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Les salafistes mettent au défi l'État tunisien

Rédigé par leral.net le Jeudi 14 Juin 2012 à 08:30 | | 0 commentaire(s)|

Une exposition d'art contemporain a servi de prétexte aux extrémistes pour déclencher des émeutes.


Les salafistes mettent au défi l'État tunisien
Jamais la Tunisie n'avait connu des violences d'une telle ampleur depuis la révolution et les quelques semaines qui suivirent la chute de Ben Ali. Dans la nuit de lundi à mardi puis le lendemain, des émeutiers ont incendié ou vandalisés des commissariats, une annexe de tribunal ainsi que d'autres symboles de l'État tout autour de Tunis et ont été confrontés aux forces de l'ordre. La colère s'est limitée dans un premier temps aux alentours de Tunis, dans les banlieues bourgeoises que sont Carthage ou La Marsa ou dans des quartiers plus populaires de la capitale, avant de s'étendre à d'autres villes du pays comme Sousse ou Jendouba.

Selon plusieurs témoins, des hommes aux attributs salafistes seraient les auteurs de ces troubles. Le ministère de l'Intérieur confirme, précisant toutefois que des voyous, auteurs de pillages, ont gonflé les rangs des émeutiers dont il est difficile d'estimer le nombre.

Un jeune homme de 22 ans, présenté comme salafiste, a trouvé la mort mardi soir à Sousse (Est). Il avait été atteint plus tôt dans la journée d'une balle dans la tête lors d'affrontements entre manifestants et policiers.

Mercredi, les autorités faisaient état de 165 interpellations parmi lesquelles des salafistes mais aussi des personnes sans appartenance partisane déjà connues de la justice.

«L'art doit être beau mais n'a pas à être révolutionnaire»
Comme en octobre dernier avec la diffusion du filmPersepolis sur une chaîne tunisienne, c'est l'art qui est à l'origine de ces violences. Le Printemps des arts, une foire d'art contemporain, exposait jusqu'à dimanche dernier des œuvres que les plus radicaux ont jugé blasphématoires. Dans le palais Abdellia de La Marsa, sous tutelle du ministère de la Culture, des peintures ou installations ont provoqué la colère des salafistes jusqu'à pousser certains d'entre eux, selon toute vraisemblance, à pénétrer dimanche soir dans la cour de l'ancien palais et y détruire ou lacérer plusieurs de ces œuvres.

Parmi les toiles incriminées, l'une représentant un homme barbu, énervé, que des islamistes radicaux considèrent comme la représentation du Prophète, chose proscrite par l'islam. Les bustes de trois femmes enfouis dans un sol recouvert de pierres ainsi qu'une peinture montrant une femme nue le sexe caché par un plat de couscous et surveillée par des hommes barbus ont eux aussi choqué. Ces deux œuvres sont présentes dans le catalogue de l'exposition. Une commission du ministère de la Culture était même venue la semaine dernière en délégation au palais pour procéder à l'achat de plusieurs tableaux. À ce moment-là aucune critique n'avait été émise par les officiels. Pourtant mardi soir, après le coup de poing salafiste, et alors que le Printemps des arts était terminé depuis deux jours, le ministre tunisien de la Culture, Mehdi Mabrouk annonçait sa décision de fermer la galerie momentanément et de déposer plainte contre l'association organisatrice «qui n'a pas respecté ses engagements». Pour le ministre «ces œuvres sont d'un niveau artistique très médiocre. L'art doit être beau mais n'a pas à être révolutionnaire». Il confiait également au Figaro que «l'art ne doit pas porter atteinte au sacré et aux symboles et que pour assurer la liberté des artistes, il faut éviter la provocation».

Couvre-feu
Le gouvernement cautionnerait-il ainsi les débordements salafistes? Khaled Tarrouch, porte-parole du ministère de l'Intérieur, a condamné toute violence, qu'elle soit commise par des salafistes ou par de simples citoyens. Le ministre de la Justice, Nouredinne Bhiri, complétait en considérant les attaques contre des établissements publics comme des «actes terroristes», allant jusqu'à promettre «que les personnes arrêtées seront jugées en vertu des lois antiterroristes établies sous le régime Ben Ali». Le couvre-feu a été instauré.

Vendredi, les autorités tunisiennes seront une nouvelle fois soumises à l'épreuve de la fermeté. Le mouvement salafiste djihadiste Ansar al-Charia (Les partisans de la charia) appelle tous les Tunisiens à manifester après la grande prière contre les «atteintes à l'islam». L'imam Abou Ayoub, leader radical, a lui aussi exhorté les Tunisiens à se soulever «en réponse à ceux qui se moquent de l'islam». En octobre 2011, c'est lui qui avait appelé à attaquer la chaîne de télévision Nessma pour avoir diffusé Persepolis. L'appel avait été suivi par plusieurs centaines de salafistes.

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Par Thibaut Cavaillès