Le Caire
Une nouvelle fois, de hauts magistrats égyptiens étaient priés mardi d'arbitrer le conflit qui oppose, depuis plusieurs semaines, les Frères musulmans au Conseil suprême des forces armées (CSFA). Après la Haute Cour constitutionnelle, qui a rendu le 10 juillet un verdict invalidant l'Assemblée du peuple et s'est opposée depuis à un décret présidentiel ordonnant son rétablissement, les regards sont désormais tournés vers la Haute Cour administrative.
Cette juridiction est invitée à statuer respectivement sur la légalité de l'Assemblée constituante, de la Déclaration constitutionnelle promulguée le 17 juin par l'armée ainsi que de la Chambre haute (Majlis al-Choura). Une éventuelle dissolution de l'Assemblée constituante porterait un coup dur aux Frères musulmans, qui ont déjà vu en avril un premier cénacle dissous au motif que les islamistes y étaient surreprésentés. De même, un arrêt annulant la Choura constituerait un revers pour les Frères musulmans et leur parti Liberté et Justice, déjà affaiblis par la récente dissolution de l'Assemblée du peuple. Au contraire, la Haute Cour déclencherait un véritable séisme en jugeant illégale la Déclaration constitutionnelle rédigée par le CSFA. Fin juin, l'armée avait inscrit dans ce document la sanctuarisation de ses intérêts politiques et économiques.
Climat empoisonné
Trois semaines après l'élection de l'islamiste Mohammed Morsi à la présidence, ces décisions sont attendues avec méfiance par l'opinion égyptienne, qui soupçonne fortement la justice d'œuvrer à la solde du pouvoir militaire. Mardi matin, c'est donc dans un climat politique empoisonné, en présence de manifestants pro-Morsi et pro-militaires, que s'est ouverte l'audience de la Haute Cour administrative. La séance à peine démarrée, des activistes se sont violemment introduits dans la salle, scandant «non à une justice politisée». L'audience a été suspendue avant de reprendre brièvement à huis clos.
Les Frères, accusant les juges d'être trop proches du pouvoir militaire, ont cherché à obtenir la récusation de certains magistrats. Une suspension a été ordonnée en attendant que la cour décide de modifier sa composition ou de poursuivre ses travaux en l'état, avant de prononcer un arrêt au terme de la séance.
Nathalie Bernard-Maugiron, directrice de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et spécialiste de l'Égypte, regrette l'instrumentalisation récurrente de la haute magistrature égyptienne pour résoudre des conflits politiques. «Des acteurs politiques qui s'adressent à la justice pour lui demander de résoudre leurs conflits, c'est très inquiétant pour l'avenir du pouvoir judiciaire en Égypte», explique-t-elle. La spécialiste redoute en effet que l'institution judiciaire ne «vole en éclats», alors qu'elle «véhiculait jusqu'à présent une image positive et de contre-pouvoir». Mardi en fin de journée, la Haute Cour administrative a décidé de renvoyer sa décision à jeudi.
Par Fatiha Temmouri
Une nouvelle fois, de hauts magistrats égyptiens étaient priés mardi d'arbitrer le conflit qui oppose, depuis plusieurs semaines, les Frères musulmans au Conseil suprême des forces armées (CSFA). Après la Haute Cour constitutionnelle, qui a rendu le 10 juillet un verdict invalidant l'Assemblée du peuple et s'est opposée depuis à un décret présidentiel ordonnant son rétablissement, les regards sont désormais tournés vers la Haute Cour administrative.
Cette juridiction est invitée à statuer respectivement sur la légalité de l'Assemblée constituante, de la Déclaration constitutionnelle promulguée le 17 juin par l'armée ainsi que de la Chambre haute (Majlis al-Choura). Une éventuelle dissolution de l'Assemblée constituante porterait un coup dur aux Frères musulmans, qui ont déjà vu en avril un premier cénacle dissous au motif que les islamistes y étaient surreprésentés. De même, un arrêt annulant la Choura constituerait un revers pour les Frères musulmans et leur parti Liberté et Justice, déjà affaiblis par la récente dissolution de l'Assemblée du peuple. Au contraire, la Haute Cour déclencherait un véritable séisme en jugeant illégale la Déclaration constitutionnelle rédigée par le CSFA. Fin juin, l'armée avait inscrit dans ce document la sanctuarisation de ses intérêts politiques et économiques.
Climat empoisonné
Trois semaines après l'élection de l'islamiste Mohammed Morsi à la présidence, ces décisions sont attendues avec méfiance par l'opinion égyptienne, qui soupçonne fortement la justice d'œuvrer à la solde du pouvoir militaire. Mardi matin, c'est donc dans un climat politique empoisonné, en présence de manifestants pro-Morsi et pro-militaires, que s'est ouverte l'audience de la Haute Cour administrative. La séance à peine démarrée, des activistes se sont violemment introduits dans la salle, scandant «non à une justice politisée». L'audience a été suspendue avant de reprendre brièvement à huis clos.
Les Frères, accusant les juges d'être trop proches du pouvoir militaire, ont cherché à obtenir la récusation de certains magistrats. Une suspension a été ordonnée en attendant que la cour décide de modifier sa composition ou de poursuivre ses travaux en l'état, avant de prononcer un arrêt au terme de la séance.
Nathalie Bernard-Maugiron, directrice de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et spécialiste de l'Égypte, regrette l'instrumentalisation récurrente de la haute magistrature égyptienne pour résoudre des conflits politiques. «Des acteurs politiques qui s'adressent à la justice pour lui demander de résoudre leurs conflits, c'est très inquiétant pour l'avenir du pouvoir judiciaire en Égypte», explique-t-elle. La spécialiste redoute en effet que l'institution judiciaire ne «vole en éclats», alors qu'elle «véhiculait jusqu'à présent une image positive et de contre-pouvoir». Mardi en fin de journée, la Haute Cour administrative a décidé de renvoyer sa décision à jeudi.
Par Fatiha Temmouri