L’Europe et sa monnaie sont en eaux troubles depuis le début de cette année. Les problèmes de trésoreries du « club Med » (Portugal, Espagne, Grèce, Italie) n’ont pas totalement disparu, malgré les pratiques de consolidation des dépenses publiques. Il y a eu beaucoup d’activisme politique ces derniers temps (onze sommets économiques en dix-sept mois) et beaucoup d’argent décaissé pour sauver l’union. Tout cela n’a pas aidé la monnaie européenne, qui s’échange à près de 1,33 dollars comparé à 1,45 en avril 2010. Si la parité nominale entre l’euro et le dollar est déterminée sur le marché des taux de changes par le mécanisme de l’offre et de la demande, la parité entre le franc CFA et l’euro, elle, demeure fixe. En d’autres mots, quel que soit les soubresauts de l’une des deux monnaies, le taux de change demeure « intouchable ».
En 1999, lors de l’arrimage du franc CFA à l’euro, la parité entre ces deux monnaies a été conjointement fixée à 695 francs CFA pour 1 euro. Les idées de référence reviennent toujours à la dévaluation de la monnaie rattachée quand la monnaie de référence connaît une forte appréciation. C’est ce que j’appellerai une « dévaluation induite ».
Faut-il réévaluer ou dévaluer le franc CFA ?
Très souvent, quand la monnaie rattachée connaît une faible croissance économique (faible croissance du PIB réel, déficits de la balance des paiements et dette publique élevée), on s’empresse de dévaluer cette première. C’est la raison principale qui a poussé à la dévaluation du franc CFA en janvier 1994 ! Une raison, qui cependant est moins évoquée, est le fait que la dévaluation induite de 1994 provient aussi de la politique du franc français fort (appréciation de la monnaie), qui, indirectement, laissa la monnaie africaine s’apprécier, occasionnant la perte de sa compétitivité au niveau du commerce international (surtout au niveau des exportations). Cette fois-ci les choses sont différentes !
Les pays de l’euro expérimentent une faible croissance économique, pendant que ceux de la zone franc connaissent une croissance exemplaire. Cette dynamique comparative des deux groupes avait attiré l’attention des experts en 1999, lors de l’arrimage du franc CFA à l’euro. Déjà en 1999, soit quatre années après la dévaluation de janvier 1994, les économies de la zone franc avaient commencé à expérimenter une croissance remarquable.
Il n’est donc pas certain qu’à ce moment les économistes aient évalué correctement la parité réelle entre le franc CFA et l’euro. Après douze années, beaucoup de choses ont changé. Les pays de l’euro connaissent une sortie de récession difficile. Selon le tableau, la zone CFA croît d’une façon remarquable pendant que l’Europe et la France se « cherchent ». Si l’on devait actuellement réévaluer la parité de l’euro et du CFA, celle-ci pourrait s’échanger à 550 au lieu de 695. La dernière fois que la monnaie africaine a connu une réévaluation date d’octobre 1948, 1 franc CFA faisait alors deux fois le franc français !
Pas besoin d’une réévaluation
La question n’est pas cependant à ce niveau. Une réévaluation nominale de la parité fixe de la relation euro/franc CFA, en ce moment, rendrait les produits d’exportations chers, surtout dans l’espace européen. Elle aurait cependant l’avantage de rendre les importations plus abordables. Les pays de la zone franc n’ont vraiment pas besoin d’une réévaluation de leur monnaie, celle-ci ramerait à contre-courant de leur croissance économique qui, elle-même, est fondée sur les exportations de leurs matières premières. Une réévaluation du franc CFA donnerait la perception que ces économies expérimenteraient en ce moment une situation de surchauffe et de surplus de leurs balances de paiements. La réalité est différente. C’est vrai, il y a croissance dans la zone, mais celle-ci n’a pas encore atteint la phase implosive. Quant aux balances de paiements, leur « surplus » est encore loin.
A mon avis, la dépréciation, à l’heure actuelle, de l’euro par rapport au dollar implique indirectement une dépréciation (dévaluation en terme réel) du franc CFA par rapport au dollar américain, situation à l’avantage des pays de la zone franc.
Il serait donc sage de ne pas changer la parité du franc CFA. On ne change pas une équipe qui gagne, la monnaie africaine paraît plus puissante que jamais. C’est la raison pour laquelle elle vient d’être cotée à la bourse des valeurs de Casablanca.
Une idée fallacieuse
Certains économistes ont énoncé l’idée de dévaluer nominalement le franc CFA. Cette idée est fallacieuse, tant elle ne cadre pas avec la croissance économique de la zone franc. Selon le rapport régional du FMI, la croissance du PIB réel de la zone franc atteindrait 5,3% en 2012. Si l’on considère le PIB par habitant, la zone franc passerait de 0,7 en 2011 à 2,7 en 2012, soit une hausse de 74%. L’inflation se situerait aux alentours des 2%. La capacité de paiements extérieurs de ces pays est de sept mois, soit deux fois le minimum requis de trois mois. A la vue de ces données, la zone franc ne paraît pas candidate à une quelconque dévaluation.
Francis Konan
Économiste, diplômé de l’Université d’économie et de gestion de Vienne (Autriche), diplômé de l’Institut des études avancées de Vienne (Autriche), diplômé de la Faculté des sciences économiques & gestion de l’Université d’Abidjan (Cocody).
En 1999, lors de l’arrimage du franc CFA à l’euro, la parité entre ces deux monnaies a été conjointement fixée à 695 francs CFA pour 1 euro. Les idées de référence reviennent toujours à la dévaluation de la monnaie rattachée quand la monnaie de référence connaît une forte appréciation. C’est ce que j’appellerai une « dévaluation induite ».
Faut-il réévaluer ou dévaluer le franc CFA ?
Très souvent, quand la monnaie rattachée connaît une faible croissance économique (faible croissance du PIB réel, déficits de la balance des paiements et dette publique élevée), on s’empresse de dévaluer cette première. C’est la raison principale qui a poussé à la dévaluation du franc CFA en janvier 1994 ! Une raison, qui cependant est moins évoquée, est le fait que la dévaluation induite de 1994 provient aussi de la politique du franc français fort (appréciation de la monnaie), qui, indirectement, laissa la monnaie africaine s’apprécier, occasionnant la perte de sa compétitivité au niveau du commerce international (surtout au niveau des exportations). Cette fois-ci les choses sont différentes !
Les pays de l’euro expérimentent une faible croissance économique, pendant que ceux de la zone franc connaissent une croissance exemplaire. Cette dynamique comparative des deux groupes avait attiré l’attention des experts en 1999, lors de l’arrimage du franc CFA à l’euro. Déjà en 1999, soit quatre années après la dévaluation de janvier 1994, les économies de la zone franc avaient commencé à expérimenter une croissance remarquable.
Il n’est donc pas certain qu’à ce moment les économistes aient évalué correctement la parité réelle entre le franc CFA et l’euro. Après douze années, beaucoup de choses ont changé. Les pays de l’euro connaissent une sortie de récession difficile. Selon le tableau, la zone CFA croît d’une façon remarquable pendant que l’Europe et la France se « cherchent ». Si l’on devait actuellement réévaluer la parité de l’euro et du CFA, celle-ci pourrait s’échanger à 550 au lieu de 695. La dernière fois que la monnaie africaine a connu une réévaluation date d’octobre 1948, 1 franc CFA faisait alors deux fois le franc français !
Pas besoin d’une réévaluation
La question n’est pas cependant à ce niveau. Une réévaluation nominale de la parité fixe de la relation euro/franc CFA, en ce moment, rendrait les produits d’exportations chers, surtout dans l’espace européen. Elle aurait cependant l’avantage de rendre les importations plus abordables. Les pays de la zone franc n’ont vraiment pas besoin d’une réévaluation de leur monnaie, celle-ci ramerait à contre-courant de leur croissance économique qui, elle-même, est fondée sur les exportations de leurs matières premières. Une réévaluation du franc CFA donnerait la perception que ces économies expérimenteraient en ce moment une situation de surchauffe et de surplus de leurs balances de paiements. La réalité est différente. C’est vrai, il y a croissance dans la zone, mais celle-ci n’a pas encore atteint la phase implosive. Quant aux balances de paiements, leur « surplus » est encore loin.
A mon avis, la dépréciation, à l’heure actuelle, de l’euro par rapport au dollar implique indirectement une dépréciation (dévaluation en terme réel) du franc CFA par rapport au dollar américain, situation à l’avantage des pays de la zone franc.
Il serait donc sage de ne pas changer la parité du franc CFA. On ne change pas une équipe qui gagne, la monnaie africaine paraît plus puissante que jamais. C’est la raison pour laquelle elle vient d’être cotée à la bourse des valeurs de Casablanca.
Une idée fallacieuse
Certains économistes ont énoncé l’idée de dévaluer nominalement le franc CFA. Cette idée est fallacieuse, tant elle ne cadre pas avec la croissance économique de la zone franc. Selon le rapport régional du FMI, la croissance du PIB réel de la zone franc atteindrait 5,3% en 2012. Si l’on considère le PIB par habitant, la zone franc passerait de 0,7 en 2011 à 2,7 en 2012, soit une hausse de 74%. L’inflation se situerait aux alentours des 2%. La capacité de paiements extérieurs de ces pays est de sept mois, soit deux fois le minimum requis de trois mois. A la vue de ces données, la zone franc ne paraît pas candidate à une quelconque dévaluation.
Francis Konan
Économiste, diplômé de l’Université d’économie et de gestion de Vienne (Autriche), diplômé de l’Institut des études avancées de Vienne (Autriche), diplômé de la Faculté des sciences économiques & gestion de l’Université d’Abidjan (Cocody).