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Mahmout SALEH, ancien ministre-conseiller du président : ‘L’aéroport Blaise Diagne est géré dans une opacité absolue’

Le patron du Nouveau parti (Np), pour autant qu’il continue de se réclamer de la mouvance présidentielle, n’en est pas moins critique à l’encontre des tenants du pouvoir dans la gestion du pays. Après avoir fait le bilan de son action auprès du président Wade en tant que conseiller, Mahmout Saleh fustige, dans l’entretien qu’il nous a accordé, les différents scandales financiers qui ont jalonné la gouvernance du régime de l’alternance. D’ailleurs, soutient-il, c’est pour éviter de les accompagner dans leur politique de démantèlement du Sénégal que lui, Saleh, a préféré prendre ses distances vis-à-vis de ceux qu’il appelle les fossoyeurs de la République.


Rédigé par leral.net le Vendredi 22 Août 2008 à 15:53 | | 2 commentaire(s)|

Mahmout SALEH, ancien ministre-conseiller du président : ‘L’aéroport Blaise Diagne est géré dans une opacité absolue’
Wal Fadjri : Vous avez été ministre-conseiller auprès du président de la République. Quel bilan tirez-vous de votre collaboration avec ce dernier ?

Mahmout Saleh : J’ai eu, en effet, à faire partie du cabinet du président à sa demande. Je me dois, d’ailleurs, de rappeler que c’était la sixième fois que le président m’appelait pour me proposer de venir dans son cabinet. Et la dernière fois qu’il m’a appelé, c’était en juillet 2006, un dimanche, chez lui. Il m’a fait comprendre qu’il avait vraiment besoin de m’avoir à ses côtés parce que, disait-il, je développais des idées qu’il trouvait intéressantes pour le pays et il voulait qu’on essaie de voir comment les traduire en politique. Ce jour-là, il m’a clairement dit qu’il n’accepterait pas que je refuse. Je lui ai même suggéré d’aller plus loin dans la nomination s’il ressentait le besoin de me voir à ses côtés de façon aussi pressante. Je lui ai dit : Pourquoi ne pas faire de moi quelque chose d’autre qu’un conseiller simple ?

Il faut dire que quelque part, j’ai quand même des rapports particuliers avec le président. C’est ainsi qu’il m’a fait comprendre qu’on commence d’abord par conseiller spécial ou ministre-conseiller, selon mon choix. Mais je ne savais pas distinguer ce que l’un et l’autre statut recoupaient. Et finalement, on a retenu qu’il me nomme ministre-conseiller et, selon ses propres termes, pour commencer. Parce que pense-t-il ainsi me protéger de certains secteurs, probablement du pouvoir, qui verraient d’un mauvais œil une promotion aussi fulgurante d’un type comme Mahmout Saleh qui n’était pas en odeur de sainteté dans certains cercles du pouvoir.

Wal Fadjri : Et vous vous êtes bien retrouvé dans ce schéma…

Mahmout Saleh : J’ai été fonctionnel dès le lendemain matin de ma nomination. Je crois que j’étais l’un des rares ministres-conseillers, à l’époque, qui disposaient de logistique parce qu’il y a beaucoup de conseillers du président (simples, spéciaux ou ministres) qui ne disposent pas de logistique. Cela témoignait de l’intérêt qu’il me portait.

Wal Fadjri : En tant que ministre-conseiller, quel a été, concrètement, votre travail auprès du président Wade ?

Mahmout Saleh : Ma première mission en tant que telle, c’était de rapprocher l’Etat et les cheminots de Transrail qui étaient en grève et qui dénonçaient à l’époque la convention qui liait les Canadiens et l’Etat sénégalais. C’est moi qui suis à l’origine de l’audience que le président a accordée aux cent cinquante cheminots. Il faut dire que je me suis surtout auto-saisi des questions que j’estimais d’intérêt national, questions sur lesquelles je travaillais et je soumettais au président le fruit de mes réflexions. C’est vrai que j’ai fait l’objet d’imputation de certains dossiers, mais que je jugeais mineurs. Je ne me suis jamais occupé de dossiers qui ne présentaient pas un intérêt particulier pour le pays parce que mon statut était particulier. J’étais différent des autres conseillers classiques.

Wal Fadjri : C’est ainsi que vous vous êtes auto-saisi de l’affaire Asecna ?

Mahmout Saleh : Je me suis saisi de la question de l’Asecna mais avant cette affaire, je me suis saisi d’autres dossiers. Je dois dire qu’il y a des dossiers qui m’ont marqué parce qu’ils m’ont permis de connaître des choses qui se passent dans ce pays et qui sont inacceptables. J’ai deux illustrations, il s’agit du dossier Icotaf et de celui de la Socosac.

Le paradoxe d’Icotaf (industrie textile naguère florissante, mais en proie actuellement à des difficultés financières, Ndlr) est qu’elle est sans statut. Une dame (Mme Oumou Salamata Tall, Ndlr) s’est autorisée à la reprendre. On dit que c’est un don de l’ancien président, on dit que c’est un contrat de gestion qui la lie à Icotaf originelle. Mais en fait, elle a mis en place une société dont elle exploitait un patrimoine qui ne lui appartenait pas (…). Puisque les travailleurs étaient employés de la société d’exploitation, quand cette dernière a été mise en liquidation, ces travailleurs ne pouvaient s’accrocher sur rien parce que cette société n’est pas propriétaire du patrimoine d’Icotaf. C’est ainsi que je me suis auto-saisi de ce dossier et j’en ai informé le président. Mais, par la suite, on m’a empêché d’aller plus loin dans la gestion de cette affaire qui constitue un scandale.

Wal Fadjri : Qui vous en a empêché ?

Mahmout Saleh : Un dispositif qui est interne à la présidence de la République qui essaie d’orienter les dossiers vers les gens complaisants et qui évite qu’ils atterrissent dans des mains comme les miennes. C’est grave parce que, concernant Icotaf, ce sont des centaines de pères de famille qui squattent quotidiennement les lieux et qui sont dans des situations de désespoir absolu. Même si l’Etat n’est pas supposé être le propriétaire d’Icotaf, il a l’obligation de prendre en charge cette question qui a une dimension sociale avérée. J’ai même eu à interpeller l’Agence judiciaire de l’Etat pour qu’on me donne la géographie du capital originel d’Icotaf pour voir sur qui taper et permettre aux travailleurs de savoir vers qui aller pour réclamer leur dû, mais en vain. Jusqu’à présent, j’attends une réponse qui ne vient pas.

Le deuxième dossier, c’est celui de la Socosac. Cette société est en cessation d’activité depuis 1993. La Socosac n’est ni en liquidation ni en règlement judiciaire. Et depuis 1993, les travailleurs sont là, on ne leur a rien signifié (…). C’est le cas, également, à Africamer où des centaines d’employés sont en chômage forcé sans aucune autre forme de procès. Ce sont des dossiers qui me tenaient à cœur et j’en ai informé le président de la République, mais en vain. En rapport, toujours, avec mon bilan en tant que ministre conseiller, laissez-moi vous dire que j’ai aussi saisi le président sur d’autres questions d’intérêt national comme politiques. Il y a un an et demi, j’ai saisi le président pour lui suggérer de convoquer les assises sur le coût de la vie pour identifier les éléments explicatifs de la situation que l’on vit actuellement. J’ai été jusqu’à lui proposer un comité national pour le dialogue politique à l’image de ce qui a été fait au niveau social. Si je me mettais à énumérer les sujets sur lesquels j’ai été amené à saisir le président, on n’en finirait pas. Parce que j’avais une conception particulière de ma mission à ses côtés pour l’aider à comprendre la situation et l’orienter dans ses choix.

Wal Fadjri : Votre démarche n’est-elle pas paradoxale dans la mesure où vous avez continué à jouer le rôle de conseiller qui n’était pas écouté jusqu’à ce qu’on vous limoge pour avoir critiqué les proches du président ?

Mahmout Saleh : Il ne s’agit pas d’une démarche paradoxale. Le rapport du conseiller au patron est tout à fait particulier. C’est un rapport de suggestion, de mise à niveau de l’information. L’utilisation est cependant laissée à l’appréciation du président. Il n’a pas obligation de prendre en compte tout ce que lui suggère son conseiller. Donc je ne pouvais pas me déterminer parce que tout simplement le président ne reprenait pas mes avis.

Wal Fadjri : Mais vous avez eu quand même à relever des scandales par rapport à la gestion du pays. N’était-ce pas suffisant pour rendre le tablier ?

Mahmout Saleh : Tout à fait. Parce que des scandales, ce n’est pas ce qui manque dans ce pays. Malgré tout, je n’ai pas démissionné parce que ma présence et celle de certains autres comme moi auprès du président me semblaient très importantes. Nous étions animés par une volonté de servir le pays et de protéger le président contre certaines personnes qui sont dans son entourage et qui y sont pour des intérêts n’ayant rien à voir avec ceux du pays. Donc c’était un rapport de force interne qui n’était pas favorable à des gens comme Mahmouth Saleh qui ont fini par le payer cash. Mais je crois que l’action politique, c’est aussi cela.

J’ai eu à dénoncer des situations que j’estimais inacceptables. Des gens à qui on donne des dizaines de milliards au compte du financement pour l’emploi et qui mettent ces entreprises en faillite sans rembourser l’argent prêté. Combien de milliards l’Etat a-t-il donné à des gens qui étaient censés ramener le textile sénégalais au niveau où il était avant-hier ? C’est le cas de la Sotexka à Louga, de l’Indosen à Kahone, de Nsts à Thiès. Ce sont des milliers d’emplois qu’on a supprimés alors qu’au même moment, on a alloué des dizaines de milliards aux supposés repreneurs. C’est inacceptable ! Et je l’avais dénoncé quand j’étais à la présidence de la République. Il est vrai que cela ne plaisait pas à certains parce que des cercles du pouvoir sont derrière ou à côté de ces gens qui bénéficient des milliards du contribuable sénégalais à des fins d’enrichissement personnel. Comment comprendre que quelqu’un puisse disposer de plusieurs dizaines de milliards pour le compte d’une entreprise et qui, en réalité, ne crée rien du tout ? Ce sont malheureusement des cas similaires qui sont récurrents dans le pays et que je dénonce. Notre présence à la présidence de la République dérangeait donc. Parce que ça nous mettait en situation de connaître beaucoup de choses, de disposer d’informations qu’on aurait préféré cacher aux Sénégalais. J’étais une sorte de bombe installée entre leurs sacs à la présidence de la République. Il fallait donc écourter ma présence à la présidence. On a alors profité d’une situation où j’ai eu à faire une sortie publique, dénonçant ce qui m’apparaît être des dérives dans la gestion du pays pour se débarrasser de moi.

Rappelez-vous, j’avais annoncé que des dépenses étaient effectuées en toute illégalité. J’avais même interpellé l’Etat pour qu’il nous donne le niveau des dépenses effectuées dans l’illégalité. J’avais demandé la qualification des rapports entre l’Anoci et le Trésor public et je m’étais autorisé à parler au nom de Macky Sall concernant une sortie que l’ancien Premier ministre Idrissa Seck avait faite à son endroit. Semble-t-il que le président a été amené à se séparer de moi parce qu’on lui aurait dit que je m’attaque à son fils, que je me suis autorisé à parler au nom du président de l’Assemblée nationale. Ce qui, pour eux, était inadmissible. Voilà donc comment mon départ de la présidence a été organisé par des gens que ma présence gênait énormément. J’avoue que je n’ai pas quand même rendu la tâche facile au président de la République. J’aurais pu accepter de rester à ses côtés en arrêtant ces actes politiques que je menais. Ce que je n’ai pas fait, parce que je pensais que je devais toujours être quitte avec ma conscience, fidèle à mes principes et à mes convictions. Donc, ce que je disais, j’y croyais. Ce n’était pas lié à un contexte ou à une situation. Mais après tout, je reste convaincu que le président Wade a été contraint de se séparer de moi.

Wal Fadjri : Avez-vous eu à interpeller le président sur l’immixtion de son fils dans quasiment tous les projets à scandale ?

Mahmout Saleh : Non. Je ne me suis jamais autorisé à lui parler de cela.

Wal Fadjri : Vous redoutiez quelque chose ?

Mahmout Saleh : Ce n’était pas par peur d’évoquer le cas Karim Wade. Je n’en voyais pas l’utilité d’en parler avec le président de la République. Il y avait d’autres sujets plus urgents.

Wal Fadjri : Le fils du président est cité dans des affaires aussi variées que l’Anoci, l’aéroport international Blaise Diagne de Diass, le terminal à container accordé à Dubaï Port World au détriment du Groupe Bolloré, l’octroi opaque de la troisième licence de téléphonie mobile. Cette immixtion dans tous les grands projets n’est-elle pas aux antipodes de la bonne gouvernance et ne méritait-elle pas d’être portée à la connaissance du président ?

Mahmout Saleh : Il est évident que la façon avec laquelle ces dossiers ont été gérés, a soulevé beaucoup de problèmes. Par exemple, le fait d’avoir expulsé le Groupe Bolloré de la gestion des activités aéroportuaires en faveur de Dubaï, c’était quelque chose qu’il faut dénoncer. Les conditions d’opacité dans lesquelles les choses ont été faites, sont contraires à la gestion des affaires publiques. A l’époque, d’ailleurs, je l’avais dénoncé. Sur la question de Sudatel, c’est pareil. Cela n’a pas fait l’objet d’appel d’offres. On se réveille un beau jour, on nous informe que la troisième licence a été vendue à 90 milliards de nos francs qu’on a, semble-t-il, reçus par chèque. Mais, le problème, aujourd’hui, est qu’on ne sait pas où cet argent a été mis. Jusqu’au jour où nous parlons, cela n’a pas fait l’objet d’une loi rectificative montrant que l’argent a été intégré dans le budget national. Il serait intéressant qu’on nous éclaire sur la destination de ces 90 milliards.

Pour ce qui est de l’aéroport Blaise Diagne, il est heureux que les bailleurs aient été vigilants parce que c’est une société privée qui est à l’origine de ce projet et avec des capitaux privés, avec une part insignifiante de l’Etat. On a emprunté, au nom du peuple sénégalais, de l’argent qui est censé réaliser l’aéroport qui devient un patrimoine d’une société privée (…). Heureusement que la Banque mondiale a tapé sur la table et on a reformulé la configuration du capital pour faire de l’Etat, l’actionnaire majoritaire. Il est vrai que ces différents dossiers ont été gérés dans une opacité absolue pour des intérêts qui n’ont rien à voir avec ceux du peuple sénégalais. Mais cela, nous l’avons dénoncé.

Wal Fadjri : Au regard des actions que vous avez menées auprès du président, n’avez-vous pas le sentiment que votre nomination obéissait plus à des préoccupations politiques qu’à la volonté de bien faire ? N’était-ce pas une façon de vous neutraliser ?

Mahmout Saleh : Ah oui, je pense qu’on n’est pas loin de ça. De toute façon, une nomination, dans quelque position que ce soit, est forcément politique. Donc, c’était bel et bien pour des raisons politiques que j’ai été appelé par le président. Cela, j’en suis conscient. Comme vous le dites, c’était plus pour me neutraliser qu’autre chose (rires). Mais cela est normal dans l’action politique. En tout cas, pour ce qui me concerne, j’ai, autant que faire se peut, essayé de rester moi-même pendant toute la période que je suis resté à ses côtés. Je lui ai dit ce que je pensais de la gestion du pays et donné ma lecture de la situation. J’ai assumé ma part de responsabilité. Je n’ai jamais été mêlé de près ou de loin à quelque combine que ce soit. Je me suis jamais soumis à leur desiderata. Je n’ai jamais accepté de les accompagner dans leur politique de démantèlement du Sénégal. Je suis quitte avec ma conscience.

Wal Fadjri : A quoi faites-vous référence quand vous parlez de leur politique de démantèlement ?

Mahmout Saleh : C’est ce que les politiques des gouvernements de l’alternance ont produit comme situation. Ce que nous vivons est la conséquence de toute une politique. Ce n’est pas conjoncturel, ce n’est pas le fait du hasard. De 2000 à 2004, rien de significatif a été fait pour le pays. De 2004 à 2006, il y a eu un intermède où de bonnes choses ont été relativement faites. Mais depuis cette date jusqu’à maintenant, c’est la catastrophe.

(A suivre) Propos recueillis par Georges Nesta DIOP et Aguibou KANE

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1.Posté par SASSOUMANE le 22/08/2008 17:59 | Alerter
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FERMES TA GUELLE ! TU N'A RIEN N'A DIRE TU ES COMME EUX.

2.Posté par kl le 23/08/2008 20:17 | Alerter
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un peu respect pour mr le president merci

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