Abdou Diouf recommandait «la neutralité, l’égalité de traitement des usagers, la probité et le respect de l’égalité». Il appelait cela «la déontologie du service public». Le récent séminaire gouvernemental organisé par le président Macky Sall aurait pu s’approprier avantageusement l’ambition de Diouf de doter le Sénégal «d’une administration économe des deniers publics» et tirer d'avantage de sa mise en garde contre «la croissance des administrations publiques [qui] a créé au fil des années une pesanteur bureaucratique qu’il faut combattre».
L’avertissement n’avait pas été entendu par le successeur d’Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, qui était non seulement passé outre ces recommandations mais avait mis en place une véritable administration parallèle à coups de recrutements politiques et de contrats spéciaux. A tel point que, dès l’élection présidentielle de 2007, des hauts fonctionnaires avaient tenté discrètement de susciter une candidature plus sensible aux exigences de Fonction publique afin de sauver l’Administration et l’Etat. Il était inévitable que l’alternance qui succède au pouvoir du président Abdoulaye Wade déploie des efforts pour la réhabilitation de l’Administration, un peu dans le sillage de Diouf qui recommandait la généralisation d’expériences pilotes (la médiature, notamment) et affirmait qu’«une administration qui se veut démocratique doit en effet être en permanence à l’écoute du public».
Il s’agissait ni plus ni moins que de réformer une fonction publique coloniale pour le conformer aux exigences d’un pays indépendant. Or, et Abdou Diouf l’a montré, les meilleurs réformateurs d’un système sont ceux qui en sont issus et qui se rendent compte que le changement est la seule voie pour éviter l’effondrement. C’est pourquoi il s’était engagé dans un processus de transformation du legs institutionnel de Léopold Sédar Senghor dont il a retiré le dispositif d’endiguement des nouvelles forces politiques montantes. La limitation des partis autorisés à trois plus à quatre, avec obligation pour chacun d’endosser un courant de pensée préétabli par Senghor, était abandonné. Le Code électoral subira en 1992 des modifications qui étaient en même temps les conditions de possibilité de l’alternance politique. Macky Sall proclame à son tour son intention de modifier un système instauré par un régime dont il a été l’un des grands servants, y occupant entre autres fonctions celles de Premier ministre puis de président de l’Assemblée nationale.
Son prédécesseur Abdou Diouf, ancien Premier ministre de Senghor, avait été poussé à la réforme par le contexte qui était une crise politique permanente entretenue par une opposition au sein de laquelle Abdoulaye Wade jouait un rôle de premier plan. Le premier défi de Macky Sall est d’agir sans y être vraiment forcé parce qu’il ne dispose pas d’une opposition suffisamment «agressive» pour l’aiguillonner sans cesse dans la bonne direction et l’obliger à choisir la réforme plutôt que le chaos. Or force est de constater que la nouvelle opposition n’est pas encore installée et bien de ses membres ne savent toujours pas s’ils vont lutter contre le pouvoir ou s’y affilier. En second lieu, en 1990 Diouf était au pouvoir depuis dix ans et pouvait engager la réforme de l’Etat. Macky Sall est, lui, à la tête d’un parti en train d’acquérir le pouvoir. L’aspiration des responsables à se mettre aux premiers rangs de la République peut aller jusqu’à défier l’autorité du Secrétaire général et président de la République. On a vu jusqu’où cela pouvait aller avec la charge de Moustapha Cissé Lô pour la présidence du Sénat ou le partage des présidences de commissions à l’Assemblée nationale. La réforme et les ruptures qu’elle devra induire seront en partie fonction de la capacité du nouveau président de la République de maîtriser le dispositif politico-administratif qui se met en place autour de lui. Il lui faudra aussi une certaine humilité consistant à puiser dans les bonnes idées et pratiques de ses prédécesseurs.
Mame Less Camara
L’avertissement n’avait pas été entendu par le successeur d’Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, qui était non seulement passé outre ces recommandations mais avait mis en place une véritable administration parallèle à coups de recrutements politiques et de contrats spéciaux. A tel point que, dès l’élection présidentielle de 2007, des hauts fonctionnaires avaient tenté discrètement de susciter une candidature plus sensible aux exigences de Fonction publique afin de sauver l’Administration et l’Etat. Il était inévitable que l’alternance qui succède au pouvoir du président Abdoulaye Wade déploie des efforts pour la réhabilitation de l’Administration, un peu dans le sillage de Diouf qui recommandait la généralisation d’expériences pilotes (la médiature, notamment) et affirmait qu’«une administration qui se veut démocratique doit en effet être en permanence à l’écoute du public».
Il s’agissait ni plus ni moins que de réformer une fonction publique coloniale pour le conformer aux exigences d’un pays indépendant. Or, et Abdou Diouf l’a montré, les meilleurs réformateurs d’un système sont ceux qui en sont issus et qui se rendent compte que le changement est la seule voie pour éviter l’effondrement. C’est pourquoi il s’était engagé dans un processus de transformation du legs institutionnel de Léopold Sédar Senghor dont il a retiré le dispositif d’endiguement des nouvelles forces politiques montantes. La limitation des partis autorisés à trois plus à quatre, avec obligation pour chacun d’endosser un courant de pensée préétabli par Senghor, était abandonné. Le Code électoral subira en 1992 des modifications qui étaient en même temps les conditions de possibilité de l’alternance politique. Macky Sall proclame à son tour son intention de modifier un système instauré par un régime dont il a été l’un des grands servants, y occupant entre autres fonctions celles de Premier ministre puis de président de l’Assemblée nationale.
Son prédécesseur Abdou Diouf, ancien Premier ministre de Senghor, avait été poussé à la réforme par le contexte qui était une crise politique permanente entretenue par une opposition au sein de laquelle Abdoulaye Wade jouait un rôle de premier plan. Le premier défi de Macky Sall est d’agir sans y être vraiment forcé parce qu’il ne dispose pas d’une opposition suffisamment «agressive» pour l’aiguillonner sans cesse dans la bonne direction et l’obliger à choisir la réforme plutôt que le chaos. Or force est de constater que la nouvelle opposition n’est pas encore installée et bien de ses membres ne savent toujours pas s’ils vont lutter contre le pouvoir ou s’y affilier. En second lieu, en 1990 Diouf était au pouvoir depuis dix ans et pouvait engager la réforme de l’Etat. Macky Sall est, lui, à la tête d’un parti en train d’acquérir le pouvoir. L’aspiration des responsables à se mettre aux premiers rangs de la République peut aller jusqu’à défier l’autorité du Secrétaire général et président de la République. On a vu jusqu’où cela pouvait aller avec la charge de Moustapha Cissé Lô pour la présidence du Sénat ou le partage des présidences de commissions à l’Assemblée nationale. La réforme et les ruptures qu’elle devra induire seront en partie fonction de la capacité du nouveau président de la République de maîtriser le dispositif politico-administratif qui se met en place autour de lui. Il lui faudra aussi une certaine humilité consistant à puiser dans les bonnes idées et pratiques de ses prédécesseurs.
Mame Less Camara