En effet, dans la première décennie de notre indépendance, la plupart des forces politiques avaient choisi de se fondre dans le parti dominant de l'époque, l'Union Progressiste Sénégalaise (UPS) devenue Parti Socialiste (PS) à l’image du PRA-Sénégal ; d'autres comme le PAI-Sénégal, avaient opté pour la clandestinité. Le Parti Démocratique Sénégalais (PDS) a pris, en 1974, date de sa création, l’option de contribuer, de façon pragmatique, à l'instauration d'une démocratie pluraliste au Sénégal. La stratégie pour amener le Parti-Etat au pouvoir de l'époque à accepter de libéraliser le régime politique a été de négocier, en acceptant dans un premier temps, un statut de parti de contribution. Le glissement progressif du statut de parti de contribution, toléré par le parti hégémonique de l'époque, à celui de parti concurrent du parti dominant, a été décisif dans la naissance d'une opposition et l'avènement d'un système démocratique réel au Sénégal.
Ayant pu bénéficier de la capacité pleine et entière à participer au jeu politique, le Parti Démocratique Sénégalais, s’appuyant sur les forces démocratiques solidement ancrées mais affaiblies et dispersées (partis politiques, syndicats, mouvements de jeunesse, de femmes, d’étudiant, journalistes, société civile en général etc.) a relevé le défi de la compétition démocratique qui est la seule modalité admise par la démocratie libérale pour accéder au pouvoir. Avec son leader charismatique, le parti libéral sénégalais a pu réunifier et mobiliser, l’essentiel des forces vives pour le Sopi (changement) en s’appuyant sur l’expérience organisationnelle et l’encadrement des forces de la gauche sénégalaise.
C'est par la participation électorale et la présence dans les rouages institutionnels de l'Etat (présence à l’assemblée nationale ou dans des gouvernements d'ouverture de majorité présidentielle élargie) que le PDS a pu négocier et parfois imposer les grandes réformes de libéralisme du système politique (code électoral consensuel de 1992, création de l'ONEL...) qui ont abouti à l'alternance ayant conduit le libéralisme au pouvoir le 19 mars 2000 à travers la CA-2000 et le FAL.
Le libéralisme, une fois au pouvoir, a eu les coudées franches pour impulser les réformes d'inspiration libérale devant approfondir et consolider la démocratie sénégalaise. Le paradigme de ces réformes est la Constitution du 22 janvier 2001. La nouvelle Constitution proposée par le régime libéral fut massivement approuvée par le peuple sénégalais. Elle a pris le parti de renforcer ce qui constitue le substrat d'un Etat libéral.
C'est ainsi qu'elle procède au renforcement quantitatif et qualitatif des droits et libertés fondamentaux dont les plus marquants sont la consécration du droit à la marche, l'affirmation de l'égalité de genre entre l'homme et la femme, le droit à l éducation, la reconnaissance d'un statut de l'opposition, la libéralisation totale de la presse et de la liberté d’expression, etc. Dans le même sillage, des initiatives fortes ont été déployées pour améliorer les conditions de la compétition démocratique par la modernisation du processus électoral et du fichier électorale de même que la création de la CENA en vue de réunir les conditions d'une meilleure expression de la liberté de suffrage.
La décision de l'instauration de la parité dans les listes nationales proportionnelles de candidats aux élections législatives comme première étape et le vote de la loi sur la parité intégrale dans les organes électifs dans une deuxième phase, participent du reste, de cette volonté de toujours libéraliser l'organisation et le fonctionnement du système politique sénégalais.
L'un des défis du libéralisme gouvernant s'articulait aussi autour de la nécessité de mobiliser l'ingénierie institutionnelle pour approfondir la démocratie sénégalaise et créer davantage de richesses en procédant à leur répartition juste et équitable avec une attention particulière aux couches sociales vulnérables. Ce dernier défi a particulièrement et négativement pesé sur les dernières élections présidentielles de février-mars 2012 avec la défaite du Président Wade, au deuxième tour, le 25 mars 2012 face à son ancien Premier ministre et numéro 2 du PDS, Macky Sall, élu Président de la République avec l’appui de la coalition Macky 2012 et Benno Bokk Yakaar (BBY).
Au plan économique, le bilan qu'on peut tirer de l'expérience du libéralisme social dans la gestion de l'économie nationale ces douze dernières années révèle un certain nombre d'acquis par rapport aux modes de gouvernance antérieurs, et dont les principaux concernent: la gestion des ressources de l'Aide Publique au Développement (APD), la gestion du budget de l'Etat, et les transferts sociaux.
Concernant la mobilisation de l'APD, l'Etat du Sénégal a très tôt affiché sa volonté de prendre les devants dans le pilotage des politiques de développement. Alors que dans la plupart des pays africains dont notre pays, les bailleurs jouent un rôle non négligeable dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques, au Sénégal, un nouveau leadership s'est affirmé très tôt, pour la prise en charge de telles politiques.
Le DSRP et la stratégie de croissance accélérée sont deux documents de politique économique dans la conception desquels ce leadership de l'Etat s'est affirmé avec beaucoup de relief, alors qu'auparavant, les Etats africains avaient plutôt tendance à suivre ce que les bailleurs voulaient qu'ils fassent. Et voilà que la déclaration de Paris sur l'APD est venue en 2005 donner raison à cette option stratégique de l'alternance, qui appelle à davantage de responsabilité des autorités locales dans la mise en œuvre des politiques que les bailleurs doivent seulement se contenter d’appuyer, d’accompagner avec un suivi évaluation périodique.
La gestion des ressources budgétaires est un autre domaine dans lequel le leadership de l'Etat du Sénégal s'est affirmé. A ce niveau, l'élargissement de la base taxable qui a conduit à un presque doublement du niveau de recouvrement est assez impressionnant pour un observateur des expériences de développement des pays en voie de développement de l’Afrique en particulier. Il est clair que la mise en place de la TVA unique y a beaucoup contribué, mais il est tout aussi indéniable que des mesures prises au niveau de la Direction des impôts, sous l'impulsion de l'autorité centrale a joué un rôle non négligeable. Les réformes en cours du régime actuel qui vont entrer en vigueur en janvier 2013 renforcent heureusement cette option.
Concernant les dépenses budgétaires, l'Etat a pris les devants dans le financement de la plupart des programmes de développement. Alors que par le passé, les dépenses de fonctionnement absorbaient le plus gros des ressources du budget central, l'Etat du Sénégal sous Wade est devenu le plus grand bailleur des plus importants programmes de développement comme le programme décennal de l'éducation et de la formation (PDEF) où la contribution consolidée des bailleurs traîne très loin derrière celle de l'Etat évaluée à 85%. Cette politique budgétaire volontariste est tout à fait souhaitable dans une économie comme la nôtre où le secteur privé est à développer et prend le contre pied d'un libéralisme de droite qui postule un Etat plus faible.
Le libéralisme social s'est aussi manifesté dans les transferts sociaux que l'Etat à mis en œuvre dans plusieurs domaines: la généralisation des bourses des étudiants, le plan sésame, l'augmentation des salaires et indemnités de plusieurs agents des différents corps de l'Etat, l'augmentation de la taille d’une fonction publique vieillissante et soumise à une cure d’amaigrissement, les subventions accordées principalement dans l’agriculture et l’énergie etc. Tout ceci représente des mesures assez audacieuses pour un gouvernement libéral. A titre d'exemple, même en Chine communiste, l'Etat ne prend en charge que 60% des budgets des universités et les étudiants paient des droits d'inscription annuels de l'ordre de 800 dollars.
Il est certain que l'Etat du Sénégal sous le régime libéral avait pris un certain nombre de mesures assez audacieuses en matière de politique de développement. Il s'agit pour l'essentiel de mesures assez salutaires et dont les effets à long terme peuvent être très bénéfiques pour le processus de développement de notre pays ; l’option des infrastructures et des grands chantiers étant l’illustration parfaite de ce pari audacieux sur les investissements dans les routes, ports, aéroport, agriculture, énergie, éducation, culture, santé et TICE pour ne citer que ces exemples.
A l'avenir et pour les nouvelles autorités de la deuxième alternance libérale, il ne s'agira pas pour moi dans l’intérêt de notre pays, de rompre avec ces tendances, mais au contraire de les renforcer en tirant les leçons des insuffisances et éviter au moins deux pièges : un déficit budgétaire non maîtrisé et des dépenses publiques insuffisamment ciblées. Le premier mettrait en péril la poursuite des programmes d'investissement entrepris, alors qu'un meilleur ciblage des dépenses publiques, en optimiserait l'efficacité et économiserait les ressources publiques engagées.
Comme on peut le constater, ce qu’il y a d’exceptionnel, c’est que le régime libéral ait pu en si peu de temps, comparé aux quarante ans du régime précédent, mettre en œuvre ou démarrer ces grands chantiers de l'espoir en parfaite harmonie avec sa pensée économique. Ce qui du reste avait justifié et expliqué la mobilisation exceptionnelle de l'électorat sénégalais pour le ramener au pouvoir dès le premier tour lors des élections présidentielles du 25 février 2007.
Le libéralisme de WADE ne souffre d'aucune ambiguïté, il est un renforcement des droits et des libertés d'une part, et de l'autre, une promotion de l'héritage culturel et religieux qui sert de rempart aux dérives de la mondialisation. En dépit de la conjoncture internationale souvent défavorable, la vision libérale de Maître WADE est aussi une invitation à l'accélération de l'intégration africaine pour la création des Etats-Unis d'Afrique et une ouverture sur le reste du monde, une ouverture fondée sur le respect et la considération réciproques.
Il ne fait aucun doute que les défis nombreux liés à la satisfaction des besoins stimulés de la demande sociale auxquels le système libéral sénégalais n’avait pas pu donner de réponses satisfaisantes, ajoutés à une image nationale et internationale profondément ternie par une large campagne négative bien coordonnée aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, ont grandement joué à la défaite cuisante du régime libéral le 25 mars 2012.
Cependant, l'expérience démocratique déjà accumulée, la belle transmission du pouvoir des deux alternances, la volonté inébranlable du peuple sénégalais à aller toujours plus loin dans le sens du renforcement des droits et libertés, donnent encore beaucoup de raisons d'espérer que l'émergence est à la portée du Sénégal à condition que l’option du pouvoir actuel repose solidement sur les fondamentaux du libéralisme social et crée les conditions d’une paix sociale et civile durable. Le contexte politique actuel ne semble pas favoriser cette direction.
Le sentiment d’incohérence ou de tâtonnement actuel semble découler de l’absence d’une trame idéologique clairement assumée là où le régime précédent avait fixé les contours d’un libéralisme dont le président Wade revendique l’étendard. Le Président de la République, Son Excellence Macky SALL, Secrétaire général de l’Alliance Pour la République (APR), dans son souci manifeste d’éviter toute initiative pouvant mettre en péril un Benno Bokk Yakar (BBY) composite (libéraux, socialistes, communistes, trotskystes, société civile, etc.) n’est il pas en train de sacrifier l’idéal de son propre parti et escamoter la voie réelle de l’option libérale sociale au nom d’une coalition dont la durée de vie dépassera difficilement l’échéance 2014 ou au mieux 2017 ?
Kalidou DIALLO, Historien, FLSH-UCAD
Ancien Ministre chargé de l’Education Préscolaire, Elémentaire, Moyen Secondaire
et des Langues Nationales
Ayant pu bénéficier de la capacité pleine et entière à participer au jeu politique, le Parti Démocratique Sénégalais, s’appuyant sur les forces démocratiques solidement ancrées mais affaiblies et dispersées (partis politiques, syndicats, mouvements de jeunesse, de femmes, d’étudiant, journalistes, société civile en général etc.) a relevé le défi de la compétition démocratique qui est la seule modalité admise par la démocratie libérale pour accéder au pouvoir. Avec son leader charismatique, le parti libéral sénégalais a pu réunifier et mobiliser, l’essentiel des forces vives pour le Sopi (changement) en s’appuyant sur l’expérience organisationnelle et l’encadrement des forces de la gauche sénégalaise.
C'est par la participation électorale et la présence dans les rouages institutionnels de l'Etat (présence à l’assemblée nationale ou dans des gouvernements d'ouverture de majorité présidentielle élargie) que le PDS a pu négocier et parfois imposer les grandes réformes de libéralisme du système politique (code électoral consensuel de 1992, création de l'ONEL...) qui ont abouti à l'alternance ayant conduit le libéralisme au pouvoir le 19 mars 2000 à travers la CA-2000 et le FAL.
Le libéralisme, une fois au pouvoir, a eu les coudées franches pour impulser les réformes d'inspiration libérale devant approfondir et consolider la démocratie sénégalaise. Le paradigme de ces réformes est la Constitution du 22 janvier 2001. La nouvelle Constitution proposée par le régime libéral fut massivement approuvée par le peuple sénégalais. Elle a pris le parti de renforcer ce qui constitue le substrat d'un Etat libéral.
C'est ainsi qu'elle procède au renforcement quantitatif et qualitatif des droits et libertés fondamentaux dont les plus marquants sont la consécration du droit à la marche, l'affirmation de l'égalité de genre entre l'homme et la femme, le droit à l éducation, la reconnaissance d'un statut de l'opposition, la libéralisation totale de la presse et de la liberté d’expression, etc. Dans le même sillage, des initiatives fortes ont été déployées pour améliorer les conditions de la compétition démocratique par la modernisation du processus électoral et du fichier électorale de même que la création de la CENA en vue de réunir les conditions d'une meilleure expression de la liberté de suffrage.
La décision de l'instauration de la parité dans les listes nationales proportionnelles de candidats aux élections législatives comme première étape et le vote de la loi sur la parité intégrale dans les organes électifs dans une deuxième phase, participent du reste, de cette volonté de toujours libéraliser l'organisation et le fonctionnement du système politique sénégalais.
L'un des défis du libéralisme gouvernant s'articulait aussi autour de la nécessité de mobiliser l'ingénierie institutionnelle pour approfondir la démocratie sénégalaise et créer davantage de richesses en procédant à leur répartition juste et équitable avec une attention particulière aux couches sociales vulnérables. Ce dernier défi a particulièrement et négativement pesé sur les dernières élections présidentielles de février-mars 2012 avec la défaite du Président Wade, au deuxième tour, le 25 mars 2012 face à son ancien Premier ministre et numéro 2 du PDS, Macky Sall, élu Président de la République avec l’appui de la coalition Macky 2012 et Benno Bokk Yakaar (BBY).
Au plan économique, le bilan qu'on peut tirer de l'expérience du libéralisme social dans la gestion de l'économie nationale ces douze dernières années révèle un certain nombre d'acquis par rapport aux modes de gouvernance antérieurs, et dont les principaux concernent: la gestion des ressources de l'Aide Publique au Développement (APD), la gestion du budget de l'Etat, et les transferts sociaux.
Concernant la mobilisation de l'APD, l'Etat du Sénégal a très tôt affiché sa volonté de prendre les devants dans le pilotage des politiques de développement. Alors que dans la plupart des pays africains dont notre pays, les bailleurs jouent un rôle non négligeable dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques, au Sénégal, un nouveau leadership s'est affirmé très tôt, pour la prise en charge de telles politiques.
Le DSRP et la stratégie de croissance accélérée sont deux documents de politique économique dans la conception desquels ce leadership de l'Etat s'est affirmé avec beaucoup de relief, alors qu'auparavant, les Etats africains avaient plutôt tendance à suivre ce que les bailleurs voulaient qu'ils fassent. Et voilà que la déclaration de Paris sur l'APD est venue en 2005 donner raison à cette option stratégique de l'alternance, qui appelle à davantage de responsabilité des autorités locales dans la mise en œuvre des politiques que les bailleurs doivent seulement se contenter d’appuyer, d’accompagner avec un suivi évaluation périodique.
La gestion des ressources budgétaires est un autre domaine dans lequel le leadership de l'Etat du Sénégal s'est affirmé. A ce niveau, l'élargissement de la base taxable qui a conduit à un presque doublement du niveau de recouvrement est assez impressionnant pour un observateur des expériences de développement des pays en voie de développement de l’Afrique en particulier. Il est clair que la mise en place de la TVA unique y a beaucoup contribué, mais il est tout aussi indéniable que des mesures prises au niveau de la Direction des impôts, sous l'impulsion de l'autorité centrale a joué un rôle non négligeable. Les réformes en cours du régime actuel qui vont entrer en vigueur en janvier 2013 renforcent heureusement cette option.
Concernant les dépenses budgétaires, l'Etat a pris les devants dans le financement de la plupart des programmes de développement. Alors que par le passé, les dépenses de fonctionnement absorbaient le plus gros des ressources du budget central, l'Etat du Sénégal sous Wade est devenu le plus grand bailleur des plus importants programmes de développement comme le programme décennal de l'éducation et de la formation (PDEF) où la contribution consolidée des bailleurs traîne très loin derrière celle de l'Etat évaluée à 85%. Cette politique budgétaire volontariste est tout à fait souhaitable dans une économie comme la nôtre où le secteur privé est à développer et prend le contre pied d'un libéralisme de droite qui postule un Etat plus faible.
Le libéralisme social s'est aussi manifesté dans les transferts sociaux que l'Etat à mis en œuvre dans plusieurs domaines: la généralisation des bourses des étudiants, le plan sésame, l'augmentation des salaires et indemnités de plusieurs agents des différents corps de l'Etat, l'augmentation de la taille d’une fonction publique vieillissante et soumise à une cure d’amaigrissement, les subventions accordées principalement dans l’agriculture et l’énergie etc. Tout ceci représente des mesures assez audacieuses pour un gouvernement libéral. A titre d'exemple, même en Chine communiste, l'Etat ne prend en charge que 60% des budgets des universités et les étudiants paient des droits d'inscription annuels de l'ordre de 800 dollars.
Il est certain que l'Etat du Sénégal sous le régime libéral avait pris un certain nombre de mesures assez audacieuses en matière de politique de développement. Il s'agit pour l'essentiel de mesures assez salutaires et dont les effets à long terme peuvent être très bénéfiques pour le processus de développement de notre pays ; l’option des infrastructures et des grands chantiers étant l’illustration parfaite de ce pari audacieux sur les investissements dans les routes, ports, aéroport, agriculture, énergie, éducation, culture, santé et TICE pour ne citer que ces exemples.
A l'avenir et pour les nouvelles autorités de la deuxième alternance libérale, il ne s'agira pas pour moi dans l’intérêt de notre pays, de rompre avec ces tendances, mais au contraire de les renforcer en tirant les leçons des insuffisances et éviter au moins deux pièges : un déficit budgétaire non maîtrisé et des dépenses publiques insuffisamment ciblées. Le premier mettrait en péril la poursuite des programmes d'investissement entrepris, alors qu'un meilleur ciblage des dépenses publiques, en optimiserait l'efficacité et économiserait les ressources publiques engagées.
Comme on peut le constater, ce qu’il y a d’exceptionnel, c’est que le régime libéral ait pu en si peu de temps, comparé aux quarante ans du régime précédent, mettre en œuvre ou démarrer ces grands chantiers de l'espoir en parfaite harmonie avec sa pensée économique. Ce qui du reste avait justifié et expliqué la mobilisation exceptionnelle de l'électorat sénégalais pour le ramener au pouvoir dès le premier tour lors des élections présidentielles du 25 février 2007.
Le libéralisme de WADE ne souffre d'aucune ambiguïté, il est un renforcement des droits et des libertés d'une part, et de l'autre, une promotion de l'héritage culturel et religieux qui sert de rempart aux dérives de la mondialisation. En dépit de la conjoncture internationale souvent défavorable, la vision libérale de Maître WADE est aussi une invitation à l'accélération de l'intégration africaine pour la création des Etats-Unis d'Afrique et une ouverture sur le reste du monde, une ouverture fondée sur le respect et la considération réciproques.
Il ne fait aucun doute que les défis nombreux liés à la satisfaction des besoins stimulés de la demande sociale auxquels le système libéral sénégalais n’avait pas pu donner de réponses satisfaisantes, ajoutés à une image nationale et internationale profondément ternie par une large campagne négative bien coordonnée aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, ont grandement joué à la défaite cuisante du régime libéral le 25 mars 2012.
Cependant, l'expérience démocratique déjà accumulée, la belle transmission du pouvoir des deux alternances, la volonté inébranlable du peuple sénégalais à aller toujours plus loin dans le sens du renforcement des droits et libertés, donnent encore beaucoup de raisons d'espérer que l'émergence est à la portée du Sénégal à condition que l’option du pouvoir actuel repose solidement sur les fondamentaux du libéralisme social et crée les conditions d’une paix sociale et civile durable. Le contexte politique actuel ne semble pas favoriser cette direction.
Le sentiment d’incohérence ou de tâtonnement actuel semble découler de l’absence d’une trame idéologique clairement assumée là où le régime précédent avait fixé les contours d’un libéralisme dont le président Wade revendique l’étendard. Le Président de la République, Son Excellence Macky SALL, Secrétaire général de l’Alliance Pour la République (APR), dans son souci manifeste d’éviter toute initiative pouvant mettre en péril un Benno Bokk Yakar (BBY) composite (libéraux, socialistes, communistes, trotskystes, société civile, etc.) n’est il pas en train de sacrifier l’idéal de son propre parti et escamoter la voie réelle de l’option libérale sociale au nom d’une coalition dont la durée de vie dépassera difficilement l’échéance 2014 ou au mieux 2017 ?
Kalidou DIALLO, Historien, FLSH-UCAD
Ancien Ministre chargé de l’Education Préscolaire, Elémentaire, Moyen Secondaire
et des Langues Nationales