La commission électorale libyenne a officialisé mardi la victoire des libéraux sur les islamistes aux élections législatives tenues dix jours plus tôt. Par son rejet des thèses chères aux Frères musulmans, la Libye se distingue de ses deux voisins, l'Égypte et la Tunisie, et fait exception dans une région où les islamistes apparaissaient jusqu'alors comme les principaux bénéficiaires des transitions démocratiques nées du Printemps arabe.
Au premier rendez-vous réellement démocratique de son histoire, après les 42 années de la dictature de Mouammar Kadhafi, la Libye a fait confiance à «l'Alliance des forces nationales» (AFN, libérale), qui a obtenu 39 sièges contre 17 pour le Parti pour la justice et la construction (PJC), issu des Frères musulmans. Une vingtaine de partis, locaux pour la plupart, se partagent les 24 sièges restants, sur le total de 80 sièges réservés aux formations politiques dans la prochaine assemblée libyenne.
Les 120 autres sièges du Congrès national - le titre officiel de cette assemblée de 200 membres - ont été attribués au scrutin uninominal lors de ces mêmes élections du 7 juillet. Mathématiquement, le nombre de ces députés, officiellement «indépendants», est suffisamment grand pour corriger l'échec des islamistes, voire, comme ils le proclament, inverser les choix partisans des électeurs.
Des électeurs «trompés»
La défaite politique des islamistes n'en est pas moins évidente, et aucune intrigue ultérieure ne saurait la masquer. Pour l'expliquer, l'islamiste Mohammed Sawan, dans une interview au site Internet Libya Herald, a accusé Mahmoud Jibril, le fondateur de l'AFN, d'avoir «trompé» les électeurs.
«Jibril ne s'est pas présenté au peuple comme un libéral. Les Libyens ont voté pour lui car ils le considéraient aussi comme un islamiste». Or, fulmine le président du PJC et chef de file des Frères musulmans libyens, «Jibril pense que la charia ne doit concerner que certains aspects de la vie. Dans l'islam, il n'y a pas à prendre ceci ou cela. Le gouvernement doit renforcer l'islam dans tous les domaines de son travail».
Ulcéré par son peuple qui l'a finalement déçu, Mohammed Sawan révèle que «les Libyens sont de bons musulmans, mais ils ne comprennent pas l'islam comme ils le devraient. Nous voulons rééduquer ceux qui ne comprennent pas l'islam».
La défaite de l'islam politique en Libye lors des élections du 7 juillet s'explique en effet par la personnalité de Mahmoud Jibril, sa stratégie de campagne, et la sociologie libyenne.
Un professeur d'économie respecté
Consensuel et mesuré, Mahmoud Jibril incarne la rupture avec le régime du cruel et fantasque Mouammar Kadhafi. Durant la guerre civile, les Libyens l'ont vu sur leurs écrans de télévision plaider la cause de la révolution à Paris, Doha et Washington. Ils font confiance à ce professeur d'économie ayant réussi dans les affaires, qu'aucune personnalité islamiste ne pouvait concurrencer, pour faire décoller l'économie.
«Mes voisins vous diront que je suis un bon musulman; je fais mes prières; j'ai fait le pèlerinage à La Mecque». En quelques phrases, Mahmoud Jibril a retiré le tapis doctrinal sous les pieds des islamistes. La Constitution fera référence à la charia, mais n'interdira pas la construction d'un État civil. Membre de la plus grande tribu libyenne, les Warfallas, Jibril n'a pas non plus oublié la carte des notables.
Le chef de file de l'Alliance des Forces nationales a surtout réuni une cinquantaine de partis tandis que les islamistes, fidèles à leur stratégie habituelle, multipliaient, autour du bloc PJC, qu'ils croyaient fort, les formations. En Libye, le camp islamiste s'est divisé, le camp libéral s'est rassemblé.
Pendant 40 ans, Mouammar Kadhafi a associé les Frères musulmans au diable. Suspectés d'être sous la coupe, idéologique et financière, de l'Égypte et du Qatar, ils ont de surcroît été perçus comme un corps étranger. La société libyenne, si patriotique et puritaine, interdit la consommation d'alcool et ne tolère vraiment les femmes en cheveu qu'au cœur de la capitale, Tripoli. Elle n'a pas compris l'intérêt de l'offre politique des Frères musulmans.
LIRE AUSSI:
» Libye: revers des islamistes aux législatives
Par Thierry Portes
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Les 120 autres sièges du Congrès national - le titre officiel de cette assemblée de 200 membres - ont été attribués au scrutin uninominal lors de ces mêmes élections du 7 juillet. Mathématiquement, le nombre de ces députés, officiellement «indépendants», est suffisamment grand pour corriger l'échec des islamistes, voire, comme ils le proclament, inverser les choix partisans des électeurs.
Des électeurs «trompés»
La défaite politique des islamistes n'en est pas moins évidente, et aucune intrigue ultérieure ne saurait la masquer. Pour l'expliquer, l'islamiste Mohammed Sawan, dans une interview au site Internet Libya Herald, a accusé Mahmoud Jibril, le fondateur de l'AFN, d'avoir «trompé» les électeurs.
«Jibril ne s'est pas présenté au peuple comme un libéral. Les Libyens ont voté pour lui car ils le considéraient aussi comme un islamiste». Or, fulmine le président du PJC et chef de file des Frères musulmans libyens, «Jibril pense que la charia ne doit concerner que certains aspects de la vie. Dans l'islam, il n'y a pas à prendre ceci ou cela. Le gouvernement doit renforcer l'islam dans tous les domaines de son travail».
Ulcéré par son peuple qui l'a finalement déçu, Mohammed Sawan révèle que «les Libyens sont de bons musulmans, mais ils ne comprennent pas l'islam comme ils le devraient. Nous voulons rééduquer ceux qui ne comprennent pas l'islam».
La défaite de l'islam politique en Libye lors des élections du 7 juillet s'explique en effet par la personnalité de Mahmoud Jibril, sa stratégie de campagne, et la sociologie libyenne.
Un professeur d'économie respecté
Consensuel et mesuré, Mahmoud Jibril incarne la rupture avec le régime du cruel et fantasque Mouammar Kadhafi. Durant la guerre civile, les Libyens l'ont vu sur leurs écrans de télévision plaider la cause de la révolution à Paris, Doha et Washington. Ils font confiance à ce professeur d'économie ayant réussi dans les affaires, qu'aucune personnalité islamiste ne pouvait concurrencer, pour faire décoller l'économie.
«Mes voisins vous diront que je suis un bon musulman; je fais mes prières; j'ai fait le pèlerinage à La Mecque». En quelques phrases, Mahmoud Jibril a retiré le tapis doctrinal sous les pieds des islamistes. La Constitution fera référence à la charia, mais n'interdira pas la construction d'un État civil. Membre de la plus grande tribu libyenne, les Warfallas, Jibril n'a pas non plus oublié la carte des notables.
Le chef de file de l'Alliance des Forces nationales a surtout réuni une cinquantaine de partis tandis que les islamistes, fidèles à leur stratégie habituelle, multipliaient, autour du bloc PJC, qu'ils croyaient fort, les formations. En Libye, le camp islamiste s'est divisé, le camp libéral s'est rassemblé.
Pendant 40 ans, Mouammar Kadhafi a associé les Frères musulmans au diable. Suspectés d'être sous la coupe, idéologique et financière, de l'Égypte et du Qatar, ils ont de surcroît été perçus comme un corps étranger. La société libyenne, si patriotique et puritaine, interdit la consommation d'alcool et ne tolère vraiment les femmes en cheveu qu'au cœur de la capitale, Tripoli. Elle n'a pas compris l'intérêt de l'offre politique des Frères musulmans.
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