objectif du Khalife a été de réconcilier deux musulmans, un père et un fils qui ont partagé des moments de joies, de peines et de luttes. Réconcilier et rien de plus ! Quoi de plus paradisiaque que de voir des hommes qui dirigent les partis politiques les plus représentatifs de notre pays se donner la main après s'être lancé des missiles destructeurs depuis 2012 ? Après cette réconciliation historique, il est normal que les supputations et spéculations aillent bon train sur les dessous de cette rencontre. Il est de notoriété publique que la brouille entre Wade et Macky a comme genèse des motivations politiques, donc foncièrement les résultats obtenus doivent être politiques.
Sans nul doute, l'affaire Karim Wade, fils d'Abdoulaye, exilé du pays pour des raisons contenues dans le Protocole de Rebeuss, sera au centre des discussions postérieures. Et au moment où l'on pensait que le cas Karim Wade serait le premier dividende politique après la rencontre de Massalik Al Jinan, voilà qu'un décret graciant l'ex-maire de Dakar est tombé ce 29 septembre. Ce qui veut dire que Massalik Al Jinan a été l'événement déclencheur de cette amorce de décrispation de la scène politique. Il n'est pas exclu que les jours à venir, le fils de Wade, exilé à Doha, retourne au bercail. Certainement qu'on va vers une recomposition de la classe politique même si l'inéligibilité pèse encore sur la tête de Karim et Khalifa. En définitive, il faut dire que Massalikul Jinan sera une date historique pour avoir valorisé l'expertise sénégalaise dans la construction de ce lieu spirituel. Là où l'Etat, pour la construction de ses édifices, jette son dévolu sur les Marocains et les Turcs, le khalife préfère le talent national. Belle leçon de patriotisme.
En effet, la jeune Marianne Seck Tall de l'entreprise CDE qui est l'ingénieure ayant conduit les travaux du lieu saint depuis 2012, est un produit de l'Ecole polytechnique de Thiès. Même les entreprises étrangères qui étaient présentes dans la construction de Massalikul Jinan ont procédé à un transfert de technologie. On retiendra aussi que Massalik a réussi la prouesse de réconcilier les deux personnages politiques les plus importants en termes de suffrages dans un contexte politique et économique très difficile et très tendu, là où des chefs d'Etat, des décideurs économiques, des hommes et femmes politiques, des notables traditionnels ont échoué.
Massalikul Jinan est le fruit et l'œuvre des cotisations des mourides et autres musulmans et chrétiens de bonne volonté. S'il est vrai que l'Etat a cédé le terrain et contribué à l'assainissement du site, à la construction de la voirie et des voies d'accès, à l'éclairage public aussi, force est de dire que les mourides ont entièrement financé cette mosquée construite selon les standards de la modernité. En sept ans, les fidèles du Sénégal et de la diaspora, conformément aux ndigëls des différents khalifes (de Serigne Saliou Mbacké jusqu'à Serigne Mountakha en passant par Serigne Bara et Serigne Sidy Mokhtar) ont cassé leur tirelire pour faire d'un lieu mal famé un endroit esthétiquement et spirituellement paradisiaque. Plus de 20 milliards ont été mobilisés pour construire ce haut temple de la spiritualité en un temps record.
La célérité et la détermination dans le fundraising mettent en lumière l'exemplarité du modèle économique mouride qui enseigne que tout développement repose d'abord sur des facteurs endogènes. Les mourides ont montré que tout développement d'un pays doit être d'abord l'œuvre de ses propres fils même s'il n'exclut une ouverture pour accroitre les connaissances scientifiques. Ce modèle économique se fonde sur la dialectique entre le travail et l'adoration de Dieu. "Travaille comme si tu ne devais jamais mourir et prie Dieu comme si tu devais mourir à tout instant", enseigne le Cheikh dans ses écrits. Cette philosophie est d'ailleurs contenue dans le message du khassaïde Massalikul Jinan. En effet, dans cet ouvrage, Serigne Touba s'adresse aux fidèles au vers 1037 en ces termes : "Sache que l'abandon à Dieu n'exclut nullement le Kasb c'est-à-dire le travail pour gagner le pain". "Le meilleur comportement est d'allier le Kasb à l'abandon à Dieu", dixit le Cheikh au vers 1039. Le ndigël du khalife est perçu comme une consigne transcendantale venant toujours du Guide suprême au point qu'aucun talibé ne songe jamais à s'y soustraire.
Par conséquent, la force du mouridisme repose sur la célérité et le dévouement de ses talibés à exécuter sans réflexion le ndigël califal. Déjà, dans les années 1930, lors de la construction de la mosquée de Touba, il fallait acheminer le matériel de construction à Touba et puisque le chemin de fer était l'unique moyen de transport approprié, il fallait donc construire le tronçon Diourbel-Touba. C'est ainsi que, selon le chercheur Djibril Ndao, "Monsieur Chardy, Directeur des chemins de fer d'alors, avait exigé à Cheikh Moustapha de fournir 1500 hommes valides pour la main-d'œuvre. Mame Cheikh Ibrahima Fall avait fourni, pour la constitution de cette équipe, 700 disciples dont son fils aîné Serigne Modou Moustapha Fall. Serigne Ndame Abdou Rahmane Lo en avait fourni 100 disciples, ainsi que Serigne Modou Ndoumbé. Le complément en hommes a été l'œuvre de Serigne Massamba, de Serigne Bassirou et de Serigne Bara.
L'organisation des travailleurs était rationnelle. Des groupes de 45 disciples étaient formés, à leur tête un chef d'équipe, un convoyeur, un gardien, un planton et un cuisinier. Les autres membres de l'équipe servaient aux autres tâches. Des surveillants généraux, au nombre de trois, dont l'adjudant Modou Guèye, disciple de Serigne Massamba et père de Amsatou Guèye le premier motard du Président Léopold Sédar Senghor ; Abdou Niane, disciple de Serigne Affé et de Diadji Diouf, disciple de Serigne Manoumbé Mbacké. Chaque ouvrier percevait par jour 1,3 franc, les chefs d'équipe 2 francs et les surveillants 3 francs, les surveillants généraux 5 francs". C'est avec cette détermination et la foi en bandoulière que les fidèles mourides terminent en 1932 les travaux du tronçon de chemin de fer qui ont débuté le 21 novembre 1929. Et c'est dans le même sillage que les travaux de la grande mosquée de Touba ont démarré le 4 mars 1932 et se sont terminés en 1963. Avec une suspension des travaux pendant la période de la deuxième guerre mondiale. "La communauté mouride, sous l'égide de son Khalife Serigne Modou Moustapha, a fait preuve d'importants sacrifices pour réussir les "Ndigël" à eux confiés par Cheikh Ahmadou Bamba.
Les mourides sont parvenus à déplacer des montagnes dans un impressionnant travail de fourmis qui actuellement leur vaut cette hargne, cette bravoure, ce sens de la générosité et du sacrifice, mais aussi de l'efficacité dans le travail", conclut Djibril Ndao. Les exemples de dévouement des mourides et d'ardeur au travail peuvent être multipliés à l'infini. Khelcom, cette zone pastorale de 45 000 hectares située au centre du pays, notamment dans le département de Malem Hodar, et allouée à Serigne Saliou Mbacké en 1991, a été érigée en un véritable domaine agricole moderne sur fonds propres par le défunt khalife général des Mourides. Quatre milliards y ont été investis dès le démarrage des activités.
Concernant les grands travaux d'assainissement et de modernisation de Touba, ils ont été spécifiquement l'œuvre des khalifes Serigne Abdou Lahad et de Serigne Saliou. L'Etat n'étant intervenu que pour livrer une partie des équipements des infrastructures ou le personnel. Par conséquent, Massalik Al Jinan n'est qu'un maillon de la chaine du travaillisme, de la dévotion et de la solidarité des mourides. Le tout fondé sur la discipline et l'observance des recommandations du Cheikh. A travers le dernier acte posé par les mourides à travers cet édifice religieux qui surplombe Dakar, les mourides montrent et démontrent aux experts des institutions financières internationales que le véritable développement est endogène et que les plans et programmes que ces institutions imposent à nos économies ne font que nous maintenir dans un coma permanent.
Retombées politiques
L'autre enseignement positif à tirer de cette inauguration est les retombées politiques. La première prière a été l'occasion pour le Khalife de réconcilier le président Macky Sall avec son prédécesseur, Me Abdoulaye Wade. La chaude poignée de mains entre les deux présidents a été vécu comme un moment intense dans cette inauguration des Itinéraires du Paradis. L'objectif du Khalife a été de réconcilier deux musulmans, un père et un fils qui ont partagé des moments de joies, de peines et de luttes. Réconcilier et rien de plus ! Quoi de plus paradisiaque que de voir des hommes qui dirigent les partis politiques les plus représentatifs de notre pays se donner la main après s'être lancé des missiles destructeurs depuis 2012 ? Après cette réconciliation historique, il est normal que les supputations et spéculations aillent bon train sur les dessous de cette rencontre. Il est de notoriété publique que la brouille entre Wade et Macky a comme genèse des motivations politiques, donc foncièrement les résultats obtenus doivent être politiques.
Sans nul doute, l'affaire Karim Wade, fils d'Abdoulaye, exilé du pays pour des raisons contenues dans le Protocole de Rebeuss, sera au centre des discussions postérieures. Et au moment où l'on pensait que le cas Karim Wade serait le premier dividende politique après la rencontre de Massalik Al Jinan, voilà qu'un décret graciant l'ex-maire de Dakar est tombé ce 29 septembre. Ce qui veut dire que Massalik Al Jinan a été l'événement déclencheur de cette amorce de décrispation de la scène politique. Il n'est pas exclu que les jours à venir, le fils de Wade, exilé à Doha, retourne au bercail. Certainement qu'on va vers une recomposition de la classe politique même si l'inéligibilité pèse encore sur la tête de Karim et Khalifa. En définitive, il faut dire que Massalikul Jinan sera une date historique pour avoir valorisé l'expertise sénégalaise dans la construction de ce lieu spirituel. Là où l'Etat, pour la construction de ses édifices, jette son dévolu sur les Marocains et les Turcs, le khalife préfère le talent national. Belle leçon de patriotisme.
En effet, la jeune Marianne Seck Tall de l'entreprise CDE qui est l'ingénieure ayant conduit les travaux du lieu saint depuis 2012, est un produit de l'Ecole polytechnique de Thiès. Même les entreprises étrangères qui étaient présentes dans la construction de Massalikul Jinan ont procédé à un transfert de technologie. On retiendra aussi que Massalik a réussi la prouesse de réconcilier les deux personnages politiques les plus importants en termes de suffrages dans un contexte politique et économique très difficile et très tendu, là où des chefs d'Etat, des décideurs économiques, des hommes et femmes politiques, des notables traditionnels ont échoué.