Après un demi-siècle de conflit armé, les négociations de paix entre le gouvernement colombien et la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) vont commencer en octobre à Oslo. Une première phase, d'une quinzaine de jours en terrain neutre. Puis la table des négociations se déplacera à La Havane. Outre la Norvège et Cuba, le Venezuela et le Chili joueront le rôle de «pays facilitateurs» de ces dialogues, et d'autres pays pourraient intervenir durant ce processus.
Les premières rencontres entre représentants des Farc et du gouvernement se sont déroulées à La Havane, de février à août. Mais elles n'ont été rendues publiques que la semaine dernière, au moment de la signature du préaccord qui scelle les principes de base des futurs pourparlers. Cinq grands thèmes de négociations sont d'ores et déjà définis: la question agraire, la participation des Farc en politique, la fin du conflit et la démobilisation des combattants, le trafic de drogues, et les droits des victimes.
Pour participer aux dialogues, des membres importants des Farc ont été transportés des jungles colombiennes à La Havane. Jeudi, ces derniers ont désigné leurs principaux négociateurs: les chefs guérilleros Ivan Marquez et Jesus Santrich. Premier point épineux de ces pourparlers, la guérilla réclame la participation de Simon Trinidad, un commandant qui purge une peine de soixante ans de prison aux États-Unis pour l'enlèvement de trois Américains.
L'équipe formée par le gouvernement réunit, elle, des représentants des secteurs politiques, économiques et militaires, et sera présidée par l'ex-vice président Humberto De La Calle, qui fait figure d'homme de consensus. La présence d'un ex-commandant des Forces armées, ainsi de l'ex-chef de la police est particulièrement remarquée. Historiquement, les militaires avaient toujours été écartés des dialogues de paix.
«Un dialogue civilisé»
Sur ces négociations pèsera plus que jamais la leçon des tentatives de réconciliation passées. En trente ans, Farc et gouvernement auront engagé quatre processus de paix. Le dernier, de 1998 à 2002, s'était soldé par un renforcement sans précédent de la guérilla, à qui le gouvernement avait concédé une zone grande comme la Suisse. Le pays s'était réveillé de cet échec avec la sensation d'avoir été berné par les Farc, qui s'étaient lancées plus que jamais durant cette période dans le narcotrafic et les enlèvements. Quelques mois plus tard, Alvaro Uribe, chantre de la «mano dura», était élu président et s'ouvrait une ère de guerre totale.
De 2002 à 2010, entre combats et désertions, la guérilla a perdu plus de la moitié de ses effectifs. Aujourd'hui, avec quelque 8000 combattants, les Farc semblent elles-mêmes fatiguées de cette guerre, et disposées à faire des concessions. «L'issue n'est pas la guerre, mais un dialogue civilisé», a reconnu mardi le chef des Farc, Rodrigo Londono, alias Timochenko. Signe de cet assouplissement: les négociateurs des Farc sont apparus publiquement jeudi à La Havane en civil et désarmés.
Une nouvelle fois pourtant, Farc et gouvernement dialogueront sans cessez-le-feu préalable, même si les rebelles en proposeront un dans un mois. Mercredi, l'armée annonçait avoir abattu 15 guérilleros, dont le bras droit de Timochenko. Le fait que la guerre continue, en plein processus de paix, risque d'envenimer tôt ou tard les débats.
Autre grande inconnue: le temps. Le président Santos mise sur un dialogue de quelques mois. «S'il n'y a pas d'avancées, nous arrêterons, simplement», a-t-il précisé. Mais la guérilla gère d'ordinaire un temps différent, au rythme de la jungle. La volonté semble là, mais une réconciliation rapide est-elle possible, dans un pays qui a appris des décennies durant à vivre au milieu de la guerre?
Par Pascale Mariani
Les premières rencontres entre représentants des Farc et du gouvernement se sont déroulées à La Havane, de février à août. Mais elles n'ont été rendues publiques que la semaine dernière, au moment de la signature du préaccord qui scelle les principes de base des futurs pourparlers. Cinq grands thèmes de négociations sont d'ores et déjà définis: la question agraire, la participation des Farc en politique, la fin du conflit et la démobilisation des combattants, le trafic de drogues, et les droits des victimes.
Pour participer aux dialogues, des membres importants des Farc ont été transportés des jungles colombiennes à La Havane. Jeudi, ces derniers ont désigné leurs principaux négociateurs: les chefs guérilleros Ivan Marquez et Jesus Santrich. Premier point épineux de ces pourparlers, la guérilla réclame la participation de Simon Trinidad, un commandant qui purge une peine de soixante ans de prison aux États-Unis pour l'enlèvement de trois Américains.
L'équipe formée par le gouvernement réunit, elle, des représentants des secteurs politiques, économiques et militaires, et sera présidée par l'ex-vice président Humberto De La Calle, qui fait figure d'homme de consensus. La présence d'un ex-commandant des Forces armées, ainsi de l'ex-chef de la police est particulièrement remarquée. Historiquement, les militaires avaient toujours été écartés des dialogues de paix.
«Un dialogue civilisé»
Sur ces négociations pèsera plus que jamais la leçon des tentatives de réconciliation passées. En trente ans, Farc et gouvernement auront engagé quatre processus de paix. Le dernier, de 1998 à 2002, s'était soldé par un renforcement sans précédent de la guérilla, à qui le gouvernement avait concédé une zone grande comme la Suisse. Le pays s'était réveillé de cet échec avec la sensation d'avoir été berné par les Farc, qui s'étaient lancées plus que jamais durant cette période dans le narcotrafic et les enlèvements. Quelques mois plus tard, Alvaro Uribe, chantre de la «mano dura», était élu président et s'ouvrait une ère de guerre totale.
De 2002 à 2010, entre combats et désertions, la guérilla a perdu plus de la moitié de ses effectifs. Aujourd'hui, avec quelque 8000 combattants, les Farc semblent elles-mêmes fatiguées de cette guerre, et disposées à faire des concessions. «L'issue n'est pas la guerre, mais un dialogue civilisé», a reconnu mardi le chef des Farc, Rodrigo Londono, alias Timochenko. Signe de cet assouplissement: les négociateurs des Farc sont apparus publiquement jeudi à La Havane en civil et désarmés.
Une nouvelle fois pourtant, Farc et gouvernement dialogueront sans cessez-le-feu préalable, même si les rebelles en proposeront un dans un mois. Mercredi, l'armée annonçait avoir abattu 15 guérilleros, dont le bras droit de Timochenko. Le fait que la guerre continue, en plein processus de paix, risque d'envenimer tôt ou tard les débats.
Autre grande inconnue: le temps. Le président Santos mise sur un dialogue de quelques mois. «S'il n'y a pas d'avancées, nous arrêterons, simplement», a-t-il précisé. Mais la guérilla gère d'ordinaire un temps différent, au rythme de la jungle. La volonté semble là, mais une réconciliation rapide est-elle possible, dans un pays qui a appris des décennies durant à vivre au milieu de la guerre?
Par Pascale Mariani