Péricardites, myocardites, myocardiopathies, endocardites, artériopathies.... Voilà autant de maladies témoignant de la diversité des affections cardio-vasculaires devenues de plus en plus fréquentes. Cela, sans compter les malformations cardiaques. Pour cette raison, on parle de cardiopathies acquises et de cardiopathies congénitales. Et cette diversité est liée à la nature même du système cardio-vasculaire, lance tout de go le Pr Serigne Abdou Bâ, chef du service Cardiologie de l’hôpital Aristide Le Dantec, par ailleurs, point focal Cardiologie au ministère de la Santé et de la Prévention.
Selon lui, les maladies cardio-vasculaires sont constituées des maladies du cœur et des vaisseaux qui sont composés des artères et des veines. « Toutes ces structures peuvent être touchées par la maladie », soutient-il. Ainsi, le cardiologue n’hésite-t-il pas à parler de plusieurs types de maladies cardio-vasculaires.
Evoquant d’abord les différentes maladies du cœur, qui est un organe autonome, qui travaille régulièrement, bien avant la naissance, jusqu’au dernier souffle, en pompant 5 litres de sang par minute (débit cardiaque), le Pr Bâ fait savoir qu’il s’agit d’un système de pompe et de tuyaux qui va vieillir avec l’âge. Donc, au fur et à mesure qu’on vieillit, les artères ont tendance à devenir plus rigides et le cœur à fournir plus d’effort pour maintenir le même débit cardiaque. Cela, sans compter qu’il est agressé par les autres maladies.
Le cœur étant un muscle qui a trois composantes, ces dernières peuvent toutes être malades, indique-t-il avant de rappeler les trois tuniques constitutives du cœur, à savoir le péricarde, le myocarde et l’endocarde. De l’extérieur vers l’intérieur, il y a le péricarde qui est l’enveloppe du cœur. Quand cette partie du cœur est malade, on parle de péricardite. Ensuite, il y a le myocarde qui est le muscle cardiaque qui peut être malade. C’est soit une myocardite aiguë ou une myocardite chronique ou myocardiopathie. Enfin, il y a l’endocarde qui est la tunique interne du cœur qui peut également être malade. Dans ce cas, on parle d’endocardite dont les plus fréquentes sont les valvulopathies rhumatismales.
Après le cœur, il y a les vaisseaux avec les artères et les veines. Alors que les artères (nourricières) font partir le sang oxygéné du cœur vers la périphérie, les veines font retourner le sang déjà utilisé, donc dé-saturé, vers le cœur et le poumon. Mais, au niveau des artères et des veines, il peut y avoir des maladies comme les atteintes infectieuses ou des affections de la structure de la paroi des artères (artériopathies). Puisque les artères sont des tuyaux, elles peuvent se boucher. Tout comme les veines. Ce type d’affection peut être lourd de conséquences. Car, selon le Pr Serigne Abdou Bâ, « si l’artère qui est chargée de nourrir un territoire se bouche, ce dernier qui n’est plus vascularisé va se nécroser ou se mortifier ».
HYPERTENSION ARTERIELLE, CARDIOPATHIES RHUMATISMALES OU ISCHEMIQUES...
De multiples causes à l’origine des affections cardiaques
Saviez-vous qu’une angine non ou mal traitée peut conduire à une maladie cardio-vasculaire appelée cardiopathie rhumatismale ? En tout cas, les cardiopathies rhumatismales font partie des principales causes de pathologies cardiovasculaires, à côté de l’hypertension artérielle au Sénégal.
Plusieurs causes sont à l’origine des affections cardio-vasculaires. Mais, les causes infectieuses et essentiellement les cardiopathies rhumatismales en constituent l’épine dorsale. « Ces cardiopathies rhumatismales ne sont que la conséquence d’une angine non ou mal traitée pendant l’enfance », révèle le Pr Serigne Abdou Bâ, chef du service Cardiologie de l’hôpital Le Dantec. Et d’ajouter : « Cette angine entraîne une atteinte articulaire (c’est pourquoi on parle de rhumatisme), puis une atteinte cardiaque ».
Pour le cardiologue, il est important que les gens sachent qu’une angine non ou mal traitée peut se compliquer d’atteintes articulaires qui vont évoluer sans séquelle, mais surtout d’atteintes cardiaques qui vont laisser des séquelles appelées valvulopathies rhumatismales. Lesquelles vont par la suite évoluer pour leur propre compte. C’est pourquoi, « dans la littérature on dit que le rhumatisme articulaire aiguë lèche les artères et mord le cœur ». Simplement, parce que « les atteintes articulaires guérissent sans séquelles, mais les atteintes cardiaques restent ». Et une fois qu’elles sont installées, elles vont évoluer pour la vie. Pis, elles vont s’aggraver avec l’âge. Ainsi, à un certain âge, il faut opérer ces malades.
Cependant, déplore le point focal Cardiologie au ministère de la Santé et de la Prévention, les valvulopathies rhumatismales ont disparu dans les pays développés où elles existaient autrefois. « On a constaté qu’elles avaient commencé à diminuer rien qu’avec l’amélioration des conditions de vie, bien avant l’apparition des antibiotiques », explique le Pr Serigne Abdou Bâ, qui indique qu’avec l’apparition des antibiotiques, les valvulopathies rhumatismales ont été éradiquées dans les pays développés.
Incontestablement, il s’agit de « maladies de la pauvreté, de l’ignorance ». Et le spécialiste en veut pour preuve la manière traditionnelle dont on soigne les angines au Sénégal. Autant de raisons qui justifient que ces maladies persistent encore chez nous. Et ce qui est le plus à craindre réside dans le fait que ces valvulopathies, qui sont un point d’appel à l’infection, peuvent se compliquer et donner ce qu’on appelle une endocardite infectieuse. Cela veut dire que les germes qui sont dans l’organisme, dans les caries dentaires, les sinus peuvent passer dans le sang et venir se greffer sur les valves malades. Ainsi, ils colonisent les valves déjà malades et aggravent les lésions. Et quand on souffre d’une endocardite infectieuse, « c’est au moins 6 semaines de traitement antibiotique, de perfusion, etc. avec une mortalité très élevée », renseigne le cardiologue qui poursuit : « Voilà un problème qui est résolu en Occident et qui est loin d’être résolu dans les pays sous-développés ».
Généralement, ces maladies posent problème, parce que les personnes atteintes sont des cardiaques à vie. Et, il est constaté qu’elles s’attaquent à des sujets jeunes, en particulier des femmes qui sont plus touchées que les hommes. Mais, « on ne sait pas encore les véritables raisons justifiant la forte prévalence des valvulopathies chez les femmes », tient à souligner le spécialiste en Cardiologie.
L’hypertension artérielle, une calamité
Considérée comme la première cause de maladies cardio-vasculaires, si l’on se réfère aux consultations, l’Hypertension artérielle (Hta) est qualifiée de « calamité ». « Les chiffres sont ahurissants », lance le Pr Serigne Abdou Bâ, point focal Cardiologie au ministère de la Santé et de la Prévention. Pour étayer ses propos, il évoque une enquête menée, il y a quelques années à Pikine (banlieue de Dakar) et qui fait état d’une prévalence de 25% d’hypertendus. « Cela veut dire que sur 600.000 personnes habitant cette zone, les 150.000 sont hypertendus ».
Selon le spécialiste en Cardiologie, pour se rendre compte de l’ampleur de l’Hta, il suffit de voir dans l’entourage familial la tante, la grand-mère, la mère, le père, etc. A cet effet, souligne-t-il : « Les chiffres sont pratiquement identiques ». Mais, il précise qu’au « niveau national on n’a pas encore de chiffres. On est en train de réaliser une enquête avec l’Oms qui va fournir les statistiques au niveau national, on aura l’ensemble des facteurs de risque, que ce soit l’hypertension artérielle, le diabète, l’insuffisance rénale, etc. ».
Les cardiopathies ischémiques à l’origine des crises cardiaques
En dehors des cardiopathies rhumatismales et de l’Hypertension artérielle, les cardiopathies ischémiques sont citées parmi les causes des maladies cardio-vasculaires. « Elles sont en émergence et en progression constante dans nos lits d’hospitalisation », indique le cardiologue Serigne Abdou Bâ. Elles surviennent quand les artères qui vascularisent le cœur (artères coronaire) se bouchent ou menacent de se boucher.
Ces cardiopathies ischémiques sont, de manière générale, à l’origine de la crise cardiaque ou infarctus du myocarde.
Pour le Pr Serigne Abdou Bâ, c’est en accumulant les facteurs de risque, qu’on crée des lésions au niveau des artères. « On crée des dépôts au niveau des artères et on les bouche ».
Parmi les facteurs de risque, le spécialiste cite l’Hta, le diabète, le cholestérol, le tabagisme, l’obésité, la sédentarité, le stress... L’accumulation de ces facteurs de risque est liée au mal développement et à l’occidentalisation de notre mode de vie, surtout avec le « matraquage publicitaire ». Donc, « nous courrons tous vers ces maladies qui posent des problèmes de prise en charge, laquelle est extrêmement coûteuse, parce que les maladies cardio-vasculaires sont des maladies chroniques », soutient le point focal Cardiologie au ministère de la Santé et de la Prévention.
Les pays développés, même s’ils ont réglé les cardiopathies rhumatismales se retrouvent maintenant avec les cardiopathies ischémiques qui y constituent la principale cause de morbidité et de mortalité. Mais, dans nos pays, « nous sommes confrontés à un double défi : régler le problème de ces maladies infectieuses, mais aussi celui de ces maladies liées au mal développement », indique le cardiologue.
Myocardites, péricardites, artérites
Le groupe des atteintes myocardites, relatives au muscle cardiaque, à savoir le myocarde, fait également partie des causes des maladies cardio-vasculaires. Pour le Pr Serigne Abdou Bâ, « ce sont des atteintes myocardites aiguës qui peuvent évoluer vers la chronicité. Parfois, ce sont des atteintes secondaires liées à une autre cause comme l’Hta, l’athérosclérose (artère bouchée). Parfois, ce sont des atteintes primitives, dont on ne connaît pas la cause.
A côté des atteintes myocardiques, il y a les atteintes du péricarde ou péricardites.
Les atteintes artérielles comme les artérites avec l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs qui se voit essentiellement chez les fumeurs font également partie des causes. Elle est liée au fait que de l’athérome se dépose dans la paroi artérielle inférieure qui se bouche progressivement.
« C’est ce qui donne la claudication intermittente. Résultat : quand on marche au bout de 100 m, on a une douleur tellement vive qu’on est obligé de s’arrêter, parce que le membre ne reçoit plus suffisamment de sang. En l’absence de traitement, l’artère peut se boucher complètement et le membre peut se nécroser et il s’ensuit une amputation », regrette le Pr Serigne Abdou Bâ pour qui la notion d’athérosclérose est importante, parce que c’est de la « saleté » qui se dépose au niveau de la paroi des artères.
Pour mieux illustrer ces propos, il donne l’exemple des canalisations qui s’encrassent et quand elles se bouchent, tout est bloqué. Quand c’est au niveau du cœur, on parle de coronaropathie ou cardiopathie ischémique. Si c’est au niveau du cerveau, on parle d’Accident vasculaire cérébral ischémique (Avc). Et quand les membres inférieurs sont touchés, c’est une artériopathie oblitérante des membres inférieurs.
Cardiopathies congénitales, anévrismes, maladies veineuses
Les cardiopathies congénitales avec les enfants qui naissent avec une malformation cardiaque constituent également des causes de maladies cardio-vasculaires. Mais, « on les dépiste de plus en plus, parce qu’il y a de plus en plus de spécialistes, même si certaines victimes de ces malformations congénitales meurent à la naissance, parce que la cardiopathie est tellement sévère qu’elle n’est pas compatible avec la vie », relève le Pr Serigne Abdou Bâ.
Comme causes de maladies cardio-vasculaires, les anévrismes artériels et les maladies veineuses sont également indexés. Les anévrismes sont des dilatations qui intéressent les artères, mais essentiellement l’artère aorte.
Comme maladies veineuses, il y a la phlébite qui est un caillot de sang qui se forme au niveau des veines. Le risque de la phlébite est la migration du caillot vers le cœur et le poumon pour donner une embolie pulmonaire qui peut être mortelle.
EMERGENCE DES MALADIES CARDIOVASCULAIRES : La bouche, carrefour de tous les dangers
L’alimentation contribue pour beaucoup au développement des maladies cardio-vasculaires, parce qu’elle conduit au diabète, à l’Hypertension artérielle et partant aux cardiopathies ischémiques.
Trop riche. Trop gras. Trop salé. Telles sont les principales caractéristiques de l’alimentation du Sénégalais. La publicité tapageuse a même changé le goût des Sénégalais. Pourtant, « tout ceci va contribuer à l’obésité, au diabète, à l’Hta et à leurs complications », prévient le Pr Serigne Abdou Bâ, chef du service Cardiologie de l’hôpital Aristide Le Dantec. Selon lui, l’alimentation contribue pour une large part au développement des maladies cardio-vasculaires, parce qu’elle conduit au diabète, à l’Hypertension artérielle et partant aux cardiopathies ischémiques.
Minimisant les effets des épices comme le poivre, le piment qui créent plutôt des palpitations (on peut avoir des palpitations sans être cardiaque), le cardiologue estime, par contre, que quand il y a trop de graisses, ces dernières se déposent au niveau des parois artérielles et contribuent à les boucher.
A propos du cholestérol qui est devenu une hantise, il indique qu’il y a une publicité mensongère qui est faite autour de cette substance grasse provenant des aliments et synthétisée par l’organisme. Selon lui, « toutes les huiles d’origine végétale sont sans cholestérol. Le cholestérol est une graisse d’origine animale. Il est fabriqué à 70% par l’organisme de l’individu et 30% vient de son alimentation ».
Cependant, même si les huiles végétales sont sans cholestérol, le fait de les chauffer les détruit. « On les altère et cela peut produire d’autres graisses ». Il conseille également d’éviter les huiles qui se figent en se refroidissant.
Pour lutter contre le cholestérol, il existe bien des molécules, mais ces dernières viennent, selon le spécialiste, après le régime. Lequel doit être moins riche en graisses. Il doit comprendre moins de viande rouge, plus de viande blanche, plus de poisson, « mais le poisson n’est jamais frit », plus de légumes. En plus, on doit faire beaucoup d’exercice physique.
Quand on accepte de suivre ce régime, on peut baisser le taux de cholestérol. Sinon, on est obligé de prendre des médicaments. « Mais, ils coûtent chers. Une boite tourne autour de 20.000 FCfa ».
CRISE CARDIAQUE : La recrudescence des morts subites
Les crises cardiaques, qui deviennent de plus en fréquentes, sont à l’origine des morts subites souvent constatées à domicile.
S’agissant des victimes de maladies cardio-vasculaires qui meurent à domicile, le Pr Serigne Abou Bâ fait savoir que ce sont essentiellement les cardiopathies ischémiques (infarctus ou crise cardiaque) qui sont à l’origine de ces morts subites. Et très souvent, c’est au moment où l’infarctus se constitue que le sujet (surtout l’adulte) meurt très rapidement de troubles de rythme cardiaque. « Ces morts subites peuvent arriver sans signes prémonitoires, parce que l’infarctus peut être la première manifestation de la maladie coronaire. Et quand on fait un infarctus, on fait beaucoup de troubles de rythmes ou de la conduction. Soit le cœur s’accélère trop et s’arrête (troubles du rythme), soit il se ralentit trop (trouble de la conduction) et s’arrête ».
Si aujourd’hui, les morts subites à domicile deviennent de plus en plus fréquentes, c’est parce que les cardiopathies ischémiques sont plus fréquentes. « Les gens accumulent les facteurs de risque et ne font pas de la prévention », déplore le chef du service Cardiologie de l’hôpital Le Dantec. Et il conseille le dépistage quand on a les facteurs de risque de maladies coronaires.
A domicile, le Pr Serigne Abdou Bâ recommande aussi quand une personne fait une mort subite, premièrement d’appeler au secours et deuxièmement de masser le cœur de la victime. Malheureusement, à ce niveau, les populations ne sont pas suffisamment sensibilisées sur ces premiers gestes qui sauvent. « Il y a un réel problème d’éducation », déclare-t-il.
ACCIDENT VASCULAIRE CEREBRAL : Principale cause de handicaps et séquelles
Alors que la poliomyélite est plus ou moins réglée, les Avc constituent aujourd’hui les principales causes de handicap dans nos pays.
Les handicaps et les séquelles sont les plus à craindre en cas de maladies cardio-vasculaires. Ces derniers sont liés, selon Serigne Abdou Bâ, spécialiste en Cardiologie au fait que quand quelqu’un est victime d’un Avc, un vaisseau est bouché au niveau du cerveau. De ce fait, une partie du cerveau ne reçoit plus de sang. « Cette partie qui commandait la moitié du corps ne commande plus rien. Et on se retrouve avec une paralysie de l’hémicorps. C’est la conséquence de l’Accident vasculaire cérébral. Résultat : la victime n’est plus apte à la production », se désole le point focal Cardiologie au ministère de la Santé et de la Prévention.
Ainsi, les Avc sont-ils actuellement les principales causes de handicap dans nos pays, parce que, pour le Pr Serigne Abdou Bâ, on a plus ou moins réglé le problème de la poliomyélite. Pour cette raison, déclare-t-il : « Les handicapés qu’on voit souvent sont des traumatisés ou des cardiaques ».
Dans le même sillage, il souligne que les malades qui ont une cardiopathie évoluée, c’est-à-dire qui sont en insuffisance cardiaque sont incapables de fournir le moindre effort. « Même pour se baigner, ils sont essoufflés. Ils ne peuvent pas marcher jusqu’à la porte, s’habiller correctement. Donc, ces gens-là ne peuvent pas travailler », indique le spécialiste en Cardiologie qui estime que « toutes ces maladies cardiaques évoluent inexorablement vers une insuffisance cardiaque ».
Pour éviter que ces handicaps ne s’installent, le cardiologue insiste sur la nécessité de faire de la prévention, une prise en charge précoce. « C’est pourquoi, nous conseillons aux malades hypertendus, par exemple, de respecter leur traitement et d’éviter de fatiguer le cœur ».
INFORMATION, EDUCATION, COMMUNICATION : Une synergie des actions pour gagner la bataille de la sensibilisation
Pour sensibiliser les populations afin de faire prendre conscience du danger que constituent les maladies cardio-vasculaires, le Pr Serigne Abdou Bâ estime que tout le corps médical doit se mobiliser avec les cardiologues en tête. « Nous voulons faire de l’information pour que les gens sachent ! », lance-t-il avant de donner l’exemple des journées médicales, qui sont de véritables séances d’information, de sensibilisation.
« C’est important que les gens comprennent. Si aujourd’hui, toutes les mères intègrent, par exemple, qu’une angine non ou mal traitée peut conduire à une maladie cardio-vasculaire, cela peut changer les choses. Si on dit aux femmes qu’il ne faut pas trop saler les repas, trop mettre de gras et que l’obésité est un critère de maladie et non de beauté, peut-être qu’on pourra à la longue changer la mentalité », indique le Pr Serigne Abdou Bâ, qui insiste sur la nécessité de faire de la prévention, de sensibiliser, d’information, d’éduquer, de communiquer. Si cette stratégie est mise en avance, c’est parce que le spécialiste est convaincu que « jamais nous n’aurons les moyens pour combattre efficacement les maladies cardio-vasculaires ». Pour cette raison, il estime que la prévention est la pierre angulaire de la prise en charge des maladies cardio-vasculaires.
Il est important, selon lui, de « normaliser les chiffres de pression artérielle, d’équilibrer le diabète, de diminuer le taux de cholestérol, d’éviter l’obésité en essayant de se rapprocher le plus du poids idéal, de faire de l’exercice physique régulièrement. Enfin, d’arrêter le tabac et de lutter contre le stress ».
STRUCTURES DE PRISE EN CHARGE : Vers plus de décentralisation
Concernant les structures de prise en charge des maladies cardio-vasculaires, le Pr Serigne Abdou Bâ informe qu’il existe 3 services de Cardiologie à Dakar et un service de chirurgie cardiaque. Dans les régions, 8 sur 11 ont un cardiologue dont 3 à Thiès, 1 à Mbour, 1 à Touba, 1 à Kaolack, 1 à Saint-Louis et 1 à Ziguinchor. « On essaie de faire que dans chaque région, il y ait un service Cardiologie ».
Cependant, il se pose un problème d’équipement des structures de prise en charge des maladies cardio-vasculaires, parce que ce sont des structures très techniques qui demandent des moyens de diagnostic parfois onéreux. Et le point focal Cardiologie au ministère de la Santé et de la Prévention fait surtout allusion à la salle de coronarographie dont le Sénégal a grandement besoin, parce qu’elle « permet de voir les artères afin de pouvoir déboucher celles qui sont bouchées. C’est important de voir comment sont les artères avant d’opérer ». Et c’est là l’une des limites de la chirurgie cardiaque au Sénégal. Donc, la Cardiologie étant une spécialité très technique, les moyens doivent suivre, surtout cette salle de coronarographie qui, aux yeux du Pr Serigne Abdou Bâ, est « une question de fierté, de dignité nationale ».
Au-delà de cette salle, il estime aussi qu’il est important de faire avancer le projet de l’Institut du cœur à Dakar.
S’exprimant sur l’importance de la chirurgie cardiaque, le cardiologue Serigne Abdou Bâ fait savoir qu’elle permet d’opérer maintenant les malades sur place, d’autant qu’ils ne peuvent pas tous être évacués, parce que la chirurgie cardiaque est coûteuse. Donc, son implantation contribue à diminuer les évacuations vers l’Europe ou le Maghreb, de même que les coûts, tout en évitant aux malades le dépaysement.
« Nous encourageons cette chirurgie qui est installée et qui a une activité qui va crescendo », soutient le Pr Bâ.
FORMATION : 22 Sénégalais dans le circuit
Les maladies cardio-vasculaires étant des maladies chroniques, bien des difficultés sont rencontrées dans leur prise en charge. Et pour cause : les malades sont généralement pauvres et la chronicité de la maladie contribue à la paupérisation parce que les médicaments coûtent chers. Pour cette raison, le Pr Serigne Abdou Bâ estime que le « défi de la prise en charge est énorme ».
Espérons que les cardiologues, qui sont en train d’être formés au Sénégal par le biais du Ces (Certificat d’études spéciales) de Cardiologie, qui existe depuis 1982, pourront un jour y faire face. En tout cas, révèle le Pr Serigne Abdou Bâ, 60 cardiologues de 22 nationalités sont en formation à Dakar. Mais, il souligne que la formation est longue, ce qui décourage ceux qui n’ont pas de moyens, parce qu’il faut 4 ans après le Doctorat.
S’agissant spécifiquement du Sénégal, il précise qu’actuellement, 9 internes et 13 étudiants du Ces sont en formation. Au total, ils sont donc 22 Sénégalais à suivre une formation en Cardiologie. « Nous espérons que d’ici 2 ans, on aura au moins un cardiologue dans chaque région ». Tout comme des efforts sont en train d’être faits pour impliquer les médecins généralistes, les infirmiers dans le cadre de la formation médicale continue pour la prise en charge des affections cardio-vasculaires.
« Nous travaillons en synergie. Nous sommes en train de faire des enseignements post-universitaires et nous allons vers l’édification de recommandations sur la prise en charge de ces maladies », informe le chef du service Cardiologie de Le Dantec.
Selon lui, les maladies cardio-vasculaires sont constituées des maladies du cœur et des vaisseaux qui sont composés des artères et des veines. « Toutes ces structures peuvent être touchées par la maladie », soutient-il. Ainsi, le cardiologue n’hésite-t-il pas à parler de plusieurs types de maladies cardio-vasculaires.
Evoquant d’abord les différentes maladies du cœur, qui est un organe autonome, qui travaille régulièrement, bien avant la naissance, jusqu’au dernier souffle, en pompant 5 litres de sang par minute (débit cardiaque), le Pr Bâ fait savoir qu’il s’agit d’un système de pompe et de tuyaux qui va vieillir avec l’âge. Donc, au fur et à mesure qu’on vieillit, les artères ont tendance à devenir plus rigides et le cœur à fournir plus d’effort pour maintenir le même débit cardiaque. Cela, sans compter qu’il est agressé par les autres maladies.
Le cœur étant un muscle qui a trois composantes, ces dernières peuvent toutes être malades, indique-t-il avant de rappeler les trois tuniques constitutives du cœur, à savoir le péricarde, le myocarde et l’endocarde. De l’extérieur vers l’intérieur, il y a le péricarde qui est l’enveloppe du cœur. Quand cette partie du cœur est malade, on parle de péricardite. Ensuite, il y a le myocarde qui est le muscle cardiaque qui peut être malade. C’est soit une myocardite aiguë ou une myocardite chronique ou myocardiopathie. Enfin, il y a l’endocarde qui est la tunique interne du cœur qui peut également être malade. Dans ce cas, on parle d’endocardite dont les plus fréquentes sont les valvulopathies rhumatismales.
Après le cœur, il y a les vaisseaux avec les artères et les veines. Alors que les artères (nourricières) font partir le sang oxygéné du cœur vers la périphérie, les veines font retourner le sang déjà utilisé, donc dé-saturé, vers le cœur et le poumon. Mais, au niveau des artères et des veines, il peut y avoir des maladies comme les atteintes infectieuses ou des affections de la structure de la paroi des artères (artériopathies). Puisque les artères sont des tuyaux, elles peuvent se boucher. Tout comme les veines. Ce type d’affection peut être lourd de conséquences. Car, selon le Pr Serigne Abdou Bâ, « si l’artère qui est chargée de nourrir un territoire se bouche, ce dernier qui n’est plus vascularisé va se nécroser ou se mortifier ».
HYPERTENSION ARTERIELLE, CARDIOPATHIES RHUMATISMALES OU ISCHEMIQUES...
De multiples causes à l’origine des affections cardiaques
Saviez-vous qu’une angine non ou mal traitée peut conduire à une maladie cardio-vasculaire appelée cardiopathie rhumatismale ? En tout cas, les cardiopathies rhumatismales font partie des principales causes de pathologies cardiovasculaires, à côté de l’hypertension artérielle au Sénégal.
Plusieurs causes sont à l’origine des affections cardio-vasculaires. Mais, les causes infectieuses et essentiellement les cardiopathies rhumatismales en constituent l’épine dorsale. « Ces cardiopathies rhumatismales ne sont que la conséquence d’une angine non ou mal traitée pendant l’enfance », révèle le Pr Serigne Abdou Bâ, chef du service Cardiologie de l’hôpital Le Dantec. Et d’ajouter : « Cette angine entraîne une atteinte articulaire (c’est pourquoi on parle de rhumatisme), puis une atteinte cardiaque ».
Pour le cardiologue, il est important que les gens sachent qu’une angine non ou mal traitée peut se compliquer d’atteintes articulaires qui vont évoluer sans séquelle, mais surtout d’atteintes cardiaques qui vont laisser des séquelles appelées valvulopathies rhumatismales. Lesquelles vont par la suite évoluer pour leur propre compte. C’est pourquoi, « dans la littérature on dit que le rhumatisme articulaire aiguë lèche les artères et mord le cœur ». Simplement, parce que « les atteintes articulaires guérissent sans séquelles, mais les atteintes cardiaques restent ». Et une fois qu’elles sont installées, elles vont évoluer pour la vie. Pis, elles vont s’aggraver avec l’âge. Ainsi, à un certain âge, il faut opérer ces malades.
Cependant, déplore le point focal Cardiologie au ministère de la Santé et de la Prévention, les valvulopathies rhumatismales ont disparu dans les pays développés où elles existaient autrefois. « On a constaté qu’elles avaient commencé à diminuer rien qu’avec l’amélioration des conditions de vie, bien avant l’apparition des antibiotiques », explique le Pr Serigne Abdou Bâ, qui indique qu’avec l’apparition des antibiotiques, les valvulopathies rhumatismales ont été éradiquées dans les pays développés.
Incontestablement, il s’agit de « maladies de la pauvreté, de l’ignorance ». Et le spécialiste en veut pour preuve la manière traditionnelle dont on soigne les angines au Sénégal. Autant de raisons qui justifient que ces maladies persistent encore chez nous. Et ce qui est le plus à craindre réside dans le fait que ces valvulopathies, qui sont un point d’appel à l’infection, peuvent se compliquer et donner ce qu’on appelle une endocardite infectieuse. Cela veut dire que les germes qui sont dans l’organisme, dans les caries dentaires, les sinus peuvent passer dans le sang et venir se greffer sur les valves malades. Ainsi, ils colonisent les valves déjà malades et aggravent les lésions. Et quand on souffre d’une endocardite infectieuse, « c’est au moins 6 semaines de traitement antibiotique, de perfusion, etc. avec une mortalité très élevée », renseigne le cardiologue qui poursuit : « Voilà un problème qui est résolu en Occident et qui est loin d’être résolu dans les pays sous-développés ».
Généralement, ces maladies posent problème, parce que les personnes atteintes sont des cardiaques à vie. Et, il est constaté qu’elles s’attaquent à des sujets jeunes, en particulier des femmes qui sont plus touchées que les hommes. Mais, « on ne sait pas encore les véritables raisons justifiant la forte prévalence des valvulopathies chez les femmes », tient à souligner le spécialiste en Cardiologie.
L’hypertension artérielle, une calamité
Considérée comme la première cause de maladies cardio-vasculaires, si l’on se réfère aux consultations, l’Hypertension artérielle (Hta) est qualifiée de « calamité ». « Les chiffres sont ahurissants », lance le Pr Serigne Abdou Bâ, point focal Cardiologie au ministère de la Santé et de la Prévention. Pour étayer ses propos, il évoque une enquête menée, il y a quelques années à Pikine (banlieue de Dakar) et qui fait état d’une prévalence de 25% d’hypertendus. « Cela veut dire que sur 600.000 personnes habitant cette zone, les 150.000 sont hypertendus ».
Selon le spécialiste en Cardiologie, pour se rendre compte de l’ampleur de l’Hta, il suffit de voir dans l’entourage familial la tante, la grand-mère, la mère, le père, etc. A cet effet, souligne-t-il : « Les chiffres sont pratiquement identiques ». Mais, il précise qu’au « niveau national on n’a pas encore de chiffres. On est en train de réaliser une enquête avec l’Oms qui va fournir les statistiques au niveau national, on aura l’ensemble des facteurs de risque, que ce soit l’hypertension artérielle, le diabète, l’insuffisance rénale, etc. ».
Les cardiopathies ischémiques à l’origine des crises cardiaques
En dehors des cardiopathies rhumatismales et de l’Hypertension artérielle, les cardiopathies ischémiques sont citées parmi les causes des maladies cardio-vasculaires. « Elles sont en émergence et en progression constante dans nos lits d’hospitalisation », indique le cardiologue Serigne Abdou Bâ. Elles surviennent quand les artères qui vascularisent le cœur (artères coronaire) se bouchent ou menacent de se boucher.
Ces cardiopathies ischémiques sont, de manière générale, à l’origine de la crise cardiaque ou infarctus du myocarde.
Pour le Pr Serigne Abdou Bâ, c’est en accumulant les facteurs de risque, qu’on crée des lésions au niveau des artères. « On crée des dépôts au niveau des artères et on les bouche ».
Parmi les facteurs de risque, le spécialiste cite l’Hta, le diabète, le cholestérol, le tabagisme, l’obésité, la sédentarité, le stress... L’accumulation de ces facteurs de risque est liée au mal développement et à l’occidentalisation de notre mode de vie, surtout avec le « matraquage publicitaire ». Donc, « nous courrons tous vers ces maladies qui posent des problèmes de prise en charge, laquelle est extrêmement coûteuse, parce que les maladies cardio-vasculaires sont des maladies chroniques », soutient le point focal Cardiologie au ministère de la Santé et de la Prévention.
Les pays développés, même s’ils ont réglé les cardiopathies rhumatismales se retrouvent maintenant avec les cardiopathies ischémiques qui y constituent la principale cause de morbidité et de mortalité. Mais, dans nos pays, « nous sommes confrontés à un double défi : régler le problème de ces maladies infectieuses, mais aussi celui de ces maladies liées au mal développement », indique le cardiologue.
Myocardites, péricardites, artérites
Le groupe des atteintes myocardites, relatives au muscle cardiaque, à savoir le myocarde, fait également partie des causes des maladies cardio-vasculaires. Pour le Pr Serigne Abdou Bâ, « ce sont des atteintes myocardites aiguës qui peuvent évoluer vers la chronicité. Parfois, ce sont des atteintes secondaires liées à une autre cause comme l’Hta, l’athérosclérose (artère bouchée). Parfois, ce sont des atteintes primitives, dont on ne connaît pas la cause.
A côté des atteintes myocardiques, il y a les atteintes du péricarde ou péricardites.
Les atteintes artérielles comme les artérites avec l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs qui se voit essentiellement chez les fumeurs font également partie des causes. Elle est liée au fait que de l’athérome se dépose dans la paroi artérielle inférieure qui se bouche progressivement.
« C’est ce qui donne la claudication intermittente. Résultat : quand on marche au bout de 100 m, on a une douleur tellement vive qu’on est obligé de s’arrêter, parce que le membre ne reçoit plus suffisamment de sang. En l’absence de traitement, l’artère peut se boucher complètement et le membre peut se nécroser et il s’ensuit une amputation », regrette le Pr Serigne Abdou Bâ pour qui la notion d’athérosclérose est importante, parce que c’est de la « saleté » qui se dépose au niveau de la paroi des artères.
Pour mieux illustrer ces propos, il donne l’exemple des canalisations qui s’encrassent et quand elles se bouchent, tout est bloqué. Quand c’est au niveau du cœur, on parle de coronaropathie ou cardiopathie ischémique. Si c’est au niveau du cerveau, on parle d’Accident vasculaire cérébral ischémique (Avc). Et quand les membres inférieurs sont touchés, c’est une artériopathie oblitérante des membres inférieurs.
Cardiopathies congénitales, anévrismes, maladies veineuses
Les cardiopathies congénitales avec les enfants qui naissent avec une malformation cardiaque constituent également des causes de maladies cardio-vasculaires. Mais, « on les dépiste de plus en plus, parce qu’il y a de plus en plus de spécialistes, même si certaines victimes de ces malformations congénitales meurent à la naissance, parce que la cardiopathie est tellement sévère qu’elle n’est pas compatible avec la vie », relève le Pr Serigne Abdou Bâ.
Comme causes de maladies cardio-vasculaires, les anévrismes artériels et les maladies veineuses sont également indexés. Les anévrismes sont des dilatations qui intéressent les artères, mais essentiellement l’artère aorte.
Comme maladies veineuses, il y a la phlébite qui est un caillot de sang qui se forme au niveau des veines. Le risque de la phlébite est la migration du caillot vers le cœur et le poumon pour donner une embolie pulmonaire qui peut être mortelle.
EMERGENCE DES MALADIES CARDIOVASCULAIRES : La bouche, carrefour de tous les dangers
L’alimentation contribue pour beaucoup au développement des maladies cardio-vasculaires, parce qu’elle conduit au diabète, à l’Hypertension artérielle et partant aux cardiopathies ischémiques.
Trop riche. Trop gras. Trop salé. Telles sont les principales caractéristiques de l’alimentation du Sénégalais. La publicité tapageuse a même changé le goût des Sénégalais. Pourtant, « tout ceci va contribuer à l’obésité, au diabète, à l’Hta et à leurs complications », prévient le Pr Serigne Abdou Bâ, chef du service Cardiologie de l’hôpital Aristide Le Dantec. Selon lui, l’alimentation contribue pour une large part au développement des maladies cardio-vasculaires, parce qu’elle conduit au diabète, à l’Hypertension artérielle et partant aux cardiopathies ischémiques.
Minimisant les effets des épices comme le poivre, le piment qui créent plutôt des palpitations (on peut avoir des palpitations sans être cardiaque), le cardiologue estime, par contre, que quand il y a trop de graisses, ces dernières se déposent au niveau des parois artérielles et contribuent à les boucher.
A propos du cholestérol qui est devenu une hantise, il indique qu’il y a une publicité mensongère qui est faite autour de cette substance grasse provenant des aliments et synthétisée par l’organisme. Selon lui, « toutes les huiles d’origine végétale sont sans cholestérol. Le cholestérol est une graisse d’origine animale. Il est fabriqué à 70% par l’organisme de l’individu et 30% vient de son alimentation ».
Cependant, même si les huiles végétales sont sans cholestérol, le fait de les chauffer les détruit. « On les altère et cela peut produire d’autres graisses ». Il conseille également d’éviter les huiles qui se figent en se refroidissant.
Pour lutter contre le cholestérol, il existe bien des molécules, mais ces dernières viennent, selon le spécialiste, après le régime. Lequel doit être moins riche en graisses. Il doit comprendre moins de viande rouge, plus de viande blanche, plus de poisson, « mais le poisson n’est jamais frit », plus de légumes. En plus, on doit faire beaucoup d’exercice physique.
Quand on accepte de suivre ce régime, on peut baisser le taux de cholestérol. Sinon, on est obligé de prendre des médicaments. « Mais, ils coûtent chers. Une boite tourne autour de 20.000 FCfa ».
CRISE CARDIAQUE : La recrudescence des morts subites
Les crises cardiaques, qui deviennent de plus en fréquentes, sont à l’origine des morts subites souvent constatées à domicile.
S’agissant des victimes de maladies cardio-vasculaires qui meurent à domicile, le Pr Serigne Abou Bâ fait savoir que ce sont essentiellement les cardiopathies ischémiques (infarctus ou crise cardiaque) qui sont à l’origine de ces morts subites. Et très souvent, c’est au moment où l’infarctus se constitue que le sujet (surtout l’adulte) meurt très rapidement de troubles de rythme cardiaque. « Ces morts subites peuvent arriver sans signes prémonitoires, parce que l’infarctus peut être la première manifestation de la maladie coronaire. Et quand on fait un infarctus, on fait beaucoup de troubles de rythmes ou de la conduction. Soit le cœur s’accélère trop et s’arrête (troubles du rythme), soit il se ralentit trop (trouble de la conduction) et s’arrête ».
Si aujourd’hui, les morts subites à domicile deviennent de plus en plus fréquentes, c’est parce que les cardiopathies ischémiques sont plus fréquentes. « Les gens accumulent les facteurs de risque et ne font pas de la prévention », déplore le chef du service Cardiologie de l’hôpital Le Dantec. Et il conseille le dépistage quand on a les facteurs de risque de maladies coronaires.
A domicile, le Pr Serigne Abdou Bâ recommande aussi quand une personne fait une mort subite, premièrement d’appeler au secours et deuxièmement de masser le cœur de la victime. Malheureusement, à ce niveau, les populations ne sont pas suffisamment sensibilisées sur ces premiers gestes qui sauvent. « Il y a un réel problème d’éducation », déclare-t-il.
ACCIDENT VASCULAIRE CEREBRAL : Principale cause de handicaps et séquelles
Alors que la poliomyélite est plus ou moins réglée, les Avc constituent aujourd’hui les principales causes de handicap dans nos pays.
Les handicaps et les séquelles sont les plus à craindre en cas de maladies cardio-vasculaires. Ces derniers sont liés, selon Serigne Abdou Bâ, spécialiste en Cardiologie au fait que quand quelqu’un est victime d’un Avc, un vaisseau est bouché au niveau du cerveau. De ce fait, une partie du cerveau ne reçoit plus de sang. « Cette partie qui commandait la moitié du corps ne commande plus rien. Et on se retrouve avec une paralysie de l’hémicorps. C’est la conséquence de l’Accident vasculaire cérébral. Résultat : la victime n’est plus apte à la production », se désole le point focal Cardiologie au ministère de la Santé et de la Prévention.
Ainsi, les Avc sont-ils actuellement les principales causes de handicap dans nos pays, parce que, pour le Pr Serigne Abdou Bâ, on a plus ou moins réglé le problème de la poliomyélite. Pour cette raison, déclare-t-il : « Les handicapés qu’on voit souvent sont des traumatisés ou des cardiaques ».
Dans le même sillage, il souligne que les malades qui ont une cardiopathie évoluée, c’est-à-dire qui sont en insuffisance cardiaque sont incapables de fournir le moindre effort. « Même pour se baigner, ils sont essoufflés. Ils ne peuvent pas marcher jusqu’à la porte, s’habiller correctement. Donc, ces gens-là ne peuvent pas travailler », indique le spécialiste en Cardiologie qui estime que « toutes ces maladies cardiaques évoluent inexorablement vers une insuffisance cardiaque ».
Pour éviter que ces handicaps ne s’installent, le cardiologue insiste sur la nécessité de faire de la prévention, une prise en charge précoce. « C’est pourquoi, nous conseillons aux malades hypertendus, par exemple, de respecter leur traitement et d’éviter de fatiguer le cœur ».
INFORMATION, EDUCATION, COMMUNICATION : Une synergie des actions pour gagner la bataille de la sensibilisation
Pour sensibiliser les populations afin de faire prendre conscience du danger que constituent les maladies cardio-vasculaires, le Pr Serigne Abdou Bâ estime que tout le corps médical doit se mobiliser avec les cardiologues en tête. « Nous voulons faire de l’information pour que les gens sachent ! », lance-t-il avant de donner l’exemple des journées médicales, qui sont de véritables séances d’information, de sensibilisation.
« C’est important que les gens comprennent. Si aujourd’hui, toutes les mères intègrent, par exemple, qu’une angine non ou mal traitée peut conduire à une maladie cardio-vasculaire, cela peut changer les choses. Si on dit aux femmes qu’il ne faut pas trop saler les repas, trop mettre de gras et que l’obésité est un critère de maladie et non de beauté, peut-être qu’on pourra à la longue changer la mentalité », indique le Pr Serigne Abdou Bâ, qui insiste sur la nécessité de faire de la prévention, de sensibiliser, d’information, d’éduquer, de communiquer. Si cette stratégie est mise en avance, c’est parce que le spécialiste est convaincu que « jamais nous n’aurons les moyens pour combattre efficacement les maladies cardio-vasculaires ». Pour cette raison, il estime que la prévention est la pierre angulaire de la prise en charge des maladies cardio-vasculaires.
Il est important, selon lui, de « normaliser les chiffres de pression artérielle, d’équilibrer le diabète, de diminuer le taux de cholestérol, d’éviter l’obésité en essayant de se rapprocher le plus du poids idéal, de faire de l’exercice physique régulièrement. Enfin, d’arrêter le tabac et de lutter contre le stress ».
STRUCTURES DE PRISE EN CHARGE : Vers plus de décentralisation
Concernant les structures de prise en charge des maladies cardio-vasculaires, le Pr Serigne Abdou Bâ informe qu’il existe 3 services de Cardiologie à Dakar et un service de chirurgie cardiaque. Dans les régions, 8 sur 11 ont un cardiologue dont 3 à Thiès, 1 à Mbour, 1 à Touba, 1 à Kaolack, 1 à Saint-Louis et 1 à Ziguinchor. « On essaie de faire que dans chaque région, il y ait un service Cardiologie ».
Cependant, il se pose un problème d’équipement des structures de prise en charge des maladies cardio-vasculaires, parce que ce sont des structures très techniques qui demandent des moyens de diagnostic parfois onéreux. Et le point focal Cardiologie au ministère de la Santé et de la Prévention fait surtout allusion à la salle de coronarographie dont le Sénégal a grandement besoin, parce qu’elle « permet de voir les artères afin de pouvoir déboucher celles qui sont bouchées. C’est important de voir comment sont les artères avant d’opérer ». Et c’est là l’une des limites de la chirurgie cardiaque au Sénégal. Donc, la Cardiologie étant une spécialité très technique, les moyens doivent suivre, surtout cette salle de coronarographie qui, aux yeux du Pr Serigne Abdou Bâ, est « une question de fierté, de dignité nationale ».
Au-delà de cette salle, il estime aussi qu’il est important de faire avancer le projet de l’Institut du cœur à Dakar.
S’exprimant sur l’importance de la chirurgie cardiaque, le cardiologue Serigne Abdou Bâ fait savoir qu’elle permet d’opérer maintenant les malades sur place, d’autant qu’ils ne peuvent pas tous être évacués, parce que la chirurgie cardiaque est coûteuse. Donc, son implantation contribue à diminuer les évacuations vers l’Europe ou le Maghreb, de même que les coûts, tout en évitant aux malades le dépaysement.
« Nous encourageons cette chirurgie qui est installée et qui a une activité qui va crescendo », soutient le Pr Bâ.
FORMATION : 22 Sénégalais dans le circuit
Les maladies cardio-vasculaires étant des maladies chroniques, bien des difficultés sont rencontrées dans leur prise en charge. Et pour cause : les malades sont généralement pauvres et la chronicité de la maladie contribue à la paupérisation parce que les médicaments coûtent chers. Pour cette raison, le Pr Serigne Abdou Bâ estime que le « défi de la prise en charge est énorme ».
Espérons que les cardiologues, qui sont en train d’être formés au Sénégal par le biais du Ces (Certificat d’études spéciales) de Cardiologie, qui existe depuis 1982, pourront un jour y faire face. En tout cas, révèle le Pr Serigne Abdou Bâ, 60 cardiologues de 22 nationalités sont en formation à Dakar. Mais, il souligne que la formation est longue, ce qui décourage ceux qui n’ont pas de moyens, parce qu’il faut 4 ans après le Doctorat.
S’agissant spécifiquement du Sénégal, il précise qu’actuellement, 9 internes et 13 étudiants du Ces sont en formation. Au total, ils sont donc 22 Sénégalais à suivre une formation en Cardiologie. « Nous espérons que d’ici 2 ans, on aura au moins un cardiologue dans chaque région ». Tout comme des efforts sont en train d’être faits pour impliquer les médecins généralistes, les infirmiers dans le cadre de la formation médicale continue pour la prise en charge des affections cardio-vasculaires.
« Nous travaillons en synergie. Nous sommes en train de faire des enseignements post-universitaires et nous allons vers l’édification de recommandations sur la prise en charge de ces maladies », informe le chef du service Cardiologie de Le Dantec.