On retrouve cette laborieuse attitude du Président Lamine GUEYE, de façon beaucoup plus systématique, dans l’exemple, donné par le Professeur feu Cheikh Anta DIOP, de l’esclave américain du dix-neuvième siècle. Cet « esclave du dix-neuvième siècle qui, libéré, va jusqu'au pas de la porte de son maître et puis reviens à la maison, parce qu'il ne sait plus où aller. Depuis le temps qu'il a perdu la liberté, depuis le temps qu'il a appris des réflexes de subordination, depuis le temps qu'il a appris à penser à travers son maître, il est devenu incapable d'être lui-même, il est devenu incapable de penser par lui-même ». Mais, le statut du néo colonisé est encore beaucoup plus grave, parce que non seulement, il n'a pas conscience de cette incapacité qui l'habite, d'être incapable de penser par lui-même, mais il n'a pas conscience aussi qu'il ne fait que répéter et imiter son maître, servilement. L’esclave, en dépit de tout ce qu’il peut produire comme richesse, comme biens matériels, techniques, économique, financiers ou culturels, n’en reste pas moins, lui-même (et tout ce qu’il produit), le bien de son maître ; ce n’est pas lui qui profite, véritablement, de tout ce qu’il produit, mais son maître ; lui, ne reçoit et ne se contente que des miettes. Le néo colonisé a été façonné par l’école néo coloniale et donné en exemple à ceux qui n’ont pas fait l’école ; de sorte que tous travaillent au profit de la puissance néo coloniale qui ne leur laisse que des miettes. Quel est l’avenir d’un pays colonisé ou néo colonisé ?
En 65 ans (1950-2014), les dirigeants de la Chine Nouvelle ont libéré, du joug des puissances occidentales, leur pays semi-colonial et semi-féodal, un pays qui était un des plus pauvres au monde et qui est aujourd’hui en passe de devenir la première puissance économique mondiale. En 55 ans (1960-2014), les pays noirs africains qui, dans leur majorité, ont obtenu, des puissances occidentales, des indépendances octroyées, n’ont pas seulement perdu leur autosuffisance et leur souveraineté alimentaire d’antan, ils sont devenus encore plus pauvres qu’avant les années 60, malgré que le pétrole et beaucoup d’autres ressources naturelles stratégiques aient, entre temps, été mises en exploitation. En Afrique noire, c’est à croire que le statut de colonisé est préférable à celui de néo colonisé ; car, après seulement trois ans d’existence dans le nouveau statut de néo colonisées, les populations s’étaient mises à marteler le slogan de « à quand la fin de l’indépendance ? ».
Le seul écart de 10 ans, entre les indépendances chinoise et africaine, ne saurait suffire à expliquer deux destins aussi tragiquement opposés, ni même l’évocation d’une République Populaire de Chine vaste de plus de 9 millions de km2 ou peuplée de plus d’un milliard d’habitants, ni non plus la balkanisation de l’Afrique noire ; car, on pourrait évoquer le cas de la Corée du Sud ou celui des autres Dragons. En vérité, ce sont des principes de vie et de comportement, fondamentalement différents, qui ont produit des destins tout aussi radicalement opposés, principes que le Poète-Président a magistralement résumé à travers son fameux slogan d’« enracinement et ouverture ». Le paradoxe du Président feu Léopold Sédar SENGHOR, c’est d’avoir prôné l’enracinement et l’ouverture, alors qu’il ignorait royalement le terreau, le sol de l’Afrique noire, dans lequel il préconisait cet enracinement ; tandis qu’il a consacré toute sa vie à œuvrer à notre ouverture tout azimut vers l’Occident qu’il connaissait comme sa main, la France plus précisément. En vérité, le Président-Poète a œuvré de toutes ses forces à notre ouverture vers l’Occident, tout comme il a également œuvré de toutes ses forces à empêcher notre enracinement dans nos valeurs de civilisation. Or, l’ouverture sans un enracinement préalable, conduit inévitablement à l’aliénation et à l’esclavage. Quand on n’est plus relié à son passé et qu’on l’oublie, quand on a perdu sa mémoire historique et qu’on ne pratique plus ses langues propres, on ne peut plus être maître de son présent, on ne peut plus se construire un futur voulu.
Par sa thèse de doctorat, le Professeur feu Cheikh Anta DIOP a bouleversé la pensée mondiale, en montrant que nos ancêtres n’étaient pas des gaulois et que c’est l’Afrique noire qui est le berceau de la civilisation humaine, par l’Egypte antique, celle des Pyramides et des Pharaons (à ne pas confondre avec l’Egypte maghrébine actuelle). Or, quand on bouleverse la pensée humaine, on ne doit pas obtenir une mention honorable, d’une thèse de doctorat, mais une mention très honorable. Mais, c’était pour le piéger, que la France lui avait remis une mention « honorable » ; car, en France, lorsque vous obtenez une mention honorable, il vous est interdit d’enseigner à l’université. Lorsque Cheikh Anta DIOP est rentré au Sénégal, SENGHOR lui a dit effectivement « vous ne pouvez pas enseigner, vous n’avez pas la mention très honorable ». C’était une manière, à peine voilée, d’empêcher Cheikh Anta DIOP d’enseigner à l’université de DAKAR et à contribuer à forger la conscience de notre jeunesse. Il n’était même pas reconnu comme un professeur d’université à part entière ; il a été ravalé au statut de maître-assistant, avec un salaire mensuel de près de 50 000 F CFA. Le Messie de l’enracinement et de l’ouverture, le Poète-Président, a donc tout fait, pour empêcher Cheikh Anta DIOP d’influer sur la conscience de la jeunesse et des populations africaines, de leur réapprendre leur passé, de les ressourcer pour qu’ils puissent mieux prendre leur avenir en main. Voilà le jeu auquel le Président SENGHOR a contribué à jouer. Il a fait partie de ces africains ‘progressistes’ qui sont convaincus, malheureusement, malgré tout le travail qui a été fait par les Cheikh Anta DIOP, Théophile OBENGA, etc., sur le passé africain et l’histoire de l’Egypte, que la civilisation nous est venue de l’Occident. C’est le Président SENGHOR qui disait que « le remplacement de la langue française par une langue nationale sénégalaise n’est ni souhaitable, ni possible, si nous ne voulons pas rater le rendez-vous de l’an deux mille ». L’an 2 000 est déjà loin derrière nous et nous ne savons toujours pas de quel rendez-vous le Poète-Président parlait-il ? Or, aujourd’hui, la preuve est faite (i) de l’origine wolof du dialecte qu’est le français et (ii) du statut de l’Afrique noire, comme berceau de la civilisation humaine.
Aujourd’hui, il est prouvé que pendant près de dix-sept mille ans (17 000 ans à 1 000 ans, avant JC), l’Egypte, sise sur la terre de l’Afrique noire, était le seul centre de production, de rayonnement et de diffusion des sciences et des techniques, des philosophies et de ce qui a produit les religions révélées. L’essentiel des grands prophètes que nous connaissons, à part ceux qui sont arrivés après le déclin de l’Egypte (Abraham, Moïse, Jésus Christ, etc.) ont été instruits et éduqués en Egypte. L’essentiel des grands savants qui ont été à l’origine de la civilisation de l’Occident (Thales, Pythagore, Démocrite, Platon, Hippocrate, etc.) ont également été instruits et éduqués en Egypte. Antênor FIRMIN (1850-1911), égyptologue haïtien, a rappelé qu’« au seuil de l’histoire, nous rencontrons d’abord un peuple [noir] dont la civilisation précède celle de tous les autres : c’est l’ancienne population [noire] de l’Egypte. Ces hommes ont été les initiateurs incontestés de toutes les nations blanches occidentales dans le développement de la science et de l’art, ont fondé à eux seuls, sur les bords du Nil …, le plus bel édifice social qu’une agglomération humaine ait jamais conçu ». Il rappelle également que « la race noire a été l’aînée de toutes autres races dans la carrière de la civilisation ; c’est à elle qu’on doit le premier éclair de pensée, le premier éveil d’intelligence dans l’espèce humaine. ». Et, c’est pourquoi, estime-t-il, « désormais quand on parlera aux noirs de leur infériorité, …, ils pourront simplement répondre "Ingrats". Cette laconique réponse suffira. Car les vieux monuments de la flamboyante et chaude Egypte, depuis Memphis jusqu’à Méroé, parleront ». C’est à croire que ces « In-Gras » font aussi légion en Afrique noire même.
Le Poète-Président était à cent mille lieux de pouvoir se rendre compte du fait que :
(+) La plupart des savants de la Grèce antique avaient traversé la Méditerranée pour aller s’instruire et se faire éduquer en Egypte antique, c’est-à-dire, en terre d’Afrique Noire et être enseignés par des Noirs-Africains. Et lorsque ces savants ont quitté l’Egypte et l’Afrique Noire, le bagage technique et scientifique, que ces savants avaient emportés avec eux, ils l’avaient acquis dans la langue pharaonique, c’est-à-dire, en égyptien ancien. Et c’est cette langue égyptienne, une langue de l’Afrique Noire, qui avait permis d’enrichir et de structurer le grec ancien.
(+) Ce sont des populations de l’Egypte antique qui sont progressivement venus occuper, habiter et peupler l’Afrique de l’Ouest, en général, la vallée du fleuve Sénégal plus précisément où l’élite égyptienne, qui était seule à pouvoir parler l’égyptien ancien, lire et écrire les hiéroglyphes, s’est installée dans le village de Lof. Et c’est de l’usage de la langue de cette élite, donc de l’usage de l’égyptien ancien, que découle l’expression de "langue de ceux de Lof" ou "lakku waa Lof" ou "lakku walof" ou "lakku wolof".
(+) Le wolof, est donc l’ancien égyptien ancien et, l’égyptien ancien, c’est le wolof de la Sénégambie actuelle. C’est le wolof qui est donc la langue qui avait servi à instruire et éduquer les savants de la Grèce antique. Quoi de plus normal donc, de constater que l’essentiel du vocabulaire de la langue grecque est constitué de mots wolof ! On retrouve, plus ou moins, la même corrélation entre le wolof et la plus part des langues occidentales actuelles, le français, plus précisément.
Le Poète-Président était donc à cent mille lieux de pouvoir se rendre compte du fait que ce ne sont pas les Africains qui devraient apprendre les langues grecque ou latine (et s’ouvrir largement), mais ce sont les Occidentaux qui doivent réapprendre les langues de l’Afrique noire, le wolof notamment (et se ré-enraciner solidement).
En 2007, Souleymane Kanté qui a entrepris « d'extraire des langues mandées leur substantifique moelle commune pour tenter de retrouver la langue originelle », est arrivé, cinq ans trop tard, pour souffler à l’oreille du Poète-Président que « nous nous sommes libérés il y a 47 ans, il faut à présent libérer nos langues », afin de pouvoir nous engager, last but not least, « à prendre rapidement des mesures concrètes pour que nos langues nationales soient de plus en plus utilisées, concurremment avec la langue française, dans l’enseignement, dans la vie politique, dans l’administration publique, dans l’état civil, dans les cours et tribunaux, dans les transactions bancaires, dans la presse parlée et écrite, les débats à la radio et à la télévision et même dans les messages à la nation du chef de l’État, etc. ». KANTE est resté convaincu que « des expériences montrent que la seule solution pour instruire un peuple arriéré est l'enseignement (même supérieur) donné dans des langues nationales qui est douze fois plus rapide qu'être artificiellement cultivé dans une langue étrangère » ; encore que cette langue étrangère ne représente qu’une somme d’emprunts faits à nos langues propres et n’est utilisée et ne peut l’être, que par la toute petite minorité que constitue une élite acculturée, extravertie et apatride ! C’est ainsi que les Etats Généraux de l’Education et de la Formation, tenues en 1981 au SENEGAL, avait montré que si l'enseignement est dispensé dans la langue maternelle de l'enfant, il lui faudrait seulement trois ans pour terminer le cycle primaire et avec brio, alors que si c’est en français, il faudrait six ans et avec des résultats mitigés.
En oubliant son passé et en rompant avec elle, puis en perdant sa conscience historique collective et en négligeant ses langues propres, l’Afrique noire a perdu son rétroviseur et cassé son volant, ne sachant plus d’où elle vient, ni où elle est, ni où elle va. Dès lors, elle ne construit plus son histoire elle-même, remettant son destin entre les mains d’autrui (monde occidental, arabe, etc.). Comme le rappelait HEGEL, être a-historique, ce n’est pas être hors de l’histoire, mais c’est être dans l’histoire et n’avoir pas conscience qu’on est dans l’histoire ; c’est ne pas maîtriser son destin propre ; ce qui est actuellement le cas de l’Afrique noire et des Noirs-Africains. D’où l’urgente nécessité d’entreprendre, sans délais, une Révolution Nationale, Démocratique et Populaire (RNDP).
Le parti politique dénommé And-Jëf/MRDN (Mouvement Révolutionnaire pour la Démocratie Nouvelle), qui prônait cette révolution et avait fait preuve d’une extraordinaire originalité, en mettant en place et en première ligne le « Front Culturel » de lutte contre l’esclavage culturel et pour le recouvrement de notre conscience historique collective, avait lamentablement échoué et s’est dispersé en mille morceaux (Mokk Ruus), pour avoir été incapable de définir correctement et de mettre en pratique, le concept de « Révolution Nationale » ; car, ce concept ne signifie pas (i) se libérer du joug colonial ou néo colonial, pour ensuite se mettre à répéter et à singer le colonisateur, il signifie plutôt (ii) se débarrasser de tout ce qui provient du colonisateur, revenir à la situation qui avait précédé la colonisation, pour se projeter ensuite vers l’avant. Autrement dit, il s’agit de se ré-enraciner solidement dans ses valeurs linguistiques, culturelles et de civilisation, pour ensuite s’ouvrir largement au monde extérieur. Or, après les indépendances octroyées, nous n’avons su ni nous débarrasser de tout ce qui nous provient du colonisateur, ni renouer avec notre passé et avec notre conscience historique collective, ni par conséquent nous projeter ensuite positivement vers l’avant. Nous avons piétiné sur place, progressant en dents de scie.
Toute construction ou reconstruction nationale, voire individuelle, est impossible dans l’esclavage ; car, l’esclave vit pour son propriétaire et maître ; il ne peut s’épanouir en rien, en restant esclave ; il ne peut rien produire, ni techniquement, ni économiquement, ni financièrement, ni politiquement, ni culturellement, qui lui soit réellement bénéfique et profitable, en dehors des miettes que le propriétaire et maître d’esclave veut bien lui destiner. Pour cet esclave, tout passe, avant tout, par sa libération de son statut d’esclave ; c’est son combat primordial et préalable ; tout autre combat est vain et inutile, voire nuisible, car il est utilisé contre lui-même. Ce n’est qu’après avoir recouvré sa liberté seulement, que l’ex-esclave, l’ex-colonisé ou l’ex-néo colonisé, peut envisager son épanouissement à tous les plans, mais pas avant. Or, pour un pays, un peuple ou une nation, le recouvrement de la pleine liberté est impossible sans renouer avec son passé et avec ses valeurs culturelles et de civilisation, sans recouvrer sa conscience historique collective, sans s’exprimer dans ses langues propres. Jusqu’ici, aucun pays ne s’est développé, en utilisant la langue d’autrui. Un pays, un peuple ou une nation, qui n’est pas libre, n’est pas libre de se construire et ne saurait le faire.
Les dirigeants des pays de l’Afrique noire devraient donc cesser de pratiquer la « politique de l’autruche ». Au SENEGAL, les grandes étapes de la domination française, comprennent, entre autres, (i) la traite négrière qui débute avec l’implantation de la ville de Saint-Louis en 1659 et qui ne prendra fin qu’en 1817, sur injonction de l’Angleterre concurrente, (ii) la liquidation du grand résistant que fut Sidiya Léon DIOP, (iii) la double déportation (au GABON puis en MAURITANIE) de Sëriñ TUUBA, pour le détruire (Sànkë ko), mais vainement, les déportés ne revenant pratiquement jamais, vivants, de leur lieu de déportation, (iv) le charnier de THIAROYE où les tirailleurs sénégalais, qui avaient largement contribué à libérer la France du joug allemand, et qui manifestaient leur volonté et leur aptitude à entreprendre la libération de leur pays du joug français, à leur retour dans leur pays respectifs, ont été piégés par les autorités coloniales, par le refus de payement d’indemnités et d’octroi de médailles, pour pouvoir les assassiner froidement et empêcher le processus imminent des indépendances africaines à partir de 1945, (v) le transfert du Gouvernement du Sénégal, de SAINT-LOUIS à DAKAR, pour empêcher les Autorités sénégalaises d’alors, de pouvoir prendre toute la mesure de l’importance économique et politique de la vallée du fleuve Sénégal, (vi) le semblant de libération nationale, pompeusement appelé « indépendance » en 1960, que le coup d’Etat perpétré contre le Président Mamadou DIA a contribué à mettre à nu, (vii) le choix du 04 avril comme date officielle de célébration de la fête de l’indépendance nationale, alors que c’est dans la nuit du 19 au 20 Août 1959, que la Fédération du Mali avait éclaté et que le Sénégal avait aussitôt proclamé son indépendance, (viii) le départ du Président SENGHOR du pouvoir, départ suggéré de façon silencieusement musclée, par la Métropole, ainsi que le choix du Président Abdou DIOUF, pour le remplacer, (viii) le démantèlement du tissu économique et culturel du pays, dans les années 80 et 90, sous l’injonction des officines occidentales, (ix) le maintien de la langue française comme langue de travail et d’éducation, alors que les 2/3 de la population, qui doivent s’éduquer ou travailler, pour construire le pays, ignorent royalement cette langue d’éducation et de travail, (x) le maintien de la monnaie coloniale (Comptoirs Français d’Afrique ou Colonies Françaises d’Afrique) par le biais de laquelle, la Banque de France maintient un diktat financier sur les pays à monnaie de F CFA, qui ne peuvent ni commercer (importer et exporter) librement avec les autres pays, ni user de la planche billets, etc., etc. Dans ces conditions, à quoi peut bien servir, finalement, la Francophonie Economique ou la Francophonie des Affaires ?
La coopération internationale des pays africains est une fausse coopération dans laquelle, ces pays africains sont l’objet d’oppression et d’exploitation à la fois économique, politique et culturelle, oppression et exploitation qui ne peuvent disparaître que si, préalablement à l’établissement de cette coopération internationale, les Africains ont (i) renoué avec leur passé, (ii) recouvré leur conscience historique collective et leur liberté de penser d’agir par eux-mêmes, (iii) repris l’usage de leur langues propres seules à même de faire de leurs populations, de véritables forces matérielles et immatérielles actives, (iv) mis fin à la balkanisation dont ils continuent de souffrir douloureusement et (v) emprunté le chemin qui a permis à la Chine Populaire de passer, en 65 ans, du statut de pays le plus pauvre du monde à celui du pays qui est en passe de devenir la première puissance économique mondiale.
Kolda, le 05 Décembre 2014
Pharaon Cheikhou GASSAMA
Marché Mame Diarra x Route du Lycée
Sikilo Ouest – Région de Kolda
Tel : 77 499 31 22
gassamacheikhou@yahoo.fr
En 65 ans (1950-2014), les dirigeants de la Chine Nouvelle ont libéré, du joug des puissances occidentales, leur pays semi-colonial et semi-féodal, un pays qui était un des plus pauvres au monde et qui est aujourd’hui en passe de devenir la première puissance économique mondiale. En 55 ans (1960-2014), les pays noirs africains qui, dans leur majorité, ont obtenu, des puissances occidentales, des indépendances octroyées, n’ont pas seulement perdu leur autosuffisance et leur souveraineté alimentaire d’antan, ils sont devenus encore plus pauvres qu’avant les années 60, malgré que le pétrole et beaucoup d’autres ressources naturelles stratégiques aient, entre temps, été mises en exploitation. En Afrique noire, c’est à croire que le statut de colonisé est préférable à celui de néo colonisé ; car, après seulement trois ans d’existence dans le nouveau statut de néo colonisées, les populations s’étaient mises à marteler le slogan de « à quand la fin de l’indépendance ? ».
Le seul écart de 10 ans, entre les indépendances chinoise et africaine, ne saurait suffire à expliquer deux destins aussi tragiquement opposés, ni même l’évocation d’une République Populaire de Chine vaste de plus de 9 millions de km2 ou peuplée de plus d’un milliard d’habitants, ni non plus la balkanisation de l’Afrique noire ; car, on pourrait évoquer le cas de la Corée du Sud ou celui des autres Dragons. En vérité, ce sont des principes de vie et de comportement, fondamentalement différents, qui ont produit des destins tout aussi radicalement opposés, principes que le Poète-Président a magistralement résumé à travers son fameux slogan d’« enracinement et ouverture ». Le paradoxe du Président feu Léopold Sédar SENGHOR, c’est d’avoir prôné l’enracinement et l’ouverture, alors qu’il ignorait royalement le terreau, le sol de l’Afrique noire, dans lequel il préconisait cet enracinement ; tandis qu’il a consacré toute sa vie à œuvrer à notre ouverture tout azimut vers l’Occident qu’il connaissait comme sa main, la France plus précisément. En vérité, le Président-Poète a œuvré de toutes ses forces à notre ouverture vers l’Occident, tout comme il a également œuvré de toutes ses forces à empêcher notre enracinement dans nos valeurs de civilisation. Or, l’ouverture sans un enracinement préalable, conduit inévitablement à l’aliénation et à l’esclavage. Quand on n’est plus relié à son passé et qu’on l’oublie, quand on a perdu sa mémoire historique et qu’on ne pratique plus ses langues propres, on ne peut plus être maître de son présent, on ne peut plus se construire un futur voulu.
Par sa thèse de doctorat, le Professeur feu Cheikh Anta DIOP a bouleversé la pensée mondiale, en montrant que nos ancêtres n’étaient pas des gaulois et que c’est l’Afrique noire qui est le berceau de la civilisation humaine, par l’Egypte antique, celle des Pyramides et des Pharaons (à ne pas confondre avec l’Egypte maghrébine actuelle). Or, quand on bouleverse la pensée humaine, on ne doit pas obtenir une mention honorable, d’une thèse de doctorat, mais une mention très honorable. Mais, c’était pour le piéger, que la France lui avait remis une mention « honorable » ; car, en France, lorsque vous obtenez une mention honorable, il vous est interdit d’enseigner à l’université. Lorsque Cheikh Anta DIOP est rentré au Sénégal, SENGHOR lui a dit effectivement « vous ne pouvez pas enseigner, vous n’avez pas la mention très honorable ». C’était une manière, à peine voilée, d’empêcher Cheikh Anta DIOP d’enseigner à l’université de DAKAR et à contribuer à forger la conscience de notre jeunesse. Il n’était même pas reconnu comme un professeur d’université à part entière ; il a été ravalé au statut de maître-assistant, avec un salaire mensuel de près de 50 000 F CFA. Le Messie de l’enracinement et de l’ouverture, le Poète-Président, a donc tout fait, pour empêcher Cheikh Anta DIOP d’influer sur la conscience de la jeunesse et des populations africaines, de leur réapprendre leur passé, de les ressourcer pour qu’ils puissent mieux prendre leur avenir en main. Voilà le jeu auquel le Président SENGHOR a contribué à jouer. Il a fait partie de ces africains ‘progressistes’ qui sont convaincus, malheureusement, malgré tout le travail qui a été fait par les Cheikh Anta DIOP, Théophile OBENGA, etc., sur le passé africain et l’histoire de l’Egypte, que la civilisation nous est venue de l’Occident. C’est le Président SENGHOR qui disait que « le remplacement de la langue française par une langue nationale sénégalaise n’est ni souhaitable, ni possible, si nous ne voulons pas rater le rendez-vous de l’an deux mille ». L’an 2 000 est déjà loin derrière nous et nous ne savons toujours pas de quel rendez-vous le Poète-Président parlait-il ? Or, aujourd’hui, la preuve est faite (i) de l’origine wolof du dialecte qu’est le français et (ii) du statut de l’Afrique noire, comme berceau de la civilisation humaine.
Aujourd’hui, il est prouvé que pendant près de dix-sept mille ans (17 000 ans à 1 000 ans, avant JC), l’Egypte, sise sur la terre de l’Afrique noire, était le seul centre de production, de rayonnement et de diffusion des sciences et des techniques, des philosophies et de ce qui a produit les religions révélées. L’essentiel des grands prophètes que nous connaissons, à part ceux qui sont arrivés après le déclin de l’Egypte (Abraham, Moïse, Jésus Christ, etc.) ont été instruits et éduqués en Egypte. L’essentiel des grands savants qui ont été à l’origine de la civilisation de l’Occident (Thales, Pythagore, Démocrite, Platon, Hippocrate, etc.) ont également été instruits et éduqués en Egypte. Antênor FIRMIN (1850-1911), égyptologue haïtien, a rappelé qu’« au seuil de l’histoire, nous rencontrons d’abord un peuple [noir] dont la civilisation précède celle de tous les autres : c’est l’ancienne population [noire] de l’Egypte. Ces hommes ont été les initiateurs incontestés de toutes les nations blanches occidentales dans le développement de la science et de l’art, ont fondé à eux seuls, sur les bords du Nil …, le plus bel édifice social qu’une agglomération humaine ait jamais conçu ». Il rappelle également que « la race noire a été l’aînée de toutes autres races dans la carrière de la civilisation ; c’est à elle qu’on doit le premier éclair de pensée, le premier éveil d’intelligence dans l’espèce humaine. ». Et, c’est pourquoi, estime-t-il, « désormais quand on parlera aux noirs de leur infériorité, …, ils pourront simplement répondre "Ingrats". Cette laconique réponse suffira. Car les vieux monuments de la flamboyante et chaude Egypte, depuis Memphis jusqu’à Méroé, parleront ». C’est à croire que ces « In-Gras » font aussi légion en Afrique noire même.
Le Poète-Président était à cent mille lieux de pouvoir se rendre compte du fait que :
(+) La plupart des savants de la Grèce antique avaient traversé la Méditerranée pour aller s’instruire et se faire éduquer en Egypte antique, c’est-à-dire, en terre d’Afrique Noire et être enseignés par des Noirs-Africains. Et lorsque ces savants ont quitté l’Egypte et l’Afrique Noire, le bagage technique et scientifique, que ces savants avaient emportés avec eux, ils l’avaient acquis dans la langue pharaonique, c’est-à-dire, en égyptien ancien. Et c’est cette langue égyptienne, une langue de l’Afrique Noire, qui avait permis d’enrichir et de structurer le grec ancien.
(+) Ce sont des populations de l’Egypte antique qui sont progressivement venus occuper, habiter et peupler l’Afrique de l’Ouest, en général, la vallée du fleuve Sénégal plus précisément où l’élite égyptienne, qui était seule à pouvoir parler l’égyptien ancien, lire et écrire les hiéroglyphes, s’est installée dans le village de Lof. Et c’est de l’usage de la langue de cette élite, donc de l’usage de l’égyptien ancien, que découle l’expression de "langue de ceux de Lof" ou "lakku waa Lof" ou "lakku walof" ou "lakku wolof".
(+) Le wolof, est donc l’ancien égyptien ancien et, l’égyptien ancien, c’est le wolof de la Sénégambie actuelle. C’est le wolof qui est donc la langue qui avait servi à instruire et éduquer les savants de la Grèce antique. Quoi de plus normal donc, de constater que l’essentiel du vocabulaire de la langue grecque est constitué de mots wolof ! On retrouve, plus ou moins, la même corrélation entre le wolof et la plus part des langues occidentales actuelles, le français, plus précisément.
Le Poète-Président était donc à cent mille lieux de pouvoir se rendre compte du fait que ce ne sont pas les Africains qui devraient apprendre les langues grecque ou latine (et s’ouvrir largement), mais ce sont les Occidentaux qui doivent réapprendre les langues de l’Afrique noire, le wolof notamment (et se ré-enraciner solidement).
En 2007, Souleymane Kanté qui a entrepris « d'extraire des langues mandées leur substantifique moelle commune pour tenter de retrouver la langue originelle », est arrivé, cinq ans trop tard, pour souffler à l’oreille du Poète-Président que « nous nous sommes libérés il y a 47 ans, il faut à présent libérer nos langues », afin de pouvoir nous engager, last but not least, « à prendre rapidement des mesures concrètes pour que nos langues nationales soient de plus en plus utilisées, concurremment avec la langue française, dans l’enseignement, dans la vie politique, dans l’administration publique, dans l’état civil, dans les cours et tribunaux, dans les transactions bancaires, dans la presse parlée et écrite, les débats à la radio et à la télévision et même dans les messages à la nation du chef de l’État, etc. ». KANTE est resté convaincu que « des expériences montrent que la seule solution pour instruire un peuple arriéré est l'enseignement (même supérieur) donné dans des langues nationales qui est douze fois plus rapide qu'être artificiellement cultivé dans une langue étrangère » ; encore que cette langue étrangère ne représente qu’une somme d’emprunts faits à nos langues propres et n’est utilisée et ne peut l’être, que par la toute petite minorité que constitue une élite acculturée, extravertie et apatride ! C’est ainsi que les Etats Généraux de l’Education et de la Formation, tenues en 1981 au SENEGAL, avait montré que si l'enseignement est dispensé dans la langue maternelle de l'enfant, il lui faudrait seulement trois ans pour terminer le cycle primaire et avec brio, alors que si c’est en français, il faudrait six ans et avec des résultats mitigés.
En oubliant son passé et en rompant avec elle, puis en perdant sa conscience historique collective et en négligeant ses langues propres, l’Afrique noire a perdu son rétroviseur et cassé son volant, ne sachant plus d’où elle vient, ni où elle est, ni où elle va. Dès lors, elle ne construit plus son histoire elle-même, remettant son destin entre les mains d’autrui (monde occidental, arabe, etc.). Comme le rappelait HEGEL, être a-historique, ce n’est pas être hors de l’histoire, mais c’est être dans l’histoire et n’avoir pas conscience qu’on est dans l’histoire ; c’est ne pas maîtriser son destin propre ; ce qui est actuellement le cas de l’Afrique noire et des Noirs-Africains. D’où l’urgente nécessité d’entreprendre, sans délais, une Révolution Nationale, Démocratique et Populaire (RNDP).
Le parti politique dénommé And-Jëf/MRDN (Mouvement Révolutionnaire pour la Démocratie Nouvelle), qui prônait cette révolution et avait fait preuve d’une extraordinaire originalité, en mettant en place et en première ligne le « Front Culturel » de lutte contre l’esclavage culturel et pour le recouvrement de notre conscience historique collective, avait lamentablement échoué et s’est dispersé en mille morceaux (Mokk Ruus), pour avoir été incapable de définir correctement et de mettre en pratique, le concept de « Révolution Nationale » ; car, ce concept ne signifie pas (i) se libérer du joug colonial ou néo colonial, pour ensuite se mettre à répéter et à singer le colonisateur, il signifie plutôt (ii) se débarrasser de tout ce qui provient du colonisateur, revenir à la situation qui avait précédé la colonisation, pour se projeter ensuite vers l’avant. Autrement dit, il s’agit de se ré-enraciner solidement dans ses valeurs linguistiques, culturelles et de civilisation, pour ensuite s’ouvrir largement au monde extérieur. Or, après les indépendances octroyées, nous n’avons su ni nous débarrasser de tout ce qui nous provient du colonisateur, ni renouer avec notre passé et avec notre conscience historique collective, ni par conséquent nous projeter ensuite positivement vers l’avant. Nous avons piétiné sur place, progressant en dents de scie.
Toute construction ou reconstruction nationale, voire individuelle, est impossible dans l’esclavage ; car, l’esclave vit pour son propriétaire et maître ; il ne peut s’épanouir en rien, en restant esclave ; il ne peut rien produire, ni techniquement, ni économiquement, ni financièrement, ni politiquement, ni culturellement, qui lui soit réellement bénéfique et profitable, en dehors des miettes que le propriétaire et maître d’esclave veut bien lui destiner. Pour cet esclave, tout passe, avant tout, par sa libération de son statut d’esclave ; c’est son combat primordial et préalable ; tout autre combat est vain et inutile, voire nuisible, car il est utilisé contre lui-même. Ce n’est qu’après avoir recouvré sa liberté seulement, que l’ex-esclave, l’ex-colonisé ou l’ex-néo colonisé, peut envisager son épanouissement à tous les plans, mais pas avant. Or, pour un pays, un peuple ou une nation, le recouvrement de la pleine liberté est impossible sans renouer avec son passé et avec ses valeurs culturelles et de civilisation, sans recouvrer sa conscience historique collective, sans s’exprimer dans ses langues propres. Jusqu’ici, aucun pays ne s’est développé, en utilisant la langue d’autrui. Un pays, un peuple ou une nation, qui n’est pas libre, n’est pas libre de se construire et ne saurait le faire.
Les dirigeants des pays de l’Afrique noire devraient donc cesser de pratiquer la « politique de l’autruche ». Au SENEGAL, les grandes étapes de la domination française, comprennent, entre autres, (i) la traite négrière qui débute avec l’implantation de la ville de Saint-Louis en 1659 et qui ne prendra fin qu’en 1817, sur injonction de l’Angleterre concurrente, (ii) la liquidation du grand résistant que fut Sidiya Léon DIOP, (iii) la double déportation (au GABON puis en MAURITANIE) de Sëriñ TUUBA, pour le détruire (Sànkë ko), mais vainement, les déportés ne revenant pratiquement jamais, vivants, de leur lieu de déportation, (iv) le charnier de THIAROYE où les tirailleurs sénégalais, qui avaient largement contribué à libérer la France du joug allemand, et qui manifestaient leur volonté et leur aptitude à entreprendre la libération de leur pays du joug français, à leur retour dans leur pays respectifs, ont été piégés par les autorités coloniales, par le refus de payement d’indemnités et d’octroi de médailles, pour pouvoir les assassiner froidement et empêcher le processus imminent des indépendances africaines à partir de 1945, (v) le transfert du Gouvernement du Sénégal, de SAINT-LOUIS à DAKAR, pour empêcher les Autorités sénégalaises d’alors, de pouvoir prendre toute la mesure de l’importance économique et politique de la vallée du fleuve Sénégal, (vi) le semblant de libération nationale, pompeusement appelé « indépendance » en 1960, que le coup d’Etat perpétré contre le Président Mamadou DIA a contribué à mettre à nu, (vii) le choix du 04 avril comme date officielle de célébration de la fête de l’indépendance nationale, alors que c’est dans la nuit du 19 au 20 Août 1959, que la Fédération du Mali avait éclaté et que le Sénégal avait aussitôt proclamé son indépendance, (viii) le départ du Président SENGHOR du pouvoir, départ suggéré de façon silencieusement musclée, par la Métropole, ainsi que le choix du Président Abdou DIOUF, pour le remplacer, (viii) le démantèlement du tissu économique et culturel du pays, dans les années 80 et 90, sous l’injonction des officines occidentales, (ix) le maintien de la langue française comme langue de travail et d’éducation, alors que les 2/3 de la population, qui doivent s’éduquer ou travailler, pour construire le pays, ignorent royalement cette langue d’éducation et de travail, (x) le maintien de la monnaie coloniale (Comptoirs Français d’Afrique ou Colonies Françaises d’Afrique) par le biais de laquelle, la Banque de France maintient un diktat financier sur les pays à monnaie de F CFA, qui ne peuvent ni commercer (importer et exporter) librement avec les autres pays, ni user de la planche billets, etc., etc. Dans ces conditions, à quoi peut bien servir, finalement, la Francophonie Economique ou la Francophonie des Affaires ?
La coopération internationale des pays africains est une fausse coopération dans laquelle, ces pays africains sont l’objet d’oppression et d’exploitation à la fois économique, politique et culturelle, oppression et exploitation qui ne peuvent disparaître que si, préalablement à l’établissement de cette coopération internationale, les Africains ont (i) renoué avec leur passé, (ii) recouvré leur conscience historique collective et leur liberté de penser d’agir par eux-mêmes, (iii) repris l’usage de leur langues propres seules à même de faire de leurs populations, de véritables forces matérielles et immatérielles actives, (iv) mis fin à la balkanisation dont ils continuent de souffrir douloureusement et (v) emprunté le chemin qui a permis à la Chine Populaire de passer, en 65 ans, du statut de pays le plus pauvre du monde à celui du pays qui est en passe de devenir la première puissance économique mondiale.
Kolda, le 05 Décembre 2014
Pharaon Cheikhou GASSAMA
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