Substitut du procureur de la République à Kati, dans les environs de Bamako, Malick Coulibaly a préféré démissionner, plutôt que d'exécuter un ordre injuste, donné par une hiérarchie indigne. Une affaire de recel de carcasse d’un bœuf écrasé dans la circulation. Le prévenu est un petit boucher, aussitôt placé en détention, et le plaignant, un homme d’affaires riche, donc influent.
En attendant que l’affaire soit jugée, la défense du boucher fait une demande de liberté provisoire, à laquelle accède le substitut du procureur. Mais en pleine audience, la hiérarchie fait appeler le magistrat pour lui ordonner de faire appel d’une décision qu’il a lui-même voulue, juste pour maintenir le boucher en détention. « Je me suis senti impuissant, dit Malick Coulibaly. Quand on ne peut pas grand-chose contre un système…, moi, je préfère abandonner. »
Le courage de ce magistrat inspire le respect et trouve écho au-delà du Mali. Car la corruption des juges est un des fléaux qui gangrènent le plus ce continent. Contre de l’argent ou des avantages indus, des hommes de loi laissent en liberté de parfaits criminels et maintiennent en détention ceux qui n’ont pas les moyens de payer. Même lorsque la procédure ne nécessite plus la prolongation de la détention, il est des magistrats qui ne concèdent la libération provisoire que contre des dessous de table. Certains d’entre eux ont leurs propres commerciaux, pour démarcher les plus solvables des justiciables. Ainsi, les pistes sont brouillées, puisque les victimes ne traitent jamais directement avec le juge.
Faut-il sans cesse le rappeler ? L’exemplarité de la justice est une des conditions essentielles du développement. Et la foi du citoyen dans son pays requiert une justice fiable, fondamentale pour la démocratie.
Dans un pays normal – et l’on ne désespère pas que le Mali en soit –, c’est le supérieur indigne qui se serait retrouvé devant un conseil de discipline. Il aurait même été contraint d’aller exercer ailleurs ses talents maffieux… Qu’adviendra-t-il, lorsque les projecteurs se seront détournés de Malick Coulibaly ? Ceux qui se sont sentis déshonorés par sa bravoure voudront sans doute lui régler son compte. C’est là, souvent, le sort tragique qui guette ces héros anonymes qui risquent leur carrière pour l’état de droit. La vie est bien plus facile pour ceux qui acceptent de rentrer dans le jeu de la corruption.
Mais, comme le disait naguère le Sénégalais Kéba Mbaye, immense magistrat qui a, lui aussi, démissionné un jour pour ne pas avoir à cautionner des fraudes électorales dans son pays, ceux qui sauveront l’Afrique sont ceux qui auront accepté d’avoir faim, sans se croire, pour autant, obligés de sacrifier la justice et une certaine morale au profit de leur ventre.
En attendant que l’affaire soit jugée, la défense du boucher fait une demande de liberté provisoire, à laquelle accède le substitut du procureur. Mais en pleine audience, la hiérarchie fait appeler le magistrat pour lui ordonner de faire appel d’une décision qu’il a lui-même voulue, juste pour maintenir le boucher en détention. « Je me suis senti impuissant, dit Malick Coulibaly. Quand on ne peut pas grand-chose contre un système…, moi, je préfère abandonner. »
Le courage de ce magistrat inspire le respect et trouve écho au-delà du Mali. Car la corruption des juges est un des fléaux qui gangrènent le plus ce continent. Contre de l’argent ou des avantages indus, des hommes de loi laissent en liberté de parfaits criminels et maintiennent en détention ceux qui n’ont pas les moyens de payer. Même lorsque la procédure ne nécessite plus la prolongation de la détention, il est des magistrats qui ne concèdent la libération provisoire que contre des dessous de table. Certains d’entre eux ont leurs propres commerciaux, pour démarcher les plus solvables des justiciables. Ainsi, les pistes sont brouillées, puisque les victimes ne traitent jamais directement avec le juge.
Faut-il sans cesse le rappeler ? L’exemplarité de la justice est une des conditions essentielles du développement. Et la foi du citoyen dans son pays requiert une justice fiable, fondamentale pour la démocratie.
Dans un pays normal – et l’on ne désespère pas que le Mali en soit –, c’est le supérieur indigne qui se serait retrouvé devant un conseil de discipline. Il aurait même été contraint d’aller exercer ailleurs ses talents maffieux… Qu’adviendra-t-il, lorsque les projecteurs se seront détournés de Malick Coulibaly ? Ceux qui se sont sentis déshonorés par sa bravoure voudront sans doute lui régler son compte. C’est là, souvent, le sort tragique qui guette ces héros anonymes qui risquent leur carrière pour l’état de droit. La vie est bien plus facile pour ceux qui acceptent de rentrer dans le jeu de la corruption.
Mais, comme le disait naguère le Sénégalais Kéba Mbaye, immense magistrat qui a, lui aussi, démissionné un jour pour ne pas avoir à cautionner des fraudes électorales dans son pays, ceux qui sauveront l’Afrique sont ceux qui auront accepté d’avoir faim, sans se croire, pour autant, obligés de sacrifier la justice et une certaine morale au profit de leur ventre.