Les révélations du New York Timessur les assassinats ciblés de militants islamistes et les cyberattaques contre l'Iran ont déclenché une violente polémique à Washington, où la Maison-Blanche pourrait être amenée à rendre des comptes sur des fuites censément «orchestrées».
Unissant leurs voix, un fait très rare dans la capitale fédérale américaine, les représentants démocrates et républicains du Congrès ont appelé mercredi l'Administration Obama à «mener une enquête sérieuse, équitable et impartiale» sur les circonstances dans lesquelles plusieurs journalistes du quotidien new-yorkais ont été abondamment renseignés sur la conduite par le président Barack Obama lui-même de cette guerre secrète.
«Elles compromettent notre sécurité nationale»
Le plus virulent de tous, John McCain, sénateur de l'Arizona et ex-candidat républicain à la présidence, avait affirmé mardi que «de telles révélations ne peuvent que mettre en danger des actions similaires en cours ou futures» et que, «dans ces conditions, elles compromettent notre sécurité nationale».
«Je pense que l'on peut sérieusement se demander si (ces révélations) ont servi nos intérêts et si le public devait savoir», a déclaré en écho John Kerry, lui aussi ancien candidat à la présidence et actuel président de la commission des affaires étrangères du Sénat.
Un chef de l'État présenté comme sûr de lui, très impliqué, courageux
Si la Maison-Blanche s'est bien gardée d'authentifier le récit détaillé des briefings tenus à la Maison-Blanche en présence de Barack Obama, son silence soulève des interrogations quant aux arrière-pensées de l'équipe Obama en période électorale. Les deux articles publiés en une du New York Times, l'un consacré à la «liste noire» des militants d'al-Qaida devant être éliminés et l'autre aux cyberattaques contre les centrifugeuses iraniennes de Natanz, dépeignent un chef de l'État sûr de lui, très impliqué, courageux, pesant les implications morales de ses choix avant d'ordonner l'exécution d'un militant islamiste dans les Zones tribales du Pakistan ou l'insémination d'un nouveau virus informatique dans le réseau informatique des pasdarans (gardiens de la révolution en Iran).
Une parfaite opération de communication pour le locataire de la Maison-Blanche, accessoirement candidat à sa réélection le 6 novembre prochain et souvent critiqué pour son attitude velléitaire en matière de politique étrangère. «Pourquoi? Parce que c'est le moment de faire passer Obama pour un dur, ironise l'éditorialiste du Washington Post, Charles Krauthammer, alors qu'il s'est révélé plutôt timoré lors des crises récentes.»
Lutte contre l'espionnage
«Quelle qu'ait été l'utilité politique de ces fuites pour le président, tranche John McCain, elles doivent cesser.» D'autant que l'Administration Obama, en trois ans et demi, a fait de la lutte contre les fuites de sécurité nationale une de ses priorités, punissant impitoyablement six hauts fonctionnaires reconnus coupables de telles indiscrétions au titre de l'«Espionnage Act» de 1917. David Sanger, le journaliste du New York Times, et ses contacts au sein de la Maison-Blanche n'ont visiblement pas eu à se soucier de ce genre de complications.
Dans les coulisses de la chaîne CNN, John Kerry confiait mercredi soir au présentateur Ted Barrett son étonnement toujours renouvelé face à la propension des dirigeants américains à livrer leurs secrets à des reporters bien placés, comme une sorte de code génétique propre aux cercles de pouvoir en temps de crise.
«Cela remonte loin dans l'histoire, observe le sénateur du Massachusetts. Souvenez-vous de Bob Woodward (journaliste au Washington Post) et des fuites autour de la Maison-Blanche du temps de Nixon.» Ces fuites, liées au scandale du Watergate en 1972, avaient conduit au déclenchement d'une procédure d'empêchement parlementaire à l'encontre du président Richard Nixon et sa démission précipitée deux ans plus tard.
L'Amérique est-elle en guerre contre l'Iran?
La description détaillée de la cyberoffensive en cours depuis 2006 contre les installations nucléaires iraniennes soulève des interrogations d'ordre éthique et moral aux États-Unis. L'Amérique est-elle en guerre contre l'Iran? La question semble fondée, dans la mesure où, selon des éléments de doctrine précédemment invoqués par la Maison-Blanche et le Pentagone, une cyberattaque constitue bel et bien «un acte de guerre» et serait assurément considérée comme telle si l'Amérique elle-même devait en être la cible. «Sommes-nous en guerre?» interroge dès lors Reuven Cohen, dans la revue Forbes. «Si telle devait être la conclusion, renchérit Steve Rendall sur fair.org, alors la cyberoffensive autorisée par la Maison-Blanche pourrait avoir des conséquences qui dépassent de loin le simple programme nucléaire iranien.» Gênés aux entournures, et déjà confrontés à des attaques fréquentes de hackers chinois, les responsables politiques et militaires américains semblent avoir avalé leur chapeau et se gardent bien désormais de définir un «acte de guerre». Une chose est sûre, affirme Richard Falkenrath, ancien responsable antiterroriste de la police new-yorkaise et du département de la Sécurité intérieure: «Aussi discutable que soit cette nouvelle forme de guerre, la perdre serait la pire des choses.»
Par Maurin Picard
Unissant leurs voix, un fait très rare dans la capitale fédérale américaine, les représentants démocrates et républicains du Congrès ont appelé mercredi l'Administration Obama à «mener une enquête sérieuse, équitable et impartiale» sur les circonstances dans lesquelles plusieurs journalistes du quotidien new-yorkais ont été abondamment renseignés sur la conduite par le président Barack Obama lui-même de cette guerre secrète.
«Elles compromettent notre sécurité nationale»
Le plus virulent de tous, John McCain, sénateur de l'Arizona et ex-candidat républicain à la présidence, avait affirmé mardi que «de telles révélations ne peuvent que mettre en danger des actions similaires en cours ou futures» et que, «dans ces conditions, elles compromettent notre sécurité nationale».
«Je pense que l'on peut sérieusement se demander si (ces révélations) ont servi nos intérêts et si le public devait savoir», a déclaré en écho John Kerry, lui aussi ancien candidat à la présidence et actuel président de la commission des affaires étrangères du Sénat.
Un chef de l'État présenté comme sûr de lui, très impliqué, courageux
Si la Maison-Blanche s'est bien gardée d'authentifier le récit détaillé des briefings tenus à la Maison-Blanche en présence de Barack Obama, son silence soulève des interrogations quant aux arrière-pensées de l'équipe Obama en période électorale. Les deux articles publiés en une du New York Times, l'un consacré à la «liste noire» des militants d'al-Qaida devant être éliminés et l'autre aux cyberattaques contre les centrifugeuses iraniennes de Natanz, dépeignent un chef de l'État sûr de lui, très impliqué, courageux, pesant les implications morales de ses choix avant d'ordonner l'exécution d'un militant islamiste dans les Zones tribales du Pakistan ou l'insémination d'un nouveau virus informatique dans le réseau informatique des pasdarans (gardiens de la révolution en Iran).
Une parfaite opération de communication pour le locataire de la Maison-Blanche, accessoirement candidat à sa réélection le 6 novembre prochain et souvent critiqué pour son attitude velléitaire en matière de politique étrangère. «Pourquoi? Parce que c'est le moment de faire passer Obama pour un dur, ironise l'éditorialiste du Washington Post, Charles Krauthammer, alors qu'il s'est révélé plutôt timoré lors des crises récentes.»
Lutte contre l'espionnage
«Quelle qu'ait été l'utilité politique de ces fuites pour le président, tranche John McCain, elles doivent cesser.» D'autant que l'Administration Obama, en trois ans et demi, a fait de la lutte contre les fuites de sécurité nationale une de ses priorités, punissant impitoyablement six hauts fonctionnaires reconnus coupables de telles indiscrétions au titre de l'«Espionnage Act» de 1917. David Sanger, le journaliste du New York Times, et ses contacts au sein de la Maison-Blanche n'ont visiblement pas eu à se soucier de ce genre de complications.
Dans les coulisses de la chaîne CNN, John Kerry confiait mercredi soir au présentateur Ted Barrett son étonnement toujours renouvelé face à la propension des dirigeants américains à livrer leurs secrets à des reporters bien placés, comme une sorte de code génétique propre aux cercles de pouvoir en temps de crise.
«Cela remonte loin dans l'histoire, observe le sénateur du Massachusetts. Souvenez-vous de Bob Woodward (journaliste au Washington Post) et des fuites autour de la Maison-Blanche du temps de Nixon.» Ces fuites, liées au scandale du Watergate en 1972, avaient conduit au déclenchement d'une procédure d'empêchement parlementaire à l'encontre du président Richard Nixon et sa démission précipitée deux ans plus tard.
L'Amérique est-elle en guerre contre l'Iran?
La description détaillée de la cyberoffensive en cours depuis 2006 contre les installations nucléaires iraniennes soulève des interrogations d'ordre éthique et moral aux États-Unis. L'Amérique est-elle en guerre contre l'Iran? La question semble fondée, dans la mesure où, selon des éléments de doctrine précédemment invoqués par la Maison-Blanche et le Pentagone, une cyberattaque constitue bel et bien «un acte de guerre» et serait assurément considérée comme telle si l'Amérique elle-même devait en être la cible. «Sommes-nous en guerre?» interroge dès lors Reuven Cohen, dans la revue Forbes. «Si telle devait être la conclusion, renchérit Steve Rendall sur fair.org, alors la cyberoffensive autorisée par la Maison-Blanche pourrait avoir des conséquences qui dépassent de loin le simple programme nucléaire iranien.» Gênés aux entournures, et déjà confrontés à des attaques fréquentes de hackers chinois, les responsables politiques et militaires américains semblent avoir avalé leur chapeau et se gardent bien désormais de définir un «acte de guerre». Une chose est sûre, affirme Richard Falkenrath, ancien responsable antiterroriste de la police new-yorkaise et du département de la Sécurité intérieure: «Aussi discutable que soit cette nouvelle forme de guerre, la perdre serait la pire des choses.»
Par Maurin Picard