Près de 55 personnes ont été tuées dans un attentat au camion piégé jeudi contre un centre de formation de la police à Zliten, dans l'ouest de la Libye, l'une des attaques les plus sanglantes dans ce pays plongé dans le chaos.
Un kamikaze a fait détoner les explosifs à bord d'un camion-citerne utilisé pour le transport d'eau à 8 h 30 locales (6 h 30 GMT) contre un centre de la police où des gardes-côtes suivaient une formation, a indiqué à l'Agence France-Presse une source de la sécurité de Zliten. Selon un témoin, il y avait quelque 300 hommes dans le complexe, la plupart des gardes-côtes qui se préparaient à leur stage dans cette ville située à environ 170 km à l'est de Tripoli.
"S'unir d'urgence"
L'attaque à Zliten n'a pas été revendiquée dans l'immédiat, alors que le pays livré aux milices, est déchiré depuis plus d'un an entre deux autorités rivales - l'une basée dans l'Est et reconnue par la communauté internationale et l'autre siégeant dans la capitale Tripoli. L'agence de presse fidèle au gouvernement de Tripoli, qui contrôle Zliten, a fait état de 50 morts et 127 blessés dans l'attentat au camion piégé, en citant le docteur Abdel Mottaleb Ben Halim de l'hôpital de Zliten. Un appel au don de sang a été lancé dans la région après l'attentat qui s'est produit dans le quartier de Soug al-Talata, dans le centre-ville, et qui était bondé au moment de l'attaque. Profitant du chaos dans le pays, le groupe djihadiste État islamique (EI) s'est implanté en Libye où il a revendiqué plusieurs attentats sanglants, dont le dernier en date a visé en septembre 2015 la base aérienne de Mitiga à Tripoli faisant trois morts.
L'EI contrôle la ville de Syrte (450 kilomètres à l'est de Tripoli) et cherche à élargir son contrôle à d'autres régions. Le groupe djihadiste combat aussi bien les forces relevant du gouvernement reconnu basé dans l'est du pays que celles relevant du gouvernement parallèle lié à la coalition des milices de Fajr Libya et installé à Tripoli. Lundi et mardi, des combats entre des gardes des installations pétrolières et des djihadistes de l'EI dans la région pétrolière stratégique du nord du pays ont fait plusieurs morts et au moins quatre réservoirs de brut ont pris feu. Sur Twitter, l'émissaire spécial de l'ONU pour la Libye, Martin Kobler, a "condamné un attentat suicide" et appelé "tous les Libyens à s'unir de manière urgente pour combattre le terrorisme". L'ONU s'efforce de mettre en place un gouvernement d'union nationale en Libye et M. Kobler a souligné la nécessité pour le Parlement légitime d'approuver rapidement la formation de ce gouvernement, avertissant que tout retard profiterait à l'EI. Un accord politique a été signé sous l'égide de l'ONU le 17 décembre au Maroc entre des membres des deux Parlements rivaux et représentants de la société civile libyenne. Prévoyant la formation d'un gouvernement d'entente nationale basé à Tripoli, il doit être entériné avant le 17 janvier par le Parlement.
Inquiétudes occidentales
Les Occidentaux sont convaincus qu'il faut agir vite en Libye contre la menace croissante du groupe EI et poussent les Libyens à s'unir au sein d'un gouvernement qu'ils pourront soutenir en vue de faire face au groupe djihadiste. L'EI "inquiète de plus en plus" les pays de l'Otan, "donc il est possible" qu'ils interviennent en Libye, note Malcolm Chalmers, directeur adjoint du centre de réflexion RUSI, à Londres. "La question est quelle intervention, de quelle nature, de quelle ampleur ? Cela dépendra beaucoup de l'évolution de la menace d'ici un mois". L'EI compte environ 3 000 combattants en Libye selon Paris. Et après l'assaut contre la région pétrolière en début de semaine, les Occidentaux redoutent qu'il s'enrichisse sur les hydrocarbures, déstabilise l'Afrique sur le flanc sud, et exporte des djihadistes vers l'Europe, via les migrants à travers la Méditerranée.
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