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Lettre ouverte au président de la République du Sénégal: L'Ecole Nationale des Arts de Dakar en agonie, des solutions urgentes s'imposent.


Rédigé par leral.net le Lundi 18 Mai 2015 à 11:14 | | 3 commentaire(s)|

Lettre ouverte au président de la République du Sénégal: L'Ecole Nationale des Arts de Dakar en agonie, des solutions urgentes s'imposent.
Monsieur le Président de la République,

En tant que Protecteur des Arts et des Lettres, j'attire votre attention sur la situation désastreuse et chaotique de l'Ecole Nationale des Arts de Dakar (ENA) qui est en agonie, et vous avez le devoir de trouver une solution urgente à ses maux.

Depuis 2005, l'ENA est transféré dans deux immeubles à usage d'habitation. Le premier se trouve dans le quartier de Sacré Cœur 3 près du Cimetière Saint Lazard et le deuxième à Liberté 6 extension et abrite la direction de l'école. L'Ecole de Coupe et Couture est toujours à la même adresse, c'est à dire à l'ancienne route de Rufisque dans la zone industrielle. A Sacré Cœur 3, nous avons dans le même immeuble de trois étages, le conservatoire, les élèves professeurs, les animateurs culturels, le Département des Arts Scéniques (danse et théâtre) et le Département des Arts Plastiques.

L'ENA est confrontée à de réelles difficultés qui sont entre autres, des locaux inappropriés à l'enseignement artistique car destinés à l'habitation, un budget annuel dérisoire car il est de 11 millions de francs CFA pendant que le Mali voisin consacre 400 millions à son école des arts, une carence d'enseignants car tous les professeurs titulaires (fonctionnaires) sont partis à la retraite à l’exception du directeur qui doit aussi prendre sa retraite l'année prochaine, le reste des enseignants est constitué par des vacataires dont la majorité est composée d'anciens étudiants qui n'ont aucun contrat ni aucune garantie d'emploi, et qui perçoivent leur salaire à la fin de l'année sur la base des heures d'enseignement données, les bourses des étudiants sont insignifiantes d’autant plus qu’elles s'élèvent à 42 000CFA par année, le matériel artistique est inexistant, les équipements sont absents et le peu qui y reste est vétuste et obsolète, des disciplines artistiques ne sont plus enseignées au Département des Arts Plastiques, la motivation des étudiants et le niveau est au plus bas, la liste est loin d’être exhaustive.

Monsieur le Président de la République, si vous ne posez pas d'actes forts pour les arts et la culture au Sénégal, votre nom tombera dans les oubliettes à la fin de votre mandat. Suivez mon regard et vous comprendrez mon affirmation. Le Président poète, Léopold Sédar Senghor avait bien compris que la culture est au début et à la fin de tout développement. Ainsi, il avait créé le Théâtre National Daniel Sorano, le 1er Festival Mondial des Arts Nègres, le Musée Dynamique, etc... Son successeur, le Président Abdou Diouf, a instauré la Biennale de l’Art Africain Contemporain. Le président Abdoulaye Wade a réalisé le Grand Théâtre, le monument de la Renaissance et le projet Parc Culturel Sénégalais prévu sur 23 hectares.

Il est inadmissible que cette école, dont les origines remontent avant l’indépendance, n’ait pas à ce jour un local décent. Aujourd'hui, il ne reste plus rien de ce joyau national d’où sont sortis nos artistes de renommée nationale et internationale. Tout semble démontrer l’existence d’une indifférence généralisée de la part de l’État sénégalais vis-à-vis de la situation déliquescente de l'ENA. Vous conviendrez avec moi, Monsieur le Président, que ces conditions ne sont pas dignes d'une Ecole Nationale des Arts. Tous vos ministres de la Culture se sont contentés d’accompagner l’ENA dans sa dégénérescence en se limitant à des déclarations d’intention jamais suivies d’actes concrets.

Ainsi Monsieur le Président, je me permets de vous interpeller car vous avez le devoir, au-delà des discours politiques et des déclarations d’intention, de trouver une solution urgente aux problèmes de cette École. L’art et les valeurs esthétiques, longtemps tenus en suspicion, sont désormais des recours éducatifs de premier plan. Un pas de plus et l'on franchira l'ultime étape au Sénégal, celle que Schiller avait déjà franchie à la fin du 18ème siècle, dans ses Lettres sur l'éducation esthétique de l'humanité, en affirmant que l'art est à lui seul le garant d'une éducation pleinement accomplie, que lui seul nous permettrait d'atteindre l'idéal de l'éducation.

A méditer

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de mes sentiments patriotiques.

Ousmane DIA / Gestionnaire et médiateur culturel, Artiste plasticien et enseignant d'arts visuels à Genève.