Nicolas Sarkozy a fait des vagues mardi en évoquant les «grandes similitudes» entre la crise syrienne et celle de 2011 en Libye, théâtre d'une intervention militaire dont l'ancien président avait été le fer de lance. Une manière de critiquer implicitement l'immobilisme supposé de François Hollande sur le dossier syrien.
Certes, Mouammar Kadhafi et Bachar el-Assad sont tous deux des dictateurs qui écrasent par la force une révolte initialement populaire et pacifique contestant leur pouvoir. Comme pour la Libye, la répression sanglante choque moralement les opinions publiques occidentales. Mais le parallèle s'arrête là. Car de nombreuses différences expliquent qu'il est bien plus complexe pour la France d'intervenir militairement pour mettre fin aux massacres aujourd'hui.
La communauté internationale plus divisée
Première différence, la communauté internationale est divisée sur la question syrienne. Pour l'intervention en Libye, la Russie et la Chine avaient accepté de s'abstenir sur le vote de la résolution 1973 à l'ONU, qui mettait en œuvre pour la première fois le concept de «responsabilité de protéger». Mais «au lieu de se contenter d'empêcher un massacre sur Benghazi en mettant en place une zone d'exclusion aérienne, on a voulu aller jusqu'à un changement de régime pour renverser Kadhafi», rappelle sur son blog le géopolitologue Pascal Boniface. Depuis, les Russes et les Chinois sont déterminés à opposer leur veto à toute résolution qui conduirait à renverser le régime d'Assad. Ainsi, «si la France devait agir aujourd'hui, ce serait seule, sans la Grande-Bretagne, et sans résolution du Conseil de sécurité. On se retrouverait dans la même situation que George Bush en Irak en 2003», a fait remarquer Hubert Védrine sur France 2. «D'autre part, n'oublions pas que si la France et la Grande-Bretagne ont été remarquables dans l'affaire libyenne, ce n'était pas du tout possible sans la logistique de l'Otan ou américaine», souligne l'ancien ministre socialiste des Affaires étrangères.
Un ennemi plus puissant
Or, si le concours de l'Otan s'est avéré nécessaire contre Kadhafi, il le serait a fortiori contre Assad, qui a une capacité de résister, et de nuire, bien plus importante. Et c'est là une deuxième différence de taille. Malgré un nombre croissant de défections, l'armée syrienne, pilier du régime, reste en effet extrêmement puissante. Elle n'est donc pas comparable à celle de Kadhafi, qui avait été victime de purges successives dans les années 1980 et 1990. Assad dispose par ailleurs d'un bien plus gros arsenal militaire, dont les armes chimiques et les systèmes de défense antiaérienne constituent les éléments les plus puissants. Résultat: les rebelles syriens ne contrôlent toujours pas de grandes parties du territoire ni de grandes villes alors que la deuxième ville libyenne, Benghazi, berceau du soulèvement, avait très vite échappé au pouvoir central. Enfin, contrairement à Kadhafi, Assad peut compter sur des alliés de poids, à savoir la Chine, la Russie et l'Iran, pour répliquer en cas d'attaque. Ce qui impliquerait alors une dangereuse internationalisation du conflit. Et c'est sans compter le risque de débordement régional, la Syrie étant entourée de l'Irak, du Liban, de la Turquie, de la Jordanie et surtout d'Israël.
Une opération plus risquée
Indépendamment de la question du rapport de force, la géographie syrienne, très différente de la configuration libyenne, rend également une intervention militaire plus délicate. Pas de grands espaces désertiques entre les agglomérations où les colonnes militaires sont facilement identifiables. Alors que l'offensive en Libye reposait sur des bombardements aériens, cette stratégie, moins risquée pour les forces occidentales, provoquerait des dégâts «collatéraux» énormes en Syrie, où la densité de la population est forte. De quoi rapidement rendre une intervention militaire impopulaire, aussi bien en Syrie qu'en Occident.
Un avenir plus incertain
Enfin, l'après-Assad est encore plus incertain que ne l'était l'après-Kadhafi. «En Libye - comme en Tunisie, comme en Égypte - on a affaire à des nations arabes sunnites», rappelle Pierre Lellouche. En Syrie, on est un peu dans un scénario à l'irakienne où il y a une minorité, en l'occurrence alaouite, alliée aux chiites, qui dirige une majorité sunnite, en accord d'ailleurs avec d'autres minorités chrétienne, druze, kurde…», poursuit l'ex-secrétaire d'État UMP. Renverser Assad pourrait donc conduire à des massacres d'alaouites et de chrétiens par les sunnites et dégénérer en guerre civile interconfessionnelle.
LIRE AUSSI:
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» À CHAUD: «Sarkozy jette une pierre dans le jardin de Hollande»
Par Laura Raim
Certes, Mouammar Kadhafi et Bachar el-Assad sont tous deux des dictateurs qui écrasent par la force une révolte initialement populaire et pacifique contestant leur pouvoir. Comme pour la Libye, la répression sanglante choque moralement les opinions publiques occidentales. Mais le parallèle s'arrête là. Car de nombreuses différences expliquent qu'il est bien plus complexe pour la France d'intervenir militairement pour mettre fin aux massacres aujourd'hui.
La communauté internationale plus divisée
Première différence, la communauté internationale est divisée sur la question syrienne. Pour l'intervention en Libye, la Russie et la Chine avaient accepté de s'abstenir sur le vote de la résolution 1973 à l'ONU, qui mettait en œuvre pour la première fois le concept de «responsabilité de protéger». Mais «au lieu de se contenter d'empêcher un massacre sur Benghazi en mettant en place une zone d'exclusion aérienne, on a voulu aller jusqu'à un changement de régime pour renverser Kadhafi», rappelle sur son blog le géopolitologue Pascal Boniface. Depuis, les Russes et les Chinois sont déterminés à opposer leur veto à toute résolution qui conduirait à renverser le régime d'Assad. Ainsi, «si la France devait agir aujourd'hui, ce serait seule, sans la Grande-Bretagne, et sans résolution du Conseil de sécurité. On se retrouverait dans la même situation que George Bush en Irak en 2003», a fait remarquer Hubert Védrine sur France 2. «D'autre part, n'oublions pas que si la France et la Grande-Bretagne ont été remarquables dans l'affaire libyenne, ce n'était pas du tout possible sans la logistique de l'Otan ou américaine», souligne l'ancien ministre socialiste des Affaires étrangères.
Un ennemi plus puissant
Or, si le concours de l'Otan s'est avéré nécessaire contre Kadhafi, il le serait a fortiori contre Assad, qui a une capacité de résister, et de nuire, bien plus importante. Et c'est là une deuxième différence de taille. Malgré un nombre croissant de défections, l'armée syrienne, pilier du régime, reste en effet extrêmement puissante. Elle n'est donc pas comparable à celle de Kadhafi, qui avait été victime de purges successives dans les années 1980 et 1990. Assad dispose par ailleurs d'un bien plus gros arsenal militaire, dont les armes chimiques et les systèmes de défense antiaérienne constituent les éléments les plus puissants. Résultat: les rebelles syriens ne contrôlent toujours pas de grandes parties du territoire ni de grandes villes alors que la deuxième ville libyenne, Benghazi, berceau du soulèvement, avait très vite échappé au pouvoir central. Enfin, contrairement à Kadhafi, Assad peut compter sur des alliés de poids, à savoir la Chine, la Russie et l'Iran, pour répliquer en cas d'attaque. Ce qui impliquerait alors une dangereuse internationalisation du conflit. Et c'est sans compter le risque de débordement régional, la Syrie étant entourée de l'Irak, du Liban, de la Turquie, de la Jordanie et surtout d'Israël.
Une opération plus risquée
Indépendamment de la question du rapport de force, la géographie syrienne, très différente de la configuration libyenne, rend également une intervention militaire plus délicate. Pas de grands espaces désertiques entre les agglomérations où les colonnes militaires sont facilement identifiables. Alors que l'offensive en Libye reposait sur des bombardements aériens, cette stratégie, moins risquée pour les forces occidentales, provoquerait des dégâts «collatéraux» énormes en Syrie, où la densité de la population est forte. De quoi rapidement rendre une intervention militaire impopulaire, aussi bien en Syrie qu'en Occident.
Un avenir plus incertain
Enfin, l'après-Assad est encore plus incertain que ne l'était l'après-Kadhafi. «En Libye - comme en Tunisie, comme en Égypte - on a affaire à des nations arabes sunnites», rappelle Pierre Lellouche. En Syrie, on est un peu dans un scénario à l'irakienne où il y a une minorité, en l'occurrence alaouite, alliée aux chiites, qui dirige une majorité sunnite, en accord d'ailleurs avec d'autres minorités chrétienne, druze, kurde…», poursuit l'ex-secrétaire d'État UMP. Renverser Assad pourrait donc conduire à des massacres d'alaouites et de chrétiens par les sunnites et dégénérer en guerre civile interconfessionnelle.
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Par Laura Raim